Étymologie :
LAMANTIN, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. 1533 manati (P. Martyr d'Anghiera, Extraict ou Rec. des Isles nouuellement trouuees en la grand mer Oceane [trad. de l'ital.], III, f° 120a ds König, p. 129) ; 1558 id. (A. Thevet, Les Singularitez de la France antarctique, autrement nommee Amerique, fo 138a, ibid.) ; 2. 1640 lamentin (P. J. Bouton, Rel. de l'Etabl. des François depuis l'an 1635 en l'Isle de Martinique, p. 75, ibid.) ; 1645 lamantin (G. Coppier, Hist. et Voy. des Indes Occ., p. 108, ibid.). Empr., d'abord par l'intermédiaire d'un texte ital., à l'esp. manatí « vache de mer » (dep. 1526, Oviedo ds Fried.), lui-même empr. au galibi manati signifiant proprement « mamelle », cet animal marin étant un mammifère. La forme 2 fait difficulté : on y a vu, soit un croisement avec lamenter* dû au cri plaintif de ce cétacé (DG ; Bl.-W.1-5), soit l'adjonction de l'art. fém. la, qu'aurait entraînée le synon. vache de mer (FEW t. 20, p. 71a).
Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexions sur le symbolisme de cet animal.
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Symbolisme :
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Ethnobiologie :
Le lamantin est un animal classé vulnérable par l'IUCN. Il fait partie des espèces protégées et est interdit de chasse. Son principal prédateur reste l'homme, même si des anecdotes rapportent qu'il est consommé par les requins (dans les estuaires saumâtres) et les crocodiles. Actuellement, les préjudices sont causés par les hélices des bateaux à moteur. Les coupures qui en résultent peuvent entraîner la mort de l'animal après infection. Cet animal est placide et se laisse approcher de près.
Selon les ethnies, le lamantin est considéré soit comme un gibier de grande valeur, soit vénéré. Il constitue un puissant totem pour les Mandé du Niger (Ma : lamantin et Ndé : fils de) : ils ne doivent pas mettre à mort ce parent aquatique et le contact de sa peau entraîne des maladies graves dont la plus bénigne est la lèpre. Pour les Ouolof du Sénégal, le lamantin est la victime d'un sombre drame. La fille du chef Peuhl de Boundou Aeré fut contrainte par la magie de se marier à un vieux chef maure. Une nuit, elle réussit à s'enfuir, et se jette dans le fleuve. Le magicien la rattrapa et après lui avoir coupé les deux mains et lui avoir lié les pieds, la rejeta dans le fleuve. Dieu la prit en pitié et lui conserva la vie. Ainsi naquit la légende des lamantins.
Il est cependant chassé par les autres ethnies, car sa chair est succulente et ses os et certains autres de ces attributs sont considérés comme magiques. Ses os protègent de la gale, la possession de sa tête et de ses dents apporte le succès dans tous les domaines. Le cuir, la graisse, les os, tout peut être utilisé chez le lamantin.
Les méthodes de chasse restent inchangées : les Somono du Niger et les Diola de la Gambie utilisent des harpons avec un fer barbelé relié à une longue hampe de bambou par une cordelettes en fibre de palmier. Ils restent couchés sur leur barque ou sur une plate-forme, et lorsque le lamantin approche, ils lui assènent un coup de harpon. Si le coup ne le tue pas, ils le suivent et attendent que l'animal soit très affaiblis pour l'achever. Il est immédiatement partagé dans tout le village, mais les attributs magiques restent au chasseur.
http://www.cons-dev.org/consdev/niger/PANANI/FAUNE/lamantin.html
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Contes et légendes :
Dans un document intitulé "Le lamantin et Manman Dlo dans la culture créole et dans l'histoire de la Guadeloupe" (publié en février 2004 par le site guadeloupe-parcnational.com), André Lartiges, Marie Vernangeal et Gérard Berry font l'état des lieux des représentations créoles du lamantin :
Le lamantin personnage principal de contes : Compère Lamantin (ou commère Lamantin) partage avec Compère Tigre (le Jaguar) l'affiche de plusieurs contes édités dont on peut penser qu'ils ont la même origine tant ils sont proches dans l'esprit et dans l'enchaînement des actions. Au bout du compte, le gentil lamantin va se venger du méchant tigre et en débarrasser la contrée à la grande satisfaction des autres animaux qui n'hésitent pas à apporter leur aide.
