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Blanc


Étymologie :

  • BLANC, BLANCHE, adj. et subst.

Étymol. ET HIST. I.− Adj. A.− 1. a) 950-1000 « de la couleur de la neige, sans aucune teinte » blanc vestimenz (Passion de Clermont-Ferrand, 396, éd. D'Arco Silvio Avalle, p. 119) ; b) 1174 « vêtu de blanc » relig. freres blancs (G. de Pont-Sainte-Maxence, Vie de Saint Thomas, 1966 dans T.-L.) ; 2. ca 1100 « brillant et de la couleur de l'argent » (Chanson de Roland, éd. J. Bédier, 2316) ; d'où armes blanches (v. arme). B.− Absence de qqc. 1. a) 1172-75 « peu ou pas coloré » vin blanc (Chrétien de Troyes, Chevalier à la Charette, éd. M. Roques, 991) et en partic. b) xive s. « pâle » blanc de paour (Froissart, II, III, 13 dans Littré) ; 2. a) [ca 1180 a.flam. « non terni, propre » (d'apr. FEW t. 15, 1, p. 138b)] ; xvie s. « id. » main blanche (D'Aubigné, Trag., V dans Gdf. Compl.) ; b) 1678-79 « innocent » (La Fontaine, Fables, VII, 1 dans Littré) [c'est le subst. au sens de « dupe » qui est attesté dans le jargon de la Coquille chez Villon (P. Guiraud, Le Jargon de Villon, Paris, Gallimard, 1968, p. 50) et non pas l'adj. comme l'indique FEW t. 15, 1, p. 139a]. II.− Subst. A.− 1. Ca 1100 « couleur blanche » (Chanson de Roland, éd. J. Bédier, 1934) ; 2. ca 1340 « matière colorante blanche » blanc d'Espaingne (Dialog. fr.-flam., fo7c dans Gdf. Compl.) ; 3. a) xvie s. à blanc « jusqu'à devenir blanc » (Amyot, Pomp. 99 dans Littré : [...] leur harnois fourbis à blanc). B. − 1. a) Ca 1210 « partie blanche de l'œil » (Raoul de Houdenc, Meraugis de Portlesguez, 4726 dans T.-L. : Ovri les ieuz, si l'esgarda Mout fierement, et en poi d'ore Li retorna li blans desore. Un plaint giete, si s'en revet) ; b) ca 1256 li blans des iex (Aldebrandin de Sienne, éd. L. Landouzy et R. Pépin, 48, 8) ; c) ca 1265 li blans d'un uef (Brunet Latin, Le Livre du Trésor, 112 dans T.-L.) ; d) [xive s. d'apr. FEW t. 15, 1, p. 145a] 1534 blanc de chappon (Rabelais, Gargantua, I, 39 dans Littré) ; 2. ca 1230 « étoffe blanche » (Guillaume Le Clerc, Fergus, 16, 13 dans T.-L. : unes braies de blanc) − xive s., E. Deschamps, Poés., éd. G. Raynaud, 9, 43 ; 1866 comm. Magasin de blanc (Lar. 19e) ; 3. a) 1306 « marge, partie non écrite » dans Du Cange, s.v. album ; b) 1657 en blanc « se dit d'un document où les termes essentiels sont laissés en blanc » (Pascal, Prov. 17 dans Littré) ; c) 1751 typogr. (Encyclop.) ; 4. a) 1507-08 « espace blanc du centre d'une cible » d'où « but » (Eloy d'Amerval, Le Livre de la Deablerie, éd. Charles-Fréd. Ward dans IGLF : Je vueil que tu frappes au blanc) ; 1540 « cible » (B. de La Grise, trad. de Guevara, L'Orloge des Princes, II, 33 dans Hug.) d'où b) 1690 de butte en blanc (Fur.) au propre et au fig. v. aussi but. 5. 1678-79 « homme de race blanche » (La Fontaine, éd. A. Régnier, Gds Ecrivains de France, t. 10, p. 96). Du germ. *blank « blanc » (Brüch, p. 68, 100 ; REW3, n°1152 ; FEW t. 15, 1, p. 146) à rattacher à l'ags. blanca et à l'a. nord. blakkr « pâle, blanc tirant sur le jaune (surtout d'un cheval) » (De Vries Anord.) ; le germ. est directement passé dans les domaines gallo-rom. (a. prov. blanc, xiie s. dans Rayn. t. 1, p. 222) et ital. (lat. médiév. blancus, ca 942 dans Arnaldi, Latinitatis italicae medii aevi lexicon, 1939 ; it. bianco xiiie s. dans DEI) ; l'a. cat. blanc (1176 dans Alc.-Moll) est de même plus prob. issu directement du germ. qui empr. à l'a. prov. ; ainsi l'aire géogr. du mot exclut l'hyp. d'une orig. frq. Cf. les nombreux termes de couleur empr. au germ., v. bleu, blond, brun, fauve, gris ; d'apr. Brüch, loc. cit., blanc aurait été comme ces 3 derniers termes, employé par les soldats germains pour qualifier les chevaux. Il a éliminé les 2 adj. lat. albus « d'un blanc mat » et candidus « d'un blanc éclatant ».


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

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Symbolisme :


Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version très catholique dix-neuviémiste des équivalences symboliques, ce qu'on ne peut évidemment lui reprocher :


COULEUR BLANCHE.


EMBLÈME. Bonne foi - Innocence - Candeur - Pureté.

Les prêtres des temps anciens, chez les Egyptiens, les Hébreux , les Grecs et les Romains portaient des tuniques et des robes blanches, pour montrer la pureté des mœurs que leur devoir sacré, ainsi que la mission toute sainte qui leur était confiée, leur imposait ; c'est encore aujourd'hui la couleur adoptée par le chef de l'église catholique, le souverain Pontife. Le blanc a toujours été et sera toujours la parure la plus recherché pour les jeunes vierges, aussi est-ce là celle quelles choisissent de préférence lorsqu'elles vont devant les saints autels pour y accomplir la première fois un des plus saints devoirs de la religion : la communion. Ce jour-là toutes les jeunes filles sont vêtues de blanc, symbole de la pureté de leur âme. Souvent une mère voue au blanc et à la vierge son enfant chéri, dans l'espérance que cette couleur de l'innocence lui servira d'égide et le préservera des écueils terribles qui assiègent nos premières années.

Dans l'antiquité la couleur blanche était considérée comme un signe de foi, et l'on s'en parait dans les festins. Les Grecs et les Romains. qui depuis longtemps avaient porté le deuil en noir, le portèrent en blanc sous les empereurs. A Rome quand un jeune ambitieux aspirait à de hautes fonctions, il se revêtait d'une robe blanche pour se présenter au peuple et au sénat, et c'est de là qu'est venu le nom de candidat.

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Frédéric Portal, auteur de l'ouvrage intitulé Des couleurs symboliques dans l'antiquité : le moyen-âge et les temps modernes. (Treuttel et Würtz, 1857) explique le symbolisme du blanc :


Du Blanc


Langue divine : Dieu est la vie, l'unité qui embrasse l'univers ; je suis celui qui est, dit Jehovah. La couleur blanche devait être le symbole de la vérité absolue, de celui qui est ; elle seule réfléchit tous les rayons lumineux ; elle est l'unité d'où émanent les couleurs primitives et les mille nuances qui colorent la nature.

La sagesse, dit Salomon, est l'émanation rayonnante de la toute-puissance divine, la pureté de la lumière éternelle, le miroir sans tache des opérations de Dieu et l'image de sa bonté ; elle est une et elle peut tout. Les prophètes voient la Divinité revêtue d'un manteau blanc comme la neige, et sa chevelure est blanche ou comparée à de la laine pure.

Dieu crée l'univers dans son amour et le coordonne par sa sagesse. Dans toutes les cosmogonies, la sagesse divine, lumière éternelle, dompte les ténèbres primitives et fait éclore le monde au sein du chaos. Au commencement, dit la Genèse, Dieu créa le ciel et la terre ; la terre était informe et sans vie, les ténèbres reposaient sur l'abime et l'esprit de Dieu planait sur les eaux.

D'après un oracle cité par saint Justin et Eusèbe, les Chaldéens avaient sur la Divinité la même doctrine que les Hébreux. Ils l'appelaient feu principe, feu intelligent, splendeur incréée, éternelle, expressions figurées, également consacrées par les livres bibliques. Jéhovah apparait dans un buisson ardent, une colonne lumineuse conduit les enfants de Jacob dans le désert. Le feu sacré du tabernacle est le symbole de la présence de Dieu dans Israël, son trône est le soleil.

La Genèse assigne à la lumière et aux ténèbres un empire séparé. Les anciens Perses attachaient au premier principe toutes les notions du beau et du bon, et au second toutes les idées de mal et de désordre. Ce dualisme se retrouve dans toutes les religions d'après une observation de Plutarque, confirmée par les découvertes de la science ; les Perses nommaient l'un Ormusd et l'autre Ahriman.

« Ormusd, dit le Zent-Avesta, élevé au dessus de tout, était avec la science souveraine, avec la pureté dans la lumière du monde ; ce trône de lumière, ce lien habité par Ormusd est ce qu'on appelle la lumière première. Ahriman était dans les ténèbres avec sa loi, et le lieu ténébreux qu'il habitait est ce qu'on appelle les ténèbres premières : il était seul au milieu d'elles, lui qui est appelé le méchant. »

Ces deux principes, isolés au sein de l'abîme sans bornes, s'unirent ; créèrent le monde et, dès lors, leur puissance reçut des limites.

Les lois de Manou enseignent aux Indiens que ce monde était plongé dans l'obscurité ; alors, le Seigneur existant en soi, resplendissant de l'éclat le plus pur, parut et dissipa l'obscurité.

Le Pimandre, ouvrage qui reproduit la doctrine égyptienne, quel que soit son rédacteur, établit le même dogme ; la lumière paraît, elle écarte les ténèbres qui se changent en principe humide. Dans les traditions conservées par les Grecs , Osiris est le Dieu lumineux ; son nom, d'après Plutarque, signifie celui qui a plusieurs yeux ; sa tête est ornée de bandelettes étincelantes, sans aucune ombre, sans mélange de couleurs. Typhon est l'esprit des ténèbres, il s'identifie avec l'Ahriman des Perses.

Virgile, qui avait été initié aux mystères et qui en a retracé l'histoire dans sa description de l'enfer, raconte, d'après les Grecs, que le dieu Pan, blanc comme la neige, séduisit la lune.

Pan était le principe universel fécondant la nature ; son nom, sa couleur et son corps de bouc l'indiquent évidemment ; la lune était le symbole du principe femelle, de la matière qui reçoit et réfléchit la vie comme la lune reflète les rayons du soleil. Isis, chez les Égyptiens, était la divinité lunaire et la personnification des eaux primitives, de la nuit et du chaos.

