Étymologie :
Étymol. et Hist. 1. 1165-70 bot. (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2308) ; 2. a) 1631 « bague qui est partout de même grosseur » (Les La Trémoille t. 4, p. 54) ; b) 1790 arg. « or » (Rat du Châtelet, p. 14). Du lat. juncus « jonc, tige semblable à un jonc ».
Lire également la définition du nom jonc afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Acorus calamus - Acore - Acore aromatique - Acore odorant - Acore roseau - Acore vrai - Acorus roseau - Angélique - Bargénie - Bâton odorant - Belle-angélique - Calame - Calamus - Glaïeul des marais - Herbe à rajeunir - Iris jaune - Jonc odorant - Lis des marais - Myrte - Radote - Redote - Roseau aromatique - Roseau odorant - Vargénie - Varginie - Vergénie -
Juncus inflexus - Jonc courbé -Jonc des jardiniers - Jonc glauque -
Botanique :
Selon Ernest Small et Paul M. Catling, auteurs de Les Cultures médicinales canadiennes (Les Presses scientifiques du CNRC, Ottawa, 2000) :
L'espèce est traditionnellement placée parmi les aracées (famille de l'arum), mais des études récentes indiquent qu'elle mérite de constituer une famille à part, les acoracées.
Morphologie : Plante herbacée vivace, à feuilles dressées en forme d'épées pouvant atteindre 2 m de longueur. Les feuilles émergent à partir d'un rhizome souterrain tortueux, ramifié, cylindrique, mesurant 1 à 2 cm d'épaisseur et jusqu'à un mètre de longueur, à chair rose blanchâtre et à feuilles écailleuses en forme de V. Les fleurs sont nombreuses, jaunes et vertes, regroupées sur un axe en forme d'épi (le spadice) sous-tendu par une bractée foliacée (la spathe).
Certains avancent que l'Acorus calamus constituerait, parmi les espèces végétales actuelles, la ligne la plus ancienne des monocotylédones (un des deux grands groupes de plantes à fleurs). Par ailleurs, la plupart des auteurs estiment que le genre Acorus compte une seule espèce, mais des études récentes tendent à montrer qu'on peut en distinguer deux taxons en Amérique du Nord, et au moins trois à l'échelle de la planète.
L'Acore pousse dans les régions tempérées et sub-tropicales d'Eurasie et d'Amérique. L'Acorus calamus var. americanus (Raf.) Wulf., variété diploïde à 24 chromosomes, est parfois considéré comme une espèce distincte (Acorus américanus (Raf.) Raf.) et est présente depuis l'Amérique du Nord jusqu'en Sibérie. l'Acorus calamus var. angustatus, variété tétraploïde à 48 chromosomes, est une plante des régions orientales et tropicales du sud de l'Asie. Enfin, l'Acorus calamus var. calamus, variété stérile et triploïde (à 36 chromosomes), pousse en Europe, dans la partie tempérée de l'Inde, dans la région de l'Himalaya ainsi que dans l'est de l'Amérique du Nord. La variété calamus se distingue de la variété americanus par l'absence de fruits et son pollen avorté qui ne prend aucune coloration dans les essais standard de viabilité. On croit que la variété triploïde a été introduite d'Asie en Europe et en Amérique du Nord. Par ailleurs, une forme hexaploïde (à 72 chromosomes) a été observée dans la région du Cachemire.
Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description du Jonc :
Nom scientifique : Le nom lat. JUNCUS, -Ī « jonc » est, selon André (2010 : 134), d’origine inconnue et sert à désigner les espèces de jonc et de souchet. L’adjectif lat. INFLEXUS, -A, -UM « plié, courbé » (OLD : 902) se réfère au port caractéristique des tiges du jonc qui ont tendance à se courber vers le bas.
Description botanique : Le jonc est une plante vivace qui arrive à atteindre 1 m. Son port se caractérise par la présence de nombreuses tiges vertes raides, difficiles à rompre, et à moelle interrompue. Les inflorescences se composent de panicules verdâtres et rameuses apparaissant dans la partie supérieure des tiges, et qui fleurissent entre juin et août (Pignatti, 1982, III : 436).
