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La Grue




Étymologie :


  • GRUE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. 1121-34 ornith. (Ph. de Thaon, Bestiaire, 2325 ds T.-L.) ; av. 1544 faire de la grue « attendre longtemps sur ses jambes » (Des Périers, A la royne de Nav. [I, 154] ds Hug.) ; 1608 faire le pied de grue (M. Regnier, Satyre, éd. G. Raibaud, III, 114) ; 2. a) 1415 grus « femme de mœurs légères » (Arch. JJ 169, pièce 161 ds Gdf. : grus, ribaude) ; 1858-66 grue (Verlaine, Premiers vers, p. 25) ; b) 1466 « personne sotte, facile à duper » (Pierre Michault, Le Doctrinal du temps présent, 38, 228 ds Z. fr. Spr. Lit. t. 64, p. 56 : Ung homme ayant entendement subtil Doit demonstrer partout qu'il n'est pas grue). Empr. au lat. pop. * grua, class. grūs, grŭis au sens 1 ; le sens 2 a du fait que la prostituée fait le pied de grue au coin de la rue ; b p. réf. à la gaucherie de l'animal.


Lire aussi la définition du nom pour aborder le symbolisme de cet oiseau sacré.

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Croyances populaires :


Selon Jean Baucomont, auteur d'un article intitulé "Les formulettes d'incantation enfantine", paru dans la revue Arts et traditions populaires, 13e Année, No. 3/4 (Juillet-Décembre 1965), pp. 243-255 :


La tradition orale se perpétue dans le folklore de la vie enfantine. […] Une des catégories les plus curieuses de ces formulettes est celle des formulettes d'incantation.

L'incantation, nous disent les dictionnaires, signifie étymologiquement : un enchantement produit par l'emploi de paroles magiques pour opérer un charme, un sortilège. Le recours à l'incantation postule une attitude mentale inspirée par l'antique croyance au pouvoir du verbe, proféré dans certaines circonstances.

[…]

« L'incantation, dit Bergson, participe à la fois du commandement et de la prière. » On constate effectivement, que la plupart des formulettes d'incantation comportent à la fois une invocation propitiatoire : promesse d'offrande en cas de succès et une menace de sacrifice expiatoire, d'immolation en cas d'échec. Ce qui est proprement le caractère de l'opération magique traditionnelle.

[…]

Roulez, roulez

Mesdames les grues

Votre maison est abattue

Vos petits qui sont dedans

Y crient tant qui pouvant.

(Gironde)

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Symbolisme :


Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on apprend que :


"La grue est, en Occident, un symbole commun de sottise et de maladresse, sans doute en raison de l'allure gauche de l'oiseau posé sur une seule patte. On verra plus loin que la Chine tire du même fait un tout autre parti. La grue légendaire du philosophe Léonicus Thomaeus, dont Buffon rappelle l'existence fameuse, évoque déjà la longévité, constante du symbolisme extrême-oriental, mais surtout la fidélité exemplaire. Plus significative est la danse des grues, exécutée par Thésée à la sortie du labyrinthe, et dont on trouve l'équivalent en Chine. Elle est sans aucun doute en rapport avec l'aspect cyclique de l'épreuve labyrinthique elle-même, la grue étant un oiseau migrateur. La danse des grues évoque, dans la Chine antique, le pouvoir de voler, et en conséquence d'atteindre les Îles des Immortels. On imite cette danse à l'aide d'échasses. Car, si la grue est symbole de longévité - on l'associe, dans ce cas, à la tortue - elle est surtout un symbole taoïste de l'immortalité. Les Japonais croient que les grues (Tsuru) vivent des milliers d'années. On offre souvent aux vieillards des peintures ou gravures où figurent des grues, des tortues et des pins, tous trois symboles de longévité. Selon des traditions égyptiennes, une grue à deux têtes serait apparu au-dessus du Nil, sous le règne du fils de Manès : elle annonçait une période prospérité.

La grue était censée vivre mille ans et posséder une technique respiratoire de longue vie qu'il convenait d'imiter. Sa blancheur était symbole de pureté, mais sa tête rouge-cinabre indiquait la permanence de sa puissance vitale, la concentration du yang : après mille ans une grue est revenue, dit un texte d'époque T'ang ; le cinabre poudre sa tête, la neige immaculée vêt son corps (d'après Belpaire). Aussi la grue est-elle la monture habituelle des Immortels. Les œufs de grue servent à la préparation des drogues d'immortalité. Le retour cyclique de la grue est un symbole de régénération. C'est aussi pourquoi, associée au prunier, elle est emblème du printemps. Coiffée de cinabre, la grue est également mise en rapport avec le fourneau de l'alchimiste, avec le feu du fourneau. Et l'oiseau Pi-fang, semblable à la grue, doté d'une seule patte, est un génie du feu. Il annonce l'incendie (cigogne).

