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Le Dugong




Étymologie :


Étymol. et Hist. [1756 Dujung « espèce de cétacé » cité comme mot indigène d'Amboine (Brisson, Le Règne animal, p. 49 ds König, p. 90)] ; 1765 dugon (Buffon, Quadrupèdes, t. 13, p. 374, ibid.). Empr. au malais dūyung (v. König, loc. cit. et FEW t. 20, p. 94b).


Lire également la définition du nom dugong afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Le dugong aurait inspiré, avec les lamantins (dont il est un proche parent) , le mythe de la sirène, ce démon mi-femme, mi-poisson peuplant les fonds marins et dont les chants séducteurs provoquaient des naufrages. C’est pourquoi ces espèces ont été regroupées sous l’ordre des Siréniens.


Autres noms : Dugong dugon ; Sirène du Pacifique ; Vache marine.

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Symbolisme :


Dans ses "Nouvelles observations sur la pêche rituelle du Dugong à Madagascar". In : Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, VII° Série. Tome 8 fascicule 4-6, 1927. pp. 246-250, G. Petit nous apprend que :


[...] le pêcheur subit une préparation qui le détache momentanément du groupement auquel il appartient, en lui conférant un pouvoir magique qu'il transmet à la pirogue et à ses engins. Précautions indispensables. En effet, comme nous l'indiquions dans notre travail antérieur, si le pêcheur manque le Dugong convoité, c'est une calamité pour le village et cette maladresse peut entraîner la mort d'une personne de la famille.

La pêche a lieu le plus souvent la nuit, par temps clair et mer calme, conditions coïncidant toujours, d'après les indigènes, avec l'approche des Dugongs.

L'animal, harponné sur les hauts fonds où il est en train de brouter, est rarement blessé a mort du premier coup. Il entraîne la pirogue à sa suite, à vive allure, jusqu'à ce que, fatigué, il soit achevé à coup de sagaie* Si l'on en croyait les indigènes, le Dugong n'entraînerait pas la pirogue au hasard : avant de mourir l'animal veut revoir tous les lieux où il a brouté au cours de sa vie et conduit ainsi l'embarcation à des distances invraisemblables du lieu où il a été harponné.

Au cours de la pèche, un certain nombre de fadys s'imposent encore aux pêcheurs : il leur est interdit, par exemple, de cracher et d'uriner..

L'animal, ramené à terre, est laissé sur la plage, la tète tournée vers l'Est. Nous avons indiqué dans notre précédent travail que tout le corps de l'animal, mais en particulier la tète, était soigneusement caché, surtout dissimulé aux yeux des enfants et des femmes et qu'il fallait éviter sous peine de voir la pirogue se briser et les pêches futures devenir infructueuses, de manifester un étonnement quelconque à sa vue. Il est également fady de prononcer, en présence du Dugong, les mots lambo (sanglier) ou kosô (pour : cochon).

Dans le N.-W., il semble au contraire, d'après Dandouau (loc. cit.) qu'on n'ait aucun souci d'entretenir un certain mystère autour de l'animal. C'est ainsi que le cadavre du Dugong est transporté près de la case du chef de la pêche : on chante, alors, et on joue de l'antsiva (conque). La femme du harponneur a balayé soigneusement la case, a revêtu ses habits, s'est assise au bord de la mer : le Dugong est « une personne qui vient la visiter et elle doit aller à sa rencontre. »

