Étymologie :
POIS, subst. masc.
Étymol. et Hist. I. A. 1. Ca 1160 « fruit d'une plante légumineuse enfermé dans une cosse verte » exprime dans les deux exemples suiv. une valeur minimale : un peis pesant (Eneas, 4434 ds T.-L.) ; 1160-74 ne ... vaillant un pois (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 4145), cf. F. Möhren, Renforcement affectif de la négation, 1980, p. 197 ; 1197 (Hélinant, Vers de la mort, L, 12 ds T.-L. : De si chier morsel n'ai je cure, Mieuz aim mes pois et ma poree) ; ca 1200 pois au lart (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke et P. Rasch, 7895, leçon des mss a [anno 1225] et C [xiiie s.]) ; spéc. a) 1538 pois cices (Est., s.v. cicer, v. aussi chiche2) ; b) 1552 pois gris, v. infra ; c) 1600 petits pois (Olivier de Serres, Theatre d'Agriculture, Paris, Jamet Métayer, p. 467) ; d) pois verts [1611 fig. faire manger des pois verts au veau « mystifier » (Cotgr.)] 1621 poids vers en gousse (César Oudin, Tesoro de las dos lenguas francesa y espanola, Paris, P. Bilaine, non folioté, s.v. gasapos) ; e) 1694 pois goulus (Ac.) ; f) 1869 pois cassés (Littré) ; 2. fig. a) 1552 avalleur de poys gris « goinfre » (Rabelais, Quart livre, XXIX, éd. R. Marichal, p. 139, 14) ; b) 1640 si vous me donnez des pois, je vous donneray des fèves « je vous rendrai la pareille » (Oudin Curiositez) ; 1718 il donne un pois pour une fève « il donne peu pour avoir beaucoup » (Ac.) ; c) 1679 manger des pois chauds (Sévigné, 6 oct. ds Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 2, p. 466: ,,il mange des pois chauds`` comme dit M. de La Rochefoucauld quand quelqu'un ne sait que répondre) ; d) 1690 souffler les pois (en parlant d'une personne endormie) (Fur., s.v. souffler) ; e) av. 1741 être la fleur des pois (Saint-Simon, Mém., éd. G. Truc, t. 2, p. 388). B. 1549 désigne la plante ramer des pois (Est.) ; 1579 faire la culbute sur les pois verdz expr. libre (Larivey, Escolliers, IV, 3 ds Hug.). II. P. anal. de forme 1. 1811 pois d'orange « petite boule d'iris ou d'orangette mise dans un cautère pour entretenir la suppuration`` (Affiches, annonces, avis divers, 22 nov., p. 16 ds Brunot t. 9, p. 1216) ; 2. 1833 indienne semée de pois rouges (Balzac, Méd. camp., p. 32) ; 1837 à pois (d'une robe) (R. théâtre, XI, p. 137 ds Quem. DDL t. 20). Du lat. pisum « pois », André Bot., p. 253.
Lire également la définition du nom pois pour amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Pisum sativum L. - Cézé - Péjou - Peû - Pézé - Pois blanc - Pois calé - Pois gras - Pois rond - Pois sucre - Pti Pay' - Souze -
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Expression populaire : Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expressions populaires bien connues :
La fleur des pois : cette locution, increvable dans son étrangeté, nous paraît un peu bizarre : pourquoi « la fleur des pois » ? C'est que nous n'avons plus idée, dans nos sociétés d'abondance et de pléthore jardinière, de ce que furent les pois pour les gens des siècles passés. Les pois et les fèves furent, avant l'existence de la pomme de terre, la base de la nourriture quotidienne de l'homme occidental. Les pois verts, surtout, les pois primeurs, que nous appelons aujourd'hui « petits pois », étaient l'objet de vénération parmi les gourmets des sociétés anciennes - un mets d'aristocrates s'il en fût. Les plus précoces, au mois de mai, réjouissaient es cœurs et les ventres les plus nantis - la notion même de « pois vert » était synonyme de succulence et de distinction. Boileau les chante en alexandrins, et ce n'était pas seulement pour la rime :
Je conviens de bon cœur, pour punir ma folie,
Que tous les vins pour moi deviennent vins de Brie ;
Qu'à Paris le gibier manque tous les hivers
Et qu'à peine au mois d'août on mange des pots verts.
Ils étaient en effet, avec les cerises, symboles de printemps. un proverbe disait « Il faut manger les petits pois avec les riches, et les cerises avec les pauvres », parce que les petits pois nouveaux, les plus succulents sont très chers, tandis que les cerises sont meilleures lorsqu'elles sont bien mûres, au moment où elles sont bon marché.
Une antique tradition anglaise - on sait le cas que fait l'Angleterre de ses peas ! - voulait qu'une jeune fille à marier plaçât sur le linteau de la porte une gousse garnie de neuf pois ; ainsi e premier célibataire qui entrerait dans la maison deviendrait son mari. Curieuse coutume du peascod qui concentre à la fois la célébration du printemps - saison des pois - et de la fécondité - neuf mois de gestation.
Donc la gloire des pois nous incite à voir d'un œil plus compréhensif notre expression farfelue l la fleur des pois, c'est-à-dire « la crème » en somme, par une autre métaphore culinaire, de la bonne société, le nec plus ultra de la distinction.
Cela dit, la floraison des petits pois ramés n'ayant rien, que je sache, de très remarquable, ce qui précisément nous rend perplexe quant à la locution, je crois qu'il faut entendre la fleur au sens de « la partie la plus fine » telle qu'on l'entend dans « la fleur de farine » ou « la fine fleur de la noblesse ». C'est là sans doute ce que veut dire Saint-Simon lorsqu'il parle de la belle Mme de Nangis qui, malgré ses vices, « était la fleur des pois à la cour et à la ville ».