Interprétation toute différente en Inde : la grue, sans doute en raison de quelque trait de son comportement, y est le symbole de la traîtrise. Balgalâ-mukhi, la divinité à tête de grue est la trompeuse, la personnification des instincts destructeurs et du sadisme.

La grue couronnée, dans la tradition initiatique bambara, est à l'origine de la parole. Dans une tirade épiphanique, on lit ces mots : Le commencement de tout commencement du verbe est la grue couronnée. L'oiseau dit : je parle. La grue couronnée est-il expliqué, réunit par son plumage, par son cri et par sa danse nuptiale les trois attributs fondamentaux du verbe : beauté (il passe pour le plus beau des oiseaux) ; son (il est le seul dit-on, à infléchir la voix quand il crie) ; mouvement (sa danse à l'époque des amours offre un spectacle inoubliable). C'est pourquoi on affirme que les hommes ont appris à parler en l'imitant. Mais la raison profonde de la valorisation de cet oiseau résulte de la certitude, chez les Africains, qu'il est conscient de ses dons (il en a tout l'air), qu'il a la connaissance de lui-même. C'est donc en sa qualité de symbole de la contemplation de soi-même que la grue couronnée est à l'origine de la parole de Dieu, de la connaissance que l'homme a de Dieu. Le raisonnement (implicite, intuitif) serait le suivant : l'homme n'a connu la parole concernant Dieu qu'à partit du moment où il s'est connu lui-même. Il laisse ainsi entendre que la connaissance de Dieu dérive de celle de soi-même. Tel serait le symbolisme profond de la grue couronnée.


Les échassiers, dont la grue et le héron sont, dans les pays celtiques, les principaux représentants, sont quelquefois nommés en concurrence avec les cygnes, à cette réserve près qu'il sont presque toujours vus en mauvaise part, dans une fonction prophylactique. Leur symbolisme semblerait donc inverse ou contraire. Mais il est peu probable que ce symbolisme péjoratif ait prévalu aussi en Gaule,, où l'on possède quelques témoignages de grues à valeur mythologique sûre (taureau aux trois grues, sur un autel gallo-romain retrouvé dans les fondations de Notre-Dame de Paris). Dans certaines régions germaniques, la grue jouait un rôle religieux ; elle était consacrée, vivante ou en effigie, au dieu qui remplissait les fonctions analogues à celles d'Hermès, le dieu des voyages et de la communication."

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Selon Ted Andrews, auteur de Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (Édition originale, 1993 ; traduction française, Éditions Dervy, 2017), la Grue a les caractéristiques suivantes :

Points clés : Longévité et création par la concentration.

Cycle de puissance : Toute l'année, au cours de la journée.


Pour les anciens Chinois, la grue était un puissant symbole de justice et de longévité, mais aussi l'un des nombreux symboles solaires. La grue est un oiseau d'eau, ce qui veut dire qu'il vous aidera souvent à apprendre comment exprimer vos énergies féminines.

Depuis le XXe siècle, la grue blanche (grus americana, le plus grand oiseau d'Amérique du Nord) est un symbole du mouvement de préservation de la Nature et de la vie sauvage. A un certain moment, du fait d'une chasse effrénée, elle a failli disparaître. Si la grue se manifeste pour vous comme totem, cela peut très bien vouloir dire que vous allez récupérer ce qui a presque disparu en vous.

La plupart des photos de grues ne montrent que des oiseaux adultes. C'est en partie dû au fait que les oisillons de grues sont rares et que leurs parents veillent particulièrement à élever dans le secret leur progéniture vulnérable. Cela peut refléter pour vous un nouvel instinct de protection, ou même un besoin de cacher une chose à laquelle vous auriez donné « naissance » récemment ou que vous seriez sur le point de faire naître.

Si les grues pondent généralement deux œufs, elles n'en élèvent normalement qu'un, ce qui peut exprimer l'importance de ne pas diviser son attention - particulièrement en matière d'éducation des enfants, que ce soit des enfants « réels » ou symboliques, comme des projets spéciaux. Les femmes qui ont la grue pour totems feraient mieux de rester à la maison au lieu de partager leur temps entre le travail à l'extérieur et la maternité. Si c'est impossible - comme c'est souvent le cas dans le monde moderne -, la grue peut vous enseigner à accomplir au mieux les deux tâches simultanément.

Cet oiseau peut aussi fournir des éléments sur les vies passées. « En Chine, elle est "le patriarche de la tribu à plumes" et au Japon, elle est l' "honorable seigneur grue". Elle est généralement représentée dans l'art oriental avec le soleil et des pins. A l'inverse, dans la mythologie celtique, elle est consacrée au roi du monde inférieur et annonce la guerre et la mort. » (J. C. Cooper, Symbolism, The Universal Language, Wellingborough, The Aquarian Press, 1982, p. 67).