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Vertus médicinales :
Pierre-Joseph Bic'hoz, médecin de Monsieur et auteur de Etrennes du printemps, aux habitans de la campagne, et aux herboristes, ou pharmacie champêtre, végétale & indigène, à l'usage des pauvres & des habitans de la campagne (Lamy libraire, Paris, 1781) recense les vertus médicinales des plantes :
Racine de Calamus Aromatique. Cette racine mâchée est excellente contre les maux de dents ; elle corrige aussi l'haleine puante.
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de l'Acore odorant :
Propriétés Physiques et Chimiques. — Les feuilles, les fruits et les racines de cette plante ont une odeur forte, pénétrante, aromatique ; ces dernières seules sont usitées. Leur saveur est chaude ; elles cèdent leurs principes actifs à l'eau bouillante. L'analyse y a fait rencontrer une matière extractive, de la gomme, une résine visqueuse, une matière analogue à l'inuline, un peu d'huile volatile de saveur camphrée, du ligneux, des sels et de l'eau (Trommsdorff).
Usages médicaux — Le calamus aromaticus des anciens n'est pas celui que nous décrivons ici ; c'était une plante odorante et amère, originaire des Indes, appartenant à la famille des gentianées. Le roseau odorant de nos climats est un tonique, stimulant, très bon stomachique, possédant les propriétés ordinaires des aromatiques ; on le recommande dans les affections gastro-intestinales flatulentes, dans l'atonie de l'estomac, la dyspepsie, les pesanteurs d'estomac, les digestions laborieuses, les indigestions et les vomissements. Il est aussi carminatif, expectorant, sudorifique, diaphorétique et emménagogue. Il a été prescrit dans les affections catarrhales, l'aménorrhée, les fièvres intermittentes, la goutte, l'œdème des extrémités inférieures. On le donne aussi contre les vers ; c'est un bon adjuvant aux médicaments toniques ou purgatifs que l'on administre par la bouche ou en lavement dans les cas de torpeur ou de débilité du canal alimentaire. On lui a attribué des propriétés hémostatiques. On l'emploie dans la parfumerie ; il donne son arome à l'eau de vie de Dantzick. A Constantinople, on mange cette racine confite comme préservative des affections contagieuses en temps d'épidémie. Le roseau odorant entre dans la thériaque, l'orviétan, etc.
Formes et doses. - Poudre, 1 à 4 grammes. - Infusion ou décoction, 8 à 30 grammes par demi-litre d'eau bouillante. - Eau distillée, 50 à 60 grammes. - Teinture, 2 à 6 grammes. - Extrait, 1 à 4 grammes.
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A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les propriétés thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :
Gérard, Acorus verus officinalis. Acorus vrai.
Feuilles longues, étroites, à peu près comme celles de l'iris, racines à nœuds rougeâtres, assez superficielles sur la terre n'y tenant presque que par ses filaments.
VERTUS : La racine est un bon stomachique, apéritive, carminative, vermifuge, on s'en sert peu seule, mais dans les compositions alexitères comme l'eau impériale, générale, la thériaque, l'orviétan, la poudre d'alun composée qui est bonne pour les crudités, les indigestions et toutes les maladies qui en proviennent.
[...]
Jonc odorant ou schanantos. Espèce de gramen de l'Arabie heureuse servant de pâture en son endroit.
VERTUS : C'est un bon atténuant, diaphorétique, diurétique, emménagogue, en infusion, dans les rhumes invétérés et opiniâtres.
Mickaël Welfringer, auteur d'une thèse intitulée La Thériaque : analyse d'un contrepoison de l'Antiquité et héritage dans la pharmacie d'officine d'aujourd'hui (Université de Lorraine, 2017) mentionne l'usage du Jonc odorant dans la Thériaque :
Le jonc odorant ou schoenanthos est une plante orientale herbacée et marécageuse avec rhizome, Acorus calamus L. (acore odorant) de la famille des Acoracées. Très commune, cette herbe servait de foin aux chameaux en orient et conservait son odeur aromatique longtemps après avoir été cueillie.
Schoenanthos signifie en grec fleur de jonc ce qui désigne la partie importante de couleur blanche, utile pour les maux de ventre, du foie, des reins et contre les crachements de sang. (Charas, 1685).
[...]
L’acorus est très souvent cité dans la composition de la Thériaque comme substitut du roseau aromatique, Calamus aromaticus Ledeb. Il s’agit en fait d’une seule et même plante qui est pourtant cité 2 fois dans la formule de la Thériaque. L’Acorus verus, ou calamus L., est une plante importée de Lituanie et de Tartarie, une région de l’Asie centrale, et de la famille des Acoracées.