C'est en effet cette première attestation, au début du XVIIIe siècle, qui date l'expression... Faut-il en rapporter la création au printemps de 1696, qui connut la folie des petits pois dans la haute noblesse ? Un événement mondain dont n'eut pas connaissance Mme de Sévigné, morte le 18 avril. Mme de Maintenon écrivait à sa place au mois de mai : « Le chapitre des pois dure toujours ; l'impatience d'en manger, le plaisir d'en avoir mangé et la joie d'en manger encore sont les trois points que nos princes traitent depuis quatre jours. » Dans une France anéantie par la folie royale, où les gens moururent de faim au bord des chemins, ces petits pois-là ne manquent pas de sel... La femme de Louis XIV notait encore le 18 mai 1696 : « Il y a des dames qui après avoir soupé avec le roi, et bien soupé, trouvent des pois chez elles pour manger avant de se coucher, au risque d'une indigestion : c'est une mode, une fureur. »
Le tout début du XXe siècle perçut comme un éclat de ces splendeurs potagères du temps jadis dans un refrain de music-hall qui n'est pas précisément considéré comme la fleur des pois de la chanson française, mais qui connut un succès immense et durable avec la voix de l'inoubliable Dranem :
Ah ! les p'tits pois, les p'tits pois, les p'tits pois
Sont des légumes bien tendres !
Ce qu'il fallait démontrer.
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Botanique :
Selon Jean-Marie Pelt, auteur d'un ouvrage intitulé Des Légumes (Éditions Fayard, 1993) :
« Le chapitre des pois dure toujours, écrivait Mme de Maintenon en 1696 ; l'impatience d'en manger, le plaisir d'en avoir mangé et la joie d'en manger encore sont les trois points que nos princes traitent depuis quelques jours... » A la cour de Louis XIV les petits pois, on le voit, faisaient fureur. Cette mode du petit pois dura longtemps puisque, au siècle suivant, Mme de Sévigné informa sa fille, Mme de Grignan, de cette dernière « fureur à la mode » ; et, sous la Restauration, le marquis de Cussy se félicitait d'avoir assisté, chez Mme Hope, à une fête magnifique qui réunissait « les premières notabilités de la banque, des femmes charmantes et des petits pois délicieux. » C'était encore l'époque où les modes venaient des cors et des grands. mais qui saurait dire d'où elles viennent aujourd'hui ?
Les pois comptent parmi les plus anciens de nos légumes ; ils étaient déjà à Paris à l'âge de bronze, soit près de deux millénaires avant Jésus-Christ. On a découvert, en effet, dans les fouilles menées autour de l'Arc du carrousel, au Louvre, des restes de froment, de millet, mais aussi des lentilles, des pois, des vesces et même une pomme sauvage. C'était encore la campagne, tout près de ce qui allait devenir le centre de la capitale. On a retrouvé des graines de pois dans de nombreux vestiges d'établissement remontant à l'âge de pierre, il y a 10 000 ans, en Anatolie, en Iran, en Grèce, en Palestine. D'où l'idée qu'il serait originaire de l'Orient, de l'Inde ou de la Perse et qu'il aurait été importé ensuite en Asie Mineure et en Europe par les peuples aryens. Importation en tout cas très ancienne, puisqu'on en trouve en Suisse et en Hongrie dans des stations datant aussi de l'âge de pierre et de l'âge de bronze. L'Antiquité grecque, avec Théophraste, connaît le pois, et l'Antiquité latine, avec Pline et Columelle, aussi. Pline indique que « le pois supporte très mal le froid ; aussi, en Italie, on ne le sème qu'au printemps, dans une terre meuble et légère et dans des lieux bien exposés ». Cette assertion suppose que, comme du temps de Théophraste, il ne s'agit pas de notre pois cultivé, qui ne craint pas le froid, mais probablement du Pisum elatius, une espèce très voisine. Si l'on proportionne l'importance de la culture à la longueur de l'article qui le mentionne, le pois devait être très peu cultivé à cette époque ; la fève viendrait en tête de liste et le pois arriverait bon dernier, comme chez les Grecs.
Après la décadence de l'Empire romain et l'arrivée des Barbares, une longue période s'écoule avant que l'on entende reparler des cultures et des plantes cultivées. Au Moyen Âge, les sciences naturelles sont peu développées et nous n'avons que des références indirectes - vie économique, impôts, relations de périodes de famine, fabliaux, etc. -, situées d'ailleurs dans la seconde moitié du Moyen Âge. Le pois est mentionné constamment dans les chroniques qui relatent en particulier de nombreuses façons de l'accommoder. Il semble donc que, au cours de l'évolution de cette période, il prend de plus en plus d'importance, rejoint la fève et se place avec elle au même niveau que le blé. « D'une façon générale, selon Hedrick, sous les climats plus froids du nord et du centre de l'Europe, il était un des légumes les plus communs et les plus cultivés pour la consommation en grains. Il paraît avoir la même importance que les céréales et constituait la principale ressource contre les fréquentes famines de l'époque, comme aujourd'hui la pomme de terre et le haricot, qui ont d'ailleurs pris la place du pois dans la nourriture hivernale des pays européens. » Bref, il semble bien qu'à la fin du Moyen Âge les pois jouissaient de l'estime universelle des consommateurs, si l'on en croit ce vieux quatrain qui exprime l'idéal paysan de l'époque :
Qui a des pois et du pain d'orge,
Du lard et du vin pour sa ore,
Qui a cinq sous et ne doit rien,
Il se peut qu'il est bien.
On a aussi trouvé des pois dans les ruines de l'ancienne Troie : c'est dire l'impressionnante ancienneté de cette légumineuse !
On mangea d'abord les grains mûrs et secs, et ce furent les Hollandais qui commencèrent à consommer les pois encore verts à partir de 1610.