L'un des aspects les plus remarquables de cet oiseau est son chant sonore. Sa tonalité envoûtante rappelle une sorte de célébration primordiale de la naissance. Ainsi la grue peut-elle vous apprendre comment célébrer vos ressources créatrices et les garder actives - quelles que soient les conditions dans lesquelles elles se manifestent -, simplement en accordant aux choses l'attention idoine dans votre vie.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


La grue, qui est en Occident un symbole de sottise et de maladresse - « sans doute en raison de l'allure gauche de l'oiseau posé sur une seule patte » - , et en Inde celui de la traîtrise, représente la fidélité et la longévité en Extrême-Orient. Les Japonais, qui en font une image du bonheur, lui attribuent une existence de plusieurs milliers d'années ; dans le taoïsme, dont le fondateur Lao-Tseu est représenté avec une robe rouge brodée de grues, l'oiseau personnifie l'immortalité, d'où la grue de papier qu'on suspend aux fenêtres de la maison du mort pendant certaines cérémonies funéraires. Indiquons également que si la blancheur de la grue évoquait la pureté, « sa tête rouge cinabre indiquait la permanence de sa puissance vitale, la concentration du yang ».

Une seule région française semble avoir fait honneur à son immortalité supposée : en Béarn, manger de cet oiseau allonge la durée de vie, voire rend immortel.

Les danses qu'exécutent les grues pendant la saison des amours et que s'empressèrent d'imiter les hommes, notamment en Crète et en Chine, ont longtemps fasciné pour leur analogie avec un cérémonial magique. Selon l'auteur de l'Encyclopaedia of Magic and Superstitions (Londres, 1974), la « danse de grue » des danseurs de l'ancienne Crète, adoptant une forme circulaire et exécutée sur le dessin d'une svastika, l'une et l'autre étant des symboles solaires, prouverait que la grue était associée à l'astre du jour.

En Égypte, l'apparition au-dessus du Nil d'une grue à deux têtes pendant le règne de Manès fut considérée comme un présage de prospérité.

Pour empêcher de dormir tous les habitants d'une maison neuve et pour les forcer à des activités ininterrompues, même pour les plus pénibles, il suffit de pendre, dans la pièce centrale, les plumes de l'aile droite d'une grue attachée à un fil rouge. La cervelle de grue réduite en poudre passe pour inspirer l'amour tandis que son cœur placé sous un oreiller fait avouer à une personne tout ce qu'elle a fait la veille. On dit encore qu'un cheval noir blanchit si on le frotte avec l'eau dans laquelle a trempé une grue ; la jument qui reçoit le même traitement devient, elle, pommelée.

A l'époque de la Renaissance, rêver de grue était signe de voyage.

Le temps est au calme si les grues s'élèvent paisiblement, mais la tempête approche « si elles glapissent tumultueusement ».

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La grue (tsuru en japonais) symbolise la longévité, on pourrait même dire l'immortalité. Les japonais lui attribue la capacité de vivre des milliers d'années. Le fait qu'elle puisse voler lui confère la possibilité d'atteindre les îles où vivent les Immortels. C'est un symbole taoïste des plus forts. Sa longévité lui viendrait d'une technique de respiration particulière que l'homme tente d'imiter depuis la nuit des temps. On offre souvent aux vieillards des tableaux avec une grue, une tortue et un pin, les trois symboles de la longévité. Elle est aussi un symbole de fidélité exemplaire en Orient. En occident elle est le symbole commun de sottise et de maladresse. Lorsque la grue est blanche elle est synonyme de pureté et lorsque son bec et sa tête comporte du rouge, cela indique la permanence de sa puissance vitale, sa concentration de yang.


Luchi Muschu, La Symbolique des animaux.

 

Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes (Hachette Livre, 2000) :


Depuis que les marais et les marécages ont été transformés en champs, la grue a déserté l'Europe. Désormais, elle vit en Scandinavie et en Russie. L'hiver, elle est en Afrique. la grue est monogame, et elle est célèbre pour ses superbes danses nuptiales. En mai, la femelle pond 2 œufs qu'elle couve avec le mâle durant un mois, dans un nid de joncs et de roseaux, qu'elle place le plus souvent au cœur des marécages. La plus connue est la grue cendrée, pourvue de longues plumes. Elle se nourrit de plantes, de graines, mais aussi d'insectes et de vers. Son cri aigu, mais un peu triste, fait penser à des sons de trompette.

En dehors du fait qu'elle fut souvent assimilée à l'image d'une personne manquant d'esprit ou d'intelligence, maladroite ou ne sachant pas bien se comporter - simplement parce que cet oiseau se tient souvent debout, immobile, sur une seule patte, ce qui lui donne un petit air ridicule -, la grue fut surtout un symbole de fidélité conjugale pour nos ancêtres, qui s'étaient rendu compte qu'elle avait des mœurs monogames, comme nous l'avons déjà précisé. Sa danse plutôt que son vol, retint aussi l'attention des Anciens, notamment en Chine, qui y virent une danse d'amour, bien sûr, mais aussi une danse sacrée, symbolisant la pureté, la prospérité, la puissance de vie et de régénération, et donc une figure de l'immortalité de l'âme."

