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Les champignons pour réparer les ravages humains




Définition :


Dans L'Univers des champignons (Editions , 2012) Jean Després fait le point sur la mycoremédiation :


Les champignons jouent un rôle important dans l'assainissement de l'environnement, notamment pour la dépollution des sols, de l'air et de l'eau. La connaissance et l'application des propriétés remédiatrices des champignons sont désormais désignées par un terme relativement nouveau pour le grand public : la mycoremédiation. Par leur capacité à synthétiser et sécréter dans leur environnement une grande quantité d'enzymes capables de dégrader des molécules complexes, notamment carbonées, les champignons constituent des organismes efficaces pour décontaminer les sols pollués. Ils parviennent à dégrader plusieurs produits chimiques polluants, dont les pesticides et résidus de pétrole, pour ne laisser que du gaz carbonique et des éléments minéraux et organiques inoffensifs. Dans d'autres cas, leur physionomie particulière leur permet d'accumuler une grande quantité de polluants sans que leur cycle vital ou leur propagation soient affectés. Leurs capacités bioremédiatrices et bioaccumulatrices sont de plus en plus étudiées et les applications pratiques se sont multipliées durant les dernières décennies. On a démontré que le Pleurote en huître (Pleurotus ostreatus) parvient ainsi à dégrader le pétrole et les hydrocarbures de sols contaminés et, qui plus est, les fructifications produites s'avèrent tout à fait propres à la consommation. Parmi les autres champignons au pouvoir mycoremédiateur d'hydrocarbure figurent le Psalliote bispore ou Champignon de Paris (Agaricus bisporus), le Coprin chevelu (Coprinus comatus) et l'Irpex laiteux (Irpex lacteus) et le Tramète versicolore (Trametes versicolor).

A défaut de pouvoir dégrader les métaux lourds tels que le plomb, le cuivre, le zinc, le mercure, le césium ; laissés notamment dans les livixiats des sites miniers, certains champignons parviennent à les accumuler dansn leur mycélium et leurs fructifications, ce qui réduit d'autant les concentrations présentes dans l'environnement, surtout si l'on procède à leur récolte. Ils sont alors appelés des bioaccumulateurs. La bioaccumulation de métaux lourds entraîne une décontamination dite naturelle, considérée plus efficace que celle réalisée avec des plantes, étant donné la quantité plus élevée de biomasse fongique produite dans de courts délais. [...] Afin d'exploiter efficacement ce potentiel bioaccumulateur, une embûche de taille reste toutefois à surmonter, celle d'extraire efficacement de leur environnement ces masses fongiques et de les détruire, pour graduellement nettoyer les zones polluées.

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Documentaire Arte : Quand le champignon séduit les chercheurs


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Maxime Fortin Faubert, auteur d'une thèse intitulée Phytoremédiation d’un sol contaminé par des contaminants organiques et inorganiques. (soutenue pour l'obtention du grade de PHD en Sciences biologiques à l'université de Montréal, 2021) explique le fonctionnement biologique de ces mécanismes complexes :


La mycoremédiation, est une approche de bioremédiation qui profite essentiellement de la capacité qu’ont certains champignons saprotrophes à biodégrader une grande variété d’organopolluants. Les champignons de carie sont particulièrement intéressants pour cette approche puisqu’ils arrivent à dégrader efficacement les différentes composantes du bois, dont certaines ont une structure moléculaire qui s’apparente beaucoup à celle de certains contaminants. Le bois est principalement composé de cellulose, d’hémicellulose et de lignine. La lignine est très résistante à la dégradation par la plupart des organismes. C’est un matériau amorphe de grande taille, qui est insoluble dans l'eau et non hydrolysable (Hammel, 1995). Ce polymère de phényle propane très complexe se combine chimiquement avec la cellulose et l’hémicellulose pour procurer une rigidité structurelle aux plantes ainsi qu’une protection contre de potentielles attaques microbiennes (Anastasi et al., 2013). En fonction de l’apparence du bois mort, il est possible de distinguer le type de champignon impliqué dans sa décomposition. Les champignons de carie blanche s’attaquent principalement à la lignine et y laissent la cellulose non dissoute, ce qui donne un aspect blanchi au bois. En revanche, les champignons de carie brune dégradent principalement la cellulose et y laissent la lignine, ce qui donne au bois une apparence brunâtre (Rhodes, 2014).

Les champignons de carie blanche ont la capacité de dégrader la lignine du bois, grâce à un système enzymatique de phénoloxydases, qui comprend des laccases, des lignines peroxydases (LiPs) et des peroxydases dépendantes de manganèse (MnPs) (Treu et Falandysz, 2017). Ces enzymes extracellulaires sont capables de minéraliser complètement la lignine et les glucides du bois en CO2 et en H2O. La lignine n’est pas utilisée comme source de carbone pour leur croissance, mais sa dégradation permet plutôt une ouverture de la structure du bois pour que les enzymes impliquées dans la dégradation des polysaccharides puissent le pénétrer (Anastasi et al., 2013; Hammel, 1995). Les champignons de carie blanche regroupent essentiellement des membres appartenant au phylum des basidiomycètes (Boulet, 2003), mais certains ascomycètes de la famille des Xylariaceae en feraient également partie (Anastasi et al., 2013; Pointing et al., 2003). Puisque leurs enzymes ligninolytiques sont extracellulaires et non spécifiques, les champignons de carie blanche peuvent attaquer efficacement un large spectre d’organopolluants environnementaux qui possèdent une structure moléculaire similaire à celle du bois (Anastasi et al., 2013; Hammel, 1995).

Le pleurote en huitre (Pleurotus ostreatus) est un champignon de carie blanche qui s’est montré efficace pour l’élimination d’hydrocarbures aliphatiques (Colombo et al., 1996), de plusieurs HAPs (Covino et al., 2010; Kadri et al., 2017) et d’une fraction considérable de différents BPCs (Cvančarová et al., 2012). Sa capacité à dégrader les contaminants environnementaux lui est essentiellement due aux différentes enzymes ligninolytiques oxydatives (LiP, MnP et laccase) qu’il possède et sécrète (da Luz et al., 2012). Un système enzymatique intracellulaire, qui inclut des cytochromes P-450 monooxygénases (CYP450), des aryl-alcool déshydrogénases, des arylaldéhyde déshydrogénases et des époxydes hydrolases, pourrait également être impliqué dans la biotransformation des xénobiotiques (Bezalel et al., 1997; Cvančarová et al., 2012).

Les champignons de carie brune sont exclusivement des basidiomycètes, et ils représentent environ 6% de tous les champignons capables de dégrader le bois. Ils s’attaquent presque exclusivement à du bois de conifères et ne possèdent pas les phénols oxydases nécessaires pour dégrader la lignine (Anastasi et al., 2013). Ils ont malgré tout le potentiel de biodégrader divers contaminants organiques, tel que des HAPs et du DDT, grâce à un système catalytique non enzymatique de type Fenton qui leur sert normalement à dépolymériser partiellement la lignine avant de dégrader la cellulose et l'hémicellulose présentes dans le bois (Anastasi et al., 2013).

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