Le pois vert, ou petit pois, est donc relativement moderne. Un passage d'une chronique datée de 1651 indique qu'« il y a une espèce qui peut se manger en vert et qu'on appelle pois de Hollande. Elle était fort rare il n'y a pas longtemps... » Cette pratique entre en France en 1660, lorsque Louis XIV reçoit de Gênes un cageot de pois à écosser. Jean de La Quintinie les cultiva dans on potager de Versailles, et de là naquit la mode dont il est question plus haut. Flaubert raffolait du canard aux petits pois et lorsque ses canards menaient trop grand tapage, il n'avait qu'à s'écrier : « Il me semble qu'il est temps d'écosser les petits pois ! » pour obtenir aussitôt, dit-on, un parfait silence de sa basse-cour...
On distingue chez les pois un grand nombre de variétés, mais elles se répartissent en deux catégories : les pois à écosser et les pois mange-tout. La gousse des premiers est revêtue à l'intérieur d'une sorte de parchemin qui la rend impropre à la cuisson ; en revanche, les seconds ont perdu ce revêtement parcheminé et peuvent être consommés sans être écossés. Aujourd'hui, les pois mange-tout sont une variété purement jardinière qui ne fait pas l'objet d'un négoce important ; il n'en est pas de même pour les pois à écosser qui sont traditionnellement les pois nains et les pois à rame, les pois à grains ronds et les pois à grains ridés. C'est en croisant des pois à fleurs blanches et des pois à fleurs rouges, que le moine Mendel, dans son jardin du monastère de Brno, en Tchécoslovaquie, découvrit les lois régissant la transmission des caractères héréditaires.
Les pois à grains ridé stockent les sucres, non sous forme d'amidon, mais sous forme de dextrine et de sucre simple. Aussi conservent-ils plus longtemps leur saveur sucrée. Ce sont ces variétés qui entrent dans l'industrie de la conserverie. Aujourd'hui, la récolte de ces pois est entièrement mécanisée.
Les pois font partie des légumes secs et possèdent à ce titre une valeur alimentaire très supérieure à celle des légumes frais. Ils sont riches en provitamine A, en vitamines B et C, mais aussi en vitamines moins courantes, comme les vitamines E et PP. Mais ce sont surtout les hautes teneurs en protéines et en hydrates de carbone qui leur confèrent leur valeur énergétique. L'ancienne coutume qui consistait à offrir une pitance, c'est-à-dire une purée de pois pilés, aux pauvres à la porte des couvents était donc bien fondée. La valeur nutritive du pois est légèrement inférieure à celle de la lentille, mais dépasse en revanche celle du haricot.
La haute teneur en protéines est une caractéristique de toutes les légumineuses qui fixent l'azote de l'air grâce au labeur de micro-organismes vivant dans les nodules de leurs racines et qui stockent cet azote sous forme de protéines. Cette famille de plantes joue donc un rôle écologique fondamental, exerçant le privilège, tout à fait rare dans la nature, de fixer l'azote de l'air et de le transformer en matière vivante.
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Dans La Vie sexuelle des Fleurs (Éditions E/P/A Hachette Livres, 2022), illustré par Loan Nguyen Thanh Lan, Simon Klein explicite les mécanismes de reproduction des fleurs :
Petit pois : En circuit fermé
Lorsque l'on se promène dans un potager, avant le moment de les récolter on peut tout de même s'approcher d'un plant de petits pois (ou de haricots, l'effet sera le même) et y admirer ses fleurs. Qu'elles soient blanches chez le petit pois, rouges pour certains haricots ou roses pour le pois de senteur, ces fleurs ont un aspect de drôle de papillon, et ressemblent aux fleurs de lupin, ou de genet, ou encore d'acacia... Toutes ces fleurs font partie de la famille des Fabacées (anciennement Papilionacées). On retrouve chez le petit pois les caractéristiques florales d'une Fabacée : le plan de symétrie est bilatéral (fleurs appelées zygomorphes) ; les pétales sont organisés selon l'architecture typique entre oiseau et bateau. Deux gros pétales supérieurs blancs nervurés de vert sont soudés et forment l'étendard, relevé à la verticale. A l'horizontale, évoquant la coque d'un navire, on retrouve d'abord deux pétales blancs appelés les ailes, qui recouvrent deux pétales soudés verts formant la carène. Protégées par-dessus par les ailes et en dessous par la carène, se trouvent les parties reproductrices : dix étamines chargées de pollen et le pistil central.
Ces pièces reproductrices, personne ne sera amené à les voir, jamais. Le petit pois n'est pas du genre à exposer ses parties intimes à tout vent ! Il est plutôt du genre à « faire ça » en douce.
Stratagème : Les fleurs de petit pois ou même de haricot ne s'ouvrent en effet jamais ; elles font partie des très rates fleurs qui ont fait le choix quasi exclusif de l'autofécondation ! Les fleurs fermées, inodores du petit pois sont dites cléistogames - comme peuvent l'être certaines fleurs fermées de la violette. Mais contrairement à la violette qui n'a recours à la cleistogamie (et donc à l'autofécondation) qu'en dernier recours, à la fin de l'été, pour le petit pois, c'est la règle quasi absolue : on se reproduit entre soi, bien cachés entre les ailes et la carène. Si l'on regarde ce qu'il se passe sous ces ailes justement, dès le début de la floraison, le pollen étant mûr, il se dépose sur le stigmate qui est entouré des anthères. La fécondation est donc assurée. Cette méthode est adoptée dans plus de 99% des cas et permet de garantir une descendance identique à la génération précédente, adaptée à l'environnement immédiat. Cette inclination pour l'autofécondation a favorisé la domestication du pois qui est une des plantes parmi les premières à avoir été cultivées, avec le blé, dans le Croissant fertile, à la naissance de l'agriculture. L'espèce de pois actuelle est sans doute beaucoup plus autogame (procédant à l'autofécondation, dans ses fleurs fermées) que les premières espèces sauvages. Le fait de cultiver une plante pour ses qualités nutritives et sa facilité de culture a pu favoriser le développement de ces caractéristiques recherchées et qui se sont transmises à la descendance de la plante. Ainsi ont été favorisées les variétés de pois qui font de l'autofécondation. Mais le plus près de 1% des cas où il y a une fécondation croisée (quand un bourdon, par exemple arrive à forcer à temps le coffre-fort formé par les ailes et la carène) permet de garantir une certaine diversité génétique qui assure un renouvellement et donc de perpétuer l'espèce même si le milieu change, ou encore de garantir que des mutations néfastes pour les plants de pois ne perdurent pas dans l'espèce.