La mythologie grecque s'éleva sur cette base générale, et lui rendit toute son énergie dans les mythes de Jupiter et de Pluton. Jean le Lydien attribue la couleur blanche à Jupiter, père des dieux et des hommes, tandis que Pluton est le dieu du sombre séjour, l'Ahriman de la Grèce.

Les Romains adoptèrent les mêmes croyances et, le premier jour de janvier, le consul, vêtu d'une robe blanche, montait au Capitole sur un cheval blanc, pour célébrer le triomphe de Jupiter, dieu de la lumière, sur les Géants, esprits des ténèbres.

Les traditions orientales transmises à l'Égypte, à la Grèce et à Rome, s'étendent dans le nord de l'Asie, envahissent l'Europe, passent en Amérique et reparaissent sur les monuments du Mexique.

Au Thibet, comme dans l'Inde et à Java, certains noms symboliques sont employés avec la valeur de nombres ; la langue des couleurs en donne la raison mystique. Dans la langue tibétaine, Hot-Tkar signifie, dans son sens propre, la lumière blanche, et dans le sens symbolique dé signe l'unité ; dans l'Inde Tchandra signifie la lune et se rapporte au nombre un, sans doute à cause de la blanche lueur de cet astre, symbole de la sagesse divine.

La Chine adopta la doctrine de la Perse sur le combat du bon et du mauvais génie, de la lumière et des ténèbres, ou de la chaleur et du froid, et la reproduisit sous les noms de matière parfaite et imparfaite.

Les Scandinaves firent revivre ce dogme dans les Eddas. « Au commencement , il n'y avait ni ciel, ni terre, ni eaux , mais l'abîme beant ; au nord de l'abime, était le monde des ténèbres, et au sud le monde du feu. »

Ainsi, la vérité éternelle est inscrite dans les codes sacrés de tous les peuples ; Dieu seul possède l'existence en soi, le monde émane de sa pensée. La couleur blanche fut d'abord le symbole de l'unité divine ; plus tard, elle désigna le bon principe luttant contre le mauvais ; il appartint au christianisme de rétablir le dogme et son symbole dans leur pureté primitive, et lorsque, dans la transfiguration, le visage de Jésus devint brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la neige, les apôtres virent apparaître, dans le fils de Dieu, la Divinité elle-même, Jéhovah.


Langue sacrée : Le sacerdoce représente la Divinité sur la terre ; dans toutes les religions, le souverain pontife eut des vêtements blancs, symbole de la lumière incréée.

Jéhovah ordonne à Aaron de n'entrer dans le sanctuaire que vêtu de blanc : Parle à Aaron, ton frère, dit-il à Moise, et qu'il n'entre point en tout temps dans le sanctuaire, afin qu'il ne meure ; car je me montrerai dans la nuée sur le propitiatoire, il vêtira la sainte robe de lin, ceindra la ceinture de lin et portera la tiare de lin ; ce sont là les saints vêtements.

Les mages portaient la robe blanche, ils prétendaient que la Divinité ne se plaisait que dans des vêtements blancs ; des chevaux blancs étaient sacrifiés au soleil, image de la lumière divine. La tunique blanche donnée par Ormusd, le dieu lumineux, est encore le costume caractéristique des parses.

En Egypte, la tiare blanche décore la tête d'Osiris ; ses ornements sont blancs comme ceux d'Aaron, et les prêtres égyptiens portent la robe de lin comme les enfants de Lévi.

En Grèce, Pythagore ordonne de chanter les hymnes sacrés avec des robes blanches ; les prêtres de Jupiter ont des vêtements blancs ; à Rome le flamen dialis a seul le droit de porter la tiare blanche ; les victimes qu'il offre à Jupiter sont blanches ; Platon et Cicéron consacrent cette couleur à la Divinité.

Remontant en Asie, le même symbole est adopté par les Brahmes ; traversant la Tartarie, il se retrouve chez les Scandinaves, les Germains et les Celtes ; Pline rapporte que les druides portaient des vêtements blancs et sacrifiaient des boeufs de cette couleur.

Enfin les peintures chrétiennes du moyen-âge représentent l'Éternel drapé de blanc, ainsi que Jésus-Christ après la résurrection. Le chef de l'Église romaine, le pape porte sur la terre la livrée de Dieu.

Dans la langue sacrée de la Bible, les vêtements blancs sont les symboles de la régénération des âmes et la récompense des élus ; celui qui vaincra, dit l'Apocalypse, sera vêtu de blanc, et je n'effacerai point son nom du livre de vie ; le royaume du ciel appartient à ceux qui ont lavé et blanchi leurs robes dans le sang de l'agneau.

Le blanc fut consacré aux morts par toute l'antiquité et devint une couleur de deuil ; les monuments de Thebes représentent les mânes vêtus de robes blanches. D'après Hérodote, les Égyptiens ensevelissaient les morts dans des linceuls blancs. Cet usage se retrouve en Grèce dès la plus haute antiquité, Homère le mentionne à la mort de Patrocle. Pythagore en ordonne l'observation à ses disciples, comme un heureux présage d'immortalité. Plutarque rappelle la doctrine de ce philosophe et explique ce symbole qui se généralisa dans toute la Grèce :

Pourquoi, dit-il dans la traduction d'Amyot, est-ce que les femmes en deuil portent des robes blanches et la coiffure blanche aussi ? est-ce pour s'opposer à l'enfer et aux ténèbres qu'elles se conforment ainsi à la couleur claire et reluisante ? ou bien pour ce que comme ils revettent et ensevelissent le corps du mort de draps blancs, ils estiment que ses proches parents doivent aussi porter sa livrée, et parent le corps ainsi, parce qu'ils ne peuvent accoutrer l'âme, laquelle ils veulent accompagner luisante et nette, comme celle qui désormais est à délivrer, et qui a parachevé le grand et fascheux combat ..... Par quoi il n'y a que le blanc qui soit tout pur, non mixtionné, ni souillé d'aucune teinture, sans qu'on le puisse imiter, et pourtant plus propre et convenable à ceux que l'on enterre, attendu que le mort est devenu simple, pur, exempt de toute mixtion, et du corps, qui n'est autre chose qu'une tache et souillure que l'on ne peut effacer. En la ville d'Argos semblablement, quand ils portent le deuil, ils revestent des robes blanches, comme dit Socrate, lavées en eau claire. (Plutarque, Les demandes des choses romaines, p. 269 ed. in-folio.)

Pausanias observa la même coutume chez les Messéniens ; ils ensevelissaient les principaux personnages dans des vêtements blancs et couronnés. Ce double symbole indiquait le triomphe de l'âme sur l'empire des ténèbres.

Les Hébreux avaient le même usage ; l'évangéliste Matthieu dit que Joseph, ayant pris le corps du Seigneur, l'énveloppa dans un linceul blanc. L'exemple offert par la Divinité devint la loi de tous les chrétiens : le poète Prudence en constate l'existence dans un de ses hymnes, et elle n'a point varié jusqu'à nos jours.

L'initiation ou la régénération de l'âme commençait par une image de la mort ; les mystes étaient vêtus de blanc, et les néophytes de la primitive Église portaient la robe blanche pendant huit jours. Les jeunes filles catéchurnènes la portent encore aujourd'hui, et dans les obsèques des vierges les tentures blanches témoignent de leur innocence et de leur initiation céleste.

Il est inutile de poursuivre l'histoire de ces rites dans l'Orient ; qu'il me suffise de citer un exemple emprunté aux moeurs japonaises : le mariage est considéré au Japon comme une nouvelle existence pour la femme ; elle meurt à sa vie passée pour revivre dans son époux. Le lit de la fiancée a l'oreiller placé vers le nord, ainsi qu'on le pratique pour les morts ; elle porte la robe mortuaire blanche. Cette cérémonie annonce aux parents qu'ils viennent de perdre leur fille.


Langue profane : Les religions, entrainées par leur tendance au matérialisme, forment des divinités spéciales de chacun des attributs de Dieu ; le paganisme franchit cette limite, et les vertus et les vices de l'homme trouvèrent leurs types dans le ciel ; les Grecs et les Romains élevérent des autels à la foi et à la vérité.

La foi primitive s'adressait à Dieu seul et trouvait son emblème dans la couleur affectée à l'unité divine, le blanc ; la foi profane, qui préside aux transactions humaines, la bonne foi conserva le symbole des rapports entre le Créateur et la créature.

Numa consacra un temple à cette vertu divinisée ; on la représentait vêtue de blanc, avec les mains jointes ; des sacrifices lui étaient offerts sans effusion de sang, par des prêtres ou flamines couverts de voiles blancs, et la main enveloppée d'un drap blanc. Les mains unies étaient l'emblème de la foi, comme on le remarque sur les monumens antiques.

L'origine de cette divinité ne peut paraître douteuse, en considérant la marche progressive de la dégradation religieuse dans le dieu fidius, le dieu des contrats, né de la prostitution d'une danseuse avec un prêtre de Mars Enyalius. La vérité humaine, divinisée par les Grecs et les Romains, eut également des vêtements blancs.

En descendant un degré de plus dans l'histoire de la symbolique des couleurs, on retrouve dans les langues populaires les vestiges des langues divine et sacrée.

Le mot grec leukos signifie blanc, heureux, agréable, gai ; Jupiter avait le surnom de Leuceus ; en latin, candidus, blanc, candide et heureux. Les Romains notaient les jours fastes avec de la craie et les néfastes avec du charbon. Le mot candidat a la même origine. Celui qui briguait les faveurs populaires portait, à Rome, la robe blanche ou blanchie avec de la craie.

Dans la langue allemande, nous trouvons les mots weiss, blanc, et wissen, savoir ; ich weiss, je sais ; en Anglais white, blanc, et wit, esprit, wity, spirituel, wisdom, sagesse. Les druides étaient les hommes blancs, sages et savants.

Ces étymologies se confirment par la signification populaire de la couleur blanche ; les Maures désignaient par cet emblème la pureté, la sincérité, l'innocence, l'indifférence, la simplicité, la candeur ; appliqué à la femme, il prenait l'acception de chasteté ; à la jeune fille, virginité ; au juge, intégrité ; au riche, humilité.

Le blason, empruntant ce catalogue, établit que, dans les armoiries, l'argent dénoterait la blancheur, la pureté, l'espérance, la vérité et l'innocence ; l'hermine, qui fut d'abord toute blanche, était l'emblème de la pureté et de la chasteté immaculée ; et nous tenons, dit Lamothe-le Vayer, la blancheur de nos lis, de même que celle de nos écharpes et de la cornette royale, pour un symbole de pureté aussi bien que de franchise. Le blanc représentait la chasteté immaculée, il fut consacré à la Vierge ; ses autels sont blancs, les ornements du prêtre qui officie sont blancs comme au jour de sa fête le clergé est en blanc.