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D'après Madonna Gauding, auteure de Animaux de pouvoir, Guides, protecteurs et guérisseurs (Octopus Publishing Group 2006 ; traduction française : Éditions Véga, 2006) :


"Guide d'interprétation


En tant que symbole onirique : Voix - Chance - Auto-défense - Longévité - Esprit - Grâce - Souplesse.


En tant que gardien ou protecteur : Défend en criant fort - Protège grâce aux arts martiaux.


En tant que guérisseur : Guérit en libérant la voix - Accroît la longévité.


En tant qu'oracle ou augure : Ne partagez pas votre attention ; Bonne chance.


Mythes et contes

Dans les cultures orientales, la grue symbolise la chance et la longévité.


Si la grue est votre animal de pouvoir

Vous comprenez l'importance de la voix et prenez des cours, entre autres de chant, d'éloquence et de vocalisation thérapeutique. Vous connaissez le pouvoir de la voix primale quant à la guérison des traumatismes émotionnels. Parfois, vous descendez les vitres de la voiture et émettez un cri, long, perçant, discordant. Les vibrations purifient votre tête et éliminent les émotions bloquées. Utilisée ainsi, votre voix vous met en contact avec votre propre vérité. Vous étudiez les arts martiaux chinois pour améliorer la santé physique, la stabilité émotionnelle et la clarté mentale. Doué pour l'autodéfense, vous visez cependant surtout le développement personnel. Quand les choses ne vont pas bien, vous avez la sagesse de tenter une approche différente pour atteindre vos buts. Vous êtes un praticien spirituel engagé et croyez au potentiel de l'illumination.


Demandez à la grue de vous aider

  • à libérer le pouvoir de votre voix ;

  • à vous défendre sans devenir agressif.

Accéder au pouvoir de la grue en

  • suivant un cours d'arts martiaux ;

  • apprenant un chant spirituel.

Le glapissement de la grue blanche américaine, la plus rare des grues, peut être entendu jusqu'à 3 km de distance. Si vous avez l'impression que votre voix est limitée d'une quelconque manière, pensez à prendre des cours de vocalise pour libérer votre voix, physique ou émotionnelle.


Élément Air."

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Pour David Carson, auteur de Communiquer avec les animaux totems, puisez dans les qualités animales une aide et une inspiration au quotidien (Watkins Publishing, 2011 ; traduction française Éditions Véga, 2011), la grue appartient à la famille de la Sagesse intérieure, au même titre que l'hippopotame, le chien, l'aigle, l'ours polaire, le cheval, le coyote, le papillon, la chouette, la salamandre, le saumon, le phoque, le paon, le lièvre, le tigre, le lièvre, le bœuf et la pieuvre.


"Sagesse intérieure : Invoquer un esprit animal, c'est éveiller de nouvelles perceptions. tout phénomène naturel, y compris l'animal, est intrinsèquement mystérieux. L'indicible que recèle toute forme de vie nous ramène aux questions fondamentales sur l'existence. Comment et pourquoi s'est formé le cosmos ? Pourquoi les choses existent-elles plutôt que le néant (comme s'interrogent souvent les philosophes) ? La méditation peut nous apporter une conscience silencieuse des vérités qui se cachent derrière ces énigmes. Lorsque nous plongeons nos yeux dans ceux d'une autre créature, nous sommes confrontés à de profonds mystères, dont l'animal est l'incarnation vivante.

Ce chapitre présente les animaux susceptibles de nous guider vers de nouveaux indices et une acuité nouvelle. Si nous sommes prêts à nous ouvrir et à écouter, nous pouvons gagner en maturité spirituelle et avancer dans notre voyage intérieur.

[...]

Les grues sont de grands échassiers aux longues pattes, mais non palmées comme celles d'autres oiseaux vivant parmi les roseaux et joncs des marécages. Incarnation de la confiance et de la grâce, les grues volent avec leur long cou en extension. Certaines migrent pendant des milliers de kilomètres, pendant que d'autres demeurent sur leur territoire d'origine.

Ces oiseaux sont réputés pour leur danses d'accouplement, élaborées et folâtres. Parade de séduction et de rapprochement, ce ballet animal, aussi bien mâle que femelle, est ostentatoire. Les grues émettent des cris musicaux fracassants, se font des révérences, sautillent, tournoient puis avancent plumage contre plumage, côte à côte, dansant parfois pendant plusieurs minutes.

L'élégant échassier se tient parfaitement immobile au bord de l'eau, une patte immergée, attendant patiemment qu'un poisson ou une grenouille passe par là. La grue ressemble alors à une statue, stoïque pendant des heures, observant, extrêmement concentrée. La beauté de ce gracieux oiseau lui donne une apparence fragile et sans défense ; c'est pourtant loin d'être le cas. En arts martiaux, la grue est même citée en exemple comme maître du combat extérieur, se défendant à distance et ne laissant aucun ennemi s'approcher trop près, luttant avec calme et raffinement. La grue se bat en douceur, avec une grande précision, utilisant son bec.

