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Le Panicaut




Étymologie :


  • PANICAUT, subst. masc.

Étymol. et Hist.Fin du xive s. (Livre des secrez de nature, éd. L.Delatte ds Textes lat.et vx fr. relatifs aux Cyranides, p.325 [texte prob. élaboré dans le midi de la France, v. note p.296]) ; 1532 (Rabelais, Pantagruel, chap.23, éd. V. L. Saulnier, p.175). Mot prov., du lat. des gl. panis calidus (xes. ds CGL t.3, 547, 21, v. aussi TLL s.v. cardo, 447, 5 ; cf. le cat. panical ds Alc.-Moll.), littéral. « pain chaud [parce que les feuilles de cette plante deviennent piquantes et provoquent une sensation de brûlure comme un pain chaud sortant du four] », réfection, p. étymol. pop., du lat. des gl. panecardus, paniscardus (xe s., CGL t.3, 561, 10), comp.de panis « pain » et cardu(u)s « chardon », littéral. « pain chardon [les jeunes feuilles de cette plante étant appréciées en salade] », lui-même altér. de cardopanus (xe s., ibid., 528, 14, v. aussi André Bot.), v. FEW t. 7, p. 549b et Roll. Flore t. 6, p. 192.


Lire également la définition du nom panicaut afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Eryngium campestre - Barbe-de-chèvre - Cardon à bourré - Cardron - Chardon champêtre - Chardon d'âne - Chardon levrault - Chardon-Roland - Chardon roulant - Chardon têtu - Charpelettes - Érynge - Éryngion blanc - Fouace - Groin d'âne - Herbe à cent têtes - Herbe aux cent têtes - Kerdoné - Lièvre de Champagne - Pain-chaud - Panicaut champêtre - Panicaut commun - Panicaut des champs - Pique à l'âne - Roule-vent - Tsardon blanc -

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Vertus médicinales :


Pierre-Joseph Buchoz, médecin de Monsieur et auteur de Etrennes du printemps, aux habitans de la campagne, et aux herboristes, ou pharmacie champêtre, végétale & indigène, à l'usage des pauvres & des habitans de la campagne (Lamy libraire, Paris, 1781) recense les vertus médicinales des plantes :


Racine d'Eryngium. Les racines de cette plante sont de grands apéritifs, & même emménagogues : on les dit très bonnes dans la colique néphrétique, infusées dans du vin blanc.

 

Dans Des hommes et des plantes (Éditions Opéra Mundi, 1970), son autobiographie, Maurice Mésségué évoque le savoir ancestral de son père sur lequel il a construit ses connaissances :


J'avais loué une voiture pour aller plus vite et j'avais mis dedans un traitement que j'avais préparé : chélidoine, genêt à balai et chardon Roland, lequel, dans la pharmacopée des plantes, est considéré comme le spécifique même de l'urée. Il doit son joli nom à une altération de son nom d'origine « chardon roulant ». A l'automne, ses têtes, qui sont bien nombreuses puisqu'on le nomme aussi « chardon à cent têtes », se détachent aux premiers grands vents et s'en vont semer leurs graines partout. J'avais souvent entendu mon père dire, quand le vent roulait les feuilles rousses : « C'est le grand départ des chardons qui viennent Dieu sait d'où et s'en vont Dieu sait où... » On utilise ses racines qui ont été prises au sérieux par les médecins qui apprécient son utilité dans la néphrite chronique. Le Docteur H. Leclerc (Précis de phytothérapie, Paris, Masson) a fait en 1939 des observations très intéressantes sur son effet dans des congestions des reins.

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Usages traditionnels :

Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


D'après Villars,, on mangeait aussi, en Dauphiné, les racines du [...] du Chardon-Rolland, Eryngium campestre et alpinum.




Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Un remède assez fréquemment employé en Basse-Bretagne contre les maux de dents consiste dans la mastication prolonge d'une plante amère et ornée de piquants, que le patient ne doit pas voir, afin de ne pouvoir la reconnaître plus tard, mais qui n'est autre que l'eryngium maritimum ; le patient ne s'arrête que lorsque le sorcier a récité neuf fois une longue oraison en t'honneur de sainte Apolline.

