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Le Chardon


Étymologie :


  • CHARDON, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. 1086 bot. agn. cardun ([élément français dans le Domesday Book ou Liber Censualis de Guillaume le Conquérant] F. Hildebrand ds Z. rom. Philol., t. 8 [1884] p. 333) ; ca 1200 chardon (Renart, éd. M. Roques, branche X, 10843) ; 2. 1er tiers du xvie s. chardons de fer (F. Blanquart, Comptes de dépenses pour la construction du pavillon d'entrée du doyenné d'Évreux, 5). Du b. lat. cardo, -onis, lat. impérial carduus.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Onopordon acanthium - Artichaut sauvage - Barbe rouge - Chardon aux ânes - Chardonnette - Pet d'âne -

Centaurea benedicta - Chardon béni - Cnicaut béni - Cnicus béni -

Chardon-Marie (Silybum marianum) - Artichaut sauvage - Cardon à 1a Vierge - Carline angélique - Chardon Argenté - Chardon de Notre-Dame - Chardon Lochar - Epine de Notre-Seigneur - Herbe aux points de côté - Lait de Notre-Dame -

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Botanique :


D'après Lionel Hignard et Alain Pontoppidan, auteurs de Les Plantes qui puent, qui pètent, qui piquent (Gulf Stream Éditeur, 2008) :


"Facilement reconnaissable avec son habit de feutrine blanche, le chardon aux ânes fleurit l'été. Chez lui, tout inspire la méfiance : sa longue tige équipée de huit membranes ailées bordées d'épines, ses feuilles tout aussi menaçantes, et même ses grosses fleurs pourpres, directement posées sur une couronne de pointes épineuses.


Pourquoi fait-elle ça ? Les chardons poussent souvent à proximité d'autres plantes griffues, comme l'églantier ou la ronce, et protègent alors de leurs épines les jeunes arbres sans défense qui poussent parmi eux. par le même occasion, ils évitent eux-mêmes de se faire trop facilement manger.


Des fleurs très appréciées : Les fleurs du chardon aux ânes sont riches en nectar et reçoivent la visite d'un grand nombre d'abeilles et de papillons.

Le chardon est une plante de la famille de l'artichaut. Cuites à l'eau bouillante une dizaine de minutes, débarrassées de leurs écailles, ses fleurs peuvent être consommées comme de minuscules artichauts, tout juste grands comme l'ongle d'un pouce d'adulte.


Les ânes péteurs : Même en mangeant de l'avoine, l'âne rêve de chardons. Il en est si friand qu'il ne craint pas de se frotter à ses méchants aiguillons. L'historien et naturaliste romain Pline pensait que cela n'allait pas sans inconvénients, car selon lui la consommation excessive de ces chardons faisait péter les ânes à grand bruit."

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Comme ceux des artichauts, les réceptacles de nos chardons peuvent être mangés crus ou cuits, mais à la condition d'être coupés avant que les calathides ne s'entr'ouvrent. Plus tard, quand la fécondation des fleurs s'est opérée, ils sont durs, fibreux, âcres et ne contiennent presque plus de substance nutritive. Ces chardons, dont les sommités ne sont plus cueillies actuellement que par les enfants et les bergers, sont le Carduus nutans, le Cirsium lanceolatum et surtout le Carduus eriophorum et l'Onorpordum acanthium. Il m'a été dit à Tignes que le Cirsium heterophyllum est mangé dans les mêmes conditions ; Villars raconte l'avoir vu cultivé à Grenoble, dans un jardin potager. [...]

Les Rhaponticum scariosum et Leuzea conifera, tous deux très rares, ont une odeur forte et une saveur nauséeuse qui les préservent à l'état de crudité. Le premier, m'a-t-on dit dans les montagnes de Bardonnèche (Piémont), peut être mangé cuit avec des pommes de terre, mais c'est un mets peu appétissant et peu recherché ; il n'est pris que dans les cas d'extrême nécessité. Le second, dernier vestige d'une végétation méridionale aujourd'hui disparue de nos vallées alpines, est en voie d'extinction naturelle ; car je doute, malgré une affirmation contraire, que l'on puisse s'en nourrir.

[...]

La Savoie possède peu de plantes dont les rhizomes non tuberculeux soient alimentaires. M'ont été indiquées comme telles : [...] Le rhizome épais et charnu du chardon de Montpellier (Cirsium monspessulanum des marais entre Saint-Geoire et Montmélian, aurait aussi servi à l'alimentation dans les temps anciens, de même que celui de l'Onopordum achanthium. Quant à ce dernier, Allioni l'a constaté il y a plus d'un siècle.

D'après Villars,, on mangeait aussi, en Dauphiné, les racines du panais, Pastinaca sylvestris, du chardon des blés, Cirsium arvense, du Chardon-Rolland, Eryngium campestre et alpinum.

[...]

Une plante fort estimée autrefois et dont les tubercules étaient mangés crus ou cuits est le chardon à tubercules, Cirsium bulbosum. Pendant la famine de 1816-17, les habitants de certaines communes, telles que Vérel-Pragondran, Saint-Cassin, l'ont presque détruit sur leurs montagnes où il est devenu rare. De nos jours, les campagnards se défendent de le récolter. Les bergers les mangent crus.

[...]

Les maux de pied [du bétail sont traités] par la racine de chardon, Cirsium eriophorum, pilée avec du sel, et dans les cas graves unie à un escargot détaché de sa coquille.

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Croyances populaires :


Paul Sébillot, auteur de Additions aux Coutumes, Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne (Éditeur Lafolye, janv. 1892) relève des croyances liées aux cycles de la vie et de la nature :


218. - Pour guérir les ampoules, on met du chardon à bouillir dans de l'urine, on le broie, puis on se frotte avec l'eau et avec le résidu de la plante.


 

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Suivant les paysans girondins, les chardons coupés le jour saint Laurent, d'après ceux du Brabant wallon, entre les deux Notre-Dame, ne repoussent plus dans la Gironde on croit les extirper en enterrant un chat vivant dans le champ envahi.

[...] Les paysans du Tarn-et-Garonne recueillent dans le cœur des chardons un ver spécial à cette plante qui, écrasé sur les gencives, est efficace contre le mal de dents.

[...] Plusieurs pratiques sont fondées sur la façon dont poussent les plantes ; en voici une du XVIIe siècle : Pour connoistre entre trois ou quatre personnes celle qui nous aime le plus, il faut prendre trois ou quatre testes de chardons, en couper les pointes, donner à chaque chardon le nom de chacune de ces personnes, et les mettre ensuite sur le chevet de son lit celuy des chardons qui poussera la personne qui aura le plus d'amitié poussera un nouveau jet et de nouvelles pointes. En Lorraine, le commencement de cette épreuve était le même an milieu du siècle dernier ; le lendemain, celle des têtes qui avait poussé pendant la nuit le plus beau fleuron, indiquait Celle des trois personnes qui, par la constance de son affection, avait le plus de droits à un tendre retour. En Poitou, on coupe les fleurons un peu au-dessous du limbe de la corolle et où porte le bouton dans sa poche ; si au bout d'un ou deux jours les fleurs ont poussé, on est aimé de la personne que l'on a eu l'intention de désigner cette expérience peut être faite pour un tiers. [...] Dans ta Vienne, elles choisissent dans les champs un Certain nombre de chargions, attribuent à chacun le nom d'an de leurs amoureux ou des jeunes gens qu'elles connaissent, puis leur coupent la barbe ; la première barbe qui repousse donne le nom de leur futur mari.