L’acorus est utilisé à la fois sous forme de poudre à partir de la racine mais aussi dans les trochisques d’Hedicroi. La racine est diurétique, utile contre les morsures de serpent et pour les douleurs au foie. (Rigaud, Barthe, & Bouttes, 1689) (Charas, 1685)
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Usages traditionnels :
Dans Les Cultures médicinales canadiennes (Les Presses scientifiques du CNRC, Ottawa, 2000) Ernest Small et Paul M. Catling, rapportent divers usages médicinaux :
Le rhizome de l'acore a été utilisé surtout comme médicament presque partout où la plante était présente. Cet usage est souvent apparu de façon indépendante. Les anciennes civilisation égyptiennes, chinoise, indienne, grecque et romaine semblent toutes avoir utilisé l'acore, principalement à des fins médicinales. Les Amérindiens l'utilisaient aussi abondamment pour ses vertus médicinales dans le traitement de maladies diverses et le considéraient souvent comme une panacée. Autrefois, les Européens, les Chinois, les Arabes et les Indiens voyaient l'acore comme un aphrodisiaque puissant et l'incorporaient dans des philtres d'amour. En Amérique du Nord et en Nouvelle-Guinée, l'acore a parfois été utilisé pour provoquer l'avortement.
Il a été démontré que l'huile de l'acore a des propriétés antibactériennes, antifongiques et amœbicides. Il ne faut donc pas s'étonner que l'acore ait été souvent utilisé comme antibiotique, en raison de ses propriétés vermifuges, antiseptiques et antiprotozoaires ainsi que pour traiter diverses maladies d'origine microbienne.
Au moins jusqu'au milieu de notre siècle, l'acore était un agent pharmacologique reconnu en Occident, où il était utilisé surtout pour soigner les troubles digestifs et la fièvre. Aujourd'hui, l'acore fait encore partie de l'arsenal thérapeutique d'un nombre restreint de médecins, surtout en Europe et en Asie, et on le trouve dans plusieurs préparations médicinales commerciales vendues au Canada. Ce sont probablement les propriétés antispasmodiques de l'acore qui expliquent qu'on l'utilisait pour soulager les troubles digestifs et la toux. De nombreuses études expérimentales ont démontré que l'acore a clairement des vertus antispasmodiques, et il semble que la variété nord-américaine serait plus efficace à cet égard. [...]
Depuis de nombreux siècles, l'huile odorante de l'acore entre dans la composition de certains parfums. Encore de nos jours, l'industrie nord-américaine de la parfumerie utilise une grande quantité d'acore, dont la valeur dépasse certaines années 30 millions de dollars. La plante est parfois aussi employée comme aliment. Certains autochtones d'Amérique du nord faisaient rôtir le rhizome et le consommaient en légume. Les Européens et les premiers colons américains confisaient le rhizome comme friandise. Les amateurs d'aliments sauvages consomment parfois les jeunes feuilles en salade. Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, l'acore était utilisé en Amérique du Nord pour parfumer les produits alimentaires, les toniques et les poudres dentifrices. L'essence de calamus est encore employé en Europe pour aromatiser certaines boissons alcoolisées. Les feuilles, odorantes, ont déjà servi à éliminer les mauvaises odeurs et à éloigner les insectes. L'huile essentielle a des propriétés insecticides et a été utilisée pour éloigner les puces, les mites et les fourmis. Elle pourrait sans doute servir à protéger des insectes ravageurs les produits alimentaires entreposés. Les feuilles d'acore sont enfin utilisées pour tisser des paillassons et renforcer le bord de contenants en écorce.