Le chef de la pêche, ou un vieillard particulièrement initié ace genre de travail, dépèce l'animal. Le sang, soigneusement recueilli, est partagé en trois parties. L'une est enfouie dans le sable, à côté de la pirogue, l'autre est jetée dans la mer, la troisième sert à badigeonner l'avant de la pirogue, le harpon et sa corde. Les viandes sont placées, avant la cuisson, sur un lit de feuilles vertes. Des amis ou des membres de la famille, mais toujours des hommes, groupés autour de la marmite, près de la pirogue, participent au repas rituel, au cours duquel le cœur et le foie, notamment, sont partagés par les assistants. Il est interdit de se servir d'assiettes, de cuillers, de fourchettes ou de couteaux. Le coup d'œil qu'offre ce groupe d'hommes, mordant à pleine dents dans la viande qu'ils gardent dans leurs mains, et qui font entendre de temps à autre de monotones invocations, ne manque ni de pittoresque, ni de quelque sauvagerie. ' Lorsque le repas des hommes^ est fini, alors les femmes et les enfants sont admis à prendre la part qui leur revient. Au cours du festin il est interdit de cracher ou de se moucher. Il est fady de même, pour les assistants, de porter au cou des « odys » de crainte qu'il y en ait, parmi eux, qui neutralisent ceux des pécheurs. Le festin terminé on doit se rincer la bouche et se laver les mains. De même que l'ody du pêcheur était trempé dans de l'eau de mer, avant la pêche, de même, pour ces ablutions, c'est encore elle qui est imposée.

La carcasse du Dugong est enterrée avec soin non loin de l'embarcation. La tête est toujours mise à part. Dans le N.-W., les habitants de l'île Nosy-Faly enterrent, paraît-il, la tête des Dugongs avec le même cérémonial que s'ils enterraient l'un des leurs. Il faut, du reste, éviter que les chiens ou les oiseaux de proie s'emparent des os ou delà viande. Le Dugong ne doit subir qu'un contact humain, ne doit être mangé que par les hommes. Encore les os ne peuvent ils être touchés par eux après le repas rituel. Si un os, accidentellement déterré, est déplacé par un indigène ou un animal, un vent du Sud très violent se lève pour plusieurs jours.

Nous avions indiqué dans notre travail antérieur que les pôcheurs de Dugong de la côte W. devaient s'accoupler avec leur proie, si celle-ci est du sexe femelle. Nous ne pouvons que confirmer aujourd'hui ces renseignements. A Nosy-Bé, d'après Dandouau (loc. cit.) on ne consomme point la viande d'un Dugong femelle si un pêcheur a capturé l'animal sans témoins.

Il résulte, d'autre part, d'indications recueillies par nous a Mombasa, qu'à Malindi *, où l'on pèche encore fréquemment des Dugongs, l'administration anglaise fait tous ses efforts pour mettre un terme à cette pratique très répandue.

Nous ne savons si de pareils rites existent en Australie, aux Indes, sur les côtes de la mer Rouge, ou en Afrique en ce qui concerne les Lamantins. Mais il paraît certain qu'ils existent ou ont existé, dans L'autre hémisphère, pour des animaux marins autres que les Dugongs. En effet, il résulte d'un texte chinois, tiré du Che-Wenki et concernant les Aïnos, habitants de l'île Sakhaline, que les célibataires et les veufs capturent des femmes-poissons vivantes, les gardent dans des lagunes closes et s'accouplent avec elles.

Le texte en question est intéressant à un double point de vue : non seulement parce qu'il relate, de la pirt des Aïnos, un acte qu'accomplissent, comme nous l'avons signalé, les indigènes de Madagascar et de la côte orientale d'Afrique, mais aussi par la description qu'il donne de la femme-poisson. Ses sourcils, ses yeux, sa bouche, son nez, ses ongles, sa tête, sont ceux d'une belle fille. Sa peau est blanche. Elle n'a pas d'écailles, mais des poils fins, des cheveux comme une queue de cheval, des parties génitales semblables à celles d'une femme ordinaire.

Les femmes-marines paraissent être, dans ce cas particulier, des phoques. Notons seulement ici que la description de la Sirène aïnos correspond, d'une manière frappante, avec la description mythique du phoque des côtes méditerranéennes, celle du Lamantin d'Afrique et du Dugong de l'Océan indien.