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Symbolisme :


Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Panicaut (Eryngium campestre) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Pouvoirs : Paix domestique ; Affection ; Dénouement heureux des voyages d'affaires.


Utilisation magique : Seule plante féminine dans la famille nombreuse des chardons, le Panicaut a la réputation d'apporter la paix dans les ménages. Des bouquets de « tsardon blanc » dans la maison entretiennent un climat de tranquillité et de douceur. Les maris bourrus deviennent serviables ; les enfants nerveux se calment ; les femmes agressives cessent de monter tout en drame. Quand les époux en sont arrivés au point de se quereller ouvertement, il est recommandé de répandre beaucoup de Panicauts (tiges, feuilles et sommités fleuries) sur le sol de la pièce où a lieu la dispute.

Pour les retours d'affection et, d'une manière générale, pour tout ce qui concerne les êtres qu'on cherche à s'attacher, vous pouvez manger sa racine, qui est douce, ses feuilles dont la saveur est un peu amère, et le fond du chardon lui-même dont le goût rappelle celui de l'artichaut.

Quand on quitte sa région pour traiter des affaires au loin, porter sur soi une tête de chardon Roland aide à se sentir moins perdu ; le voyage se déroule dans les meilleures conditions possibles, et l'on rentre chez soi satisfait après avoir passé de fructueux accords.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Le panicaut, plante aux feuilles dures et épineuses, appelé aussi "chardon Roland", promet la paix dans les ménages ; en mettre des bouquets chez soi a une influence heureuse sur tous les membres de la famille : "Les maris bourrus deviennent serviables ; les enfants nerveux se calment ; les femmes agressives cessent de monter tout en drame". En cas de dispute conjugale, répandez de nombreux panicauts par terre.

S'il s'agit de s'attacher un être cher, il est recommandé de manger la racine et le fond du chardon.

Enfin pour tous ceux qui partent en voyage d'affaires, sachez qu'avoir sur soi une tête de panicaut porte chance, fait conclure d'avantageux accords et "aide à se sentir moins perdu".

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Il existe une variété de panicaut, qui, par sa caractéristique obsidionale, a un lien étroit avec la conquête militaire. Ainsi, dans un article intitulé "Ces plantes de la guerre que l’on nomme obsidionales" (In : Études touloises, 2015, n°151, pp. 7-19) François Vernier nous raconte les circonstances historiques de l'implantation du Panicaut géant en France :

L’adjectif obsidional signifie « qui concerne le siège militaire ». Les botanistes utilisent ce terme, par extension, pour les végétaux qui ont été propagés lors des conflits armés ou des occupations militaires.

[...]

Le Panicaut géant (Eryngium giganteum L. )

Le Panicaut géant, en dehors des parcs et jardins, est très rare à l’état sauvage dans notre région. Il est originaire des montagnes du Caucase, en Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Iran, Russie, Turquie. Ni la Flore de Lorraine de GODRON, ni celle de GODFRIN et PETITMENGIN n’en font état. PARENT (2004) la cite sur la Zone Rouge de Verdun à Écurey-en-Verdunois et dans l’atlas de la flore lorraine elle figure, non loin de Toul, à Sexey-aux-Forges. D’où peut donc venir cette espèce caucasienne actuellement vendue dans les jardineries ?

Á Écurey-en-Verdunois, nous sommes en plein milieu des combats. Les Allemands occupent le village dès le début de la guerre. Les troupes russes interviennent également dans le conflit aux côtés des troupes françaises. Les cimetières militaires proches d’Écureyen-Verdunois révèlent des tombes de soldats du tsar Nicolas II. Á Brieulles-sur-Meuse, situé à 12 kilomètres à l’ouest, sont enterrés 123 russes, à Stenay situé à 19 km au nord se trouvent 17 sépultures cosaques, à Verdun distant de 23 kilomètres au sud nous en découvrons 14 et à Buzy-Darmont éloigné de 34 kilomètres 52 tombes russes parmi 2 270 françaises et 8 roumaines. D’autres cimetières militaires de notre région accueillent des sépultures russes. Ces faits nous rappellent le rôle de la Russie aux côtés des Français, dans cette guerre, sur plusieurs fronts. La Légion russe s’est couverte de gloire en 1917 lors des combats du Chemin des Dames et de Soissons, avant d’être intégrée à la Division Marocaine le 23 décembre 1917 ou cantonnée dans les environs de Verdun et affectée à des travaux agricoles.