[...] Un poète du XVe siècle fait allusion à la croyance d'après laquelle les plantes qui poussent sur une fosse sont en relation avec celui qui l'occupe :


Pourquoy ne croïst sur son tombeau

Que du chardon qui l'environne ?

Un corps qui n'a bu que de l'eau

Ne produit herbe qui soit bonne.


[...] Les pèlerins rapportent, comme souvenir de leur visite à des sanctuaires, généralement éloignés de leur demeure, des emblèmes empruntés à la flore champêtre : [...] ceux qui ont assisté au pardon de Saint Cornély a Carnac rapportent un bouquet de ce chardon très épineux et argenté qui croit sur les dunes.

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Symbolisme :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


CHARDON. Autrefois, en Bretagne, les jeunes filles qui désiraient savoir si elles seraient mariées dans l'année , prenaient une fleur de chardon épanouie, en arrachaient les pétales pour les éparpiller dans la chambre, et plaçaient ensuite le réceptacle de cette fleur sur le pied de leur lit. Si le mariage devait avoir lieu, le chardon se trouvait tout refleuri le lendemain matin, ou du moins il était admis que les choses devaient se passer ainsi.


 

Dans Botanique biblique ou Courtes notices sur les végétaux mentionnés dans les Écritures (Genève, 1862), le Comité des publications religieuses propose une synthèse des évocations du végétal dans la Bible :


Les Épines et les Chardons

Dieu dit à Adam : La terre sera maudite à cause de toi ; tu en mangeras en travail tous les jours de ta vie, et elle te produira des Épines et des Chardons, et tu mangeras l'herbe des champs. (Gen. III, 17, 18.).

Quel contraste entre ce jardin où croissait tout arbre agréable à la vue et dont le fruit était bon à manger, entre ces bosquets où Adam s'entretenait avec son Créateur comme un homme avec son ami, et ces Épines et ces Chardons, image des peines et des soucis de notre vie actuelle. Il y avait probablement des Épines et des Chardons dans le paradis terrestre, mais en petit nombre. Lorsque Dieu eut maudit le sol, les plantes épineuses gagnèrent du terrain, une végétation désordonnée remplaça l'arrangement harmonieux dans lequel les plantes croissaient d'abord ; enfin, ces végétaux nuisibles devinrent abondants au point de rendre souvent inutile le travail de l'agriculteur qui, pour les détruire, doit cultiver la terre à la sueur de son visage.

Dans les régions les plus chaudes, les plantes épineuses sont extrêmement nombreuses ; elles croissent abondamment dans les déserts incultes et arides. Elles offrent donc un emblème naturel de la désolation, et de la colère de Dieu. La contrée de Canaan jadis magnifique, ne présente aujourd'hui en bien des endroits que des espaces entièrement couverts d'Épines, et paraît ainsi souffrir tout particulièrement de la malédiction de l'Éternel. Les Char dons de grande taille y abondent. Entre Nazareth et Tibériade, le docteur Clarke a trouvé le sol couvert d'Artichauts sauvages dont les têtes purpurines s'élèvent à près de deux mètres (six pieds) de hauteur. D'autres auteurs ont décrit les Chardons des environs du mont Thabor comme ayant des corymbes pourpres composés souvent de douze ou quinze têtes, avec des tiges hautes de près de trois mètres (9 pieds). En traversant ces splendides mauvaises herbes au milieu de véritables nuages d'aigrettes flottantes, quelques voyageurs modernes se sont rappelé le passage d'Ésaïe, où le Tout-Puissant dissipe les nations comme la poussière (ou plutôt la balle) des montagnes chassée par le vent. (Es. XVII, 13.)

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Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme du chardon :


CHARDON - AUSTÉRITÉ.

En Écosse, l'ordre du Chardon ou de Saint-André est un collier d'or entrelacé de fleurs de Chardon et de Rue, avec cette devise :

Personne ne m'offense impunément.


 

Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


CHARDON – AUSTÉRITÉ.

Lorsque vous jeûnez, ne soyez point tristes comme les hypocrites ; ils montrent un visage exténué, afin que leurs jeunes paraissent devant les hommes ; ils ont déjà reçu leur récompense. Mais vous quand vous jeûnez, parfumez votre tête et lavez votre visage afin que les hommes ne voient point que vous jeûnez, et votre Père qui est présent dans le secret vous le rendra.

Mathieu VI, 16-18.

Le chardon-marie que l'on rencontre à chaque pas dans les villages, est remarquable par la grandeur , la beauté de ses feuilles , l'éclat de ses fleurs purpurines souvent larges de 3 à 4 centimètres. On les introduit dans quelques jardins d'ornement les fentes des rochers, sous la pente des caveaux il montre ses rosettes de feuilles vertes parsemées de veines larges et blanches. Mais il faut s'en approcher avec précaution à cause des blessures que font ses robustes épines. Ses jeunes feuilles débarrassées de leurs épines se mangent en salade dans plusieurs contrées de l'Europe ; ses tiges cuites sont apprêtées comme des légumes. Les Grecs les mangeaient avec de l'huile et du sel. Le réceptacle des fleurs remplace nos artichauts, il ne lui en manque que la grosseur. On donne vulgairement à cette plante les noms de chardon argenté, chardon Notre-Dame, chardon-Marie. Son nom latin de Marianus vient de Marie la mère de Jésus-Christ. On a dit qu'une goutte de son lait tombée sur cette plante, y fit les marques blanches que l'on voit sur ses feuilles. y

On sait que les armes de l'Écosse consistent dans un chardon et que l'on n'a pas choisi autre chose que cette plante pour être l'emblème de l'ordre royal de Saint-André. Cet ordre militaire fut institué par Hungo, roi des Pictes, après sa victoire sur Athelstan. Le collier est d'or et entrelacé de chardons et de rue. Cet ordre fut ensuite renouvelé par Georges Ier ; le ruban est vert ; il porte l'image de Saint André avec cette devise : Personne ne m'offense impunément.

DES CHARDONS.

La tribu des chardons est très nombreuse et très compliquée. Les plantes qu'elle renferme varient sous mille formes ainsi que les épines de la vie. Les chemins en sont bordés autant que de fleurs. Plusieurs d'entre eux s'épanouissent en bouquets, et leur port bien souvent n'est pas sans majesté, image naïve de ces situations qui font envie et qui pourtant sont hérissées de pointes ardues. L'âne vit avec délices de ces plantes que son palais savoure. Il est ainsi des gens qui, stupides et taciturnes, prennent dans le chemin de la puissance de cuisants dégoûts pour des faveurs. Partout nous trouverions la nature admirable dans ses productions, si les préjugés ne venaient jeter la défaveur sur cet aspect rustique qui ne nous laisse apercevoir dans les chardons que leurs redoutables épines, tandis qu'il en existe un grand nombre remarquables par l'élévation, la beauté de leur port, par leur feuillage ample et gracieux, par de grandes et belles fleurs, et qui forment, dans les lieux agrestes et sauvages, une décoration en harmonie avec ces localités.

