Autres noms : Floridées
Botanique :
Intérêt nutritionnel :
Selon Géraldine Demoulain et Céline Leymergie, autrices de "Les algues, le trésor de la mer." (in Haute école de santé Genève, 2009, vol. 7) :
[...] L’agar-agar (E406) est extrait d’algues rouges. Il a pour propriété une fois réduit en poudre, de devenir un excellent gélifiant végétal. L’agar-agar est aussi employé comme gélifiant dans les desserts, les confitures et les glaces. C’est aussi un épaississant pour les sauces, les soupes ou les purées. Utilisé dans l’industrie alimentaire et dans les ménages, il a l’avantage d’être stable à la chaleur, en supportant des traitements au-delà de 100 degrés (ce qui permet la stérilisation sans dégradation) et de goût neutre.
Les carraghénanes (E407) sont aussi extraits d’algues rouges à grande viscosité. Ils possèdent des qualités de stabilisateur et d’épaississant surtout avec le lait avec lequel ils ont une réactivité spécifique. Cela a permis à l’industrie alimentaire, la production de tous les dérivés de produits laitiers, gâteaux ou glaces auxquels ils apportent plus d’onctuosité.
Les qualités de l’algue en font aussi un complément nutritionnel de choix pour notre alimentation. Leurs teneurs en protéines entre 8 et 35% du poids sec selon l’espèce, en font des sources intéressantes car elles rivalisent avec celles des céréales complètes ou de certaines légumineuses comme le soja, qui contient 25% de protéines sur poids sec.
Les algues rouges en sont les plus riches avec 30 à 40% du poids sec, selon le stade physiologique de l’algue (jeune ou vieille) et la période de récolte. Alors que les algues brunes ont des teneurs en protéines qui n’excèdent pas 5 à 11% du poids sec. Leur composition en acides aminés est proche de celle de l’œuf mais varie selon l’espèce.
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Usages traditionnels :
Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle (tome second, Livre XXVII ; traduction française : Émile LITTRÉ, disponible sur le site de Philippe Remacle) consacre une ligne à l'algue rouge :
XXV. (VII.) [1] L'algue rousse (XXVI, 66) est bonne contre les piqûres des scorpions.
Croyances populaires :
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :
Les pèlerins rapportent, comme souvenir de leur visite à des sanctuaires, généralement éloignés de leur demeure, des emblème8 empruntés à la flore champêtre. [...] Ceux qui vont à Trélevern, pour ta fête de sainte Anne, ramassent sur la grève quelques brins de goémon rouge desséché, et le fixent aux battants de l'armoire.
Symbolisme :
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), les Floridées ou Algues rouges (1) ont les caractéristiques suivantes :
Genre : Féminin
Planète : Lune
Élément : Eau
Divinité : L'Océanide Doris et les cinquante filles qu'elle eut avec Nérée : les Néréides ; Poséidon-Neptune et Amphitrite avec leur cortège de Néréides, tritons, chevaux et monstres marins
Pouvoirs : Protection ; Chance ; Gains matériels.
Les algues appartenant à ces espèces fréquentent toutes les mers, y compris les mers chaudes, différentes en cela des fucus qui ne quittent pas l'Atlantique et les mers du Nord. Si les Grecs et les Latins n'ont guère connu notre classique goémon, ils avaient bien entendu leurs algues, dont beaucoup appartenaient à cette famille des Floridées.
En France, la plus connue des Floridées est le Chondrus crispus : Fucus crépu ou floridé ; Petit sar ; Sartett ; Lichen marin ; Mousse ou violette de mer ; Mousse carminée ; Mousse de bouche ; Lachets ; Barbe de limande ; Perruque ; Varech polymorphe ; Lichen carragheen ; Goémon blanc (parce qu'il se décolore en séchant). Cette variété très répandue d'algues rouges a longtemps été vendue en droguerie sous le nom de lichen carragheen. Premier fournisseur de gélatine végétale, le Chondrus crispus a donné lieu à une exploitation considérable, surtout en Bretagne et en Irlande (les Anglais l'appellent Irish moss = mousse d'Irlande), où les femmes et les enfants le cueillaient à marée basse de mars à septembre. Étalé en couche clairsemée, formant un matelas continu sur la lande inculte, il perd, sous l'action alternative du soleil et de la lune, sa belle teinte violette et devient blanc ivoire en prenant une consistance rigide qui le rend méconnaissable, d'où l'un des noms donnés à cette algue, purpurine dans son élément aquatique. Avant la guerre de 1939-1945, pour le seul département du Finistère, la récolte annuelle de Chondrus crispus représentait plus de mille tonnes. On commercialise le mucilage extrait sous le nom de gélose ou agar-agar.
Sous la forme d'un dauphin, Poséidon-Neptune surprend Melantho, la fille de Deucalion ; il la possède sur un lit d'algues et de leur union naît Delphos.
La Néréide Psamathè, mariée contre son gré à Eaque, fut changée en algue pour s'être obstinément refusée au devoir conjugal.
La Néréide Galatée vivait au large de la Sicile où le Cyclope Polyphème faisait paître ses moutons et ses chèvres. Ce dernier tomba amoureux d'elle et ne cessa de la poursuivre de ses assiduités. Mais Galatée lui préférait un beau berger nommé Acis, fils naturel de Pan et de la nymphe Simaethis. Le Cyclope en conçut une jalousie féroce envers Acis, mais le jeune couple se moquait de ses rages, et de ses démonstrations grotesques. Quand il les poursuivait en rugissant, Galatée semait sur le chemin des algues glissantes sur lesquelles Polyphème trébuchait et tombait, pour la plus grande joie des amoureux. Une telle affaire ne pouvait que mal se terminer : Polyphème ramassa un énorme rocher sous lequel il écrasa Acis.