Les nouvelles, du commencement de la Révolution en Russie et l’abdication de Nicolas II le 15 mars 1917, ont pour conséquence, un début de mutinerie le 15 avril alors que l’organisation de l’offensive était en cours. Après quelques heures de discussion des instances supérieures, la décision est arrêtée de prendre part à l’offensive. Au bout de trois jours de lutte et de nombreuses pertes, les troupes russes présentes arrivent à contrôler le village de Courcy, petite victoire dans le grand désastre de l’offensive Nivelle. Après cet épisode, une partie des soldats russes est donc reversée dans la Division Marocaine, qui ira se reposer en continuant son entraînement dans le camp du Bois-l’Evêque situé à proximité de la commune de Sexey-aux-Forges.

Le Panicaut géant est donc vraisemblablement arrivé avec les soldats russes dont un certain nombre était originaire du Caucase, berceau de cette belle ombellifère, aujourd’hui vendue dans les jardineries.

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Littérature :


Vers la fin du mythe russe : essais sur la culture russe, de Gogol à nos jours (Éditions L'Âge d'Homme, 1982) de Georges Michel Nivat débute par une préface intitulée "Le Panicaut des steppes" :


« Le Panicaut des steppes »


Le « Panicaut des steppes » est une sorte de chardon qui, à maturité, se détache de la tige, et, comme un ballon d'enfant, noir, griffu et aérien, s'envole par dessus la steppe, insaisissable... Le mot même est, en russe, un joli mot aérien, ailé et il défie la traduction : « perekati-polié », c'est un peu « déboule-champ », un peu « dévale- steppe ». Tchékov, dont la poétique est toujours spatiale, ouverte, insaisissable, aimait la steppe, qu'il a chantée et décrite mieux que quiconque et aimait l'étrange et capricieux « panicaut des steppes ». Il en a fait le titre d'un de ses récits, publié en 1887. Là c'est un personnage humain, un de ces pèlerins errants de la Russie, insatisfait, instable à jamais qui évoque pour lui le ballon incongru des steppes. Gorki s'est également comparé au « panicaut des steppes ». Ce nom qui semble lui-même voler à grand coup d'aile évoque pour moi l'instabilité de l'homme russe, de la culture russe. Ce sera un des leitmotive de ce recueil.

 

Note personnelle : ce "panicaut" des steppes n'en est en fait pas un comme semble l'indiquer ces remarques de Paul Fournier, auteur d'un article intitulé "Les « Chardons roulants » de divers genres et de divers pays." (Bulletin de la Société Botanique de France, 1958, vol. 105, no 7-8, p. 354-356) :


[...] On n'ignore pas que nos Panicauts, à la fin de la saison, se détachent de leur racine et sont emportés par les grands vents d'automne, qui les roulent sur le sol et les enchevêtrent parfois aux fourrages des champs voisins. Ils deviennent ainsi franchement nuisibles, et même dangereux pour le bétail, tout hérissées que sont d'épines leurs feuilles et leurs ombelles en capitules. Mais les Panicauts ne sont pas les seuls « Chardons roulants ». Dans ses curieux Chardons du Baragan (1928), un romancier roumain de l'entre-deux guerres, Panaït Istrati (1881-1935) a décrit pathétiquement un phénomène du même genre, beaucoup plus pittoresque et plus puissant, dont le théâtre se situe dans les vastes steppes du Baragan en Grande Walachie, province de Yalomitza. « Les Chardons dont il est question, dit Istrati, apparaissent dès que fond la neige, sous forme d'une petite boule, comme un Champignon, une Morille. En moins d'une semaine, ils envahissent la terre ... Les brebis les broutent avidement. Mais plus elles le broutent, et plus il se développe ; il grandit, toujours en boule, et atteint les dimensions d'une grosse dame-jeanne, quand s'arrête sa croissance et quand le bétail lui laisse la paix, car il pique alors affreusement. »