Cette faculté à faire de l'autofécondation a rendu le pois capable de créer des « lignées pures » : ce sont par exemple des pieds de pois qui auront toujours des fleurs blanches sur des générations et des générations, ou alors des fleurs rouges. Ou encore qui produiront des petits pois lisses sur des générations et des générations ou alors des petits pois ridés sur des générations et des générations. Ces caractéristiques ont éveillé la curiosité d'un moine du XIXè siècle en Moravie (actuelle Tchéquie) : Gregor Mendel. Il a pu démontrer de manière simple et évidente le principe de l'héritabilité du génome et les phénomènes de gènes dominants et récessifs.
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Bienfaits :
Selon Hildegarde de Bingen, auteure de Physica, Le livre des subtilités des créatures divines, les plantes, les éléments, les pierres, les métaux, les arbres, les poissons, les animaux et les oiseaux (édition originale 1151-1158 ; Édition Jérôme Millon, Grenoble, 2011),
"Le pois est de nature froide, et producteur de phlegme. Il comprime quelque peu le poumon. Mais il est bon à manger pour celui qui est de nature chaude, et il lui donne de l'ardeur. Cependant, comme il est de nature froide, il ne vaut rien pour les malades, car, lors de la digestion, il provoque en eux beaucoup d'écoulements d'humeurs.
[Ed. Le pois est même nocif dans toutes les maladies, et il n'a en lui aucune propriété pour les chasser. Toutefois, si on souffre d'un rhume de cerveau avec un écoulement abondant, réduire en poudre un pois blanc en le mâchant avec ses dents, le mélanger à du miel très pur, placer le tout sur les tempes et attacher avec un bandage. répéter jusqu'à ce qu'on se trouve mieux. Si quelqu'un a les entrailles malades, qu'il avale souvent du jus de pois chaud, et il se portera mieux.]
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Croyances populaires :
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de croyances populaires :
En Wallonie on plante les pois le jour correspondant à celui où Noël est tombé.
[...] Dans les Côtes-du-Nord, les pois semés dans le croissant ne donnent pas de graines, ils poussent en hauteur, comme les choux plantes dans les mêmes conditions, qui ne pomment pas.
[...] Lorsqu'une vieille paysanne des environs de Liège sème ses pois, elle en jette une première pincée au-dessus de ses épaules, en disant : « Pô l'bon Dieu » Une seconde pincée suit le même chemin aux mots de : « Pô l'Sint Vierge » puis une troisième « Pô Sin Pire » (le patron du village), une quatrième « Pô les mohon» (pour les moineaux). Enfin elle prend une dernière pincée qu'elle sème en disant « Pô mi (pour moi) et à s't elle là j'vos défin d'toucher ».
[...] Un proverbe du XVIe siècle semble attribuer aux pois une influence analogue [à celle des fèves] :
Si tost que les pois sont levés
Les fols commencent à monter.
[...]
Quelques croyances bordelaises sont en relation avec le milieu même du jour Saint-Jean. On se procure un porte-bonheur efficace en ramassant, à midi, une cosse de pois renfermant neuf ou dix grains, que l'on ouvre, et où l'on prend, pour les conserver précieusement, quatre grains.
[...] A Marseille des cosses contenant neuf petits pois sont regardées comme des porte-veine.
[...] Suivant une croyance très répandue, les esprits qui ont étourdiment renversé un vase contenant un grand nombre de grains d'une nature quelconque, mais petits, sont obligés, avant de pouvoir recommencer leurs espiègleries, de les ramasser et de les compter ; d'ordinaire ils y renoncent et l'on est débarrassé d'eux pour toujours. [...] En Haute-Bretagne on dispose sur le passage du fouleur un godet de petits pois.
[...] La plupart de celles de la première catégorie intéressent plus la pharmacie que le folk-lore je ne les noterai que lorsqu'elles s'y rattachent par quelque point, lorsque, par exemple, leur vertu tient à ce qu'on peut appeler l'analogisme, c'est-à-dire à l'assimilation, fréquente en matière traditionniste, entre l'aspect de la plante et la maladie à guérir ; telles sont les petits pois qui sont en relation fréquente avec les verrues.
[...] Les verrues sont à elles seules l'objet d'autant de pratiques de transmission que tous les autres inconvénients réunis. L'agent le plus ordinaire est le petit pois, un raison d'une analogie de forme. L'un des moyens les plus simples, qui était d'un usage courant au XVIIe siècle, consistait à envelopper dans un linge autant de pois que l'on avait de verrues, et à le jeter en un chemin celui qui le ramassait prenait les verrues, et celui qui les avait auparavant était guéri. Dans la Suisse romande, on y ajoute un nombre de cheveux égal à celui des pois qui représentent des excroissances, et on fait du tout un paquet auquel on met une adresse, pour qu'il soit plus facilement recueilli sur la route par quelqu'un ; au XVIe siècle, on les passait qui que ce soit en les lui faisant toucher avec autant de pois. Dans le Bocage normand, on dépose au fond d'un vase rempli d'eau autant de pois que l'on a compté de verrues ; il est caché dans quelque coin choisi par le malade qui se gardera bien d'en parler ; à mesure que les petits pois se désagrégeront, les verrues disparaîtront. dans la Gironde, on frotte les fics avec neuf pois que l'on enterre dans un chemin où il passe beaucoup de monde. Dans les Vosges, on applique dessus des pois que l'on enferme dans un cornet de papier, qu'il faut jeter dans la fosse da la première personne qui décède. En Poitou, le pois qui a touché les fis est mis dans un trou de mur.