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Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes du Jonc des jardiniers :
Propriétés et utilisation : On utilisait déjà au temps de Pline les tiges de jonc pour la création d’objets en vannerie (HN, XXI, 114) et on retrouve aussi cette utilisation parmi les communautés albanophones où la plante a été reconnue et nommée. Chez les Arbëreshë, ses tiges étaient utilisées pour la fabrication de paniers, corbeilles, de petits paniers pour le transport de la ricotta et des fromages et pour la réalisation d’une espèce de petit rouleau pour la fabrication d’un format de pâtes alimentaires en forme de petits cylindres percés aux extrémités et typique du sud de l’Italie, appelé notamment en it. fusilli, en arb. fillil ou makarun. Guarrera (2006 : 121) indique que les tiges de la plante sont utilisées en agriculture comme des liens. En Sardaigne, le jonc est utilisé comme antidote contre le mauvais œil : sans la mouiller, on fait trois nœuds à une tige de jonc et on la coud sur un vêtement pour la porter toujours sur soi (Atzei, 2003 : 217). Pour éloigner le mauvais œil des animaux, on avait l’habitude de lier une tige de jonc soit au licou de la bride soit directement au cou de l’animal (Atzei, 2003 : 217). Sur la plupart du territoire sarde, le jonc est utilisé dans un rituel magique pour le traitement des verrues : sur sa tige on fait autant de nœuds que l’on a de verrues à éliminer ; ensuite, on jette cette tige nouée par-dessus l’épaule sans se retourner et dans un endroit près de l’eau où le malade ne pourra jamais aller ; au fur et à mesure que la tige de jonc pourrit, les verrues disparaissent graduellement (Atzei, 2003 : 217).
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Croyances populaires :
Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :
JONC. Jadis, dans quelques provinces, lorsque deux jeunes personnes avaient ensemble un commerce criminel, et qu'ensuite elles se mariaient, on ne leur donnait qu'un anneau de jonc. Ce fut par rapport à cette coutume qu'un évêque défendit de donner en jouant ce genre d'anneau, attendu que des filles crédules se persuadaient qu'une fois cet anneau reçu, elles se trouvaient suffisamment autorisées à jouir des privilèges d'une mariée.
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :
Suivant une légende des environs de Bruxelles, la Sainte famille, au moment de la fuite en Egypte, s'étant réfugiée dans un fossé, le bout pointu d'un jonc vint effleurer l'œil du petit Jésus qui dormait. Il se réveilla et se mit à pleurer ; la Vierge maudit la plante malencontreuse, et depuis la pointe de son épi est noircie et brûlée.
[...] Dans les Vosges on détruit le chancre en faisant avec de la moelle de jonc une croix à trois croisillons, qui, après avoir été plongée dans de l'eau bénite pendant quelques secondes, est déposée sur la langue du malade, et devra y rester jusqu'à ce que la personne qui l'y aura mise ait eu le temps de réciter trois Pater et trois Ave en l'honneur des trois personnes de la Trinité.
[...] On rencontre en Morvan un exemple intéressant de la guérison à distance quand un enfant a le croup, on remplit un chapeau avec des joues, on fait une ronde et à la fin de chaque ronde on crache dedans.
[...] En Haute-Bretagne, lorsque la moelle du gros jonc de marais dépouillée de son écorce a été coupée à la longueur de sept à huit centimètres, et pourvue d'un clou, on l'enfonce dans l'eau en mettant en haut la partie où est le clou ; celle-ci plus pesante lui fait faire une sorte de culbute.
[...] On désigne en Ille-et-Vilaine sous le nom de chèvre l'assemblage de plusieurs joncs qui sont attachés soit à une chaise, soit à la ceinture d'une personne, et sur lequel on tire comme s'il s'agissait de traire une chèvre, c'est de là que vient le nom ; cela produit un bruit qui s'il est peu varié, ne laisse pas que d'avoir une certaine harmonie. Dans nombre de paya de Bretagne on « tire les chèvres » à la Saint-Jean : on pose sur un trépied un bassin de cuivre dans le fond duquel on met une clé, et qu'on arrose avec du vinaigre ; on tend dessus des joncs qu'on fait raidir comme les cordes d'un instrument de musique, et on passe les mains dessus avec un mouvement de va et vient analogue à celui de la personne qui trait les chèvres ; vibration ne tarde pas à se transmettre au bassin et à produire un son qui a quelque analogie avec celui de la vielle et qui s'entend de très loin ; cet usage existait en Vendée au milieu du XIXe siècle. A Lesneven un jonc est placé entre les dents de deux personnes et est ainsi tendu comme une corde à violon ; une troisième passe dessus une baguette de coudrier et lui fait rendre des sons.
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme du jonc :
JONC DES CHAMPS - DOCILITÉ.
On dit en proverbe : Souple et docile comme un Jonc.
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Jonc des champs - Docilité.
A cause de la souplesse de cette herbe, qui sert de lien dans les campagnes.
Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
JONC DES CHAMPS · DOCILITÉ.
Obéissez à vos supérieurs et soyez leur soumis afin qu'ils s'acquittent avec joie et non avec tristesse de leur surveillance sur vos âmes dont ils doivent rendre compte à Dieu.
