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La Pervenche


Étymologie :


  • PERVENCHE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1225-30 parvenche (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 889) ; 1900 couleur pervenche (Willy, Claudine à l'école, 267 ds Quem. DDL t. 16) ; 1909 pervenche (Femina, 15 sept., 466, ibid.). D'un lat. *pervinca, cf. l'ital. pervinca, le cat. pervinca (FEW t. 14, p. 462a), de vinca pervinca même sens. Le nom semble issu d'une formule magique, v. réséda, peut-être à rattacher à vincere « vaincre » (André, Bot.) ou vincire « lier » (Ern.-Meillet). De la forme de b. lat. vinca « id. » (Marcellus 28, 38 d'apr. FEW, loc. cit.) est issu l'a. fr. venche ca 1220 (Jean Renart, Ombre, éd. F. Lecoy, 282 : vanche) encore usuel dans les patois de l'Est et en pic. (cf. FEW t. 14, p. 461a).


Lire également la définition du nom pervenche pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Vinca minor ; Bergère ; Buis bâtard ; Chandeleur ; Chasse-lait ; Espervanche ; Étoile des bois ; Guinche ; Herbe à la bergère ; Herbe à la capucine ; Herbe à la forcée ; Herbe à la forçure ; Liseron d'avril ; Pervenche-pucelage ; Petite Donzelle ; Petite Prëvanche ; Petit sorcier ; Prëvanche ; Provinche ; Pucelage ; Vanque ; Varvante ; Vinche ; Violette au loup ; Violette carrée ; Violette de chien ; Violette de serpent ; Violette des morts ; Violette des sorciers ; Vouache ;

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Botanique :


Dans Petit Grimoire : Plantes sorcières, Les Sortilèges (Éditions « Au bord des continents... », mars 2019, sélection de textes extraits de Secrets des plantes sorcières) Richard Ely présente ainsi la Pervenche :


La violette de sorciers ou pervenche est une petite fleur bleue à cinq pétales qui rampe sous les bois le printemps bien établi. Les tiges de cette Apocynacée s'étalent jusqu'à deux mètres de long et se parsèment de rameaux secondaires portant les fleurs, se dressant quelque peu à la recherche de la lumière lunaire filtrant au travers des buissons et des ramures forestières. Fuyant le soleil, elle y préfère l'ombre. Ses feuilles sont persistantes, de couleur vert foncé et luisantes. C'est cette persistance du feuillage qui lui conféra la réputation d'être éternelle et, par là même, l'associa au monde des ténèbres, aux enfers et au paradis. Elle porte bien des noms, cette mignonne pervenche : violette de serpent, bergère, pucelage, violette des morts, petit sorcier... On l'employait jadis pour soulager les ulcères de la bouche, les hémorroïdes et diminuer le sang trop rapide. Son nom lui vient du latin vincere, « vaincre ».

Qu'elle résiste à l'hiver ou qu'elle repousse certaines maladies, cette petite fleur aussi jolie que discrète est une des plus puissantes plantes sorcières.

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Vertus médicinales :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


On a moins souvent recours [pour soigner la dysenterie] à nos autres astringents : à l'infusion de petite pervenche [...]. Celles de ces plantes qui agissent doivent leur action au tannin qu'elles contiennent.




Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


PERVENCHE. On attribuait jadis à celle plante, la propriété de rappeler la sécrétion du lait chez les nourrices, et d'autres vertus merveilleuses qui la faisaient appeler la violette des sorciers.




Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Printemps - Mars.

PERVENCHE - DOUX SOUVENIRS.