Dans la version la plus anciennement datée extraite des Contes et Légendes de Guyane, recueillis par Michel Lohier (1960), Compère Tigre, après avoir mangé tous les animaux de la forêt, découvre un site où les oiseaux de mer viennent pondre et couver. Compète Tigre commet un nouveau carnage de leurs œufs et de leurs petits, ce qui met les oiseaux fort en colère et les décide à se venger.
Lorsqu'il a faim à nouveau, ils lui promettent de l'emmener dans une contrée giboyeuse. Pour cela, ils lui confectionnent des ailes, les lui attachent et s'envolent avec lui. Mais, au lieu de la contrée riche en gibier, c'est en mer sur un rocher qu'ils vont se poser. Compère Tigre, fatigué par le voyage, s'endort et, quand il se réveille, les oiseaux ont disparu, non sans lui avoir détaché ses ailes de fortune.
Prêt à être emporté par la marée montante, Compère Tigre a la chance de voir passer Commère Lamantin. Il l'apostrophe et lui demande de le ramener à terre. Commère Lamantin commence par lui rappeler tous ses méfaits et à lui faire la morale ; puis, finalement, elle accepte de le transporter sur son dos. Lorsque l'eau devient peu profonde et la terre suffisamment proche, le Tigre arrache une mamelle à Commère Lamantin et se sauve avec.
La pauvre Lamantin blessée décide de se venger avec l'aide de Kariacou le chevreuil. Celui-ci annonce alors à la cantonade qu'une maman lamantin s'est échouée sur la plage et que celui qui l'a blessée peut venir la ramasser. Compère Tigre se présente immédiatement pour réclamer la carcasse. Kariacou lui propose de l'attacher à Commère Lamantin pour qu'il puisse emmener celle-ci chez lui. Mais quand les deux animaux sont solidement attachés ensemble, c'est Commère Lamantin, soudain ragaillardie et beaucoup plus forte qui entraine le tigre et le noie dans la mer.
Dans Les Contes amérindiens de Guyane, publié par le Conseil international de la langue française, le conte recueilli chez les Galibis (Renault-Lescure, 1987), s'intitule alors "Le Jaguar, les Ibis et le Lamantin". Les Ibis utilisent un alibi très voisin et confectionnent eux aussi des ailes pour Compère Tigre. Mais cette fois, c'est Compère Lamantin qui prend pitié du tigre, le ramène sur son dos et se fait voler un morceau d'épaule par le tigre à l'arrivée.
La vengeance de Compère Lamantin se fait avec l'aide de Compère Tortue, et de façon plus grivoise. Compère Tortue dit à Lamantin échoué sur la plage : « Écoute, je vais t'amener le Jaguar pour lui parler ; j'enfoncerai mon bras dans ton derrière pour tâter ta graisse, et ensuite je lui ferai enfoncer le sien. »
Et quand le Jaguar fut là, il lui dit : « Juste après le moment où j'aurai enfoncé mon bras, enfonce le tien aussi. »
Puis Compère Tortue dit à Lamantin : « Quand je dirai "piti bra seré dou, piti bra seré dou, piti bra seré dou" alros tu serreras de toutes tes forces et tu l'emporteras. »
Et c'est ainsi que le Tigre fut emporté au large, le bras emprisonné dans le derrière du Lamantin.
Dans la version antillaise de Marie Thérèse Lung Fou (1979), c'est Kariacou qui est à nouveau le complice de Lamantin pour donner une leçon à Compère Tigre. Mais dans cette version, Compère Tigre n'est pas noyé mais emmené en Guyane avec comme conclusion : « Les Antilles furent enfin débarrassées de cet animal cruel et vaniteux... »
Il existe sans doute d'autres variantes locales. « Compè' Tig et Compè' Lamantin » est un bel exemple de l'universalité et de la diversité du conte créole.
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Cinéma :