– Hébreux : XIII, 17.
Le jonc des champs ou étalé est une plante qui se prête avec docilité à toutes les formes qu'on veut lui donner, et la souplesse qu'il montre sous les doigts qui le tressent a passé en proverbe. Il est souple et docile comme un jonc. La dénomination de jonc est tellement in déterminée chez les anciens botanistes qu'ils l'ont appliquée à un grand nombre de plantes, souvent très éloignées les unes des autres, telles qu'à des graminées, des scirpes, des souchets ; ainsi l'ulex ou l'ajonc est un jonc marin, le rotang un jonc des Indes, la linaigrette le jonc des marais ou à coton, etc., etc.
MAXIMES.
L'homme trouve dans l'obéissance l'anéantissement de l'amour-propre, et la liberté des enfants de Dieu.
(SAINT VINCENT DE PAUL, Maximes et conseils.)
L'obéissance vaut mieux que tous les sacrifices et tous les sacrifices sans l'obéissance ne peuvent être devant Dieu de nulle valeur.
(BOURDALOUE, Sermons.)
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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
JONC - SOUMISSION - DOCILITÉ.
Le jonc croît dans les endroits marécageux. Plusieurs espèces servent à faire des nattes, des liens, des cannes. - On dit vulgairement, souple comme un jonc.
Le jonc pliant, sur ces appuis nouveaux,
Doit enchaîner leurs flexibles rameaux. (PARNY)
Il existe d'innombrables espèces de jonc.
Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Jonc fleuri - Vous m'attirez.
C'est le nom vulgaire du butome en ombelle . Cette jolie plante élève, au-dessus des marais et sur les bords des ruisseaux , sa belle tête chargée de fleurs roses ou purpurines qui attirent autant le regard que la main.
Jonc des champs - Docilité - Souplesse.
Par leur flexibilité, les joncs se prêtent admirablement à la fabrication des paniers, des nattes, des corbeilles ; les vanniers en font grand usage et les jardiniers en ont toujours une provision pour fixer aux tuteurs les jeunes plantes que le vent pourrait briser ou coucher.
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
Suivant une légende des environ de Bruxelles, la pointe de l'épi du jonc est noircie et brûlée par ce que la Vierge l'a maudit. En effet, pendant la fuite en Egypte, le bout d'un jonc effleura le petit Jésus qui dormait, caché dans un fossé avec sa sainte mère. L'enfant pleura, courant ainsi le risque d'attirer l'attention des poursuivants.
La couronne du Christ, que l'empereur Baudouin II de Jérusalem offrit à Saint Louis en 1238, et conservée à la Sainte-Chapelle (aujourd'hui dans l'enceinte du Palais de justice de Paris), fut composée de "jonc tressé sur laquelle les épines étaient censées être fixées".
Le jonc porte bonheur et a de nombreuses propriétés médicinales, surtout si sa pointe est verte. Caton, en son temps, le recommandait déjà en cas de luxation : il suffisait de passer la plante sur a partie douloureuse "en proférant une formule d'incantation". En Provence et en Languedoc, le jonc frotté sur une verrue puis jeté derrière soi la fait disparaître une fois qu'il est complètement desséché. Contre le chancre, dans les Vosges, on pose sur la langue du malade de la moelle de jonc imbibée d'eau bénite juste le temps de réciter trois Pater et trois Ave en l'honneur de la Sainte Trinité. Dans le Morvan, on remplit un chapeau de joncs dans lequel on crache à la fin d'une ronde. Cette guérison à distance permet de soigner un enfant atteint du croup. Dans certaines régions d'Angleterre, trois joncs provenant d'un ruisseau et passés dans la bouche d'un enfant le guérissent du muguet, à condition de les jeter dans l'eau ensuite : le courant est censé emporter les plantes en même temps que le mal. La tradition catalane veut qu'un enfant souffrant soit passé à travers un jonc fendu en deux, à minuit pile de la Saint-Jean, "par deux personnes qui s'appellent Jean et Marie". En Allemagne, ceux qui président à cette pratique doivent s'appeler Jean.
Du jonc disposé de chaque côté des ouvertures d'une maison, portes et fenêtres, le cinquième jour de la cinquième lune, chasse le mal. En Irlande, où ils brunissent depuis que saint Patrick les a maudits, on ramasse les joncs la veille de la Sainte-Brigitte (31 janvier), pour en faire de petites croix appelées "croix de Sainte-Brigitte" : ces croix, bénies à l'église et placées sur les maisons, sur le toit des étables ou sur les lits, portent chance et protègent hommes et bêtes.