A la vérité, la plupart de ces plantes viennent aussi s'emparer des terrains que l'homme a cultivés : elles s'établissent au milieu de ses moissons, gâtant ses plus belles prairies ; mais comme la terre et ses productions sont destinées indistinctement pour tous les animaux et les végétaux, le chardon s'empare de ce qui lui convient et les murmures de l'homme ne viennent que de ce qu'il veut jouir seul de ce qui est accordé à tous. Pour y parvenir, il faut qu'il en dispute la possession à tous les êtres qui y ont le même droit que lui : d'où il suit qu'il est peu disposé à admirer ce qui nuit à ses intérêts. L'entretenir de la beauté de quelques chardons, c'est faire l'éloge de ses ennemis, et l'admiration du naturaliste doit lui paraitre bien ridicule ; les poètes, d'accord avec l'agriculteur, ont toujours accompagné le nom de chardon d'épithètes injurieuses. Il n'y a donc que le naturaliste qui, parcourant par la pensée les antiques travaux de la nature, saura lui rendre hommage dans une de ses plus utiles productions. Il demandera à l'homme toujours prêt à blâmer les œuvres de la création : cette terre que l'on cultive, d'où vient-elle ? qui la formée ? qui l'a rendue propre à être livrée aux travaux de l'agriculture ? Ne sont-ce pas les végétaux qui, pendant une longue suite de siècles, ont couvert de leurs débris les sols stériles ou marécageux, y ont formé cette terre végétale aujourd'hui si fertile. C'est donc pour en hâter la formation qu'ont été créés ces nombreux et vigoureux chardons ; c'est pour en rendre la multiplication plus rapide que leurs semences sont couronnées d'aigrettes légères emportées par les vents à de grandes distances.

Les espèces de chardons les plus remarquables sont le chardon Penché, très commun sur le bord des chemins ; le chardon lancéolé, aussi commun que le précédent et très redoutable par ses épines, surtout par celles qui terminent chaque feuille. Enfin le chardon cotonneux, connu aussi sous le nom de chardon aux ânes, et le chardon-marie, dont nous avons parlé plus haut.

RÉFLEXION.

En fait de mortifications, celles qui sont intérieures sont incomparablement plus excellentes que celles qui sont extérieures, et nullement sujettes comme celles-ci à l'hypocrisie, à la vanité, à l'indiscrétion.

(Esprit de SAINT FRANÇOIS DE SALES.)

Les véritables mortifications sont celles qui ne sont point connues ; la vanité rend les autres faciles à souffrir.

(Mme DE LA SABLIÈRE.)

Un chrétien n'est jamais vivant sur la terre, parce qu'il est toujours mortifié , et que la mortification est un essai, un apprentissage, un commencement de la mort.

(BOSSUET, Oraisons funèbres.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


DIPSACUS (CHARDON) - J'AI SOIF.

Le chardon frisé s'élève fort peu et buissonne beaucoup ; il ajoute à l'aridité du sol qu'il couvre : ses maigres houppes de fleurs purpurines disposées au long de ses branches, sont plutôt un symbole de sécheresse que de fraîcheur. On pourrait à quelques égards trouver ce chardon assez doux : conservez néanmoins une sage méfiance ; le calice de ses fleurs est armé de fortes épines : boursouflé par tant de lames qui se rangent autour de lui, il ressemble à un petit hérisson.


 

Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


CHARDON ordinaire : Austérité.

Il y a en Écosse un ordre honorifique qu'on appelle l'Ordre du Chardon ou de Saint-André ; c'est un collier d'or entrelacé de fleurs de chardon et de rue, avec cette devise : Personne ne m'offense impunément.

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D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Le chardon est généralement considéré comme d'un abord revêche, désagréable ; et aussi comme la nourriture des ânes. Il est, comme toutes les plantes à piquants, un symbole de défense périphérique, de protection du cœur, contre les assauts pernicieux du dehors. Qui s'y frotte s'y pique : c'est la devise de la Lorraine, dont l'emblème est un chardon. A ce titre, il est devenu l'emblème de l'austérité, d'une certaine misanthropie et de l'esprit vindicatif.

Il est toutefois probable que l'aspect rayonnant de la tête est susceptible de lui conférer une tout autre valeur, en rapport avec le rayonnement de la lumière.

Dans la Chine ancienne, le chardon était considéré comme un fortifiant, capable de procurer la longévité, sans doute en raison de la survie illimitée de la plante après séchage."


 

Selon Ted Andrews, auteur de Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (Édition originale, 1993 ; traduction française, Éditions Dervy, 2017), qui écrit à propos des chardonnerets :


Même leurs habitudes de nidification reflètent ce lien avec les zones « frontières », les « lieux jumeaux ». Ils construisent leurs nids dans la fourche d'une branche haut perchée. Le nid est d'ordinaire fait de duvet de chardon. Le chardon est associé de longue date avec les esprits de la Nature et les aspects curatifs des animaux. Un chardon béni était jadis utilisé pour invoquer le dieu Pan. Le chardon a été un symbole d'endurance. C'est grâce à l'endurance et à la persévérance que nous pouvons ré-ouvrir le royaume des fées. Les chardonnerets peuvent nous aider à nous connecter à ces esprits de la Nature susceptibles de nous montrer comment guérir les animaux - tant sauvages que domestiques.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), les Chardons ont les caractéristiques suivantes :


«- Or tiens, Renaud, voilà ton fils !

Quel nom lui donras-tu, mon fils ?

- À l'enfant lui donne un nom ;

À la mère mauvais renom !


Prend l'enfant par le maillot,

Le jette contre le carreau.

Prend sa femme par les cheveux,

A la queue du cheval la neu’.


Depuis les portes de Paris

Jusque celles de Saint-Denis,

N'y avait brousse ni chardon

Qui n'eût sang de Marianson. »


Chardon, on le voit, est aussi imprécis que « brousse » : on a fini par donner ce nom à toutes les plantes qui ont des feuilles épineuses et une grosse fleur en brosse. La famille des « Chardons » est on ne peut plus hétéroclite ; elle rassemble diverses espèces des genres Carduus ; Cirsium ; Cnicus ; Silybum ; Carlina ; etc. Nous ne citons que les plus connus, les « têtes de file » en quelque sorte :

Le Chardon béni (Cnicus benedictus) ; Chardon bienheureux ; Centaurée du Saint-Sacrement ; Crédole ; Chardon bourra ; Centaurée laineuse.

Cette variété, souvent éclipsée par d'autres plus hautes et plus vigoureuses, est cependant la plus célèbre du point de vue de la tradition. Depuis le Moyen Âge, il est le Chardon magique par excellence.

Le Chardon Marie (Silybum marianum) ; Chardon de lait ; Chardon blanc ou gris ; Chardousse blanche ; Carline angélique ; Chardon Argenté ; Chardon Lochar ; Epine de Notre-Seigneur ; Cardon à 1a Vierge ; Lait de Notre-Dame ; Artichaut sauvage ; Herbe aux points de côté.