On a vu, tome II, p. 399 et 320, qu'on s'en débarrassait aussi en lançant des pois ou des grains dans des fontaines ou dans des puits. En Berry, la recette était compliquée : il fallait choisir treize pois de l'année, en envelopper six dans un linge noir, six dans un linge blanc, et les porter treize jours sur sa poitrine en guise d'amulette, attendre un vendredi, et, à minuit, sans témoin, se rendre au bord d'un puits, dire sept Pater, et, à la fin de chacun d'eux, jeter un pois dans le puits, de là se transporter près d'une taupinière, réciter six Ave maria, et, après chaque Ave, faire un trou avec le petit doigt de la main gauche dans la taupinière et y enterrer un pois. Dans les Vosges, c'est dans le feu qu'on jette autant de pois que l'on a de verrues, en ayant soin de se sauver à toutes jambes pour ne pas les entendre pétiller.
[...] Dans l'Albret, si l'on trouve une cosse de pois bien nourrie qui ait neuf grains ou une feuille de trèfle qui ait quatre lobes et qu'on les porte au bénitier de l'église, toutes les sorcières qui y viendront aux offices, sortiront les dernières, et le prêtre, s'il veut le dire, leur aura vu une lumière sur la tête. On disait au XVe siècle : « quant poix ou poirée boueillent ou pot qui est mis jus du feu, sachiez pour vray que en cestui hostel n'y a nulles sorcières. »
Plusieurs graines interviennent dans une conjuration destinée à faire venir et à interroger le diable, et elles récompensent sa complaisance. Le domestique d'un recteur de Ille-et-Vilaine, qui avait lu le Petit Albert, ayant été transporté en enfer, le prêtre fit apporter par sa servante un boisseau de pois, et il en donnait un à chacun des diables qu'il appelait pour savoir s'il n'avait pas vu son domestique, parce que le diable ne s'en va jamais sans emporter quelque chose. [...] . En Normandie, pour savoir si un parent mort est damné ou sauvé, il faut s'adresser au curé de la paroisse qui lit dans le grimoire et évoque de l'enfer tous les démons. L'intéressé apporte un demi-boisseau de pois ; à mesure que les malins esprits se présentent, on leur donne un pois à chacun. La liste s'épuise enfin et le dernier diable appelé satisfait catégoriquement à la demande.
Un certain nombre de plantes, en raison de particularités assez rares, constituent des porte-bonheur. [...] En Poitou, neuf petits pois ronds dans la même gousse font se marier dans le même espace de temps celui qui les trouve ; à Marseille, on les conserve comme porte-bonheur.
[...] En Basse-Bretagne, si des pois mis dans une balance se mettent à danser, c'est un présage de mort pour quelqu'un de la maison.
[...] Dans la Marche el dans la partie du Berry qui en est voisine, un plat de fèves ou de pois secs figure toujours au banquet qui suit l'enterrement On appelle dans l'Yonne, le dimanche de la grôllée, celui où les nouveaux mariés doivent donner à leurs parents et amis des pois grillés (grolée).
[...] Le jeu du pois qui danse consiste à percer un pois avec une épingle, dont on introduit par la pointe une partie dans un tuyau de pipe, en souillant par l'autre bout du tuyau, on fait danser le pois et l'épingle.
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D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012) : le petit pois est un véritable "grain de chance".
De l'intérêt d'écosser les petits pois : Depuis la mise en vente des petits pois surgelés et des petits pois en boîte, peu de gens, hormis les jardiniers écossent aujourd'hui ces légumineuses. Grave erreur ! Car seule cette tâche permet de trouver des gousses renfermant neuf pois, présageant un mariage à venir. Alors, si vous rêvez de convoler en noces, énoncez votre souhait avant de vider la cosse puis lancez-la derrière vous.
D'une manière plus générale,le fait de garder ces neuf grains sur soi ou d'accrocher la gousse dans sa cuisine attire la chance et pourvoit à nos besoins essentiels. "Neuf petits pois tout neufs vous remettront à neuf ! C'est la preuve par neuf que le bonheur existe !" disait-on jadis. En Gironde, les habitants prélevaient de telles cosses le jour de la Saint-Jean à midi pile, pou en extraire quatre grains. Portés sur soi, ces petits pois attiraient la chance. Soyez également attentif aux cosses ne contenant qu'un seul pois car nos voisins d'Outre-Manche y voient aussi un porte-bonheur.
Cassés mais fonctionnels : Les petits pois sont un concentré de porte-bonheur. Lors de la guerre mondiale de 1914-18, les soldats italiens plaçaient respectivement trois grains brisés en trois parties dans trois poches de leur uniforme afin de se protéger des affres de la bataille. Quant aux pois cassés, les Américains les vénéraient comme de précieux porte-bonheur. Placés dans un porte-feuille ou un porte-monnaie, ils permettraient à son propriétaire de n'être jamais à court d'argent.
Des pois frits : Dans certaines régions de France et de Suisse, une coutume voulait que les mariés de l'année fassent frire des petits pois et les offrent aux jeunes venant quêter à leur porte ou, dans certains cas, à leurs voisins et connaissances en leur souhaitant prospérité.
Des petits pois pour avoir des petits : Afin de favoriser la descendance et le bonheur aux nouveaux couples mariés de France, des pois étaient jetés sur leur tête ou devant leur logis. Egalement symbole de fertilité dans les pays slaves, le pois passait pour faciliter la grossesse et combattre la stérilité. Lors de certaines festivités tchèques et polonaises, un homme affublé d'un costume de paille de cette légumineuse se promenait parmi les badauds afin que toute femme désirant un enfant puisse concevoir plus facilement.