A Liège (Belgique), les jeunes filles, à l'aube du 1er mai, "lient le jonc" : ce moyen augural consiste à prendre trois tiges et à les orner chacune d'un fil de couleur différente : le fil noir signifie le célibat, le rouge un amant inconnu, le vert "l'objet des vœux secrets". Le brin qui grandit le plus vite délivre l'oracle.
Dans la Chine antique, la fumée se dégageant du jonc consumé avait une vertu purificatrice.
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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), les Aroïdés a les caractéristiques suivantes :
Les Aroïdées Les Aroïdées sont des plantes amphibies qui poussent le pied dans l'eau. C'est à cette famille qu'appartient le richardia (Galla aethiopica), plante d'ornement très populaire et utilisée sous le nom impropre d'arum. Nous ne nous occuperons ici que des variétés sauvages, courantes dans les lieux marécageux, ou les sous-bois très sombres et humides :
Acore (Acorus calamus). Jonc odorant ; Lis des marais.
Arum (Arum maculatum). Gouet ; Pied-de-veau ; Calla moucheté.
Symplocarpe (Symplocarpus foetidus) est surtout répandu dans l'Amérique du Nord. Arum fétide ; Arum puant ; Chou des marais ; Chou des putois ; Herbe des putois ;
Genre : Féminin
Planète : Lune
Élément : Eau
Pouvoirs : Guérison ; Protection ; Affaires juridiques.
Utilisation magique : On emploie aux mêmes fins toutes les variétés d'Aroïdées sauvages. Les habitants se servent évidemment de l'espèce rencontrée dans leur région. En Nouvelle-Angleterre, on enfile des graines d'acore sur un long fil, employé par les guérisseuses pour venir à bout de certaines fièvres rebelles. La tige du lis des marais sert aussi à lier des bouquets magiques.
Cet exemple paraît unique. Partout ailleurs, c'est le fort rhizome, tubéreux et charnu, qui sert, seul ou en mélange, à composer des charmes. Les femmes de pionniers coupaient un rhizome de symplocarpe et disposaient les morceaux tout autour de leur cuisine : cette maison ne connaîtrait jamais la faim.
Le tubercule, séché et broyé, entre dans des sachets protecteurs. Vous pouvez économiser l'encens en l'étendant de poudre d'arum. Un paysan de Terracina, dans les marais Pontins, n'allait jamais voir un homme de loi sans avoir dans sa poche une rondelle d'arum, enveloppée dans une feuille de laurier.
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Roger Tanguy-Derrien, auteur de Rudolph Steiner et Edward Bach sur les traces du savoir druidique... (L'Alpha L'Oméga Éditions, 1998) s'inspire du savoir ancestral pour "récapituler de la manière la plus musclée les informations sur les élixirs" :
Acore calamus : Vous vivez l'angoisse extrême, le stress, la frayeur. Vous faites de l'hyperacidité, de la gastrite. L'insomnie vous guette ou vous a déjà peut-être gagné. C'est alors que vous avez commencé les anxiolytiques qui ne vous quittent plus.
Votre organisme est trop liquéfié. C'est-à-dire que votre système émotionnel (l'âme en l'occurrence) a supplanté les forces du Moi qui s'atrophient progressivement. Cela date peut-être de votre enfance ? Vos parents vous ont fait suivre peut-être un traitement pour lutter contre le rachitisme alors qu'en contrepartie ils étaient très restrictifs à votre égard.
Dans ce cas, l'élixir d'Acore peut quelque chose pour vous. Sa fleur contient un processus complexe pour ses substances camphrées, mucilagineuses, taniques, amères liées aux essences subtiles. Les tanins et les essences vont cicatriser les blessures de l'âme. Les amers vont lui donner de l'appétit pour entreprendre. Pour cela la reconnaissance de la suprématie du Moi va s'effectuer automatiquement. Surtout que les tanins sont présents pour ressouder et apporter la cohésion parfaite de ces deux corps. Les mucilages et les amers interviennent pour dissoudre l'amertume des mauvais jours et faire en sorte que toutes les glandes se remettent à secréter leur nectar de santé faisant disparaître tout état inflammatoire au niveau des cavités buccales et stomacales.