Les traditions populaires et les anciennes légendes offriraient une ample moisson à nos recherches ; je me bornerai à expliquer le sens caché de quelques pierres fabuleuses ou symboliques. La Bible offre ici le type de la langue des couleurs dans toute sa pureté. Jésus dit dans l'Apocalypse : Je cdonnerai au victorieux une pierre blanche sur laquelle sera écrit un nom nouveau, que ne connait que celui qui le reçoit. La pierre blanche est l'emblème des vérités unies au bien et confirmées par les oeuvres. Dans les suffrages confirmatifs, les anciens donnaient des cailloux blancs. Le nom indique la qualité de la chose, un nom nouveau est une qualité de bien qui n'existait pas encore.

Les vertus merveilleuses que l'antiquité attribuait à certaines pierres précieuses s'expliquent par le même principe. [...]

Le livre d'Esther mentionneune pierre nommée dar. Les rabbins prétendent qu'on la trouve dans la mer et que, présentée dans un festin , elle répand l'éclat du soleil en plein midi. Les rois accordaient, pour l'acquérir, la liberté du possesseur et y ajoutaient d'immenses richesses. Cette pierre est un nouveau symbole de la sagesse ; on la trouve comme l'androdamas au fond de la mer, et la mer était chez tous les peuples, comme nous l'établirons plus loin, le symbole de l'entrée dans l'Église, de l'initiation par le baptême.

L'arurophylax, d'après Plutarque, est une pierre précieuse semblable à l'argent ; ceux qui sont riches l'achètent et la posent à l'entrée de leurs trésors. Lorsque les voleurs viennent, cette pierre fait entendre le son de la trompette, et les malfaiteurs, entraînés par une force irrésistible, sont précipités au loin. L'argent est, par sa blancheur, le symbole de la sagesse divine, comme l'or de l'amour divin. L'Apocalypse explique ici Plutarque : Je vous conseille, dit saint Jean, d'acheter de l'or éprouvé au feu pour vous enrichir et desvêtemens blancs pour vous habiller, c'est-à-dire d'acquérir l'amour de Dieu et la sagesse. Le son de la trompette, que fait entendre cette pierre, rappelle les trompettes d'argent que l'on sonnait dans les fètes du peuple juif, et les trompettes du jugement dernier. Le Seigneur Jéhovah, dit Zacharie, sonnera de la trompette, c'est-à-dire manifestera sa sagesse ; il faudrait être insensé pour prendre ces passages à la lettre.

Pline rapporte que la pierre nommée chernités est seunblable à l'ivoire ; elle préserve le corps de toute corruption ; le tombeau de Darius était en chernités à cause de cette vertu. Les mânes étaient vêtus de blanc, chez les Égyptiens, comme les fantômes dans nos contes populaires. L'Apocalypse promet des robes blanches à ceux qui vaincront, et ne seront plus assujetis à la seconde mort, et les linceuls blancs, comme les sépulcres blancs gnent du dogme de l'immortalité de l'âme. L'ivoire était le symbole de la vérité à cause de son éclatante blancheur ; les songes vrais sortaient des enfers par la porte d'ivoire, et les rêves mensongers par la porte de corne.

Enfin le leucas, ou pierre blanche, guérit de l'amour, comme la sagesse met un frein aux passions. La pierrre myndan est entourée d'une blancheur de neige ; elle éloigne les bêtes féroces et garantit les hommes de leurs morsures, comme l'innocence et la sagesse éloignent les mauvaises pensées et préviennent leurs funestes atteintes.

Le poëme d'Orphée sur les pierres, ou le Perilithon, est demeuré, jusqu'à ce jour, une énigme indéchiffrable ; ce précieux monument de l'antiquité est écrit en entier dans la langue symbolique, et parait fort antérieur aux hymnes et aux argonautiques attribués au même poète. Orphée décrit d'abord les propriétés merveilleuses des deux pierres blanches, le diamant et le cristal, qui engendrent tous les biens et toutes les vertus, comme le blanc tient en soi le principe de toutes les couleurs ; le cristal est l'auteur de la flamme, comme la sagesse donne naissance à l'amour divin. Par cet exemple, on voit qu'il est impossible d'avoir l'intelligence d'un seul passage du Perilithon avant de connaître la symbolique des couleurs et des pierres qui leur correspondent.

Le catalogue des couleurs est fort restreint et, cependant, elles peuvent exprimer un grand nombre d'idées en recevant différentes acceptions, selon l'objet auquel elles s'appliquent. Le blanc, symbole de la Divinité et du sacerdoce, représente la divine sagesse ; appliqué à la jeune fille, il dénote la virginité ; à l'accusé, l'innocence ; au juge, la justice, signe caractéristique de la pureté ; on voit en lui une promesse d'espérance après la mort ; opposé au noir, emblème des ténèbres, de la douleur, des angoisses, le blanc est la couleur de fête dont se paraient les convives romains.

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D'après le Dictionnaire des symboles (1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"comme sa contre-couleur, le noir, le blanc peut se situer aux deux extrémités de la gamme chromatique. Absolu et n'ayant d'autres variations que celles qui vont de la matité à la brillance, il signifie tantôt l'absence, tantôt la somme des couleurs. Il se place ainsi tantôt au départ tantôt à l'aboutissement de la vie diurne et du monde manifesté, ce qui lui confère une valeur idéale, asymptotique. Mais l'aboutissement de la vie - le moment de la mort - est aussi un moment transitoire, à la charnière du visible et de l'invisible, et donc un autre départ. Le blanc - candidus - est la couleur du candidat, c'est-à-dire de celui qui va changer de condition (les candidats aux fonctions publiques s'habillaient de blanc). Dans la coloration des points cardinaux, il est donc normal que la plupart des peuples en aient fait la couleur de l'Est et de l'Ouest, c'est-à-dire de ces deux points extrêmes et mystérieux où le Soleil - astre de la pensée diurne - naît et meurt chaque jour. Le blanc, dans les deux cas est une valeur limite, de même que ces deux extrémités de la ligne infinie de l'horizon. Il est couleur de passage, au sens auquel on parle de rites de passage : et il est justement la couleur privilégiée de ces rites, par lesquels s'opèrent les mutations de l'être, selon le schéma classique de toute initiation : mort et renaissance. Le blanc de l'Ouest est le blanc mat de la mort, qui absorbe l'être et l'introduit au monde lunaire, froid et femelle ; il conduit à l'absence, au vide nocturne, à la disparition de la conscience et des couleurs diurnes.

Le blanc de l'Est est celui du retour : c'est le blanc de l'aube, où la voûte céleste réapparaît, vide encore de couleurs, mais riche du potentiel de manifestation dont microcosme et macrocosme se sont rechargés, à la façon d'une pile électrique, pendant le passage dans le ventre nocturne, source de toute énergie. L'un descend de la brillance à la matité, l'autre monte de la matité à la brillance. En eux-mêmes ces deux instants, ces deux blancheurs, sont vides, suspendus entre absence et présence, entre lune et soleil, entre les deux faces du sacré, entre ses deux côtés. tout le symbolisme de la couleur blanche et de ses emplois rituels découle de cette observation de la nature, à partir de laquelle toutes les cultures humaines ont édifié leurs systèmes philosophiques et religieux. Un peintre comme W. Kandinsky, pour lequel le problème des couleurs dépassait de loin le problème de l'esthétique, s'est, à ce sujet, exprimé mieux que personne : Le blanc, que l'on considère souvent comme une non-couleur... est comme le symbole d'un monde où toutes les couleurs, en tant que propriétés de substances matérielles, se sont évanouies... Le blanc, sur notre âme, agit comme le silence absolu... Ce silence n'est pas mort, il regorge de possibilités vivantes... C'est un rien plein de joie juvénile ou, pour mieux dire, un rien avant toute naissance, avant tout commencement. Ainsi peut-être a résonné la terre, blanche et froide, aux jours de l'époque glaciaire. On ne peut mieux, sans la nommer, décrire l'aube.

Dans toute pensée symbolique, la mort précède la vie, toute naissance étant une renaissance. De ce fait le blanc est primitivement la couleur de la mort et du deuil. C'est encore le cas dans tout l'Orient, ce le fut aussi longtemps en Europe, notamment à la cour des rois de France.

Sous son aspect néfaste, le blanc livide est opposé au rouge : c'est la couleur du vampire qui cherche précisément le sang - condition du monde diurne - qui s'est retiré de lui. C'est la couleur du linceul, de tous les spectres, de toutes les apparitions ; la couleur - ou plutôt l'absence de couleur du nain Aubéron, l'Alberich des Nibelungen, roi des Albes ou des Elfes. C'est la couleur des revenants, et ceci explique que le premier homme blanc qui soit apparu chez les Bantou du Sud-Cameroun ait été appelé le Nago-Kon - le fantôme-albinos, qui fit d'abord fuir de frayeur toutes les populations qu'il rencontrait ; après quoi, rassuré sur ses intentions pacifiques, chacun s'en revint lui demander des nouvelles de ses parents décédés, qu'il était évidemment censé connaître, puisqu'il venait du pays des morts... Souvent, note M. Eliade, dans les rites d'initiation, le blanc est la couleur de la première phase, celle de la lutte contre la mort. Nous dirions plutôt celle du départ vers la mort. En ce sens, l'Ouest est blanc pour les Aztèques, dont la pensée religieuse, on le sait, considérait la vie humaine et la cohérence du monde comme entièrement conditionnées par la course du soleil. L'Ouest, par lequel disparaît l'astre du jour, était appelé la maison de la brume ; il représentait la mort, c'est-à-dire l'entrée dans l'invisible. De ce fait les guerriers immolés chaque jour pour assurer la régénération du Soleil étaient conduits au sacrifice ornés de duvet blanc et chaussés de sandales blanches qui, les isolant du sol, suffisaient à démontrer qu'ils n'étaient déjà plus de ce monde, et pas encore de l'autre. Le blanc, disait-on, est la couleur des premiers pas de l'âme, avant l'envol des guerriers sacrifiés. De même tous les dieux du Panthéon aztèque, dont le mythe célèbre un sacrifice suivi de renaissance, portaient-ils des ornements blancs.

Les Indiens Pueblo placent, eux, la couleur blanche à l'Est, pour les mêmes raisons, comme le confirme le fait que l'Est, dans leur pensée, recouvre les idées d'automne, de terre profonde, et de religion.