Déjà les vents ont purifié l'atmosphère, dissimulé sur la terre les graines des végétaux et chassé les sombres nuages ; l'air est vif et pur ; le ciel semble plus élevé sur nos têtes, les gazons reverdissent de toutes parts, les arbres se couvrent de bourgeons. La nature va se parer de fleur , mais d'abord elle prépare le fond de ses tableaux ; elle les couvre d'une teinte générale de verdure qui varie à l'infini, réjouit nos yeux et ouvre nos cœurs à l'espérance. Dès le mois passé nous avons trouvé, à l'abri des coteaux, la violette, la marguerite, la primevère et la fleur dorée du pissenlit. Approchons-nous maintenant de la lisière des bois ; l’anémone et la pervenche y promènent un long réseau de verdure et de fleurs : ces deux plantes amies se prêtent des charmes mutuels : l’anémone a des feuilles molles découpées profondément, et d'un vert doux ; la pervenche a les siennes toujours vertes, fermes et luisantes ; sa fleur est bleue, et celle de l'anémone est d'un blanc pur, rosé sur les bords. Cette dernière ne dure qu'un jour ; elle nous retrace les joies vives et passagères de notre enfance. La pervenche est consacrée à un bonheur plus durable ; sa couleur est celle que préfère l'amitié, et sa fleur était pour J.-J. Rousseau l'emblème des plus doux souvenirs. « J'allais, dit-il quelque part, a m'établir aux Charmettes, avec madame de Warens ; en marchant, elle vit quelque chose de bleu dans sa haie, et me dit : Voilà de la pervenche encore en fleur. Je n'avais jamais vu de la pervenche ; je ne me baissai pas pour l'examiner, et j'ai la vue trop courte pour distinguer à terre les plantes de ma hauteur. Je jetai, seulement en passant, un coup d'œil sur celle-là ; et près de trente ans se sont passés sans que j'aie revu de la pervenche, ou que j'y a aie fait attention En 1764, étant à Cressier, avec mon ami M. du Peyrou, nous montions une petite montagne, au sommet de laquelle il a un joli salon, qu'il appelle, avec raison, Belle-Vue. Je commençais alors d'herboriser un peu. En montant, et regardant parmi les buissons, je pousse un cri de joie : Oh ! voilà de la pervenche ! Et c'en était en effet. » Cette plante, image charmante d'une première affection, s'attache fortement au terrain qu'elle embellit ; elle l'enlace tout entier de ses flexibles rameaux ; elle le couvre de fleurs qui semblent répéter la couleur du ciel. Ainsi, nos premiers sentiments si vifs, si purs, si naïfs, semblent avoir une origine céleste ; ils marquent nos jours, ouvrages d'un instant de bonheur, et nous leur devons nos plus doux souvenirs.

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Pervenche - Doux souvenir.

Fleur préférée de Rousseau. Son feuillage toujours vert et sa fleur d’un bleu céleste peuvent bien symboliser le doux souvenir.

 

Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


PERVENCHE - DOUX SOUVENIR.

Je me suis souvenu de mes premiers jours ; j'ai considéré toutes vos œuvres et j'ai médité tous les ouvrages de vos mains. J'ai étendu mes mains vers vous, mon âme soupire après vous comme une terre altérée.

- Psaumes : CXLII, 5, 6. -

La pervenche a été consacrée au doux souvenir par Jean-Jacques Rousseau et voici à quelle occasion : Jean -Jacques se promenant un jour avec madame de Warens, celle ci aperçut une pervenche et la lui fit remarquer. « Je n'avais jamais vu cette fleur, dit-il , je ne me baissai pas pour l'examiner, je jetai seulement un coup d'œil en passant. Près de trente ans se sont écoulés sans que j'aie jamais revu de la pervenche. En 1764, étant à Gressières avec mon ami M. du Peyron, nous montions une petite montagne qu'il appelle avec raison le salon de Belle-Vue. Je commençais alors à herboriser. En montant et regardant parmi les buissons, je pousse un cri de joie : Oh ! voilà de la pervenche ! et c'en était en effet. Ce n'est pas la pervenche elle-même qui fit tressaillir de joie le cœur de Jean-Jacques Rousseau, mais le souvenir qui s'y rattachait. Nous connaissons, nous, une personne pour laquelle la pervenche rappelle aussi les plus doux souvenirs, aussi chaque année au retour du printemps aime-t-elle à en décorer ses appartements. »

DE LA PERVENCHE.

On distingue deux sortes de pervenche, la grande et la petite. La petite pervenche est une jolie plante, dont les fleurs d'un bleu céleste, embellissent, dans la belle saison, les bois, les haies, les pelouses. Ses tiges sont grêles, flexibles, rampantes et un peu redressées au moment de la floraison. Elles portent des feuilles ovales, pointues, luisantes et d'un vert agréable. Les fleurs sont axillanes, pédonculées, d'un bleu pur, quelquefois blanches; elles s'épanouissent vers le mois d'avril.