Son nom lui vient des taches blanchâtres, laiteuses, qui maculent ses feuilles en suivant chaque nervure : ce sont les gouttes de lait tombées du sein de Marie lorsque, fuyant les persécutions d'Hérode, elle s'enfuit de Judée en emportant l'enfant Jésus dans ses bras. [...]

Le Panicaut (Eryngium campestre) est lui aussi un « Chardon ». Il sera toutefois étudié séparément car, seul de ce groupe, il appartient au genre féminin et son signe zodiacal n'est pas celui des autres Chardons.


Genre : Masculin

Planète : Mars

Élément : Feu

Divinité : Thor ; Athéna-Minerve.

Pouvoirs : Force ; Protection ; Guérison ; Exorcisme.


Utilisation magique : Placée dans n'importe quel local, une corbeille d'osier dans laquelle on a déposé treize grosses têtes de Chardon stimule les esprits, active les vibrations positives et purifie toute l'atmosphère. Pour se servir plein d'énergie, débordant de vitalité, il est recommandé de porter sur soi des graines de Chardon Marie. Autrefois, dans les campagnes, le grand Chardon Marie servait à l'alimentation, non seulement du bétail mais aussi des humains ; ses jeunes feuilles entraient dans les salades ; le fond de la capitule, cuit à l'eau, à un goût d'artichaut. Manger beaucoup de cette plante produit un effet similaire : force ; dynamisme ; vitalité ; puissance sexuelle. Les vaches nourries au Chardon Marie ne sont jamais malades, elles donnent davantage de lait, et leur lait est d'une qualité supérieure.

Qui s'y frotte s'y pique : les Chardons (comme les cactées) devaient naturellement faire partie des plantes qui chassent les voleurs. Ceux-ci n'enjambent jamais le mur d'un jardin où il en pousse.

Cultivées en jardinières que l'on dispose devant la maison, autour de la porte d'entrée, sur les marches du perron, ils refoulent les influences négatives qui pourraient essayer de s'introduire à l'intérieur.

Brûlées dans l'âtre pendant un orage, des têtes de Chardons détournent la foudre.

Les tiges des plus grandes variétés de Chardons ont de fortes fibres ligneuses que l'on peut rouir comme le lin ou le chanvre. Simplement la filasse obtenue est peu solide. Si l'on vous a jeté un sort, voici ce qu'il faut faire : mettez de grands et forts Cardons (Chardon Marie, Chardon à foulon) à rouir dans l'eau croupissante d'une mare où un animal domestique s'est noyé accidentellement. Quand les tiges commencent à se désagréger, étalez-les, la nuit, sur un chemin où passera un boiteux ; terminez l'opération de rouissage en laissant vos fibres s'imprégner de la rosée d'un pré, trois nuits avant et trois nuits après la Saint-Michel. La filasse est alors prête à filer. Faites-vous confectionner par votre femme une chemise que vous porterez à même la peau. Le sort n'aura plus aucune prise sur vous, même s'il avait été jeté par le Malin en personne (Ardennes belges).

En Savoie, les hommes qui mangeaient beaucoup de Chardon Marie étaient très recherchés comme amants.

Le Chardon béni est utilisé depuis de longs siècles dans les rites de guérison. Il y a encore des régions où l'on en fait des infusions que boivent les déprimés, les mélancoliques.

En Angleterre rurale, les sorciers ont des recettes secrètes pour faire pousser certains Chardons « comme des noisetiers » ! Ils en font leur bâton de marche, sur lequel ils gravent des formules cabalistiques.

Dans le Devonshire, pour invoquer les esprits, on plonge plusieurs têtes de Chardons dans l’eau bouillante. On les met à refroidir dans une écuelle en bois d'épine-vinette. Le devin s'assoit devant cette écuelle, il observe attentivement la vapeur qui monte des Chardons, il en inhale ; puis il invoque les esprits. Dès que ceux-ci commencent à répondre, toutes les personnes présentes peuvent leur poser des questions et obtenir des réponses.

Les Écossais racontent que si les jeunes filles du village sortent en procession, chacune portant un collier de Chardons Marie, tous les serpents des bois et des prés environnants se jetteront les uns sur les autres pour se battre à mort.

A Miedzyrzec Podl, en Pologne, dans un endroit sauvage où un assassinat particulièrement horrible avait été commis, tous les jours à midi poussait un Chardon d'une forme étrange, où l'on remarquait des bras, des mains, plusieurs têtes d'hommes. Lorsque ces têtes avaient atteint le nombre de douze, le Chardon disparaissait.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


A cause de ses feuilles épineuses, le chardon est une arme contre le démon et les influences négatives : c'est pourquoi il est recommandé d'en faire pousser devant sa maison. On dit aussi que jeter au feu, en temps d'orage, des têtes de la plante met à l'abri de la foudre et que les voleurs "n'enjambent jamais le mur d'un jardin où il en pousse". De plus, avoir chez soi une corbeille d'osier contenant treize gros chardons "stimule les esprits, active les vibrations positives et purifie l'atmosphère".

Les chardons secs, cloués sur les portes des granges, protègent des sorciers le bétail. En Estonie, ils sont placés sur le premier blé qu'on fait sécher car ils en chassent le mauvais génie. Surnommé "casso-diable" en Provence, le chardon à foulon trifide trouvé dans la nature est détesté du diable et de ses suppôts. Dans les Ardennes belges, porter une chemise faite avec les fibres des grands chardons permet de lutter contre un maléfice : "Mettez de grands et forts chardons à rouir dans l'eau croupissante d'une mare où un animal domestique s'est noyé accidentellement. Quand les tiges commencent à se désagréger, étalez-les, la nuit, sur un chemin où passera un boiteux ; terminez l'opération de rouissage en laissant vos fibres s'imprégner de la rosée d'un pré, trois nuits avant et trois nuits après la Saint-Michel, la filasse est alors prête à filer ". Toujours dans cette région, on parlait d'une sorcière qui avait pris la forme du chardon ce qui s'explique peut-être par l'aspect déplaisant de cette plante. Ce fait est cependant isolé, les sorciers ayant toujours préféré emprunter l'apparence d'un animal. Dans la région de Liège, on croit encore que si on retire un chardon avec sa racine entière, une pièce d'or est attachée au bout.

Le chardon séché est une amulette précieuse favorisant l'amour et les bonnes rencontres. La plante a de plus le pouvoir d'aider une jeune fille, courtisée par plusieurs prétendants, à effectuer le meilleur choix. La nuit du 24 juin (Saint-Jean), il lui faut prendre trois chardons, chacun baptisé du nom de l'un des fiancés, et les placer sur le lit, avec trois rubans ou ficelles, une rouge, une verte, une rose. Le chardon qui fleurit le premier indique le nom le plus approprié. Cette utilisation du chardon dans le domaine amoureux remonte au moins au XVIIe siècle où une recette les mentionnait pour reconnaître entre trois ou quatre personnes celle qui nourrissait le plus de sentiments.