Couleur de l'Est, en ce sens, le blanc n'est pas une couleur solaire. Ce n'est point la couleur de l'aurore mais celle de l'aube, ce moment de vide total, entre nuit et jour, où le monde onirique recouvre encore toute réalité : l'être y est inhibé, suspendu dans une blancheur creuse et passive ; c'est pour cette raison le moment des perquisitions, des attaques par surprise, et des exécutions capitales, dans lesquelles une tradition vivace veut que le condamné porte une chemise blanche, qui est une chemise de soumission et de disponibilité, comme l'est aussi la robe blanche des communiants et celle de la fiancée allant vers ses épousailles : on dit robe de mariée, mais non, c'est la robe de celle qui va vers le mariage : celui-ci accompli, le blanc cédera la place au rouge, de même que la première manifestation de l'éveil du jour, sur la toile de fond de l'aube mate et neutre comme un drap, sera constituée par l'apparition de Vénus la rouge, et l'on parlera ensuite des noces du jour. C'est la blancheur immaculée du bloc opératoire, où le bistouri du chirurgien va faire jaillir le sang vital. C'est la couleur de la pureté, qui n'est pas, à l'origine, une couleur positive, manifestant que quelque chose vient d'être assumé, mais une couleur neutre, passive, montrant seulement que rien, encore, n'a été accompli : tel est bien le sens initial de la blancheur virginale, et la raison pour laquelle les enfants, dans le rituel chrétien, sont conduits en terre sous un suaire blanc, orné de fleurs blanches.


En Afrique Noire, où les rituels initiatiques conditionnent toute la structure de la société, le blanc de kaolin - blanc neutre - est la couleur des jeunes circoncis, pendant tout le temps de leur retraite ; ils s'en enduisent le visage, et parfois tout le corps, pour montrer qu'ils sont momentanément hors du corps social : le jour où ils le réintégreront, en tant qu'hommes complets et responsables, le blanc, sur leur corps, laissera la place au rouge. En Afrique aussi, comme en Nouvelle-Guinée, les veuves, qui sont provisoirement mises hors du corps collectif, se couvrent le visage d'un blanc neutre ; simultanément, en Nouvelle-Guinée, elle se tranchent un doigt de la main, mutilation dont la signification symbolique est évidente : elles s'amputent du phallus qui les avait éveillées, lors de cette seconde naissance qu'avait été leur mariage, pour revenir à l'état de latence, image de l'indifférencié originel, qui est blanc comme l'œuf cosmique des orphiques, et ainsi leur désespérance les remet dans l'attente d'un nouvel éveil. Car cette blancheur neutre, on le voit, est une blancheur matricielle, maternelle, une source qu'un coup de baguette doit éveiller. Il en coulera le premier liquide nourricier, le lait, riche d'un potentiel vital non encore exprimé, tout plein encore de songe, le lait que le nourrisson boit avant même qu'il ait entrouvert les yeux au monde diurne, le lait dont la blancheur est celle du lys et du lotus, images aussi de devenir, d'éveil, riche de promesses, de virtualités ; le lait, lumière de l'argent et de la lune, laquelle, dans sa ronde plénitude, est l'archétype de la femme féconde, prometteuse de richesse et d'aurores.

Ainsi progressivement se produit un changement, et le jour succédant à la nuit, l'esprit s'éveille, qui va proclamer la splendeur d'une blancheur qui est celle de la lumière diurne, solaire, positive et mâle. Au blanc cheval du songe, porteur de mort, succèdent les blancs chevaux d'Apollon que l'homme ne peut fixer sans éblouissement.

La valorisation du blanc qui s'ensuit est également liée au phénomène initiatique. Elle n'est pas l'attribut du postulant ou du candidat qui marche vers la mort, mais celle de celui qui se relève, qui renaît, victorieux de l'épreuve. Elle est la toge virile, symbole d'affirmation, de responsabilités assumées, de pouvoirs pris et reconnus, de renaissance accomplie, de consécration. Aux premiers temps du Christianisme, le baptême - ce rite initiatique - se nommait l'Illumination. Et c'était après qu'il eut prononcé ses vœux que le nouveau Chrétien, né à la vie véritable, endossait, selon les termes du Pseudo-Denys, des habits d'une éclatante blancheur, car, ajoute l'Aréopagyte, échappant par une ferme et divine constance aux attaques des passions et aspirant avec ardeur à l'unité, ce qu'il avait de déréglé entre dans l'ordre, ce qu'il avait de défectueux s'embellit, et il resplendit de toute la lumière d'une pure et sainte vie.

[à propos de la symbolique celte, voir ci-après]

Dans le bouddhisme japonais, l'auréole blanche et le lotus blanc sont associés au geste du poing de connaissance du grand Illuminateur Bouddha, par opposition au rouge et au geste de concentration.

Le blanc, couleur initiatrice, devient, dans son acception diurne, la couleur de la révélation, de la grâce, de la transfiguration qui éblouit, éveillant l'entendement en même temps qu'il le dépasse : c'est la couleur de la théophanie dont un reste demeurera autour de la tête de tous ceux qui ont connu Dieu, sous la forme d'une auréole de lumière qui est bien la somme des couleurs. Cette blancheur triomphale ne peut apparaître que sur un sommet. Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls à l'écart, sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux, et ses vêtements devinrent resplendissants, d'une telle blancheur qu'aucun foulon sur la terre ne peut blanchir de la sorte. Elie leur apparut avec Moïse, et tous deux s'entretenaient avec Jésus (saint Marc, 9, 2-5). Elie est le maître du principe vital symbolisé par le feu, sa couleur est le rouge, Moïse, selon la tradition islamique, est associé au for intime de l'être dont la couleur est le blanc, ce blanc occulte de la lumière intérieure, lumière du sirr, le secret, le mystère fondamental dans la pensée des Soufi.

On retrouve aussi chez les Soufi la relation symbolique du blanc et du rouge. Le blanc est la couleur essentielle de la Sagesse, venue des origines et vocation du devenir de l'homme ; le rouge est la couleur de l'être mêlé aux obscurités du monde et prisonnier de ses entraves ; tel est l'homme sur terre, archange empourpré. Blanc, je le suis en vérité ; je suis un très ancien, un Sage dont l'essence est lumière... Mais je suis projeté, moi aussi, dans le Puits obscur... Observe le crépuscule et l'aube... c'est un moment entre-deux ; un côté vers le jour qui est blancheur, un côté vers la nuit qui est noirceur, d'où le pourpre du crépuscule du matin et du crépuscule du soir.

Solaire, le blanc devient le symbole de la conscience diurne épanouie, qui mord sur la réalité : les dents blanches, pour les Bambara, sont le symbole de l'intelligence. Il se rapproche donc de l'or : ceci explique l'association de ces deux couleurs sur le drapeau du Vatican, par lequel s'affirme sur la terre le règne du Dieu chrétien."

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Selon Reynald Georges Boschiero, auteur du Nouveau Dictionnaire des Pierres utilisées en lithothérapie, Pour tout savoir sur les Pierres et les Énergies subtiles (Éditions Vivez Soleil 1994 et 2000, Éditions Ambre 2001),


Le blanc "est la lumière. De ce fait, il est la somme, la synthèse de toutes les autres couleurs : en faisant passer un faisceau lumineux blanc à travers un prisme, on le décompose en arc-en-ciel. Schématiquement on dit que l'arc-en-ciel se compose de sept couleurs : violet pourpre, rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet indigo. Mais ses couleurs ne sont pas tranchées. Elles sont dégradées de l'une à l'autre dans une subtile succession de nuances infinies. Il en est de même en lithothérapie : c'est, dans la mesure du possible la juste nuance qu'il faut travailler.

Dans de nombreuses philosophies et religions, du bouddhisme japonais au soufisme en passant par le celtisme, le blanc est lumière, celle de l'esprit divin.

C'est le puissant rayon lumineux de l'azurite au Chakra du Sommet ou la lumière intérieure de l'obsidienne noire. Il est la lumière de la connaissance, du savoir, de la spiritualité et de la pureté de l'âme, de la Sagesse. Il est la couleur de l'éveil de l'esprit et de son ouverture aux plus hautes sphères de la pensée, abordées avec innocence. Il est la couleur du passage initiatique, de la mutation de l'être, de la renaissance post mortem. Selon les principes de rites initiatiques, la femme morte renaît par le mariage, vêtue de blanc.

Il est la simplicité originelle, garante de l'équilibre universel. Lorsque du blanc entre dans une autre couleur, il la pastellise en l'attirant à la lumière. C'est pourquoi toutes les couleurs pâles (les pastels) ont en elles une forte influence de blanc, donc de pureté et d'accès à la connaissance et à la spiritualité.

Le cristal de roche, translucide, est considéré comme une pierre blanche. C'est la pierre de référence de tout travail lithothérapeutique.


Parmi les pierres blanches, on peut encore citer : le diamant, pierre de lumière absolue ; la pierre de lune ; l'alexite et... un cas particulier : l'obsidienne. Bien que noire, l'obsidienne possède de nombreuses particularités qui correspondent aux propriétés des pierres blanches."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


« Le blanc, que l'on considère souvent comme une non-couleur... est comme le symbole d'un monde où toutes les couleurs, en tant que propriétés de substances matérielles, se sont évanouies... Le blanc, sur notre âme agit comme le silence absolu.... Ce silence n'est pas mort, il regorge de possibilités vivantes... C'est un rien plein de joie juvénile ou, pour mieux dire, un rien avant toute naissance, avant tout commencement. Ainsi peut-être a résonné la terre, blanche et froide, au jours de l'époque glaciaire ».

Le blanc, qui était avec le noir une des deux couleurs primitives des Anciens, correspond à la lumière (bien qu'associé à la Lune) et au principe bienfaisant : il symbolise la sagesse, la vertu et la pureté, significations que l'on retrouve notamment dans les pierres précieuses de cette couleur (diamant, cristal) ou encore dans les perles et l'argent (métal). Suivant la symbolique maçonnique, le blanc évoque non seulement la sagesse mais aussi la grâce et la victoire.

Depuis la plus haute antiquité, cette couleur est celle des divinités et du sacerdoce : en Egpte, Osiris portait une tiare et des ornements blancs. C'était également la couleur du dieu Pan, divinité de la Fécondité ou celle de Zues-Jupiter, père des dieux et des hommes. En Grèce, où Pythagore prescrivait le port de robes blanches pour chanter les hymnes sacrés, les prêtres de Zeus étaient vêtus de blanc. A Rome, le premier jour de janvier, le consul, vêtu d'une robe blanche, se rendait sur un cheval blanc au Capitole pour célébrer la victoire de Jupiter ou le « Père Jour », dieu de la Lumière, sur les Géants ou esprits des ténèbres. En Asie, les brahmanes consacraient aussi le blanc à la divinité.

Le vblanc n'a pas d'autre sens dans la tradition judéo-chrétienne : Jéhovah ordonna à Aaron, premier grand prêtre des Hébreux, d'entrer dans le sanctuaire vêtu de blanc car « la Divinité ne se plaisait que des vêtements blancs ». De même, « lorsque dans la transfiguration, le visage de Jésus devint brillant comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la neige, les apôtres virent apparaître dans le fils de Dieu la Divinité elle-même, Jéhovah ». Les prophèetes se figurent Dieu revêtu d'un manteau blanc, avec une chevelure blanche comparée à de la laine pure. Dans les peintures du Moyen Âge, Dieu est drapé de blanc tout comme Jésus après sa résurrection. Le pape également qui est censé porter « sur la terre la livrée de Dieu ». L'auréole de lumière (blanche) marquent ceux qui ont connu Dieu. En tant que symbole de la chasteté immaculée, cette couleur fut consacrée à la Vierge.