Lorsque vous apercevez une formation de grues trompetant au-dessus de votre tête, vous êtes témoin d'une petite part d'éternité. C'est un oiseau avisé, à la grâce d'esprit et au parfait contrôle de soi. Le vieux proverbe "tout vient à point à qui sait attendre" convient bien à la grue, qui nous enseigne sérénité et art de l'attente. La grue n'a ni illusions ni confusions. L'eau s'écoule, lui offrant énergie illimitée et force divine, mais elle sait qu'il faudra redonner ce que l'on prend. Dans notre monde en pleine mutation, les qualités de connaissance de soi et de compréhension méditative de la grue nous apportent de la sérénité.


Mot-clé : Sérénité dans le changement.


Méditation grue matinale pour la sérénité

L'esprit peut se régénérer grâce au pouvoir de la méditation. La grue transmet la tranquillité et la sagesse du vide, et peu importent les tourments qui vous assaillent, vous pouvez trouver paix et quiétude. Cette méditation peut être pratiquée partout, dans la nature ou à sa proximité, mais c'est dehors, debout, les pieds nus dans l'herbe imprégnée de rosée du petit matin, et face à l'est qu'elle est le plus efficace.

  1. Priez l'esprit de la grue et demandez-lui d'être avec vous. Imaginez cet esprit grandir en vous - parfaitement calme, droit et contenu. Évacuez de votre corps toutes les tensions et laissez-les descendre le long de vos pieds jusque dans la Terre Mère. Sentez-vous à l'aise et détendu. Regardez les ombres du petit matin et ressentez la moindre brise effleurez votre corps. Saluez le soleil.

  2. Fermez les yeux. Les orteils légèrement repliés, balancez-vous doucement d'avant en arrière jusqu'à trouver un point d'équilibre et devenir parfaitement immobile. Vous sentirez quand vous aurez trouvé cette immobilité et ce calme mental.

  3. A présent, dans votre imaginaire, déroulez votre journée à venir. Visualisez-vous avec une parfaite maîtrise de vous-même, quelles que soient les circonstances. Voyez-vous détendu, calme et serein. Promettez-vous de faire plusieurs respirations profondes au cours de la journée. Faites le vœu de donner à votre corps, à votre esprit et à votre âme une nourriture saine. Comme la grue, voyez-vous relever tout défi et accepter tout changement avec une grâce et un courage inébranlés. Restez dans cet état de calme et de bien-être aussi longtemps que vous le voulez.

  4. Saluez la grue et son énergie, remerciez-la et ramenez votre conscience à l'intérieur de votre corps. Sentez-vous ancré dans cette journée et saluez le soleil, vous remémorant l'esprit de la grue."

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Symbolisme celte :


Dans L'Oracle des Druides (1994 traduction française 2006) de Philip et Stephanie Carr-Gomm, les mots clefs associés à la grue (Corr) sont :

Connaissance secrète - Patience - Longévité.


La carte représente une grue pêchant dans un étang, ses pattes croisées formant la lettre Muinn de l'alphabet Ogham ; elle guette patiemment le passage des poissons. De l'autre côté de l'étang, la lune monte dans le ciel du soir, éclairant l'entrée d'une grotte qui mène au Monde des Profondeurs. Au premier plan pousse l'orobe (dont le nom gaélique cainmeal dérive du mot grue) et le bec-de-grue.

La grue apporte les qualités de patience et de persévérance. Elle peut rester des heures à observer les profondeurs de l'eau, jusqu'au moment où elle pique sur sa proie. Elle sait aussi se concentrer sans se laisser distraire, ce qui la rend apte à nous guider dans le Monde des Profondeurs au moment de la mort ou dans nos voyages d'exploration intérieure. La grue symbolise également la Science - la connaissance des mystères - représentée dans la tradition druidique par l'alphabet Ogham dont l'apprentissage permet de lire le "Livre de la Nature".


Renversée, la carte nous rappelle que la grue, observe et attend patiemment, seule pendant des heures, mais sait rejoindre ses semblables pour voler en formation ou danser. Vous devez peut-être apprendre à parvenir à un équilibre entre vos moments de solitude et ceux où vous êtes avec d'autres. Passer trop de temps seul entraîne parfois un sentiment d'isolement et d'exclusion. Inversement, en recherchant continuellement la compagnie des autres, vous évitez peut-être d'avoir à vous connaître vous-même ou d'affronter un sentiment de solitude qui est pourtant inévitable. Réfléchissez quelques instants à la question. La grue a un côté dur, méchant, négatif ; elle critique et se plaint. Si vous souffrez parfois de ces défauts, essayez de les compenser par les aspects plus profonds de la grue, animal de la déesse-vieille femme ou de la femme-sagesse. Ces attitudes négatives viennent peut-être de votre refus d'accorder le droit d'expression à la femme-sagesse qui habite en vous et connaît la mort et le Monde des Profondeurs.