Par ailleurs, si le bouton de chardon que l'on conserve en poche fleurit un ou deux jours après, il prouve que les sentiments qu'on porte à quelqu'un sont réciproques. Autrefois, les jeunes Bretonnes utilisaient les chardons pour savoir si elles seraient mariées dans l'année. Elles éparpillaient les pétales de la fleur dans leur chambre, laissant la tige au pied du lit. Si le chardon était refleuri le lendemain, le mariage aurait lieu.

Chez les Anglo-saxons, le chardon qui pénètre par la fenêtre est signe de bonnes nouvelles. Si, en un seul souffle, on parvient à faire s'envoler tous les duvets d'un chardon fleuri, il faut faire un vœu. Mais en piétiner par inadvertance porte malheur. Le chardon est particulièrement bénéfique outre-Manche, car, selon la légende, une nuit que les Danois s'approchaient en silence des camps écossais, un soldat marcha sur un chardon, cria et réveilla les Ecossais qui battirent leurs ennemis.

Une espèce de chardon, appelée "Chardon Marie" a conservé l'empreinte des "gouttes de lait tombées du sein de Marie lorsque, fuyant les persécutions d'Hérode, elle s'enfuit de Judée en emportant l'enfant Jésus dans ses bras" : ce sont les taches blanches que portent ses feuilles. La consommation de ce chardon légendaire donne de la force et de la vitalité, renforce la virilité des hommes - en Savoie, ceux qui en mangeaient beaucoup "étaient très recherchés comme amants" -, assure une bonne santé aux vaches et leur fait produire du lait de très bonne qualité. Avoir des graines de chardon Marie sur soi rend également très dynamique. Les Bretons croient se guérir de la fièvre en portant sous le bras gauche ses feuilles blanches et vertes pilés, alors que "les Ecossais racontent que si les jeunes filles du village sortent en procession, chacune portant un collier de chardons Marie, tous les serpents des bois et des prés environnants se jetteront les uns sur les autres pour se battre à mort".

Il existe aussi un "chardon hémorroïdal" dont les nœuds qui se trouvent sur la tige (causés par des piqûres d'insectes), portés dans la poche, soulageaient des douleurs d'hémorroïdes. La rosée qui se pose sur le chardon-peigne, prélevée la nuit, efface les taches de rousseur.

Le chardon à usage médicinal doit être récolté quand la lune est en Capricorne.

Selon une tradition du Devonshire (sud-ouest de l'Angleterre), des têtes de chardons plongées dans de l'eau bouillante et refroidies dans une écuelle en bois d'épine-vinette dégagent une vapeur que le devin inhale pour invoquer les esprits.

Il ne faut pas couper le chardon le jour de l'Ascension car "il en viendrait dix sur un même tronc". En Gironde, les chardons coupés le jour de la Saint-Laurent ne repoussent plus.

Jadis les Chinois croyaient le chardon capable de procurer la longévité, "sans doute en raison de la survie illimitée de la plante après séchage".


A l'entrée panicaut : Le panicaut, plante aux feuilles dures et épineuses, appelé aussi "chardon Roland", promet la paix dans les ménages ; en mettre des bouquets chez soi a une influence heureuse sur tous les membres de la famille : "Les maris bourrus deviennent serviables ; les enfants nerveux se calment ; les femmes agressives cessent de monter tout en drame". En cas de dispute conjugale, répandez de nombreux panicauts par terre.

S'il s'agit de s'attacher un être cher, il est recommandé de manger la racine et le fond du chardon.

Enfin pour tous ceux qui partent en voyage d'affaires, sachez qu'avoir sur soi une tête de panicaut porte chance, fait conclure d'avantageux accords et "aide à se sentir moins perdu".

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Dans le Petit Larousse des symboles (Éditions Larousse, 2006) établi sous la direction de Nanon Gardin et de Robert Olorenshaw, on apprend que :


Plante piquante symbolisant la souffrance humaine et chargée également d'une signification militaire.

Dans la tradition chrétienne le chardon est le symbole des souffrances terrestres endurées par l'homme après l'expulsion du Paradis, puisque, selon le livre de la Genèse. Dieu dit à Adam : "Tu travailleras dur pour en tirer [du sol] de quoi manger : il produira chardons et épines."

"Qui s'y frotte s'y pique" la devise de la ville de Nancy, dont les armoiries comportent un chardon, montre que cette plante est aussi à forte connotation militaire. Les Nancéiens adoptent le chardon comme emblème municipal .à la suite de la défaite sous leurs murs du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, en 1477.

En Écosse, après la déroute d'une armée norvégienne à la bataille de Largs en 1263, le chardon devient symbole national pour des raisons semblables. Les Scandinaves, qui désiraient monter une attaque-surprise la nuit, enlèvent leurs chaussures afin de ne faire aucun bruit. Mais il traversent un champ plein de chardons, et leurs cris réveillent les soldats écossais, qui les massacrent, sauvant ainsi la patrie. Les Écossais créent alors l'Ordre du Chardon, qui existe toujours. Les chevaliers, dont le nombre est limité à seize, ont comme chef le monarque britannique.

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D'après Le Livre des symboles, réflexions sur des images archétypales (2010) dirigé par Ami Ronnberg et Kathleen Martin, avec le concours des auteurs de ARAS,


"Le chardon est, de par sa nature, contradictoire. Les bords hérissés de ses nombreuses feuilles piquent et déchirent comme de petites épines, décourageant le toucher. Pourtant, sa fleur éclatante dégage un parfum doux qui attire les papillons, les insectes, les abeilles et les oiseaux. Évoquant une personnalité acerbe, mais au cœur tendre, l'épinosité du chardon est associée à l'autoprotection, à l'impénétrabilité, à l'austérité et à la résistance. Sur le plan mythique, le chardon ne poussait pas dans le Jardin d'Eden ; avec les ronces, il semble plutôt être apparu comme une malédiction après la Chute, contrastant avec la bénédiction des figues et des raisons du Paradis. De fait, les agriculteurs le considèrent comme un fléau, une mauvaise herbe prolifique et intraitable. Une superstition populaire voyait en lui un don du Diable. Néanmoins, le chardon évoque aussi l'amour et le labeur qui résistent aux épreuves et aux souffrances. Il est associé aux amours terrestres d'Aphrodite ainsi qu'à l'amour miséricordieux de la Vierge Marie. On lui a également attribué des vertus curatives, de purification et de longévité. En Écosse, dont il est l'emblème national, le chardon est célébré dans une légende du Xe siècle : espérant attaquer furtivement le château de Staines, les envahisseurs vikings ôtèrent leurs bottes ; les Écossais avaient rempli les douves asséchés de chardons et furent avertis par les cris de douleur de l'ennemi (Heilmeyer). Faisant jaillir une belle fleur hors d'une tige rêche, les racines du chardon auraient la propriété de dissiper la mélancolie."


Marine Heilmeyer, The Language of Flowers : Symbols and Myths, Munich et Londres, 2001.

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Eric Pier Sperandio, auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Editions Québec-Livres, 2013), présente ainsi le chardon béni :


"Ce membre de la famille des chardons pousse à une hauteur d'environ 30 centimètres ; ses fleurs, au milieu de feuilles épineuses, sont jaunes.