On attribue à la pervenche des propriétés astringentes, vulnéraires et fébrifuges. Sans autre examen que les préjugés, les uns ont prétendu qu'elle était propre à rétablir la sécrétion du lait ; d'autres au contraire qu'elle le faisait passer dans les femmes qui cessaient de nourrir leurs enfants. Madame de Sévigné était très persuadée que sa fille, madame de Grignan, lui devait sa guérison, dans une maladie laiteuse, comme il parait par ce passage d'une de ses lettres : « Cette chère pervenche pouvait faire des merveilles dans cet état. Je suis ravie que vous l'ayez trouvée à votre point ; on dirait qu'elle est faite pour vous. Quand vous redevîntes si belle, on disait : Mais sur quelle herbe a-t-elle marché ? Je répondais, sur de la pervenche. » On sait jusqu'à quel point le charlatanisme influe sur la croyance des personnes mêmes les plus spirituelles ; c'est encore lui qui mêle cette plante aux vulnéraires suisses, vendus au peuple sous le nom de faltran comme un spécifique contre toutes les maladies.

La grande pervenche croit spontanément dans les lieux frais et ombragés des contrées méridionales de l'Europe. On la reconnait à ses tiges flexibles, hautes d'environ un mètre, garnies de feuilles ovales, échancrées en cœur à leur base et d'un beau vert. On la cultive dans les jardins où elle se reproduit sous des variétés à fleurs panachées. Elle aime l'ombre des arbres et demande à être placée dans les bosquets toujours verts.

On cultive une autre belle espèce de pervenche sous le nom de pervenche rose, venue de Madagascar, et dont les fleurs se développent successivement pendant une grande partie de l'année.


RÉFLEXION.

Attachons au passé quelques doux souvenir

Le travail au présent, l'espoir à l'avenir. (FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


PERVENCHE - AMITIÉ INÉBRANLABLE.

Charmante petite plante, portant des fleurs d'un beau bleu d'azur . Elle était la fleur favorite de J.-J. Rous seau , qui lui a consacré un souvenir . Il se promenait un jour en compagnie de madame de Warens : celle-ci ayant aperçu une pervenche, la lui fit remarquer . « Je n'avais jamais vu cette fleur, dit Jean-Jacques, je ne me baissai pas pour l'examiner, je jetai un coup d'ail en passant . Près de trente ans se sont écoulés sans que j'aie jamais revu de la pervenche. En 1764 , étant à Gressières avec mon ami, M. Du Peyron, nous montions une petite montagne, qu'il appelle avec raison le salon de Belle-Vue. Je commençais alors à herboriser. En mon tant, et regardant parmi les buissons, je pousse un cri de joie : Oh ! voilà de la pervenche ! ... et c'en était en effet.

La pervenche était autrefois, et dans différents pays, l'emblème de la virginité.

 

Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Pervenche – doux souvenirs.

Cette jolie fleur croit dans les haies, dans les buissons et dans les bois. L'élégance et la précocité de ses fleurs, qui sont d'un bleu de ciel assez vif, la recommandent aux horticulteurs. La pervenche était la fleur de prédilection de Jean-Jacques Rousseau. Un poète l'a chantée ainsi :


Te souvient-il de cette amie

Tendre compagne de ma vie,

Où dans le bois cueillant la fleur

Jolie,

Hélène appuyait sur mon cœur

Son cœur ? CHATEAUBRIAND.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Pervenche (Vinca minor) a les caractéristiques suivantes :

Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Pouvoir : Divination.


Utilisation magique : Dans le Cantal, Faire péta las Prinquas, c'est jeter dans un brasier, le jour de l'Epiphanie, des feuilles de Pervenche pour connaître l'avenir, par le bruit plus ou moins fort que fait la plante en brûlant.

Le jour de la fête de Saint-Matthieu (Wintertag), 21 septembre au lever du soleil, les filles catholiques du duché de Bade se rendaient près d'un ruisseau. L'une portait une couronne de Pervenches; une autre une couronne de paille; une troisième une couronne d'épines. Ces trois couronnes étaient jetées à l'eau. Alors commençait une ronde, les filles, les yeux bandés, se baissaient et saisissaient dans le ruisseau soit la couronne de Pervenches, qui est la couronne nuptiale (bon époux, vie de famille paisible, probité), soit la couronne de paille (vie déréglée, déshonneur, flétrissure sociale), soit la couronne d'épines (entrer au couvent).

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


La pervenche est associée à l'image de l'éternité car, comme le gui ou le houx, elle conserve ses feuilles toute l'année. Cela explique une coutume superstitieuse de Flandre où l'on tapisse de cette plante le chemin qu'empruntent les futurs mariés, ses feuilles symbolisant l'amour durable du jeune couple et ses fleurs bleues représentant l'innocence. réduite en poudre et absorbée avec des vers de terre, la plante constitue un philtre d'amour. D'ailleurs, offerte par un jeune homme, elle porte bonheur et les sorciers déclarent leur flamme en offrant à une femme sept pervenches.