Des pois au feu : La petitesse du pois est largement compensés par la grande générosité avec laquelle il dispense le bonheur. Au Japon, une poignée de ces grains jetée dans l'âtre passait ainsi pour détourner la foudre. Mais nous allons voir que le pois est encore plus généreux question chance."
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Symbolisme :
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Pois (Pisum sativum) a les caractéristiques suivantes :
Genre : Féminin
Planète : Vénus
Élément : Terre
Pouvoirs : Gains matériels - Divination.
Utilisation magique : Si une fille aime écosser les petits Pois, elle épousera un homme riche.
Les Pois séchés, dits Pois cassés, entrent dans les sachets porte-chance ; les paysans américains en glissent quelques-uns dans leur porte-monnaie.
Les cosses qui renferment neuf Pois sont des talismans recherchés ; les femmes en suspendent dans la cuisine afin que le foyer ne manque jamais du nécessaire.
De nombreux rituels de divination se servent des petits Pois ou, en Afrique du Nord et en Sicile, des Poids chiches. Quand on les plonge dans l'eau, certains vont droit au fond, alors que d'autres flottent à la surface ; on compte les Pois flottants, on note leur position et on en tire des déductions concernant les événements à venir.
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
Trouver neuf pois dans une même cosse porte bonheur et signifie un mariage prochain ; il faut alors faire un vœu, vide la cosse et la jeter par-dessus son épaule. Les Anglais croient que si une célibataire place un de ces pois chanceux sur le linteau de la porte d'entrée, le premier homme à franchir le seuil sera le futur époux.
Dans le livre de Jean d'Albret, mettre une cosse de pois à neuf graines dans le bénitier de l'église permet de reconnaître les sorcières - elles sortiront les dernières de l'office -, tandis que dan le Gers, c'est une gousse à onze grains que l'on y jette avec de la terre provenant de trois cimetières ramassée avant le lever du jour : « La messe dite, les sorciers sont comme pétrifiés à leur place et ne peuvent sortir ».
Outre-Manche, une cosse contenant un seul pois est également un augure très favorable. En Italie, rois petits pois, brisés en trois morceaux et portés dans trois poches, constituent des amulettes. Elles furent notamment en vogue dans l'armée pendant la Première Guerre Mondiale. Aux États-Unis, les pois cassés portent bonheur. On les glisse en général dans son porte-monnaie.
Pour savoir si la jeune fille qu'il courtise va tomber dans ses bras, un homme arrachera une cosse de petits pois à un plant et l'ouvrira : si les pois adhèrent à l'enveloppe, ils lui prédisent le succès de sa démarche. On promet également un époux riche à la jeune fille qui aime écosser les petits pois.
En jeter une poignée devant sa maison favorise la fécondité du couple. Selon une tradition du Jura, lors d'un mariage, la mère de l'époux, depuis la maison, répand sur les jeunes gens des pois, censés leur porter chance dans leur union.
Rêver de pois est de bon augure. Les Japonais les lancent dans le feu pour empêcher la foudre de tomber sur la maison.
Une feuille jaune apparaissant dans une rame de petits pois est un présage de mort. En Bretagne, si des pois mis sur une balance se mettent à bouger, le présage n'est pas meilleur. Selon une croyance polonaise, en faire cuire entre Noël et le jour de l'an rend le bétail aveugle.
Tous ceux qui sont attachés à la fidélité doivent éviter de faire manger à leur conjoint des petits pois, dont on croyait autrefois que l'odeur rendait fou, car ils incitent aux écarts de conduite et rendent volage.
Les pois sont parfois associés à la sorcellerie : il faut en offrir aux démons invoqués, comme le recommandent souvent les grimoires et recueils de secrets magiques mais, selon une croyance du Moyen-âge, « lorsque les pois bouillent dans le pot qui est mis hors du feu, sachez alors qu'il n'y a nulle sorcière en la demeure ». Enfouis sous la racine d'un pommier, ils font trébucher les démons, bêtes, lutins et autres mauvais génies susceptibles de nuire à l'arbre.
A cause de leur forme rappelant les verrues, les petits pois sont très souvent utilisés pour les faire disparaître. L'usage courant prescrit d'envelopper dans un petit linge autant de pois que l'on a de verrues et d'abandonner le sachet dans un chemin ou dans un puits. Celui qui le ramasse attrape les verrues tandis que son ancien propriétaire en est définitivement débarrassé. De nombreuses variantes existent. En Suisse romande, on y ajoute autant de cheveux que de pois ; en Normandie, on les plonge dans un verre d'eau qu'on cache dans un endroit de la maison et dans les Vosges, on les jette dans le feu et on quitte les lieux avant de les entendre brûler. De nombreuses recettes à peine différentes servent à enlever les tics ou verrues des animaux.
Chez les Tziganes, qui dans leurs opérations magiques utilisent souvent le pois, lorsqu'une femme vient d'accoucher d'un enfant mort-né, on en met dans un peut de lait de la mère pour le faire tarir.
Il faut semer les pois quand la lune décroît ; le faire en nouvelle lune donne plus de fleurs que de légumes et selon une croyance bretonne, ceux qui sont mis en terre dans le croissant de lune poussent en hauteur sans donner de graines. Certains jours sont conseillés : le centième jour de l'année dans les Vosges, le même jour de la semaine que celui de Noël en Belgique. D'autres sont très déconseillés : les jours en R (mardi, mercredi, vendredi) et l'après-midi du vendredi saint. En Suisse, les pois plantés sous le signe du Capricorne fleurissent toute l'année et dans l'Orne, les semer le jour du mardi gras les protège des mulots. Enfin, pour avoir une bonne récolte, les paysannes de Liège (Belgique), le jour de l'ensemencement, jetaient quatre fois une pincée de pois par-dessus l'épaule, en offrande à Dieu, à la Vierge, au patron du village et aux moineaux.