La Grue dans la Tradition

Comely Conaire s'endormit près de Tara des plaines ;

quand le bel homme intelligent s'éveilla,

le sac en peau de grue pendait à son cou.

Extrait du cycle de Fionn.


Une grue solitaire vit sur l'île d'Inis-Kea, au lare du comté de Mayo. Elle est là depuis l'aube du monde pour y rester jusqu'à la fin des temps. Les contes irlandais l'appellent "l'oiseau des merveilles", symbole de la longévité.

La grue ou le héron est l'un des quatre oiseaux que l'on retrouve le plus fréquemment dans les traditions irlandaises et britannique, les trois autres étant le corbeau, le cygne et l'aigle. La grue était sacrée et la consommation de sa chair interdite, mais lorsque ce tabou tomba, l'oiseau devint un met recherché. On disait de la grue que c'était l'un des premiers oiseaux à accueillir le jour et qu'elle pouvait prédire la pluie et les orages.


L'Alphabet sylvestre

Liée au lever du soleil, c'est-à-dire à l'est, lieu de la connaissance et à l'alphabet Ogham, la grue a été naturellement associée au savoir. L'alphabet sylvestre fut confié à l'humanité par Oma au visage de Soleil, qui le destinait uniquement à l'usage des sages. Par la suite, les créateurs des mythes grecs attribuèrent à Palamède l'invention de lettres supplémentaires, disant qu'il avait reçu son inspiration d'un vol de grues qui "dessinaient des signes dans le ciel". Les druides étant les seuls à savoir utiliser cet alphabet, on nomma leur connaissance - celle de l'alphabet en particulier et des mystères en général - la "Science de la grue".

Un texte irlandais très ancien raconte que le dieu de la mer Manannan possédait un sac en peau de grue dans lequel il transportait sa chemise, une bande de peau de baleine, les cisailles du roi d'Écosse, le casque du roi de Lochlain, les os du porc d'Assail et le crochet de forgeron de Goibne. Certains prétendent que ce sac en peau de grue devint par la suite le sac des remèdes druidiques, transportant les bâtonnets Koelbren qui servent à la divination. C'est aussi le symbole évident de l'utérus, la grue étant l'oiseau de la déesse. Les grues apparaissent souvent trois par trois. Dans Le Livre de Leinster irlandais, le divin Midhir, un des dieux de Tuatha De Dannam, fait garder son château par trois grues. Elles pouvaient, en jetant un sort aux attaquants, leur faire perdre l'envie de combattre. Trois grues protègent les chemins d'accès à Annwan, le Monde des Profondeurs. Certaines sculptures gauloises représentent trois grues perchées sur le dos d'un taureau. Elle symbolisent probablement la trinité attribuée à la déesse : les trois muses, les trois Parques et les sœurs de Wyrd.


Grand-Mère la Grue

Le lien entre la grue et le taureau se retrouve dans le conte irlandais "La sorcière du temple". On y apprend que les quatre fils de la sorcière ont été transformés en grues. Ils ne pourront reprendre leur forme humaine que s'ils sont aspergés du sang d'un taureau magique. La grue représente dans d'autres récits les aspects plus sombres de la déesse. Comme le corbeau, elle est l'oiseau que l'on craint car il annonce la mort et la malchance. Son cri rauque et perçant symbolise la sorcière et les femmes revêches. Cependant, un conte irlandais laisse entendre que la vieille femme associée à la grue peut être bienveillante. Voyant son petit-fils, Fionn, tomber d'une falaise, une vieille femme se transforma en grue pour arrêter sa chute.

Associée à la Cailleache, la vieille femme, la grue est par conséquent symbole de longévité. Elle est aussi un oiseau psychopompe, conduisant les âmes dans le Monde des Profondeurs, aussi bien dans les traditions occidentales qu'asiatiques. Des grues sont représentées sur les murs de certaines églises, suçant l'âme des mourants pour l'emporter saine et sauve vers l'au-delà. En Chine, on représentait l'âme des morts chevauchant une grue, partant pour leur voyage vers le "Ciel de l'Ouest", 'équivalent des "Îles de l'Ouest" dans les traditions druidique et celtique.

Les grues dansent en cercle. Les anciens associaient leur danse au mouvement du soleil et au rôle qu'elles jouent lorsqu'elle conduisent les âmes d'incarnation en incarnation. Dans certaines cultures, la grue est parfois remplacée par la cigogne ; l'oiseau qui donne la vie. Les danses rituelles des grues sont connues aussi bien en Chine qu'en Sibérie ou en Grèce. On peut remarquer que les danses des druides-chamans sont semblables à la danse des grues : neuf pas suivis d'un saut et une chorégraphie, décrivant un labyrinthe, symbole du voyage de l'âme."