Selon une croyance du pays de Galles, qui déracine une pervenche sur une tombe court le risque d'être hanté par le mort ou de souffrir de cauchemars toute une année.

La pervenche, surnommée la "violette des sorciers" et flore di Morte par les Italiens qui en confectionnaient des guirlandes pour les enfants morts, est dotée de nombreuses propriétés médicinales. Elle enraye les hémorragies, calme les morsures de serpent, soigne les maladies pulmonaires, fait revenir le lait aux nourrices (sauf en Belgique où elle le fait tarir) et, attachée à a cuisse d'une femme, arrête les flux menstruels et empêche les fausses couches. Sa racine, gardée autour du cou pendant la nuit, prévient l'incontinence urinaire et ses feuilles portées en collier par les vaches guérissent leurs maux d'yeux.

Autrefois, on faisait frire de la pervenche dans une poêle avec de l'alun pour retrouver les objets volés, en disant que le diable "sèche" le voleur jusqu'à leur restitution. En jeter dans le feu a aussi pour effet que de chers disparus apparaissent dans la fumée qu'elle dégage. Les Auvergnats, eux, jetaient les feuilles de la plante dans un brasier le jour de l’Épiphanie et auguraient de l'avenir selon le bruit lus ou moins éclatant qu'elles produisaient en brûlant.

Il faut cueillir cette plante bénéfique les nuits de pleine lune (à éviter le lundi ou le samedi), lui faire offrande d'or, d'argent, de pain, de sel, de cire et d'eau bénite et la frapper d'un coup de baguette pour surprendre son "démon". Les égards sont recommandés car la "coquette" apprécie qu'on se prosterne devant elle, qu'on lui dise une formule du genre "Sois saluée et bénite, sainte Pervenche" ou encore qu'on la prie d'être de bonne volonté.

Les Bretons déduisent le climat général du printemps d'après le bleu des pervenches : s'il est très clair, le beau temps est assuré.

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D'après Nicole Parrot, auteure de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :

"Sans doute comme ceux qui l'aiment, la cueillent ou l'offrent, la pervenche rêve beaucoup et soupire longuement avant d'entreprendre. "Je ne pense qu'à vous", affirme-t-elle, "je ne vois que vous, je ne rêve que e vous" et "j'ai la nostalgie de nos souvenirs enfuis". Elle a la fibre romanesque et, lorsqu'elle parle d'amitié, c'est une amitié "troublante". Elle précise d'ailleurs : "j'aime la fausse candeur". Cependant, rien n'est perdu, après mûre réflexion, elle sait aussi passer à l'action avec assurance. Ne déclare-t-elle pas alors : "j'ai l'habitude de vaincre". On peut la croire, il ne s'agit pas de paroles en l'air, la preuve : "son nom en latin, pervinca, dérive du mot vincere (vaincre).

La reine d'Angleterre, qui raffole des fleurs bleues pour ses chapeaux et se revers, l'a souvent élue.

La pervenche a d'ailleurs eu de tous temps ses petites entrées chez les puissants. Au Moyen Âge, le vassal, en signe de soumission, offrait une guirlande de pervenches à son suzerain. Charme supplémentaire, la jolie fleurette azur flirte avec la divination. Elle se place parmi les vingt-deux plantes sacrées correspondant aux vingt-deux lames du tarot. Jetez dans un feu de joie quelques feuilles de pervenche le jour de l’Épiphanie, selon l'intensité de leur crépitement, vous saurez prédire votre avenir.

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Dans Petit Grimoire : Plantes sorcières, Les Sortilèges (Éditions « Au bord des continents... », mars 2019, sélection de textes extraits de Secrets des plantes sorcières) Richard Ely précise les caractéristiques magiques de la Pervenche :


L'amour éternel

Le Grand Albert nous apprend que réduite en poudre, mélangée à des vers de terre et donnée à manger à un homme et une femme., la pervenche les fera tomber en amour, alors que la même mixture jetée dans un étang en tuera tous les poissons. Toujours dans le but de favoriser l'amour, les sorcières flamandes en répandent les feuilles sur le chemin des jeunes mariés. La fleur a la faculté de raviver un amour perdu. Elle peut servir aux philtres et amulettes afin de rabibocher les cœurs séparés, recoller les morceaux d'une relation brisée, voire même ramener le mari volage. Depuis toujours, elle se glisse ainsi sous les oreillers, dans les poches et les paumes des amants égarés. Pour la cueillir, évitez le lundi et le mercredi et préférez la première, neuvième, onzième ou treizième nuit lunaire. Saluez par trois fois la plante avant de l'arracher de vos mains parfaitement lavées et faites-lui part de votre intention. Ainsi cueillie, elle désensorcellera toute victime d'une simple infusion.