Propriétés médicinales : C'est un émétique ; il provoque donc le vomissement. Il faut savoir le doser très soigneusement, mais il agit en douceur sans causer des spasmes à l'estomac Il peut être administré lorsqu'une personne a avalé une substance toxique qu'il lui faut régurgiter. A dose très diluée, c'est un tonique qui stimule l'appétit et calme les troubles de l'estomac.


Genre : Masculin.


Déités : Mars - Thor.


Propriétés magiques : Conjuration du mauvais sort - Courage - Protection.


Applications :

SORTILÈGE ET SUPERSTITIONS

Pour recevoir des réponses des esprits, faites bouillir des chardons bénis dans votre chaudron de sorcière.. Lorsque le liquide bout à gros bouillons, retirez du feu. Placez-vous auprès du chaudron et écoutez attentivement : dans la vapeur qui s'élève, vous recevrez la réponse à vos questions.


RITUEL POUR ACCROîTRE VOTRE COURAGE

Ce dont vous avez besoin :

  • des chardons bénis séchés

  • un petit sac rouge

  • une chandelle rouge

  • de l'encens de sang-de-dragon

Rituel : Avec un pilon, dans un mortier, écrasez vos chardons de façon à les réduire en poudre ; placez ensuite celle-ci dans un petit sac rouge que vous consacrerez au dieu Mars (selon le principe présenté sous la rubrique Quelques rituels de base, à la page 16), en faisant brûler une chandelle rouge et de l'encens de sang-de-dragon. Portez ensuite ce sachet sur votre peau.

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Symbolisme celte :


Le chardon comme emblème de peuples celtes :

D'après le site http://sport24.lefigaro.fr :


"Parmi les nombreuses légendes qui circulent autour de la signification du chardon comme étant le symbole du pays, une tire son épingle du jeu. L'origine remonterait au XIIIe siècle, plus précisément en 1263. A cette époque, l'Ecosse faisait encore partie du royaume de Norvège qui semblait avoir peu d'intérêt pour la gestion de ses territoires lointains. Ainsi, à la fin de l'été 1263, le roi Haakon de Norvège a l'intention d'envahir l'Ecosse par surprise dans ce que les historiens appelleront par la suite la bataille de Largs.

La légende veut qu'à un moment donné pendant l'invasion des Vikings, une scène assez cocasse se soit déroulée. En pleine nuit, les envahisseurs, afin de se déplacer plus discrètement dans l'obscurité, retirèrent leurs chaussures. En tentant de rejoindre la bâtisse des écossais, les Vikings tombèrent sur une zone de terrain couverte de chardons et l'un des hommes d'Haakon mis son pied sur l'un d'entre eux et ne put s'empêcher de crier de douleur. Le bruit alertant les Écossais qui remportaient finalement la bataille de Largs. Le rôle important qu'avait joué le chardon fut reconnu et ainsi choisi comme emblème de l'Ecosse."


 

Si l'on en croit le site https://www.visitscotland.com/ :


"Le chardon est à l'origine d'un des poèmes les plus beaux et les plus influents des canons de la littérature écossaise : "Un Homme Ivre Regarde le Chardon", de Hugh MacDiarmid. Il s'agit d'un poème épique, écrit selon la technique du flux de conscience, qui parle entre autres de l'état de la nation, des mystères de l'univers et du plaisir absolu que procure le whisky. En résumé, il s'agit d'un incontournable de la littérature pour quiconque souhaite se rendre en Écosse.


Un insigne d'honneur : Le chardon est un symbole important de l'héraldique écossaise depuis plus de 500 ans. Il représente également l'un des honneurs les plus élevés qu'un citoyen puisse recevoir du pays. Fondé par Jacques III en 1687, l'Ordre très Ancien et très Noble du Chardon est l'ordre de chevalerie le plus important au Royaume-Uni. Il est accordé à ceux qui ont apporté une contribution particulièrement remarquable à la vie de l'Écosse. Seule Sa Majesté la reine peut investir les membres de l'Ordre du Chardon, le deuxième seulement derrière l'Ordre très Noble de la Jarretière."


 

Selon le site https://fr.anecdotrip.com/ :


"L'Ecosse a son chardon comme symbole... [la] ville de Nancy aussi. On le retrouve d'ailleurs sur son blason : « D'argent au chardon arraché à deux feuilles de sinople (couleur verte, en héraldique), fleuri de pourpre, de gueules (rouge en héraldique) à trois abeilles en face d'or ».

Au Moyen-Age, le piquant chardon se veut l'emblème de la Vierge ou le symbole de la couronne d’épines de Jésus. Il peut aussi symboliser la fidélité : vous savez, comme dans l'autoportrait du peintre allemand Durer qui s'est représenté un chardon dans la main, gage de son amour pour sa femme...

Mais c'est le duc de Lorraine René II qui popularise le chardon nancéien en le faisant mettre sur ses armes avec la devise « Ne me toques, je poins » (« Ne me touche pas, je pique »). En gros : qui s'y frotte s'y pique, en latin « non inultus premor »... la devise de la ville aujourd'hui ! Elle fait référence à la défense acharnée des habitants de la ville lorraine face à Charles le Téméraire, qui passa l'arme à gauche sous ses remparts.

 

O​​n trouve sur le site http://armorialdefrance.fr/ une description du blason de Cessieu en Isère qui établit le lien symbolique entre l'âne et le chardon avec une tentative d'explication rationnelle qui la complète :


(1325) Coupé : au premier d'azur à la tête d'âne d'argent issant du trait de partition, au deuxième de gueules au chardon de sinople, feuillé de deux pièces, fleuri d'argent et mouvant de la pointe.


"Le surnom typique—les ânes de CESSIEU—dont on gratifie les cessieutois proviendrait de la hotte dont les vignerons devaient fréquemment se bâter (mettre un bât comme les ânes) sur les coteaux pentus et caillouteux pour remonter la terre des vignobles, mais aussi des petits ânes utilisés autrefois pour le travail des vignes du coteau.


En 1325, à la suite d’un beau fait d’armes à la bataille de VAREY, la commune reçoit ses armoiries : de gueules au chardon de SINOPLE, avec chef d’azur et tête d’âne brayant."

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La Clairière des Carnutes, affiliée à l'OBOD propose un document synthétique sur l'utilisation magique des plantes dans lequel on trouve quelques renseignements sur les chardons :


Plante masculine dédiée à Mars.


Courage : Le Charbon apporte la force de combattre et de vaincre, et c'est associé à une autre plante qui donne le but de la lutte, qu'il produit des effets significatifs.


Etat médiumnique : Dans le Devonshire, pour invoquer les esprits, on plonge plusieurs têtes de Chardons dans l’eau bouillante. On les met à refroidir dans une écuelle en bois d'épine-vinette. Le devin s'assoit devant cette écuelle, il observe attentivement la vapeur qui monte des Chardons, il en inhale ; puis il invoque les esprits.