L'Acore naît d'un rhizome qui pousse dans les terrains humides et marécageux. Dans un premier temps, il en jaillit des feuilles en forme de lames d'épées, linéaires, légèrement ondulées sur les bords. Ici nous reconnaissons déjà sa signature aérienne, l'espace préféré de l'âme. Ensuite sa hampe florale monte avec une facilité déconcertante vers cet azur privilégié car il bénéficie de la lumière réfléchie par la surface des eaux. La fleur est donc largement imprégnée par les processus caloriques dont raffole le Moi humain. Ces processus caloriques se raffermissent dans un milieu aqueux et permettent la genèse correcte des os et des formes corporelles. Les Américains conseillent cet élixir contre ls schizophrénie et pour développer la discrétion (possible influence avec les inflammations buccales). Les Tibétains rejoignent Sainte Hildegarde de Bingen : son odeur éloigne les mauvais esprits.
Mots-clés : avec l'élixir d'Acore, réalisez des accords harmonieux avec vos trois corps et mélodieux avec les vibrations issues du cosmos.
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Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe du Jonc des jardiniers :
Analyse lexico-sémantique des désignations :
1. [...] On peut maintenant chercher de reconstruire une base lexicale plausible pour notre phytonyme à partir des formes grecques et romanes de l’Italie du Sud : [b-/v- + -r- + -V- + -l-/- ɖɖ-]. Cette séquence phonique suggère une structure motivationnelle à base onomatopéique où les voyelles postérieures du phytonyme grec originel broàllon et celles des noms romans reproduisent, selon les études de Grammont, « un bruit sourd et évoquant également des impressions d’obscurité, de lourdeur » (Ullmann, 1975). Les fricatives labiales en début de mots suggèrent l’un des traits onomatopéiques fondamentaux, notamment celui du « souffle » ; en effet, ces consonnes donnent l’impression de souffles mous ou sourds auxquels la séquence de liquide <-r-> + voyelle postérieure donnent un effet de grondement, tel que le grondement d’un torrent ou d’un cours d’eau (Ullmann, 1975 : 107). Cet effet est renforcé par la présence de la liquide latérale qui produit un effet ultérieur de fluidité et qui confirme l’importance de l’élément « eau » dans le processus de désignation de cette espèce végétale ; il existe en outre dans les langues chamito-sémitiques une base lexicale *wur- « eau » > eg. wrw « étang, ruisseau » (HS : 531) que les Mycéniens ont pu aisément emprunter étant donné leurs relations commerciales intensives avec les Égyptiens, comme on l’a déjà affirmé en traitant de la désignation du fenouil sauvage ci-dessus. Nous croyons que le milieu humide dans lequel pousse le jonc a pu motiver son nom qui résulte traduisible avec le terme indiquant le biotope où pousse la plante, c’est-à-dire « étang, ruisseau » [...].
2- [bˈuʒ] est un emprunt du sic. bbùçiu « tige, sèche ou verte, de froment ou de seigle ; tige mince de jonc pour faire les maccarruna (format de pâtes alimentaires) ; bâtonnet mince et pointu utilisé pour percer le pain avant de l’enfourner » (VS, I : 465).
3- [jˈunʤ] est un continuateur du lat. JUNCUS, -Ī « jonc » dont l’étymon reste inconnu (FEW, V : 65) ; étant donné qu’il n’est pas présent en albanais, ce phytonyme a été, selon toute probabilité, emprunté à des dialectes romans où l’on trouve abr. jónghə (DAM, II : 955), luc. yúnć (DDB : 351) ; nap. iunco (NVDN : 343) ; cal. júnciu (NDDC : 343) ; sic. iùncu (VS, II : 407).