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Selon Sabine Heinz, auteure des Symboles des Celtes (1997, traduction française : Guy Trédaniel Éditeur, 1998),


"Les grues apparurent entre 1200 et 100 avant notre ère et sont liées au taureau. On les trouve sur les pièces de monnaie et les objets de guerre comme les fourreaux d'épée, les boucliers et les casques ; elles renferment donc un élément guerrier. pour le reste, les avis sur les grues sont très partagés ; elles peuvent enlever la force d'un adversaire, mais aussi porter chance au combattant.

Elles symbolisent également l'avarice : par le jeûne, Athirne obtint de Midir, le Maître de l'Autre Monde, trois grues inhospitalières. Elles lui dirent : "Ne viens pas !,", "Va-t-en !" et "Ne rentre pas dans cette maison !" et quiconque les voyait ne pouvait ce jour-là vaincre a combat un adversaire de même force que lui (non libération des impulsions vitales). On élabora par la suite une prière censée protéger contre ces oiseaux.

Il est possible de se métamorphoser en grue, mais on ne peut reprendre forme humaine qu'avec du sang de taureau. A part ce lien avec les taureaux, elles sont, tout comme les hérons, liées à l'eau et au saule. Elles sont également en rapport avec la vie et la mort.

Même aujourd'hui, on ne comprend pas encore bien la véritable mystique de la grue. En tout cas, il devait s'agir d'un animal sacré, car jusqu'au haut Moyen Âge, il existait en Irlande un tabou relatif à la viande de grue. Sa vénération apparaît nettement dans la "grue solitaire", l'un des miracles irlandais, depuis le début des temps, on raconte dans le Mayo, en Irlande, qu'une grue vit sur l'île d'Iniskea et qu'elle y vivra jusqu'à la fin des temps.

Selon la légende, saint Colomban soigne lui-même une grue (ou un héron ?) et lui sauve la vie, mais, dans un accès de colère, il transforme ensuite en grue une reine qui lui résiste. Autrement dit, en tant qu'homme de Dieu, il s'occupe apparemment des exclus (ici, la grue), mais il maîtrise également l'art de punir les insolents."

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Dans Animaux totems celtes, Un voyage chamanique à la rencontre de votre animal allié (2002, traduction française : Éditions Vega, 2015), John Matthews nous propose la fiche suivante :


"Grue = irlandais : corr ; gallois : garan ; gaélique : corra-mhonaidh ; langue de Cornouailles : - ; breton : garan.


Pour les Celtes, la grue est associée à la préservation et à la transmission du savoir traditionnel. Le contre irlandais de la grue de Moy Leana raconte l'histoire d'une grue ayant vécu seule pendant des lustres. Autrefois, elle avait été une femme, mais après avoir été transformée en grue par son père, elle avait assisté au déroulement de l'histoire humaine. Dans un conte similaire, Fionn, le sac en peau de grue et le saumon de sagesse, on apprend comment une femme, Aoife, fut transformée en grue par une rivale jalouse. Dès lors, le dieu de la mer Manannan mac Lir s'occupas d'elle jusqu'à sa mort, après quoi il fit faire avec sa peau, un sac où il conserva un certain nombre d'objets mystérieux. Cela rappelle le sac traditionnel du chaman, dans lequel sont rassemblés ses objets de guérison. Par la suite, Fionn vient à posséder ce sac. Le héros a une relation particulière avec les grues.

Alors qu'il était encore enfant, il fut attaqué par des ennemis voulant lui prendre sa vie. Mais il est sauvé par sa grand-mère, qui se transforme en grue et l'emporte en lieu sûr. Plus tard, il se lie à quatre grues, connues pour provoquer la mort sur leur passage et que l'on appelle "les enfants de Cailleach du Temple". Il s'agit des jeunes hommes devant rester sous forme de grue jusqu'à ce qu'ils soient arrosés du sang du grand taureau Connra, appartenant à la déesse Cailleach Bheara. La grue est un oiseau magique qui offre un accès direct et profond à la connaissance.


Préceptes du totem :

Éclaireur : Le courant te fait progresser.

Protecteur : Surveille toutes les directions.

Challenger : Quelle est la suite pour demain ?

Aide : Laissez-moi trouver une voie dégagée.