Viennent septembre et le vent qui souffle de la Russie, et le « peuple innombrable de ces Chardons », pareil à des « moutons dont la laine serait d'acier » chancelle, « résiste, ployant, en tous sens, avec son ballon fixé à une courte tige, pas plus épaisse que le petit doigt ». Mais le vent de bourrasque, le crivatz, persiste et « la petite tige casse net fauchée à la racine. Les houles épineuses se mettent à rouler, par mille et par mille. C'est le grand départ des Chardons, vraie avalanche de moutons gris, auxquels le crivatz fait danser une ronde endiablée. »

Or ces Chardons roumains du Baragan sont aussi loin des Panicauts que des Carduus. Ce sont des Labiées épineuses aux noms suffisamment suggestifs, le Phlomis Herba-venti L., sous sa sous-espèce pungens Briq. (ph. pungens Wïlld.). C'est une plante de 30-4O cm., velue-blanchâtre, à fleurs rose vif, propre aux steppes et aux plaines arides méridionales. L'espèce type Herba-venti se rencontre de l'Espagne à la Russie méridionale et de l'Asie Mineure à la Perse el à la Sibérie de l'ouest. C'est en France qu'elle a d'abord été distinguée et décrite sous les noms d'Herba-Venti, qu'elle partageait avec la Pulsatille, et de Phlomis narbonensis Tourn. La sous-espèce pungens Briq. habite le sud-est de l'Europe et l'Asie occidentale. Elle se distingue par ses épines des calices et bractées encore plus vulnérantes, sa tige moins robuste, ses feuilles vertes en dessus, ses fleurs plus petites. Elle n'est pas rare en Grèce (Thessalie, Arcadie, Laconie, etc.), et, l'Asie Mineure, elle est même plus répandue que Je type Herba-venti.

Quel est le mécanisme du phénomène, si frappant même pour des observateurs totalement étrangers à la botanique ? Ces Phlomis sont des espèces vivaces, mais à tige annuelle ; celle-ci, à l'automne, se dessèche et sa base, devenue cassante, se rompt sous les assauts du vent. Ces plantes deviennent alors des Steppenhexen, des « folles de la steppe », abandonnées à tous les caprices du vent. Toute une catégorie d'espèces obéissent à ces singularités biologiques, dont les unes inermes, comme Plantago Cretica et Odoniospermun pygmœum, l'une des plantes dites « Roses de Jéricho » ; les autres fortement épineuses et assimilables à la catégorie des « Chardons roulants » : Alhagi camelorum, Gundelia Tournefortii, Salsola Kali, etc. L'Anastatica hierochuntica, l'autre « Rose de Jéricho », bien connue pour son hygroscopisme, ne fait point partie de ses Steppenhexen, parce qu'elle ne se détache pas spontanément du sol.

La conséquence la plus spectaculaire de ces courses effrénées sous les souffles du vent d'automne est la dispersion des graines sur des espaces illimités et la multiplication de ces espèces par légions innombrables. Où le phénomène frappe le plus les imaginations, c'est lorsque ces plantes, ramifiées et en buissons, en viennent à se heurter, s'enchevêtrer et former de grosses boules hérissées d'épines, d'énormes pelotes, devenues les jouets des vents et semblables par leur nombre à des troupeaux de moutons saisis par la panique. Certaines de ces boules font de tels bonds, accomplissent des sauts si énormes, que les populations de ces régions arriérées songent à des effets de magie ; de là ces noms de Steppenhexen, Windhexen, etc, donnés aux « Chardons roulants » .

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Voir aussi : Cardère ; Carline

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