Dans la Bible, les vêtements blancs symbolisent la régénération des âmes et la récompense des élus : celui qui vaincra, dit l'Apocalypse, sera revêtu de blanc. Selon saint Matthieu, Joseph enveloppa son fils dans un linceul blanc.

L'usage du linceul blanc était d'ailleurs commun aux Hébreux, aux Égyptiens et aux Grecs : Pythagore en faisait un gage d'immortalité. Le blanc fut consacré aux morts dans doute pour permettre aux âmes de triompher de l'empire des ténèbres. Le blanc, qui est toujours la couleur du deuil en Orient et en Afrique noire où, doté d'une grande puissance curative, il sert en outre à éloigner la mort, le fut longtemps en Europe, notamment à la cour des rois de France et chez les anciens musulmans d'Espagne. Il demeure associé à la mort des petits enfants (cercueil blanc) car c'est la couleur de l'innocence. Dans les croyances populaires, les fleurs blanches, qui selon les Bretons, abritent l'âme des enfants morts avant d'être baptisés, sont en relation avec le monde des morts ; il porte malheur notamment d'ne offrir à un malade.

Il faut savoir que « le blanc peut se situer au deux extrémités de la gamme chromatique Absolu et n'ayant d'autres variations que celles qui vont de la matité à la brillance, il signifie tantôt l'absence, tantôt la somme des couleurs. Il se place ainsi tantôt au départ tantôt à l'aboutissement de la vie diurne et du monde manifesté ».

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D'après Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000) :


"Le blanc, symbole de la pureté, de l'innocence et de la perfection, n'est pas une couleur. On le considère comme une couleur qui va naître ou comme une synthèse de toutes les couleurs qui composent le spectre solaire. C'est ainsi que le blanc fait allusion à l'unité aussi bien qu'à tout ce qui est rassemblé en elle.

Pour les Chinois, par exemple, le blanc est l'absence de couleur. Par analogie, il symbolise également la virginité, l'âme délivrée des tourments de la chair et de la passion, la beauté dépouillée de toute parure, la nudité, la transparence, la clarté, la sincérité, la vertu, la paix, la justesse, la vérité, l'incorruptibilité.

Dans la nature, ce qui est blanc a toujours un caractère merveilleux et magique, pur et sacré : la neige, le lait, la farine, le lin, l'ivoire, le lis, la rose blanche et la lune, bien sûr, qui nous apparaît blanche dans le ciel, surtout les nuits de pleine lune.

Le blanc est souvent mis en rapport avec l'argent, le cristal et les perles, ainsi qu'avec la lumière pure des auréoles des anges et des saints. Enfin, bien sûr, les cheveux blancs figurent le grand âge, la vieillesse, mais aussi la sagesse et la bonté.

Il semble que la racine étymologique du mot "blanc" soit d'origine germanique. Il s'agirait de blank, qui signifiait "brillant, clair, luisant", comme bleik signifiait "blond". Au XIIe siècle, le Blanc dies était le jeudi saint, le Blanc bois, un arbre qui ne portait aucun fruit et la Blancheresse, la blanchisseuse. Toutefois, le blanc peut être aussi associé à ce qui est encore informe, invisible, à ce qui ne s'est pas encore révélé ou manifesté.

C'est ainsi que dans un rêve, une forte présence du blanc peut nous mettre en face d'une situation qui est encore en germe ou d'une absence d'émotion, voire d'un sentiment d'indifférence. Il peut aussi révéler une certaine froideur ou une tendance à tout absorber sans réagir. Certes, rêver de blanc est toujours rassurant ou apaisant. Toutefois, il est important de souligner dans quelle circonstance cette couleur, qui semble primordiale dans un rêve, apparaît. Par exemple, rêver d'un cheval blanc peut être révélateur d'instincts licencieux non maîtrisés, qui menacent de nous submerger ou dont nous sommes victimes. Il représente aussi parfois la mort. Bien sûr, il s'agit rarement de la mort physique, mais d'une mort symbolique, c'est-à-dire de désirs, de sentiments, de réflexes comportementaux, d'habitudes qui doivent disparaître ou être purifiés. De même, voir une femme en blanc peut être aussi bien un symbole de naissance qu'une figure de la mort. Rappelons que cette dernière fut souvent surnommée la "Dame Blanche" et que les fantômes, eux aussi, nous sont montrés revêtus d'une robe ou d'un drap blanc. En revanche, voir un linge blanc, s'en saisir, le toucher ou le revêtir peut être un signe de naissance ou un gage de pureté, de sincérité, de franchise, d'innocence. Ainsi, pour interpréter correctement un rêve dans lequel le blanc semble jouer un rôle important, il faut l'associer à l'objet, l'animal, la personne, le lieu qui nous apparaît en rêve, et tenter de lui donner tout son sens, sachant que le blanc en question le distingue et le singularise."

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Dans L'Âme des pierres précieuses dans la science des sept rayons (Éditions Alphée Jean-Paul Bertrand, 2010) Michel Coquet rapporte que :


La couleur réelle du premier rayon, compte tenu de son aspect destructeur, n'est évidemment pas donnée. On ne s'étonnera cependant pas de savoir que le blanc est également une couleur attribuée à ce rayon, car le blanc est associé à la synthèse finale. Shiva-rudra à qui l'on attribue la couleur symbolique blanche, est l'expression du premier rayon qui détruit et réabsorbe sa création. Selon Giridhara Sharma Cartuvedi (Shiva Mahimâ, Kalyâna, Shiva anka, p. 57) :

« Le blanc est la base de toutes les couleurs. Aucun teinturier ne peut teindre quelque chose en blanc. Toutes les autres couleurs se surajoutent au blanc. Le blanc existe avant et après toutes les autres couleurs. Ce en quoi toute couleur existe potentiellement peut être appelé blanc. Cela est la nature du divin. Tous les aspects du monde ont leur potentialité en Shiva, mais restent indifférenciées. La différence est l'œuvre de l'ignorance, du pouvoir d'aveuglement qui, en supprimant une couleur, en fait apparaître une autre. Puisque tout coexiste en Shiva sans être différencié, sa couleur ne peut être que le blanc. »

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Symbolisme celte :


Selon Jean chevalier et Alain Gheerbrant qui ont supervisé la publication du Dictionnaire des symboles (1969, édition revue et corrigé Robert Laffont, 1982),


"Ce blanc positif est la couleur réservée, chez les Celtes, à la classe sacerdotale : les druides sont vêtus de blanc. En dehors des prêtres, seul le roi, dont la fonction confine à la prêtrise, et qui est un guerrier chargé d'une mission religieuse exceptionnelle, a droit à la blancheur du vêtement. Le roi Nuada a pour métal symbolique l'argent, couleur royale. A moins qu'ils ne soient des rois, tous les personnages vêtus de blanc de l'épopée sont des druides (ou des poètes, membres de la classe sacerdotale). En gaulois vindo-s, adjectif qui entre dans de multiples compositions, a dû signifier blanc et beau ; en moyen irlandais find est à la fois blanc et saint : l'expression in drong find la troupe blanche sert en hagiographie pour désigner les anges ; en brittonique (gall. gwyn, breton : gwenn) le mot signifie à la fois blanc et bienheureux."

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Symbolisme onirique :

Selon Georges Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux (Albin Michel, 1995),


"Le blanc onirique est fatalement aveuglant. Qu'il soit mat ou brillant, lumineux ou blême, il est une sommation dans laquelle s'anéantissent tous les repères visuels. Le monde se révèle au regard par les trois composantes de la vision : les couleurs, les formes et les mouvements. Les couleurs sont la vie. Le blanc n'est pas une couleur. Il est une somme, un lieu indéfinissable où les teintes du spectre meurent en fusionnant, où les formes disparaissent dans l'indifférence, où les mouvements ralentissent jusqu'à se perdre dans l'éternité. Le blanc, dans le rêve, est en rapport profond avec le regard. Parmi les compagnons les plus assidus de cette couleur, on observe les yeux blancs d'aveugle, les yeux clos, les orbites vides, le regard perdu derrière des lunettes noires.

Considéré comme origine, le blanc est l'unité créatrice, la lumière qui contient tout. Dans la perspective d'un accomplissement il est l'unité mortelle ! L'imaginaire, dont le rôle est d'assurer une gestion efficace du stock immense d'images accumulées dans la mémoire, est impuissant à recréer les conditions du rien initial, de l'innocence blanche dont s'est dégagée la conscience. Lorsqu'il impulse une vision blanche, lorsqu'il propose une lumière blancheur éblouissante, il confronte nécessairement le psychisme avec la vertigineuse brutalité de son devenir ultime. Le blanc lumineux, la lumière blanche éblouissante, dans le rêve, sont comparables à ces fournaises si intenses qu'elles absorbent et volatilisent toutes les impuretés. En termes simples, le blanc onirique exprime la mort. Pour la commodité de la rédaction, le blanc sera désigné comme une couleur, bien que ce terme ne lui convienne pas vraiment. Le noir et le blanc apparaissent chacun dans 50% des scénarios de rêve éveillé. Une fréquence aussi élevée s'oppose à l'émergence de corrélations statistiques significatives. Par contre, une lecture des rêves dirigée sur l'environnement proche du symbole constitue une démarche féconde. Dans près de 30% des scénarios, le blanc n'est cité qu'au titre d'une évocation incidente, au détour d'une phrase. Il est évident que, dans ce type de situation, il n'y a pas lieu de s'attarder à la recherche du sens.

Les manifestations accentuées du blanc, dans les rêves, peuvent être rangées dans deux groupes : celui dans lequel le symbole imprègne de toute sa puissance une séquence particulière du scénario, celui dans lequel la couleur blanche réapparaît à de nombreuses reprises dans un même rêve, s'imposant par cette insistante succession. Dans les deux situations, l'analyse conduit encore à distinguer quatre modes différentes d'intervention du symbole :

  • dans certaines séquences, généralement brèves mais saisissantes, le blanc assume en solitaire toute l'activation de la dynamique d'évolution. Il signe alors un épisode décisif du processus de transformation psychique ;

  • dans d'autres cas, il réalise une alliance avec le bleu. Ensemble, le bleu et le blanc prennent valeur d'espérance ultime, de promesse de paix. A travers eux, le ciel propose à l'âme accablée par trop de souffrance, un havre définitif ;

  • dans beaucoup de rêves, c'est le noir que le blanc invite pour composer un duo aux accents dramatiques. S'il fallait attribuer un titre à ces productions oniriques si particulières, c'est "Danse avec la Mort" que nous proposerions, tant cette valse du noir et blanc porte le sceau de l'angoisse existentielle :

  • dans bien d'autres scénarios, c'est le rouge que le blanc choisit comme partenaire. Lorsqu'ils se produisent ensemble, le blanc et le rouge jouent la grande scène de la Contradiction. La neige et le sang, le froid et la chaleur, l'innocence et la passion, l'isolement et l'implication, l'absolu et le temporel, la mort et la vie, composent la grande tirade de "l'être ou ne pas être" que déclinent les deux compères sur toute la gamme des émotions.