Dans tous les cas, la représentation anthropomorphique et la représentation réelle de l'animal sont intimement confondues dans l'esprit des indigènes et s'ils accomplissent l'acte sexuel avec l'animal réel, c'est qu'il porte en lui la forme mythique, qui est la forme mixte.

Les faits indiqués ci-dessus, concernant la pêche rituelle du Dugong à Madagascar et qui sont pour la plupart originaux, ne s'appliquent cependant pas exclusivement h. la capture de cet animal. Ou retrouve en partie les mêmes gestes traditionnels et les mêmes fadys dans la pêche d'autres animaux marins, les Tortues, par exemple, que les pêcheurs malgaches recherchent, selon les espèces, pour leur chair, dont ils sont très friands, ou pour l'écaillé.

D'après ce que nous connaissons de cette pêche, les rites communs à la capture des Dugongs, sont :

1° consultation du sikily ;

2° confection de liquides magiques dont boivent parfois les pêcheurs ou servant à asperger la pirogue pendant qu'on lui adresse une supplique et des exhortations ;

3° badigeonnage de l'étrave de la pirogue avec le sang des victimes ;

4° fadys empêchant de porter ses amulettes près du corps de la Tortue amenée à terre ;

5° utilisation exclusive de l'eau de mer pour la cuisson de la viande ;

6° fady interdisant le transport de cette viande dans les cases.

[...]

La plupart des rites de sortie concernant la pèche du Dugong sont de nature propitiatoire. Ils sont destinés à regagner la confiance de l'animal, à lui faire oublier un ressentiment possible...

Mais il faut remarquer que l'interdiction de se servir, pendant le repas d'assiettes, de fourchettes, de cuillères, se trouve au cours d'autres cérémonies où les ancêtres sont directement en cause et son but est, précisément, de ne pas les mécontenter parla vue d'objets leur rappelant l'influence européenne .

Le repas rituel pour la consommation du Dugong et de la Tortue est exactement réglé comme celui qui suit l'immolation d'un bœuf aux ancêtres (soronà).

L'interdiction de cracher au cours de la pêche et au cours du festin, ce qui pourrait être interprété comme une marque de dégoût, frappe également ceux qui veillent le corps, en décomposition, d'un roi Sakalave, à tel point que celui qui n'observait pas ce fady était puni de mort.

Le fait de réserver à la victime une litière de feuillage est un rite qui se retrouve pour des animaux considérés souvent comme des ancêtres : les Serpents; les Crocodiles.

Des rites identiques permettent donc d'obtenir la conciliation des ancêtres et la conciliation d'un animal tel que le Dugong. Il se pourrait, par conséquent, que l'indigène assimile le Dugong a un ancêtre. Le fait d'accueillir son cadavre comme on reçoit un invité de marque, le fait que la représentation spécifique de l'animal implique, virtuellement, le caractère mythique d'un être moitié homme, moitié poisson, indique bien, en outre, un lien intime entre l'homme et le Dugong.

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Selon Florent Planas et Nicolas Goursot, rédacteurs sur le site https://www.20minutes.fr/, dans un article en date du 28 août 2012 et intitulé "Le dugong, la dernière sirène japonaise menacée de disparition" :


« Sirène du Pacifique » ou « vache des mers » : l’observateur hésite, charmé par la nage gracieuse du dugong ou impressionné par sa silhouette massive broutant les fonds marins. Cet animal discret a traversé les siècles. Proie des chasseurs puis personnage folklorique, il est maintenant le mammifère marin le plus menacé. A Okinawa, île du Sud du Japon, une ultime poignée de dugongs incarnent aujourd’hui la lutte d’un peuple pour décider de son avenir.