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Symbolisme alimentaire :
Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :
Le caractère de Petit Pois peut être qualifié d'« aéré » ; cette légumineuse est capable de secouer - comme un oreiller - des masses compactes trop pesantes et d'en disperser les composants, de les diviser, voire de les rendre plus vaporeuses ; tout devient plus léger. Cette graine incite l'être humain à ne pas considérer la vie comme une lourde affaire et à digérer les choses dans une agréable légèreté, en les relativisant Elle exhorte à l'optimisme, au regard ouvert et confiant.
L'être humain se bloque-t-il dans un schéma pesant ? Est-il plongé dans de lourdes réflexions ? Vaque-t-il, le cœur serré et l'esprit tendu, à ses affaires quotidiennes ? Alors, Petit Pois est là en lui disant : « Relâche la pression. Ne vois pas tout en noir. Ne te fais pas tant de soucis. Laisse passer les choses dans le pessimiste. Allège-toi l'esprit, dans a joie, en ayant confiance que tout ira bien... et lâche prise ! Ne te coince pas dans de graves pensées ; ne te harcèle pas, ne t'énerve pas parce que ceci ou cela doit être fait d'urgence... Abandonne cette vision ténébreuse de la Vie. Fais en sort que rien ne te reste sur l'estomac ou sur le cœur. Vis plus gaiement, le cœur plus léger. Ouvre-toi ; permets-toi davantage de laisser venir les choses, rends-toi la vie un peu plus facile. Vis avec franchise et aisance, aie le sens du relatif. Vois les choses de haut... »
« Tout cela n'est pas aussi garce que tu ne le penses ! » dit Petit Pois. » « Vois le côté ensoleillé de la vie ! Tu existes ; tu vis... c'est cela l'essentiel. Le reste est secondaire. Ne sois pas affligé, ne t'avachis pas, ne te laisse pas glisser vers des régions encore plus basses plus lourdes. Allons, courage ! Regarde au-devant ! »
La vie ne devient accablante que si l'homme ne se ressent pas comme un être joyeux, s'il ne considère pas que la vie est vraiment "gaie", s'il croit être obligé de faire certaines choses qui lui pèsent... Cet être humain apprendra à accomplir ses tâches dans la joie, sans trop se faire du mouron. Il devra bien comprendre que les conditions extérieures résultent d'un état intérieur. S'il veut changer certains éléments de sa vie, il devra d'abord modifier son attitude envers lui-même et envers la vie. Son Noyau Vivant sait très bien pourquoi il s'est attiré certaines tâches dans cette vie. Il ne devra pas opposer de résistance à lui-même ; il vaut mieux qu'il se demande "pourquoi ?".
Petit Pois signale à l'être humain que celui-ci attache trop d'importance à certaines choses, qu'il ferait bien de s'y prendre d'une manière plus enjouée, plus reconnaissante. Quelle que soit la tâche qu'il a dans l'existence : il vit et il est heureux de pouvoir "Être"... et, quoi qu'il fasse, il le fait dans la joie, se réjouissant de pouvoir contribuer au Bien d'un onde nouveau et magnifique. Si une chose va vraiment à l'encontre de sa nature profonde, tandis qu'il vit dans la gratitude, alors il verra se produire les circonstances qui feront que ces tâches disparaissent automatiquement de sa vie.
Petit Pois possède la propriété de tout raviver, de tout alléger de manière que plus rien ne pèse sur les épaules de l'être humain. Le dos est heureux de porter. Les intestins digèrent avec la plus grande aisance ; le corps se déleste. La sphère psychique des Petits Pois débrouille l'écheveau, elle défait les piles ; elle analyse, sépare, divise ; elle démêle les divers éléments ou parties et fait que chacun reçoive sa part d'oxygène et d'attention.
L'être humain en apprendra que, lorsqu'il essaie d'embrasser les choses par l'esprit ou la raison, il fera bien de temps en temps de disjoindre les choses, de considérer les différents faits séparément..., d'en opérer une bonne analyse... pour en tirer une conclusion et évacuer l'inutile.
Petit Pois n'aime pas que l'être humain agglutine tout en un méli-mélo inextricable d'éléments chaotiques : « Remets de l'ordre dans tes affaires, avec une vue d'ensemble bien aérée. Médite-les bien, analyse tranquillement... Tu finiras par en acquérir une Vision claire, lumineuse, plus légère ! » lui dit le Petit Pois.
L'être humain s'est-il englouti dans un creuset confus de problèmes et de soucis ? Il lui suffit de démonter calmement les pièces - comme celles d'une voiture - et de tout examiner soigneusement. Une chose ne demeure pesante que si l'être humain ne voit pas clair ou qu'il ne l'envisage pas correctement. Avec une vue générale raisonnable, avec confiance et optimisme, il parviendra, à l'instar du Petit Pois, à démêler tranquillement les choses afin de créer de l'Ordre dans son esprit brouillon ou sans a situation de vie chaotique. Celui qui a envie de Petits Pois demande une vision plus claire de la vie, une limpidité qui lui permette de faire les pas et de régler les affaires susceptibles de rendre la vie plus "légère", plus allègre.
Conclusion : Celui qui a faim du goût des Petits Pois aspire à voir la vie d'un œil enjoué et à secouer tout fardeau trop pesant. Il a besoin d'épanouir tout ce qu pèse trop lourd, de l'aérer avec de la lumière et de l'oxygène et, quand il le faut, de concevoir des solutions, d'opérer des changements, de lâcher prise vis-à-vis de certaines choses... pour ensuite parcourir les espaces de la vie d'un pas encore plus léger, libéré, optimiste !