En dehors même des légendes où les Néréides jouent un rôle, l’art grec, chaque fois qu'il a, par exemple, à figurer un voyage de divinités à travers la mer, se plaît à égayer et à animer le paysage par un cortège bondissant de Néréides, montées sur des monstres marins et couronnées ou ceintes de Floridées ondoyantes.
Les Achéens d'Hélice ayant égorgé des suppliants qui s'étaient réfugiés dans le temple de Neptune, le dieu manifesta sa colère par un raz de marée qui engloutit leur ville; d'après Ovide, les mariniers montraient en passant ses murailles et ses tours, toutes recouvertes d'algues violettes.
Utilisation rituelle : Le culte des Néréides était répandu tout le long des côtes de la Méditerranée ; quant à Poséidon-Neptune, ses fêtes, en Grande Grèce comme à Rome, étaient partout très suivies. Les jeux isthmiques, donnés sur l'isthme de Corinthe, dans l'enceinte de son temple, comptaient parmi les grands jeux de la Grèce antique. A Rome, on célébrait en son honneur les neptunalies. Dans toutes ces célébrations, les algues marines jouaient un rôle important. Les pêcheurs locaux étaient alors, mobilisés pour apporter, au jour dit, de grandes cargaisons d'algues fraîches qu'on semait le long du parcours. Les autels avaient une décoration marine où l'on associait aux Floridées violettes des algues vertes, brunes et bleutées. Les participants s'en ceignaient le front ou les reins. Les femmes en faisaient des martinets dont elles Se flagellaient le ventre pour être enceintes. Philon de Byblos rapporte qu'aux fêtes nautiques les femmes de Sidon se jetaient en hurlant dans d'énormes cuves remplies d'algues et de poissons crus encore vivants. Dans la Bible, la ville de Sidon s'appelle Tsag-Tsidon = marché au poisson.
Au début du XX e siècle, l'Irish moss était le signe de ralliement des mouvements nationalistes irlandais qui allaient se regrouper quelques années plus tard en fondant le Sinn Fein.
Utilisation magique : Dans tout le Levant, et parmi évidemment les populations côtières, les algues rouges ont la réputation d'attirer la chance et de favoriser les rentrées d'argent. Encore de nos jours, beaucoup de matelots turcs, syriens ou cypriotes ne s'engageraient jamais dans une partie de dés ou de cartes sans en porter sur eux. Dans les maisons, on accroche les rameaux séchés au plafond, ou bien on les étale sous les tapis. Dans quelques ports du golfe d'Alexandrette, entre Lattaquié et Mersine, on bourrait de Floridées séchées le meuble ou le coffre où étaient enfermée la « cagnotte ».
Les Bretons considèrent le Chondrus crispus comme une plante bénéfique et protectrice ; les marins en emportaient à bord ; les mères en entouraient la photographie du fils embarqué au long cours.
Les Irlandais en bourrent les poupées porte-chance. Certains Anglais vous diront qu'il y a parfois une bombe dans le lichen. Mais cela est une autre histoire.
Note : 1) Pour les trois espèces d'algues qui figurent dans ce livre, les références concernant la botanique proviennent de l’ouvrage de Victor-Honoré Vincent, les Algues marines, Paris, J, B. Baillère & Fils, 1924
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Littérature :
Le Prix du quai des orfèvres 2024, intitulé Ne me remerciez pas (Librairie Arthème Fayard, 2023) de Martial Caroff propose une arme du crime qui sort de l'ordinaire :
— Dès que nous avons eu connaissance des symptômes, nous avons supputé une intoxication alimentaire par ingestion de fruits de mer contaminés. Des échantillons stomacaux ont aussitôt été confiés pour analyses à un labo spécialisé dans la surveillance sanitaire des coquillages. Ils ont détecté un taux effarant d'acide domoïque, une phycotoxine amnésiante que l'on trouve dans les crustacés contaminés par une algue microscopique... Attendez !
Il consulta ses notes :
— Il s'agit de la diatomée Pseudo-nitzchia, lut-il. La quantité phénoménale de toxines mesurée dans les prélèvements nous a permis d'exclure toute cause naturelle, même si l'enquête a démontré que la victime a consommé un plat de fruits de mer l'avant-veille des premiers symptômes neurologiques, le 21 mars.
Martin confirma d'un hochement de tête.
— Ce repas ne serait donc pas en cause ? interrogea Lerefait.
— Possible que si, poursuivit Loural, mais alors il a été saupoudré d'acide domoïque. Les quantités sont bien au-delà de ce qui est habituellement mesuré dans les cas d'intoxication.
Varenne se triturait les mains. Cette affaire surprenante l'agaçait et l'excitait tout à la fois.
— Enfin, soyons un peu sérieux ! explosa-t-il enfin. Un empoisonnement aux... comment vous dites ? Phycotoxines ?
— Oui, c'est le terme générique pour les toxines produites par les algues.
— Qui pourrait avoir une idée tordue comme ça ? Un savant fou ? Quant à la substance, je suppose qu'elle ne doit pas se trouver dans les rayons des parapharmacies... Vous êtes bien certain qu'une bonne ventrée de moules naturelles, un peu polluées par la vie, n'aurait pas pu produire vos effets marrants, là ?
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Voir aussi Algues ; Algues brunes.