Les dernières sirènes du Pacifique : Le dugong a inspiré la légende des sirènes grâce à sa nageoire caudale triangulaire et à son « chant » lorsqu’il respire à la surface. La comparaison s’arrête là. Ce mammifère long de deux à quatre mètres pèse jusqu’à 900kg. Il vit soixante ans, souvent seul, sauf lorsque la femelle donne naissance à un unique petit. Au total, quelques dizaines de milliers de dugongs se répartissent encore dans les océans Indien et Pacifique, principalement le long des côtes australiennes.

Historiquement, au Japon, le dugong était connu des pêcheurs et se retrouvait dans la culture locale. Mais sa chasse par les populations affamées après la Seconde guerre mondiale, puis la pression des infrastructures côtières sur son habitat et sa pêche involontaire ont fait chuter sa population. Dans les années 1990, alors que sa chasse a été interdite, l’espèce est en danger critique. On s’interroge même sur son existence.

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Mythologie :


A l'occasion de l'acquisition par le musée du Louvre d'une statuette sculptée dans une incisive de dugong, Annie Caubet et François Poplin proposent un article intitulé : "Une statuette sumérienne en ivoire de dugong (note d'information)." In : Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 147ᵉ année, N. 1, 2003. pp. 361-373, dans lequel ils émettent des hypothèses sur la mythologie sumérienne :


[...] Les mythes sumériens de Création racontent l'émergence de la terre à partir d'un univers aquatique, à l'issue du combat qui oppose Tiamat, la Mer, à Enki, dieu des eaux abyssales et ordonnateur du monde. Enki apportera l'eau douce à Diimoun, permettant le développement de l'agriculture. On a pu se demander si l'ambiance aquatique de ces récits ne conservait pas le souvenir d'une origine maritime des Sumériens, qui seraient venus des rivages où les Grecs situaient les Ichthyophages.

Dans ce contexte fabuleux, l'emploi d'une dent de dugong par un artiste sumérien apporte une pièce palpable au dossier des liens entre Sumer et Diimoun. Le dugong n'était pas seulement exploité pour des raisons alimentaires et son ivoire pouvait circuler jusque en Mésopotamie. En retour, les Mésopotamiens avaient-ils connaissance de ce mammifère marin ? Les témoignages sont maigres. Dans le domaine mythologique, on l'a vu, le dieu des eaux Enki est entouré de créatures aquatiques où se mêlent animaux réels et monstres fantastiques, tortues et hommes-poissons apparaissent dans les représentations figurées, notamment dans la glyptique : les artistes mésopotamiens se seraient-ils inspirés de Siréniens réels pour inventer le « dieu bateau » des cylindres de la période d'Agadé, ou pour imaginer les sirènes barbues du palais assyrien de Sargon II à Khorsabad ? Ces étranges créatures, à corps de poisson et buste d'homme, portent la tiare à cornes qui est l'emblème de divinités ; elles assistent dans les flots au transport du bois de cèdre destiné au palais royal, en compagnie de taureaux ailés, de serpents, de tortues, de nautiles : nous serions tentés de reconnaître dans le dugong une source possible d'inspiration pour l'artiste assyrien. Enfin, une petite figurine d'époque néo-babylonienne trouvée à Ourouk verse un autre document au dossier : la publication propose prudemment de l'identifier comme Robbe (phoque, veau marin) ou Seekuh (vache marine, dugong).

L'ivoire de dugong était-il spécialement recherché par les Sumériens, autrement dit l'artiste qui a créé notre statuette était-il conscient d'œuvrer sur une matière spécifique, dont il connaissait l'origine ? Notre statuette invite en effet à reconsidérer certains aspects de l'art mésopotamien. Contrairement aux artistes contemporains de l'Egypte et du Levant, qui ont apprécié tant l'ivoire d'éléphant que celui d'hippopotame, les Mésopotamiens ont pendant longtemps très peu utilisé l'ivoire. C'est la coquille marine qui domine durant toute la période des dynasties archaïques et l'ivoire (sans précision d'espèce) est très rarement rencontré aux IIIe et IIe millénaires. [...]

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