Si la violette des sorciers est une plante liée à l'amour, elle l'est aussi à la mort ! On en retrouvait les fleurs dans les couronnes mortuaires de certains pays et, en Italie, on déposait sur les cercueils des enfants morts-nés et autres jeunes victimes de la grande faucheuse des bouquets tressés de pervenches afin que leur pouvoir d'éternité les accompagne dans l'Au-delà.

Poser le pied sur la pervenche assure à la mariée pérennité en son amour.

Parce qu'elle garde son feuillage tout au long de l'année, elle se devine liée à l'Au-delà. Ainsi se montre-t-elle capable de ramener au monde visible les créatures du monde invisible. Fées, elfes, fantômes lui obéissent et permettront au sorcier de les amener jusqu'à lui. quelques tiges jetées dans un feu au cœur d'une cheminée produiront une épaisse fumée. Une invocation clairement prononcée tirera alors du néant les âmes des trépassés. dans les volutes de la fumée apparaîtront les visages des chers disparus, permettant à leurs parents de les retrouver et de leur témoigner leur amour. Voilà la grande magie de la violette sorcière, reine des ombres et clef des secrets de l'amour.


Signature : Vénus.

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Littérature :


La Pervenche


Pâle fleur, timide pervenche,

Je sais la place où tu fleuris, Le gazon où ton front se penche Pour humecter tes yeux flétris !


C'est dans un sentier qui se cache Sous ses deux bords de noisetiers, Où pleut sur l'ombre qu'elle tache La neige des fleurs d'églantiers.


L'ombre t'y voile, l'herbe égoutte Les perles de nos nuits d'été, Le rayon les boit goutte à goutte Sur ton calice velouté.


Une source tout près palpite, Où s'abreuve le merle noir ; Il y chante, et moi j'y médite Souvent de l'aube jusqu'au soir.


Ô fleur, que tu dirais de choses À mon amour, si tu retiens Ce que je dis à lèvres closes Quand tes yeux me peignent les siens !


Alphonse de Lamartine, "La Pervenche" in Méditations poétiques inédites, 1849.

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La Pervenche et la Primevère


Doña Dolorès Primevère,

Lady Roxelane Pervenche

Un beau dimanche,

Montent en haut du belvédère.

Rêveuse pervenche,

Douce primevère,

Radieuse atmosphère.


Robert Desnos, "La Pervenche et la Primevère" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.

 

Maurice Genevoix, dans un article intitulé "images pour un jardin sans murs" (In : Revue Des Deux Mondes (1829-1971), 1956, pp. 203–23) évoque la pervenche à sa manière :


Frileuse, oui, mais vivace et hardie, la pervenche me surprend toujours par la vigueur de son déferler. Là où elle croît, elle se veut seule, accroche au sol un réseau de racines si serré qu'il fait corps avec l'humus, avec le terreau de feuilles mortes qu'il incorpore à son lacis. Arracher un pied de pervenche, c'est ébranler de proche en proche une nappe craquante et frémissante qui résiste de tous ses crampons. Ce ne sont point des centaines de pervenches, ni des milliers, qui fleurissent tout le sous-bois ; c'est la pervenche, un tapis de pervenche, feuilles et fleurs : un miroitement de facettes vert de bronze où viennent jouer l'ombre et la juste lumière et que les fleurs étoilent, comme d'une averse mollement tombée, de douces éclaboussures de ciel.

La pervenche, c'est un ciel qui hésite au bord de l'avrillée.

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Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque ainsi la Pervenche :

15 octobre

(La Bastide)


Un réseau de tiges qui se faufilent dans le tapis de graminées ; l'une qui lève entre les touffes et produit, face au soleil occidental, quelques étages de feuilles luisantes, ovales, découpées en cœurs à la base. Un pédoncule. Un calice à cinq sépales aigus frangés de cils. Et la merveille solitaire : la grande pervenche, le plus beau bleu du monde... Le tube cylindrique de la corolle s'achève en parfait pentagone (et voilà pour la pentature du cercle). Les pétales arqués composent une hélice de velours pâle. On dirait une galaxie spirale à l'usage des fourmis rousses.

La pervenche regarde qui la regarde. Elle guette l'intrus. Elle ne le quitte pas de l'œil. Elle est œil. Rien de plus bizarre que d'être vu ainsi, végétalement.

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