Protection : Placée dans n'importe quel local, une corbeille d'osier dans laquelle on a déposé treize grosses têtes de Chardon stimule les esprits, active les vibrations positives et purifie toute l'atmosphère. Sur la porte des maisons et des granges il protège des esprits malveillants grâce à ses épines. Porter du Chardon Béni vous protègera contre les mauvais esprits, et il peut être ajouter au bain de purification. Enfin il peut aussi être utilisé dans les rituels qui visent à briser les mauvais sorts. Brûlées dans l'âtre pendant un orage, des têtes de Chardons détournent la foudre.

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Mythologie :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),

CHARDON (Carduus sylvaticus). — Le chardon est une plante solaire et météorologique, ce qui lui fit, peut-être, donner le nom de carduus sanctus, carduus benedictus, et, par équivoque, de carolus sanctus, d’où son nom italien de carlina ou erba carlina. « La carlina, dit M. Clavarino34, est une espèce de chardon, qui s’élève fort peu de terre et donne une seule fleur. En piémontais, on l’appelle ciardusse (Carlina acaulis uniflora flore breviore Linn.). On la trouve sur les pentes arides et pierreuses des Alpes. Tant que la fleur est ouverte, il n’y a pas lieu de craindre le mauvais temps, mais lorsqu’elle se ferme, la pluie s’ensuit sans faute, même s’il n’y a aucun autre indice qui l’annonce. Elle est donc un excellent baromètre pour les Alpinistes, et elle conserve sa propriété hygrométrique longtemps après avoir été déracinée ». Voilà, par exemple, l’une des propriétés naturelles et réelles d’une plante qui, exagérées et agrandies par l’imagination populaire, ont pu donner lieu à la création d’une certaine série de mythes météorologiques. Dans le Commentaire du pape Pie II cité par Du Cange, on lit ce qui suit « Herba reperta est, quam Carolinam vocant, quod Magno quondam Karolo divinitus ostensa fuerit, adversus pestiferam luem salutaris. » Apulée35 attribue au chardon sauvage la propriété d’éloigner tous les maux de celui qui le porte sur lui : « Herbam cardum sylvaticum, dit-il, si Sole novo fuerit Luna in Capricorno, tolles, et quamdiu tecum portaveris, nihil mali tibi occurret. » Dans la Prusse orientale et en Bohême, on lui attribue la propriété de chasser les vers du corps des animaux. En Bohême, on écrase la fleur du chardon, en disant : « Petit chardon, petit chardon, je ne délivrerai point ta petite tête, tant que tu ne délivreras la vache (ou le cheval, ou autre animal des vers. » En Esthonie, on place le chardon sur le premier blé que l’on fait sécher, pour en éloigner le mauvais génie qui pourrait survenir.

Dans un conte populaire anglais, le duvet du chardon sert à tisser les bas du petit héros Tom Pouce. La mère de Tom Pouce le lie avec un fil à un chardon ; une vache approche et mange le chardon, et Tom Pouce avec. Un proverbe hongrois où il est question du chêne et du chardon remonte probablement aussi à un conte mythologique. Le proverbe dit que le chardon s’enorgueillit depuis que le chêne lui a demandé sa fille en mariage. Dans la vie de l’évêque Raban, citée par Du Cange, on lit que, sous l’empereur Decius, ce saint homme fut attaché par les pieds au cou de deux chevaux sauvages, et traîné ainsi la tête en bas au milieu des chardons ; et dans les Miracles de Saint Marc, chez le même Du Cange, on lit : « Si tollatur de Cardeto vel herba loci, in quo tractus fuit B. Marcus, emanat sangninem. » On peut comparer ici une légende du Mecklembourg citée par Mannhardt, où l’on raconte que, dans un endroit sauvage où un assassinat avait été commis, tous les jours, à l’heure de midi, poussait un chardon d’une forme étrange, où l’on remarquait des bras, des mains, des têtes d’homme. Lorsque ces têtes avaient atteint le nombre de douze, le chardon disparaissait. Un pâtre passant un jour par l’endroit où le chardon mystérieux avait poussé. Son bâton se carbonisa, et son bras fut saisi de paralysie. Comment ne pas voir ce chardon qui s’épanouit à l’heure de midi et qui carbonise le bâton du pâtre, une image du soleil ? Le soleil aussi, lorsqu’il va pleuvoir, se ferme comme le chardon. Maintenant, si le chardon représente le soleil, et si le chêne est le symbole du nuage, on comprend comment la fille du chardon a pu épouser le chêne ; on comprend aussi comment le petit Tom Pouce, le nain solaire, peut se confondre avec le chardon et être avalé par la vache nocturne ou par le nuage ; on comprend enfin comment le chardon peut chasser les vers de la vache, de même que le soleil chasse les démons de la nuit. En observant le chardon hérissé avec sa fleur en forme d’astre et s’ouvrant au soleil, on devine aisément que l’esprit humain, à un moment donné, dans une rêverie enfantine, ait identifié le chardon, qui pique et ensanglante les mains de ceux qui le cueillent, avec l’astre du jour, qui, à l’heure de son apogée céleste, a été choisi pour représenter le sang qui jaillit de la tête de Jean-Baptiste décapité. Si l’on se donne la peine de s’enfermer dans le cercle des idées mythologiques, et d’y rester quelque peu pour saisir les rapports mêmes de ce monde idéal qui a eu, lui aussi, son jour de vive réalité, on arrive à comprendre comment sous l’image d’un chardon peut se cacher un mythe solaire. — On a vu, enfin, au mot Épine, comment les soldats du duc de Bourgogne avaient pris des chardons pour des ennemis ; ce n’était pas la première fois que le chardon jouait ce rôle. On sait, par exemple, que le chardon est l’insigne national des Écossais ; on raconte donc qu’une fois, pendant la nuit, les Danois s’étaient approchés du camp écossais ; mais, tandis qu’il avançait en silence, un soldat danois, ayant mis le pied sur un chardon, s’y piqua et jeta un cri ; ce cri donna l’alarme à tous les Écossais. Le conte écossais est évidemment aussi peu historique que celui des oies du Capitole ; il offre cependant avec le conte romain, sous le rapport légendaire, une analogie assez curieuse qui ne peut être négligée.

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; le Chardon raconte la sienne dans un conte venu d'Allemagne et intitulé "Le roi-âne et l'âne-roi" :


"Un chevalier errant sortit de l'ombre. En dépit de sa morosité et de la poussière qui couvrait ses vêtements. Il portait fièrement son heaume au panache bleu comme tout homme libre qui se respecte. Une petite Pensée frôla par mégarde son manteau hérissé de piquants. " Ça fait mal ! soupira-t-elle, portant prestement son petit doigt à sa bouche. "Je suis le Chardon, alors je pique", rit le vagabond bourru et il commença à raconter une histoire, sans attendre d'y être invité.