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Mythes et légendes
D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),
POIS. — D’après Arthémidorus Daldianus, De Somniorum interpretatione, I, 70, « Legumina omnia mala sunt, praeter pisum ». D’après Mannhardt, dans la Mythologie germanique, le pois était consacré au dieu Thor ; c’était le mets de prédilection de Thunar ; et saint Nicolas, qui l’a remplacé en Souabe, s’habille avec la paille des pois. C’est d’un petit pois que, dans un grand nombre de contes populaires indo-européens, sort le petit nain qui deviendra un héros prodigieux, lequel montera au ciel et descendra aux enfers. Dans le mythe, le petit pois, comme le plus grand nombre des légumes, est le symbole de la lune. Apomasaris (Apotelesmata, Francfort, 1577) représente les pois comme de bon augure, vus en songe : « Pisum et sesamum ad opes et aurum interpretando referimus. Sesamum tamen nobilius, propter oleositatem suam. Si quis haec visus sibi fuerit accepisse, vel habuisse copiam horum aliquam, vel in domo sua condidisse vel edisse, per monetariam auro potietur et opibus et gloria, pro copiae modo ; et incrementum ei portendent. » Nous trouvons aussi les pois symbolisant la richesse et la fécondité dans l’Uranographie chinoise de Schlegel, où l’on peut lire cette page curieuse : « Nous lisons dans les Mémoires sur les saisons que, dans les États de Tsin et de Wei, les dames du palais mesuraient avec un fil de soie rouge l’ombre du soleil. Après le solstice d’hiver, l’ombre avait augmenté de l’épaisseur d’un fil. Durant la dynastie de Tang, les dames du palais mesuraient la longueur du soleil par leurs tapisseries. Après le solstice d’hiver, elles augmentaient chaque jour leur travail d’un fil, ce qui fit dire au poète Tonfou : « En brodant avec des fils de cinq couleurs, elles augmentent un faible fil. » Aujourd’hui, on place, la nuit du 7 de la septième lune, des tables sur le ciel couvert, sur lesquelles on dispose du vin, du hachis et les fruits de la saison. On répand de l’encens pour les astérismes Bouvier (Aquila) et Tisseuse (Lyra), et l’on prie pour la richesse, une longue vie et de la progéniture. On peut seulement prier pour un seul de ces biens, et non pour tous à la fois, et on peut espérer, pendant l’espace de trois ans, l’accomplissement de ses vœux. Ce vin s’appelle le vin des étoiles brillantes, et le hachis, le hachis des cœurs unis. Mais le souvenir que ces astérismes indiquaient primitivement l’époque des mariages ou la onzième heure, n’est pas encore perdu, ni oublié. Ainsi, on sème pendant la nuit du 7 de la septième lune, dans un pot de porcelaine, des pois verts, des petits pois et du blé, et quand les jets ont quelques pouces de longueur, on les lie ensemble avec un ruban de soie rouge et bleue. On appelle cela, planter (le principe) de la vie »
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Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :
D'après un conte du pays de Bitche, une femme désireuse d'avoir un enfant était à cueillir des pois, quand elle vit une cosse qui remuait sur sa tige elle l'ouvrit et le roi des pois lui sauta dans les bras, et lui annonça qu'elle aurait un enfant elle l'eut en effet, et quand elle demanda un berceau, elle vit deux petits hommes habillés de cosses de pois qui le lui apportaient.
Plusieurs récits parlent de graines qui donnent naissance à des êtres humains, ordinairement de très petite taille. Dans un conte picard une femme naïve, et qui n'avait pas d'enfant, entendant dire à une de ses voisines qu'on pouvait en avoir en plantant des pois, en sème un boisseau, et elle voit paraître au bout de quelques temps des milliers de garçons, qui dès le lendemain, hauts tout au plus d'un demi-pouce, couraient de tous côtés.
[...] Dans un récit de Basse-Bretagne, un pois fait tomber dans un sommeil léthargique.
[...] Des plantes donnent un grand pouvoir à celui qui les possède. Un pois, une graine de chènevis sont des talismans qui permettent de se procurer tout ce que l'on désire.
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Littérature :
Un de mes contes préférés d'Hans Christian Andersen : "La Princesse au petit pois" .
Il en existe également un autre : Cinq dans une cosse de pois.
Aider à écosser des petits pois
C'est presque toujours à cette heure creuse de la matinée où le temps ne penche plus vers rien. Oubliés les bols et les miettes du petit-déjeuner, loin encore les parfums mitonnés du déjeuner la cuisine est si calme, presque abstraite. Sur la toile cirée, juste un carré de journal, un tas de petits pois dans leur gousse, un saladier.
On n'arrive jamais au début de l'opération. On traversait la cuisine pour aller au jardin, pour voir si le courrier était passé...
« Je peux t'aider ? »
Ça va de soi. On peut aider. On peut s'asseoir à la table familiale et d'emblée trouver pour l'écossage ce rythme nonchalant, pacifiant, qui semble suscité par un métronome intérieur. C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tout près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher.
Alors on parle à petits coups, et là aussi la musique des mots semble venir de l'intérieur, paisible, familière. De temps en temps, on relève la tête pour regarder l'autre, à la fin d'une phrase ; mais l'autre doit garder la tête penchée - c'est dans le code. On parle de travail, de projets, de fatigue - pas de psychologie. L'écossage des petits pois n'est pas conçu pour expliquer, mais pour suivre le cours, à léger contretemps. Il y en aurait pour cinq minutes, mais c'est bien de prolonger, d'alentir le matin, gousse à gousse, manches retroussées. On passe les mains dans les boules écossées qui remplissent le saladier. C'est doux ; toutes ces rondeurs contiguës font comme une eau vert tendre, et l'on s'étonne de ne pas avoir les mains mouillées. Un long silence de bien-être clair, et puis :
« Il y aura juste le pain à aller chercher. »
Philippe Delerm, "Aider à écosser les petits pois" in La Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, (Éditions Gallimard, 1997).
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