Dans l'écrasante majorité de ses prestations, qu'elles soient accomplies en soliste, en alliance avec le bleu, en complicité avec le noir, en opposition avec le rouge, ou même dans les jeux croisés de l'ensemble de cette petite troupe, la blanc, il faudra bien le reconnaître, arbore le masque de la Mort. Cependant, qui affecterait d'emblée, de ce fait, une valeur négative ou même simplement macabre au symbole s'engagerait dans l'erreur. La dynamique de l'imaginaire est l'une des forces organisatrices et régulatrice de la vie. Aucune de ses images ne sauraient être intrinsèquement négative. Le mot le plus péjoratif d'un vocabulaire ne prend sens que lorsqu'il est activé par son insertion dans une phrase. Il en est de même pour l'image. Le blanc mortel apparaîtra, dans certains scènes oniriques, comme un agent de résurrection, comme le provocateur qui prépare l'épisode de la mort vaincue et l’événement de la conscience.

Avant de produire quelques-unes des milliers d'illustrations disponibles du blanc rêvé, il convient de rassembler une partie des thèmes symboliques qui se rapportent à cette couleur.

Traditionnellement, le blanc est le vêtement des élus, du candidat c'est-à-dire du candidus, le nom latin du blanc ! Blanche est la robe du pape, des prêtres de l’Égypte antique, des officiantes de Zoroastre, des vestales, des druides, du Prophète. Blanc est aussi le linceul, l'Izar. Il est, dans de vastes aires culturelles, le signe du deuil, de la mort.

Le blanc exprime l'absolu, la perfection, la surconscience, l'origine et la fin, le Tout et le Rien, l'Unique, l'indifférence, l'innocence, la non-implication, l'isolement, la pureté, la stérilité, l'arrêt, le silence. Il est du monde des fantômes, de l'invisible.

Nullement exhaustive, une telle énumération permet au moins de prendre la mesure du symbole.

Une première séquence, extraite du quatorzième scénario de Gwenaël, va montrer la lumière blanche, sommation de toutes les composantes du monde, centre fulgurant offert, pendant quelques secondes, à toutes les purifications. Gwenaël se libère d'une très longue période de dépression. Le quatorzième rêve marque une étape décisive de la cure. Jusqu'alors, celle-là agissait dans le sens de la résolution d'une problématique fortement structurée autour des mécanisme œdipiens. A ce stade, le rêveur accède à des contenus de l'inconscient qui ne sont plus porteurs de la seule action thérapeutique mais qui s'inscrivent sur une axe initiatique. Gwenaël rencontre la lumière totale et lui confie la destruction des résidus de la névrose, les petits monstres : "Là,... je vois une lumière éblouissante, là... qui vient... une lumière blanche... je ne sais pas si c'est une étoile... c'est une lumière très éblouissante.... une lumière blanche... blanche... donc, je vois cette lumière, qui est très blanche, oui : éblouissante !... Et il y a un tas de petits monstres, d'horribles créatures qui fondent, tombent... dès qu'ils s'approchent de cette lumière... qui meurent quoi !..."

La voix de Gwenaël, très impliquée, dit, plus clairement encore que les mots, que, dans cette lumière blanche, on ne peut que mourir ! La séquence, située au milieu d'un long scénario, est encadrée par deux silences d'une durée tout à fait inhabituelle pour ce jeune homme. Cela souligne l'autonomie de cette vision puissamment purificatrice.

Dans les articles consacrés à la couleur rouge et à l'heure, est exposé le cas tragique d’Évelyne, dont la mère et la jeune sœur, assises à ses côtés, sont mortes dans un accident de voiture quand la rêveuse avait treize ans. Pour Évelyne, le temps s'est arrêté à l'heure de l'accident, la vie s'est figée. La jeune femme s'est enfermée dans un culte du souvenir, concrétisé par un rituel, accompli quotidiennement depuis des années. Le blanc, qui est au centre de ce rituel, va devenir, dès le second scénario de la cure, la clef de la délivrance. Ce qui était mort par le blanc va revivre par le blanc. nous reprenons cet exemple, réduit aux phrases les plus indispensables à la démonstration :

"... Le village, la maison de ma grand-mère... c'est fou ! Je vois la pendule, l'horloge comtoise... j'aimerais qu'elle se remette... que le temps se remette à marcher... y a plus de vie... justement, cette pendule, ç'aurait été comme la promesse de la vie... je sais que cette pendule remarche... j'ai envie d'entendre le tic-tac... je vois le cadran de la comtoise, c'est comme un cœur vivant... je crois sentir aussi que, derrière la comtoise, il y a le visage de ma mère, caché quelque part... je vois son visage... elle est derrière l'horloge... il faut que je traverse... il y a cette présence blanche derrière... j'attends qu'elle me fasse signe... [...] Il me semble que l'horloge m'a rappelée : il faut que je me tourne vers ça... vers la blancheur du cadran... il me semble que c'est là que va ressusciter la vie... c'est ça qui doit irradier... c'est vraiment vertigineux... je suis dans une lumière intense... c'est une exploration infinie... je reviendrai..."

La pendule comtoise, qu'il faut traverser, le cadran blanc, sont le lieu de passage entre le monde de la mort et celui des vivants. Ce franchissement, pour Évelyne, est un acte de réconciliation avec le désir de vivre. Le visage est l'une des associations les plus fréquentes avec le blanc. Beaucoup de rêves établissent une relation explicite entre la blancheur et le visage cadavérique.

La chaîne des associations observées dans les rêves pris en référence pour l'étude comprend, dans l'ordre décroissant de la fréquence d'apparition : la mort, le squelette, le cadavre (présents dans 85% des scénarios), la transparence, la translucidité, le brouillard, l'invisible (70%), le visage et particulièrement celui du père ou de la mère disparus (46%), la silhouette, les contours flous, l'apparition fantomatique (39%). Lorsqu'on a reconnu que tous les scénarios dans lesquels le blanc exerce une action significative sont porteurs de plusieurs de ces termes, on ne peut qu'admettre la vocation de cette couleur à promouvoir un échange avec l'autre monde ! Les expressions "aller de l'autre côté", "passer au travers", exposant des passages tels que celui que doit accomplir Évelyne à travers l'horloge, abondent autour du symbole et confirme l'aptitude de celui-là à réaliser commerce avec l'autre coté des choses. Ces franchissements témoignent en même temps du rétablissement de connexions entre la conscience et les contenus refoulés dans l'inconscient par la rêveuse ou le rêveur.

Les teintes adoucies, les tons pastel, les couleurs pâles, composent le décor habituel de ces rendez-vous avec un au-delà du monde qui se confond avec l'au-delà du Moi. Le quatorzième scénario de Sylvestre, trente-quatre ans, orphelin de père depuis l'âge de douze ans, contient presque toute la chaîne des associations qui s'organisent autour du blanc. On notera, entre autres images, celles des yeux morts :

"là... c'est un tourbillon, une tornade... un voile qui vole à une fenêtre, au centre d'un mur blanc... et je vois une planète là, une planète aux couleurs très pâles, ocre et vert très pâles, des couleurs très pastel... la planète semble irradier une très douce lumière... c'est pas violent du tout... c'est très très léger... j'ai l'impression de voir des sortes de visages translucides ou transparents, derrière une lumière très très pâle... et, toujours avec cette couleur translucide, très pâle, par transparence, je vois le visage de mon père... c'est curieux ! Parfois je le vois bien, parfois il se déforme, de façon presque... animalière, je dirais ! Impression de voir une sorte d'explosion... une irradiation blanche, pas tout à fait blanc... le blanc d'une lame rougie à blanc... qui évoque une chaleur intense... impression de voir la silhouette de mon père dans ce blanc... impression de voir une partie de son visage, nez, front, mais sans yeux ! Y a rien dans l'orbite oculaire... y a le vide... c'est pas noir ! C'est blanc... on voit au travers... y a rien... là, maintenant, je vois des caractères impossibles à déchiffrer, sans signification, tracés sur une espèce de mur blanc, avec un peu de brouillard... pas de mur vraiment... une impression de lucarne, dans un brouillard blanc... et ça ouvre sur une espèce de vallée verdoyante et sur le ciel bleu... et ça se referme et je vos une sorte de pendule stylisée : les secondes, les heures et les minutes... et, à nouveau, une sorte de plafond blanc... impression désagréable de chute, de vertige..."

Ce n'est pas moins d'une douzaine de maillons de la chaîne d'associations dans laquelle s'intègre le blanc onirique, qui se déploient dans ces quelques lignes. De très nombreux rêves attestent ainsi la vocation de passeur de la couleur blanche. L'apparition fréquente des mots irradier, irradiation à proximité de la lumière blanche traduit la peur du patient à l'approche de cette source de radiations.

*

Le praticien à l'écoute des rêves rencontrera le blanc dans une séance sur deux. Il négligera la traduction du symbole chaque fois que celui-ci apparaît d'une façon manifestement incidente. Il reste que, dans 35% de la totalité des scénarios de rêve éveillé, le blanc requiert une attention très particulière.

Le blanc soutenu, la lumière blanche sont toujours en résonance avec une zone morte du psychisme. Le blanc exprime d'abord le gel, le figé, l'inerte, l'isolement, le stérile, la non-implication dans l'aventure vitale. Certes, en positif, il peut prendre valeur d'innocence, de pureté voire de réalisation sublime, mais il laissera toujours place à la suspicion : ces vertus sont le plus souvent de l'ordre d'une aspiration ou d'un masque posé sur le refus de vivre sa plénitude.

La lumière blanche, la lumière éblouissante, le blanc irradiant, la blancheur aveuglante sont la manifestation d'une sommation insupportable aux sens des créatures vivantes. Approcher cette fulgurante totalité c'est prendre le risque de se perdre dans l'Illimité.

Le blanc est la couleur de l'au-delà. De l'au-delà du terrestre, mais avant tout de l'au-delà du Moi. Elle est la couleur du seuil. Elle est un lieu de passage pour les fantômes, médiateurs entre les deux mondes. Elle permet le repositionnement vis-à-vis d'êtres disparus.

Le blanc, la lumière blanche participent à de multiples mouvements de la dynamique onirique. Ceux-là peuvent révéler l'intolérable situation d'une psychologie figée dans une attitude d'isolement déguisée en choix de préservation de l'innocence. Ils peuvent, en un éclair, ressusciter une âme qui s'interdisait de survivre à la disparition d'un être cher. Ils peuvent dissiper une angoisse existentielle ou contribuer à sa dégradation. Ils peuvent offrir à la psychologie épuisée le réconfort d'une espérance ultime. Ils peuvent conduire des ténèbres à la conscience.