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Mythes et légendes :
D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),
NAPATECUTLI. — Nom du dieu mexicain qui fait pousser les joncs et les roseaux. « Dicen (écrit Bern. de Sahagun, Historia Universal de las cosas de Nueva España) que este es el que inventó el arte de hacer esteras, y por eso lo adoran por Dios los de este oficio que hacen esteras, que aman pétales. » On lui sacrifiait des victimes humaines ; la victime, habillée à l’instar du dieu, allait, une branche de saule à la main et avec un vase plein d’eau, bénissant la foule. On le considérait comme une espèce de Jupiter Pluvius : « Tiene, dit le même auteur, una rodela a manera de ninfa, que es una yerba de agua, ancha como un plato grande, y en la mano derecha tiene un baculo florido ; las flores son de papel. »
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Dans Les Cultures médicinales canadiennes (Les Presses scientifiques du CNRC, Ottawa, 2000) Ernest Small et Paul M. Catling, nous transmettent certaines légendes et anecdotes liées à l'Acore :
Selon la Bible, Dieu expliqua à Moïse comment préparer à partir de « roseau odoriférant » et d'autres plantes aromatiques, une huile sacrée servant à oindre certains objets rituels importants :
« Pour toi, prends des parfums de choix : cinq cents sicles de myrrhe vierge, la moitié de cinnamone odoriférant : deux cent cinquante sicles, et de roseau odoriférant : deux cent cinquante sicles. Cinq cents sicles de casse - selon le sicle du sanctuaire - et un setier d'huile d'olives. Tu en feras une huile d'onction sainte, un mélange odoriférant comme en compose le parfumeur : ce sera une huile d'onction sainte. » (Exode, 30 : 23-25)
L'identité exacte du « roseau odoriférant » a fait l'objet de discussions. Il pourrait s'agir de l'acore ou d'une autre plante aromatique.
A Londres, en Angleterre, un certain cardinal Wolsey avait la réputation de dépenser des sommes extravagantes pour obtenir de l'acore de régions lointaines. Il faisait étendre les plantes sur le plancher des cathédrales pour parfumer celles-ci à l'occasion des festivals. Jusqu'au 20e siècle, il était de coutume d'éparpiller ainsi des herbes odorantes dans les maisons et les immeubles publics, pour les assainir ou les désodoriser.
Dans Oncle Remus, ses chants et ses dires, de l'écrivain américain Joël Chandler Harris, un lapin omnivore du nom de Brer Rabbit s'exclame qu'il ne peut plus manger de poulet à moins que le mets soit assaisonné de racines sauvages d'acore.
En Inde, l'acore était utilisé pour endormir les cobras.
En Amérique du Nord, les colons recouvraient leurs planchers d'acore à odeur citronnée pour masquer les problèmes sanitaires de l'époque.
On fumait ou mâchait autrefois une poudre à base de rhizome d'acore, comme remède contre le tabagisme, (en raison des légères propriétés sédatives de l'acore.)
En Europe, au Moyen Âge, on se rendit compte des propriétés phychotomimétiques (modifiant l'humeur) de l'acore, et on croit que c'était un des ingrédients des onguents hallucinogènes qui auraient permis aux sorcières de voler. En Amérique du Nord, l'acore était utilisé un peu comme l'étaient les feuilles de coca (Erythroxylon coca Lam.) en Amérique du Sud, pour combattre la fatigue et la faim et donner de l'énergie. Les Cris de l'Alberta affirmaient que la consommation d'acore leur permettait de « parcourir de longues distances sans toucher le sol ». Les trappeurs canadiens travaillant pour la compagnie de la baie d'Hudson utilisaient également l'acore comme stimulant : ils en mâchaient un petit morceau quand ils étaient fatigués. On sait aujourd'hui que les propriétés psychoactives de la plante sont dues aux asarones que renferme son huile, alors que les autres composantes de celle-ci ont plutôt pour effet de détendre les muscles lisses. Les propriétés narcotiques de la plante sont beaucoup trop faibles pour intéresser les amateurs de drogues récréatives.
Le recueil Feuilles d'herbe du poète américain Walt Whitman renferme 45 ballades regroupées sous le titre Calamus. L'auteur y mentionne à plusieurs reprises l'acore, et certains avancent que ces poèmes renferment des allusions secrètes aux effets de la plante sur l'esprit.
« Les commandes volumineuses d'extrait ou de rhizome d'acore peuvent éveiller des soupçons, car ces substances sont faciles à convertir, par amination, en une drogue contrôlée, le TMA-2. » (http//www.lycaeum.org/-iamklaus/acorus.htm). On sait que le TMA-2, drogue contrôlée aux États-Unis, est un hallucinogène dont la puissance équivaut à dix fois celle de la mescaline. Par ailleurs, après l'ingestion d'asarone, cette substance est rapidement convertie par le corps en TMA-2, par amination.
« L'acore est également un aphrodisiaque, spécialement lorsqu'il est mêlé à l'eau du bain. »
(http://nepenthes.lycaeum.org/Plants/Acorus/calamus.html).
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