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La Linaigrette




Étymologie :

  • LINAIGRETTE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1778 (Lamarck, Flore fr., n°1164). Composé de lin* et de aigrette*, parce que la fleur de cette plante forme à maturité une aigrette soyeuse.


Lire également la définition du nom linaigrette afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Eriophorum angustifolium ; Coton sauvage ; Herbe à coton ; Jonc à coton.

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Botanique :


Selon Alain Roger auteur de la Théorie du paysage en France 1974-1994 ( Éditions Champ Vallon, 1995) :


On posera ici que la clarté du code est fonction de la nature des choses : une série de troupeaux formés exclusivement de charolais signifie toujours un système d'élevage bovin à viande ; un « front de mer » continûment bâti signifie toujours une activité touristique notable ; la présence de linaigrettes signifie toujours tourbière [...] on peut parler ici de signes (ou d'indices) "caractéristiques".

 

Sur la plaquette du Conservatoire d'espaces naturels (Rhône-Alpes, 2015), on peut lire cette description :


La linaigrette en fruit, plante peu exigeante, pousse sur les marais et les landes tourbeuses. Quand les fleurs sont fanées, les épis se transforment en pompons blancs qui, en s’envolant, recouvrent les tourbières d’une épaisse couverture duveteuse. Pour cette raison, on les appelle les herbes à coton.






















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Usages traditionnels :


D'après Jacques Rousseau, auteur d'un article intitulé L'Indien de la forêt boréale, élément de la formation écologique. (National Museums of Canada, 1958) :


Dans la prairie de l'ouest, où le combustible ligneux faisait défaut, le chasseur de bison recourait fréquemment à la bouse des grands bovidés. Le rare bois flotté de la toundra arctique, trop précieux pour servir de combustible, entrait dans la charpente des embarcations ou la fabrication des harpons ; aussi les têtes de linaigrettes, baignant dans l'huile de phoque ou de cétacés des lampes de pierre, donnaient une chaleur douce, régulière, moins menaçante d'ailleurs pour la paroi fugace des maisons de neige.

 

Sur le site Coutumes et traditions de l'Oisans on trouve la mémoire de cette ancienne coutume transmise par Eliane AGERON :


Le père de son père racontait que dans sa jeunesse, à Villard-Reculas, les femmes enceintes s’en allaient ramasser les graines de linaigrette. Mais elles n’en trouvaient pas sur les flancs bombés et ensoleillés du village. La linaigrette pousse au creux des ruisseaux. Elles allaient du côté de l’Herpie, au-delà de Brandes, pour cueillir patiemment les petits panaches blancs et soyeux ; elles les rapportaient chez elles, les faisaient sécher. Leur petit pourrait dormir sur un matelas tout gonflé et doux comme un nuage.

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D'après Wikipédia :


Au Québec, la linaigrette à anthères courtes, la linaigrette à belle crinière et la linaigrette de Scheuchzer poussent au Nunavik. La linaigrette rousse, la linaigrette à feuilles étroites et la linaigrette dense poussent au Nunavik, en Gaspésie et à l'île d'Anticosti. Les Inuits du Nunavik nomment les linaigrettes suputaujaq ou suputik en inuktitut. Le mot signifie souffler, d'après supuurtuk, ou souffle, d'après supuuq, en référence aux soies portées par le vent à l'automne. Ce moment marque également celui de l'année où l'épaisseur de la peau de caribou est parfaite pour fabriquer des kamiit. Les soies de linaigrettes pouvaient servir à partir un feu, comme mèche de quilliq, soit une lampe en stéatite, ou comme matériau de rembourrage. Les Inuits attribuaient des propriétés médicinales aux soies et à la tige des linaigrettes. Les soies étaient utilisées pour panser le nombril du nouveau-né et l'huile de la tige pour traiter les verrues.

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Sherrie York, autrice d'une plaquette intitulée "La vie tributaire des étangs" (A4 international, 2015) recense rapidement différents usages de la Linaigrette à belle crinière :

























Symbolisme :


La Linaigrette est une fleur emblématique des tourbières, ces marécages acides qui ont un pouvoir de conservation du vivant assez incroyable. Ainsi, on peut découvrir sur le site Pôle-Relai Tourbières toutes les représentations attachées à ce milieu très particulier :


"Les tourbières, comme la plupart des zones humides, n’étaient autrefois considérées que comme des marais putrides, insalubres, inquiétants et dangereux, aux eaux croupissantes porteuses de miasmes et peuplées de créatures glauques et malfaisantes... Il fallait à tout prix les assécher, les assainir, au nom de la salubrité publique. Ce n’est que très récemment, depuis une trentaine d’années seulement, que l’on a pu mieux cerner et comprendre le rôle majeur qu’assurent ces milieux et admettre l’intérêt, voire la nécessité, de leur conservation. Situées à l’interface entre les milieux terrestres et aquatiques, les tourbières sont de formidables réservoirs de vie mais également de véritables infrastructures naturelles qui jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau. On sait, aujourd’hui, qu’elles assurent une multitude de fonctions, communes aux zones humides en général, mais aussi avec de nombreuses spécificités. Ainsi, on reconnaît aux tourbières, entre autres : une valeur biologique et écologique ; une valeur scientifique, archéologique et ethnologique ; une valeur fonctionnelle ; une valeur économique et une valeur paysagère, récréative et éducative."

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Laurent Gall, auteur de « Kant plantenn, kant anv. Inflorescence linguistique en Basse-Bretagne », (In : La Bretagne Linguistique [En ligne], 19 | 2015, pp. 7-25) mentionne une analogie entre la linaigrette et le chat :


Il est une série voisine à ne pas confondre qui regroupe les noms de plantes inspirés d’organes d’animaux (1). En centre Bretagne, cette attention s’est arrêtée par exemple sur la morphologie du plantain majeur appelé « langue de bœuf », teod ijen, à la spergulaire des champs « barbe de vache », barbeoc’h, ou encore à la linaigrette « cheveux de chat », blev kazh. Cette constante trahit la propriété de l’esprit humain, qui à travers la pensée analogique est constamment à la recherche de correspondances entre les objets, les phénomènes ou les processus, vivants ou non­ vivants. Le besoin d’élaborer ces connexions symboliques est une nécessité pour établir un ordre des choses. Dans le cas présent, on s’inspire de noms puisés dans un espace qui est familier et proche de l’humain – la sphère animale – pour nommer une sphère qui paraît plus lointaine et étrangère à notre condition, le règne végétal.


Note : Il s’agit d’une tendance étendue à de multiples sociétés à travers le monde, lesquelles tissent des analogies entre des organes animaux et des traits repérés chez les végétaux.

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) associe la grassette à trois autres plantes :

7 juillet

(Tincave)


Éclair d'orage pourpre

Sur le troupeau des laîches

Orchis à larges feuilles


Enfer d'enzymes

Pour les fourmis

Grassette commune


Coton blanc qui nettoie

Les fesses de la montagne

Linaigrette


Étoile polaire

Rayons de cristal

Parnassie palustre

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