Dans sa démarche d'interprétation, le traducteur du rêve observera attentivement la situation dans laquelle apparaît le symbole. Si le blanc est la seule couleur active dans le scénario, on se reportera au contenu du présent article. S'il a pour partenaire le bleu, le noir, ou le rouge, on se référera utilement à l'article consacré au couple formé par le blanc avec l'une de ces trois couleurs.


Le blanc et le rouge


Le blanc et le rouge, associés dans une même vision, figurent parmi les symboles les plus chargés de sens. Ils expriment une des plus fortes antinomies auxquelles l'homme ait à faire face, sans grand espoir de réaliser, par rapport à elles, une harmonie pérenne. Lorsque apparaissent le blanc et le rouge couplés, ce sont peut-être les opposés les plus fondamentaux de la vie qui sont en confrontation brutale dans la psyché.

L'imaginaire fait appel à des images extrêmement variées pour mettre en scène les deux couleurs. De l'aigle blanc aux yeux rouges à l'hirondelle rouge à calotte blanche, en passant par le tambour rouge et blanc, la petite fille en robe blanche et chaussures rouges, le pigeon blanc qui sort du ventre ouvert, rouge de sang, la fusée à carreaux rouges et blancs, le pape vêtu de blanc présidant l'assemblée des cardinaux rouges, des dizaines de visions, parfois très originales, n'ont d'autre but que d'exposer ensemble les deux symboles. A l'instant où l'on entre dans l'interprétation de ces derniers, il est difficile de se défendre contre un certain vertige, doublé d'un sentiment d'impuissance. Cela parce que le blanc et le rouge entraînent des prolongements d'une telle ampleur qu'il semble impossible de les décrire en évitant que les mots exercent un rôle de banalisation.

Le blanc exprime l'absolu, une origine et un but qui se confondent dans l'unique, l'éternel, le temps indifférencié de l'innocence, de la non-manifestation. Le blanc imaginaire est par nature, un blanc immaculé. Il est en dehors de l'acte. Il est pureté, innocence, sublimité. Mais ces valeurs s'opposent à la vie manifestée qui est dualité, engagement, risque, acceptation de la souffrance. Le blanc protège mais isole. Au plan de l'esprit il est perfection, au plan terrestre, il est stérilité.

Le rouge, c'est l'implication, le sentiment, la passion, l'amour, la souffrance, l'incarnation, la violence, le rythme. C'est le temps terrestre, le temps séquentiel, mesuré, cadencé, le temps compté. C'est la matière animée, le sang qui bat dans les veines. Au plan de l'esprit, c'est la mort, au plan terrestre, c'est la vie. Le rouge, c'est l'univers de la compétition, de la puissance, de la possession. Pour utiliser une formule simple, le blanc est pouvoir spirituel, le rouge pouvoir temporel. Dans le rêve, comme dans la vie, cette dualité d'orientation de la volonté de puissance va imprégner des situations apparemment fort éloignées les unes des autres. Par rapport à la problématique d'un patient, le blanc et le rouge peuvent intervenir au moins dans trois cas. Soit lorsque les valeurs spirituelles et les aspirations matérielles évoluent vers de nouveaux équilibres, soit lorsqu'un nouveau positionnement vis-à-vis des images parentales tend à se mettre en place, soit encore, de façon très nette, lorsque se rejouent, sur la scène du rêve les drames de la puberté et de l'adolescence. Il n'est pas rare, d'ailleurs, que ces trois niveaux de la dynamique d'évolution soient concernés dans le même rêve, sous le signe du blanc et du rouge. C'est le cas dans le sixième scénario de Dominique, riche en images et particulièrement actif par rapport à la résolution de la problématique du jeune homme.

Après s'être assis "avec désinvolture" sur un trône qui ne lui était pas destiné, Dominique voyage dans un train de l'Ouest américain : "... le train repart, continue sa route... il va vers l'ouest... je suis dans un compartiment assez luxueux. Les paysages défilent... un aigle apparaît dans le ciel : il ne vole pas, il plane, les ailes posées sur l'air... il se pose sur le toit de mon wagon, puis il vient se poser sur mon bras... il me regarde... il est amical... ses yeux sont rouges... rouges comme des rubis... ses plumes sont blanches... j'ouvre la fenêtre et je le laisse s'envoler... il monte, haut dans le ciel..." Dans la suite du rêve, Dominique s'agenouille devant le trône d'un roi qui le bénit et lui confère une puissance spirituelle.

Dominique a perdu son père alors qu'il n'avait lui-même que dix ans. A travers le début de sa cure, il a rétabli symboliquement dans son rôle ce père dont il avait pris la place avec désinvolture. Il reçoit en retour un pouvoir légitime. Curieusement, cette situation rappelle la cérémonie romaine de l'apothéose, réservée aux empereurs défunts, laissant un fils pour leur succéder sur le trône, cérémonie grandiose au cours de laquelle un aigle était lâché dans le ciel pour y porter l'âme du défunt !

L'alchimie offre aussi l'image de l’œuf d'où émerge un aigle à deux têtes, l'une portant la tiare pontificale symbole de la puissance spirituelle, l'autre la couronne impériale, emblème du pouvoir temporel.

Les exemples où le blanc et le rouge associés affichent la double mission spirituelle et temporelle ne manquent pas. Les templiers, moines-soldats, arborent la croix de sang sur leur tunique immaculée. Les croisés portent de semblables marques. Le pharaon, unique délégué du dieu sur la terre, et souverain absolu dans l'ordre temporel, porte la double couronne rouge et blanche. Le fait que la couronne rouge était initialement portée par le roi des États du Nord et la couronne blanche par celui des États du Sud ne fait que confirmer notre observation. Les chouans, autres soldats du roi et de la religion avaient choisi pour insigne le Sacré Cœur rouge sur fond blanc. plus près de nous la croix rouge, le croissant rouge expriment aussi la volonté de porter l'effort humanitaire au cœur même de la tourmente guerrière La houppelande rouge t blanc du Père Noël, personnage qui fréquente volontiers le rêve, est le signe évident d'une fête où le sacré se mêle étroitement aux réjouissances les plus terre à terre.

Dans les rêves, le rouge et le blanc associés sont présents dans près de 8 % des séances, ce qui place ce couple de couleurs parmi les symboles les plus importants, numériquement.

Cela ne surprend pas lorsqu'on a reconnu que ces couleurs peuvent intervenir dans chacun des trois cas que nous avons cités plus haut.

Le troisième scénario de Suzanne apporte une très bonne illustration d'un cas où le rouge et le blanc expriment une dynamique d'harmonisation entre les aspirations spirituelles et les désirs terrestres. La rêveuse arrive sur une planète inconnue où évoluent des personnes transparentes dans des paysages brumeux, aux "teintes passées, très passées". Tout ce qu'elle voit est coloré de tons pastel. Suzanne croise ces gens impalpables qu'elle traverse sans même qu'ils s'en aperçoivent. La rêveuse insiste, sans se rendre compte de leur double sens, sur les mots "très passées". Il est de toute façon évident que l'action se situe, symboliquement, dans "l'autre monde". Le rêve se déroule, longuement, Suzanne tentant sans succès d'établir un contact avec les personnes qu'elle rencontre. Et puis : "... Il y a aussi plein d'oiseaux... ah ! ça, il y a beaucoup d'oiseaux et... il y a un seul oiseau... alors ça je l'ai remarqué tout de suite, parce que c'est le seul élément qui détonne dans ce paysage : il est rouge vif ! Il choque ! C'est un oiseau... qui est pourtant... un petit oiseau, comme un oiseau normal de la terre ! Mais pas un oiseau exotique, non ! Ça pourrait être... oui ! C'est une hirondelle... il est rouge vif, avec une petite calotte blanche... il tranche sur le reste. Sur cette planète, il est le seul être à m'avoir remarquée... il se penche sur mon épaule..."

Dans la suite du rêve, très long, Suzanne est accueillie par un double cercle d'hommes et de femmes habillés de tuniques blanches. Invitée à se placer au centre des cercles, elle est soumise à un rituel qui rappelle le baptême, à la suite duquel elle est revêtue d'une tunique blanche. Élue parmi ceux qui sont capables de s'accomplir spirituellement, la patiente voit l'hirondelle rouge se poser sur son épaule et pousser un cri "choquant". Il serait impossible de mieux exprimer le tumulte qui agite la psyché de cette femme dont les hautes dispositions spirituelles se heurtent aux exigences d'une nature charnelle exigeante et violente.

Le sixième rêve de Laurence se situe sur le plan de la modification du rapport aux images parentales. La situation œdipienne est ici clairement exposée, au cours d'une longue crise de larmes : "... Je me vois avancer, avec une robe serrée à la taille, qui s'épanouit en corolle, blanche, avec des chaussures rouges... et j'avance vers le soleil. Le soleil aussi vient vers moi !... Je ne sais pas pourquoi, c'est le visage de mon père qui apparaît... je voudrais savoir où est mon père ! Qu'il me prenne par la main... pour me guider... j'étais bien avec lui ! Quand j'étais seule avec lui... il m'emmenait sur son vélo, assise sur le cadre... je sentais son souffle dans mes cheveux ; quand il peinait pour monter les côtes, j'avais le sentiment d'une certaine jouissance, dans mon corps, dans mon ventre... c'est un moment que je volais... j'aurais voulu que la route soit très longue..."

Ce texte est si clair qu'il n'appelle pas de commentaires. Mais il assure la transition vers le troisième plan, toujours sous-jacent lorsque sont réunis le blanc et le rouge : celui qui les relie aux fantasmes pubertaires et à leur cortège d'angoisses, de désirs et de nostalgie de l'innocence, de culpabilité, de sentiment ou de crainte de castration.

C'est le plus souvent vers la cinquième ou sixième séance que se rejouent les conflits de la puberté et de l'adolescence, période où l'éveil des désirs se heurte aux interdits multiples. Estelle revit, dans son cinquième rêve, une scène réelle de ses presque treize ans. L'enfant s'était à demi évanouie dans la vaste cuisine de sa grand-mère, en présence d'un cousin dont elle était amoureuse. Habillée d'un pantalon rouge, Estelle était tombée sur le dos, allongée, jambes écartées, sur le carrelage blanc. Ces souvenirs, mêlés à d'autres scènes de l'époque, ne laissent aucun doute sur leur appartenance à la zone des conflits pubertaires.