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Philippe Walter, auteur de Ma Mère l'Oie, Mythologie et folklore dans les contes de fées (Éditions Imago,2017), se demande à propos du Pilier des Nautes :


"Que viennent faire ces trois grues juchées sur le dos du taureau ? L'inscription qualifie les trois oiseaux de garanos (en gallois, cornique et breton garan désigne "la grue"). La racine indo-européenne ger- "criailler" donne en sanskrit jarate "chanter, faire du bruit." Parallèle au grec geranos, on a le latin grus, le lituanien gérvé, l'allemand Kranisch, l'anglais crane, On note aussi le gaélique gigren, ce qui ramène au nom d'Ygraine, la mère d'Arthur. Ces grues rappellent l'aspect triple et unique de la grande déesse. Elles se rapprochent des cygnes qui entraînèrent Apollon vers le royaume des Hyperboréens. Il est vrai que tous les oiseaux migrateurs (oies, grues, cigognes, cygnes, etc.) connaissent admirablement les routes du ciel et celles des eaux. Aussi, lorsqu'un personnage de conte part vers l'au-delà, il suit ces oiseaux et arrive toujours à destination.

Un monument gallo-romain conservé au musée de Trèves est encore plus instructif. On y retrouve le bûcheron coupant un arbre, mais les grues, au lieu de se trouver que le dos d'un taureau, se nichent dans les branches de l'arbre. Le 64e contre des frères Grimm (L'Oie d'or) livre certainement une clé de l'épisode. Trois fils veulent couper du bois dans la forêt. Deux se blessent avec leur hache parce qu'ils n'ont pas été charitables envers un petit vieux rabougri qui vit dans les bois et qui leur a demandé à manger. Seul, le troisième, le plus idiot, sait se montrer généreux envers le vieil homme qui a le récompense. Il lui indique un arbre à couper? L'idiot abat cet arbre et, au milieu des racines, il trouve une oie avec des plumes d'or pur. Grâce à elle, il pourra épouser la fille du roi, une jeune princesse que personne n'a jamais su faire rire. L'oie féerique habite donc dans l'arbre (dont le conte ne précise pas l'espèce), mais il ne peut évidemment s'agir que d'un arbre sacré. Entre le bas-relief gallo-romain de Trèves et le conte des frères Grimm, plusieurs témoignages médiévaux mentionnent un arbre mythique produisant des oiseaux, en particulier une oie marine appelée bernacle, bernache, bernecte, etc. Ce mythe confirme le rôle divin de l'oie migratrice et son statut d'oiseau sacré.

Par conséquent sur le pilier des Nautes, les trois grues indiquent le lieu sacré où réside la grande déesse, à la fois triple et unique. Il s'agit évidemment de l'autre monde, l'île fortunée où croit l'Arbre de Vie, qui paraît être ici un saule."

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Littérature :


Georges Sand, dans une pièce intitulée Le Diable aux champs (1869), entrecoupe les scènes de personnages humains de quelques chœurs animaux :


SCÈNE XVI (2e partie)


BATAILLON DE GRUES DANS LES AIRS. Déroute ! déroute ! Attention ! qui va là ? C’est toi ? où sont les autres ? Quel temps de détresse ! La nue est trouble, l’air est lourd, la terre semble vouloir écorcher nos ailes, et le vent est de plomb. Déroute ! déroute !

— Courage ! courage ! j’ai retrouvé le courant aérien. Qu’on me suive ! qu’on me suive ! Le firmament s’étoile par là-bas. Ne vous séparez point. Où sont les femelles ? où sont les enfants ? Venez, venez !

— Ciel ! ciel ! Étoiles ! étoiles ! Nous voilà tous, personne ne manque ? Tournez, tournez, tournez en rond, qu’on voie toute la bande ! Resserrez la spirale et montez, montez ! Le vent est lourd, mais nos ailes sont fortes. La nuit est sombre, mais notre œil est perçant. Fendons, cinglons, volons, hâtons-nous vers les étoiles, et que nos voix aiguës laissent planer un dernier cri de détresse sur la terre qui s’éloigne !

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Dans Bitna, sous le ciel de Séoul (Éditions Stock, 2018), J. M. G. Le Clézio renouvelle l'histoire de Shéhérazade en faisant raconter des histoires par son héroïne, non pas pour sauver sa vie mais pour gagner de l'argent. L'une d'entre elles met à l'honneur une petite orpheline :

"D'où viens-tu, petite Naomi ? Est-ce que tu t'en souviens ? Est-ce que tu pourras le dire un jour ? Qui t'a jetée dans le monde, puis t'a abandonnée au seuil du Bon Pasteur, enveloppée dans un tas de vieux linges propres mais qui ne faisaient pas une robe ni même un lit, qui t'a posée là dans le petit matin glacé du printemps qui arrive, avec le pollen des fleurs de cerisier qui se pose sur les lèvres et l'odeur âcre de l'herbe qui pousse dans le parc ? As-tu vu passer dans le ciel blanc les grues qui viennent de Sibérie et traversent la mer jusqu'au Japon ? Elles avancent lentement, la plus vieille en tête, en escadrille parfaite, et tu écoutes alors leurs cris creux qui résonnent sur toute la vile jusque dans le fond des ruelles de Sinchon et de Hongik, jusque dans ta cachette au pied de l'immeuble gris. Est-ce que tu t'en souviens, petite Naomi ? C'est le début de ta vie, tu ne peux pas oublier cela."

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