*

Le blanc et le rouge disent l'innocence et la passion, la virginité et la connaissance, la cristallisation et le flux, la neige et le sang, le Principe et l'incarnation. Le blanc, c'est l'émotion retenue, le refuge dans la pureté protectrice ; le rouge, c'est l'engagement, l'implication, l'acceptation du jeu de la vie, l'entrée dans le tourbillon des espérances et des souffrances, le désir. Lorsqu'ils apparaissent ensemble, ces deux symboles sont toujours le signal d'une activation du processus évolutif. Ils agissent soit comme une incitation à harmoniser les aspirations spirituelles et les désirs temporels, tâche difficile mais indispensable, soit comme agents de dissolution des séquelles œdipiennes, soit comme supports d'évacuation des angoisses de castration.

A l'heure de la traduction, on tiendra utilement compte de ces distinctions. Si la séquence concerne l'harmonisation des valeurs, il sera important d'aider le patient à comprendre ce qui se joue en lui. Si les images se rapportent aux relations œdipiennes, elles indiqueront en général clairement le sens de l'évolution en cours.

S'il s'agit de la cinquième ou de la sixième séance de la cure, il y a tout lieu de considérer que le blanc et le rouge se relient à la restitution de souvenirs pénibles de la période pubertaire : interdits transgressés, mort, accidents, onanisme, etc. Ces images portent en elles-mêmes leur puissance résolutoire, il n'y a pas lieu de les interpréter."

*




Littérature :

Symphonie en Blanc Majeur

De leur col blanc courbant les lignes, On voit dans les contes du Nord, Sur le vieux Rhin, des femmes-cygnes Nager en chantant près du bord.


Ou, suspendant à quelque branche Le plumage qui les revêt, Faire luire leur peau plus blanche Que la neige de leur duvet.


De ces femmes il en est une, Qui chez nous descend quelquefois, Blanche comme le clair de lune Sur les glaciers dans les cieux froids ;


Conviant la vue enivrée De sa boréale fraîcheur A des régals de chair nacrée, A des débauches de blancheur !

Son sein, neige moulée en globe, Contre les camélias blancs, Et le blanc satin de sa robe Soutient des combats insolents.


Dans ces grandes batailles blanches, Satins et fleurs ont le dessous, Et, sans demander leurs revanches, Jaunissent comme des jaloux.


Sur les blancheurs de son épaule, Paros au grain éblouissant, Comme dans une nuit du pôle, Un givre invisible descend.


De quel mica de neige vierge, De quelle moelle de roseau, De quelle hostie et de quel cierge A-t-on fait le blanc de sa peau ?


A-t-on pris la goutte lactée Tachant l'azur du ciel d'hiver, Le lis à la pulpe argentée, La blanche écume de la mer ;

Le marbre blanc, chair froide et pâle, Où vivent les divinités ; L'argent mat, la laiteuse opale Qu'irisent de vagues clartés ;


L'ivoire, où ses mains ont des ailes, Et, comme des papillons blancs, Sur la pointe des notes frêles Suspendent leurs baisers tremblants ;


L'hermine vierge de souillure, Qui, pour abriter leurs frissons, Ouate de sa blanche fourrure Les épaules et les blasons ;


Le vif-argent aux fleurs fantasques Dont les vitraux sont ramagés ; Les blanches dentelles des vasques, Pleurs de l'ondine en l'air figés ;


L'aubépine de mai qui plie Sous les blancs frimas de ses fleurs ; L'albâtre où la mélancolie Aime à retrouver ses pâleurs ;


Le duvet blanc de la colombe, Neigeant sur les toits du manoir, Et la stalactite qui tombe, Larme blanche de l'antre noir ?


Des Groenlands et des Norvèges Vient-elle avec Séraphita ? Est-ce la Madone des neiges, Un sphinx blanc que 1'hiver sculpta,


Sphinx enterré par l'avalanche, Gardien des glaciers étoilés, Et qui, sous sa poitrine blanche, Cache de blancs secrets gelés ?


Sous la glace où calme il repose, Oh ! qui pourra fondre ce cœur ! Oh ! qui pourra mettre un ton rose Dans cette implacable blancheur !

Théophile Gautier, "Symphonie en blanc majeur" in Émaux et camées (1852).

*

*

Ce qui arrêtait ces dames, c’était le spectacle prodigieux de la grande exposition de blanc. Autour d’elles, d’abord, il y avait le vestibule, un hall aux glaces claires, pavé de mosaïques, où les étalages à bas prix retenaient la foule vorace. Ensuite, les galeries s’enfonçaient, dans une blancheur éclatante, une échappée boréale, toute une contrée de neige, déroulant l’infini des steppes tendues d’hermine, l’entassement des glaciers allumés sous le soleil. On retrouvait le blanc des vitrines du dehors, mais avivé, colossal, brûlant d’un bout à l’autre de l’énorme vaisseau, avec la flambée blanche d’un incendie en plein feu. Rien que du blanc, tous les articles blancs de chaque rayon, une débauche de blanc, un astre blanc dont le rayonnement fixe aveuglait d’abord, sans qu’on pût distinguer les détails, au milieu de cette blancheur unique. Bientôt les yeux s’accoutumaient : à gauche, la galerie Monsigny allongeait les promontoires blancs des toiles et des calicots, les roches blanches des draps de lit, des serviettes, des mouchoirs ; tandis que la galerie Michodière, à droite, occupée par la mercerie, la bonneterie et les lainages, exposait des constructions blanches en boutons de nacre, un grand décor bâti avec des chaussettes blanches, toute une salle recouverte de molleton blanc, éclairée au loin d’un coup de lumière. Mais le foyer de clarté rayonnait surtout de la galerie centrale, aux rubans et aux fichus, à la ganterie et à la soie. Les comptoirs disparaissaient sous le blanc des soies et des rubans, des gants et des fichus. Autour des colonnettes de fer, s’élevaient des bouillonnés de mousseline blanche, noués de place en place par des foulards blancs. Les escaliers étaient garnis de draperies blanches, des draperies de piqué et de basin alternées, qui filaient le long des rampes, entouraient les halls, jusqu’au second étage ; et cette montée du blanc prenait des ailes, se pressait et se perdait, comme une envolée de cygnes. Puis, le blanc retombait des voûtes, une tombée de duvet, une nappe neigeuse en larges flocons : des couvertures blanches, des couvre-pieds blancs, battaient l’air, accrochés, pareils à des bannières d’église ; de longs jets de guipure traversaient, semblaient suspendre des essaims de papillons blancs, au bourdonnement immobile ; des dentelles frissonnaient de toutes parts, flottaient comme des fils de la Vierge par un ciel d’été, emplissaient l’air de leur haleine blanche. Et la merveille, l’autel de cette religion du blanc, était, au-dessus du comptoir des soieries, dans le grand hall, une tente faite de rideaux blancs, qui descendaient du vitrage. Les mousselines, les gazes, les guipures d’art, coulaient à flots légers, pendant que des tulles brodés, très riches, et des pièces de soie orientale, lamées d’argent, servaient de fond à cette décoration géante, qui tenait du tabernacle et de l’alcôve. On aurait dit un grand lit blanc, dont l’énormité virginale attendait, comme dans les légendes, la princesse blanche, celle qui devait venir un jour, toute puissante, avec le voile blanc des épousées.

— Oh ! extraordinaire ! répétaient ces dames. Inouï !

Elles ne se lassaient pas de cette chanson du blanc, que chantaient les étoffes de la maison entière. Mouret n’avait encore rien fait de plus vaste, c’était le coup de génie de son art de l’étalage. Sous l’écroulement de ces blancheurs, dans l’apparent désordre des tissus, tombés comme au hasard des cases éventrées, il y avait une phrase harmonique, le blanc suivi et développé dans tous ses tons, qui naissait, grandissait, s’épanouissait, avec l’orchestration compliquée d’une fugue de maître, dont le développement continu emporte les âmes d’un vol sans cesse élargi. Rien que du blanc, et jamais le même blanc, tous les blancs s’enlevant les uns sur les autres, s’opposant, se complétant, arrivant à l’éclat même de la lumière. Cela partait des blancs mats du calicot et de la toile, des blancs sourds de la flanelle et du drap ; puis, venaient les velours, les soies, les satins, une gamme montante, le blanc peu à peu allumé, finissant en petites flammes aux cassures des plis ; et le blanc s’envolait avec la transparence des rideaux, devenait de la clarté libre avec les mousselines, les guipures, les dentelles, les tulles surtout, si légers, qu’ils étaient comme la note extrême et perdue ; tandis que l’argent des pièces de soie orientale chantait le plus haut, au fond de l’alcôve géante.

Cependant, les magasins vivaient, du monde assiégeait les ascenseurs, on s’écrasait au buffet et au salon de lecture, tout un peuple voyageait au milieu de ces espaces couverts de neige. Et la foule paraissait noire, on eut dit les patineurs d’un lac de Pologne, en décembre. Au rez-de-chaussée, il y avait une houle assombrie, agitée d’un reflux, où l’on ne distinguait que les visages délicats et ravis des femmes. Dans les découpures des charpentes de fer, le long des escaliers, sur les ponts volants, c’était ensuite une ascension sans fin de petites figures, comme égarées au milieu de pics neigeux. Une chaleur de serre, suffocante, surprenait, en face de ces hauteurs glacées. Le bourdonnement des voix faisait un bruit énorme de fleuve qui charrie. Au plafond, les ors prodigués, les vitres niellées d’or et les rosaces d’or semblaient un coup de soleil, luisant sur les Alpes de la grande exposition de blanc.


Émile Zola, Au Bonheur des Dames, chapitre XIV, 1883.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque le jeu du noir et du blanc :

25 février

(Fontaine-la-Verte)


Le nuage blanc sur le bois noir. La pie noir et blanc sur le bouleau blanc et noir. La fumée noir et blanc des vanneaux huppés...

La colline est un échiquier. J'ai les pieds dans une case blanche. Trait aux noirs.

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Dans Sans dommage apparent (Édition originale 1999 ; traduction française éditions Denoël, 2001) Ruth Rendell évoque elle aussi la passion du blanc :


Mrs Chorley avait la passion du jardinage, le jardin occupait l’essentiel de son temps,, avec l'entretien de sa maison, dont elle prenait grand soin. Elle avait peint l'extérieur elle-même l'année précédente et pensait sincèrement qu'une nouvelle couche de peinture s'imposait. Le blanc n'était pas fait pour ce pays, il était très vite jauni par la pluie, mais elle adorait cette couleur, elle en était folle, elle ne pourrait jamais s'en lasser. Cette préférence se voyait dans le mobilier du grand salon-salle à manger, dans les voilages éclatants de blancheur, dans les carpettes, les coussins et les tapis moelleux, et jusque dans sa tenue, son chemisier immaculé garni de dentelles et ses chaussures d'un blanc brillant.

Son amour du blanc prenait sa pleine mesure dans la cuisine, d'un blanc aussi étincelant que les icebergs polaires, visible derrière les portes vitrées à deux battants. Pas dans le jardin, toutefois. Là, il lui fallait de la couleur.

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