Au-delà des neuf montagnes, au-delà des neuf fleuves s'étendait autrefois un royaume ont le souverain était un être original qui n'avait son pareil nulle part ailleurs dans le monde. C'était le plus consommé des imbéciles, et il édictait tous les jours des lois qui plongeaient ses sujets dans des abîmes de perplexité. Jugez plutôt par vous-mêmes :

"Moi, Sa Majesté le roi, ordonne que tous mes sujets ramassent les étoiles qui tombent la nuit du ciel et les remettent à la trésorerie royale. Telle est désormais la loi ", déclara un beau matin le stupide roi. Un autre jour, il décida une autre ineptie qu'il fit aussitôt clamer aux quatre coins du monde : " Par les pouvoirs royaux qui me sont impartis, j'ordonne que mon rhume passe sur-le-champ ! "Bien entendu, le rhume n'eut cure des ordonnances du roi qui exigea alors que ses sujets éternuassent et se lamentassent à sa place. Tout le royaume souffrait de cette administration stupide, mais que peut le pauvre peuple contre la volonté d'un puissant souverain ?

Un jour, le roi se promenait dans les jardins du château et réfléchissait pour inventer une nouvelle loi qui ferait le bonheur de ses sujets. Cet effort lui ayant donné soif, le roi se rendit à la fontaine la plus proche pour s'y désaltérer. Soudain, un âne égaré surgit devant lui. L'âne, qui avait soif lui aussi, se dirigeait d'un pas nonchalant vers la fontaine pour y boire une grande gorgée d'eau. Il était sur le point de plonger ses naseaux dans l'eau cristalline quand le roi le rabroua :

"Arrête, espèce de vagabond ! Un souverain devrait-il s'effacer devant une bête ? Pas question ! Tu ne sais peut-être pas, bourrique, à qui tu as affaire ? Sa Majesté le roi doit boire la première." Et il se pencha rapidement pour se désaltérer. Néanmoins, l'âne, qui n'avait pas reçu la meilleure éducation, ne fut pas du tout impressionné par la royale majesté. Défendant ses positions, il donna un coup de tête au roi qui vit trente-six chandelles. Après avoir retrouvé ses esprits, celui-ci rendit de toutes ses forces son coup à l'âne. Ce fut une belle bagarre ! Le roi et l'âne s'affrontèrent comme deux coqs sur un tas de fumier. Ils se poussaient et se bousculant, tout en continuant à se donner des coups de tête qu'on entendait de loin. Aucun des deux ne voulait céder.

"Le plus sage se retire, Majesté", fit une voix derrière les combattants. C'était une petite vieille toute frêle qui n'était autre qu'une fée.

"Pour me faire céder, il faudrait que je me transforme en âne et que l'âne se transforme lui-même en roi, se moquait le roi. La fée rit :

- A ton aise, stupide roi ", dit-elle et elle disparut. Le monarque voulut s'en prendre à nouveau à son rival, mais figurez-vous qu'à la place de l'âne, c'était son propre sosie qui se tenait devant lui.

"Mais, c'est moi ! " voulut protester le roi. Hélas ! Il ne peut faire entendre que des hi han ! désespérés. Il regarda dans la fontaine et n'en crut pas ses yeux : une têt d'âne aux oreilles énormes se reflétait dans l'eau.

"Ciel ! Je me suis transformé en âne ", réalisa-t-il. L'âne aussi était inquiet. Il contemplait, sidéré, ses vêtements somptueux et, de rage, se mit à brouter un chardon. "Aïe ! Ça pique ! " se plaignit-il d'une voix humaine, et il lança une ruade coléreuse. Soudain, le propriétaire de l'âne, un vieux marchand de quatre saisons, fit son apparition. En apercevant le monarque, ses genoux tremblèrent de crainte et d'étonnement. Et il y avait de quoi s'étonner ! Le roi marchait à quatre pattes, broutait des chardons et décochait des ruades comme tous les bourricots que Dieu a créés. A côté de lui, un âne, debout sur ses pattes arrière, se pavanait comme s'il en avait toujours été ainsi, et poussait des cris plaintifs. Stupéfait, le marchand de quatre saisons tomba à genoux.

"Que sa Majesté veuille me pardonner !, dit-il au souverain imposteur. Mon âne est stupide et désobéissant. c'est une honte ! Il passe sont temps à vagabonder, mais je vous promets de le corriger.

- Tu prétends que je suis stupide ? s'indigna le roi-âne.

- On non, Majesté ! Je parlais de mon âne, se défendit le marchand effrayé.

- Justement, grommela l'âne ensorcelé. Sans plus attendre, le marchand prit la bride de l'âne, l'enfourcha et s'en alla au trot. En chemin, il lui bourrait les côtes de coups de bâton.

- Tu ne perds rien pour attendre ! vitupérait-il. Tu vas me payer ta désobéissance ! Et les coups tombaient comme la pluie sur l'échine royale.

- Imbécile, tu ne reconnais pas ton roi ? Au secours, venez vite ! Qu'on pende tout de suite cette brute ! " appelait le roi ensorcelé, avec désespoir. Mais il ne faisait entendre que ses hi-han ! déplaisants. Quelle folle chevauchée ! Avant qu'il ait pu atteindre le potager du marchand de quatre saisons, le roi-âne ne tenait plus debout.

Pendant ce temps, dans le palais, on cherchait partout le roi. Soudain, une jardinière arriva en courant, tout épouvantée.

" Venez vite ! Le roi marche à quatre pattes dans le bosquet, en broutant l'herbe et des rameaux ", annonça-t-elle. Ce ne fut qu'une seule ruée vers le bosquet et, en effet, la jardinière avait dit vrai. Revenus de leur étonnement, les courtisans s'inclinèrent profondément et tentèrent de raisonner le roi.

" Veuillez pardonner notre audace, Majesté, mais l'herbe fraîche risque de vus donner des ballonnements. Ne gâtez pas votre royal estomac. Au palais, une table est dressée, ployant sous les mets les plus raffinés. Permettez-vous seulement de vous y conduire. "

L'âne déguisé en roi n'y vit pas d'inconvénient. Cependant, une fois attablé, il ne goûta à aucune des friandises qu'on lui proposait, plantant ses dents dans son propre soulier. Avant que les courtisans aient pu l'en empêcher, il mangea la semelle. Lorsque, après le festin, ils l'installèrent sur le trône, l'idée ne vint même pas au roi d'édicter de nouvelles lois. Il approuvait tout d'un hochement de tête et si quelqu'un osait lui demander son avis, il répondait, irrité :

" Laissez-moi tranquille ! Ne voyez-vous pas que je suis un âne ? "

Pour couronner le tout, le souverain dédaigna sa couche royale, le soir, et alla dormir dans l'étable, sur un tas de foin. Derrière son dos, les gens se frappaient le front d'un air entendu et murmuraient :

" Il se comporte comme un âne, mais il semble qu'il soit plus sage qu'auparavant. Du moins, il ne se mêle de rien."

Et il en fut ainsi tous les jours. Le marchand de quatre saisons n'était pas mieux loti. Son âne se comportait comme s'il était le roi en personne. A peine l'épouse du marchand servait-elle le repas qu'il se mettait à table pour manger les meilleurs morceaux. Le soir, c'était encore pire ! Le marchand, qui avait hâte de se mettre au lit après une journée de dur labeur, y trouvait son âne, affalé sur les oreillers, lisant un vieil almanach, son propre pince-nez posé sur son chanfrein. C'est en vain que le marchand essayait de lui faire passer ses mauvaises manières avec des volées de bois vert.

" Là, tu vas trop loin ! " se fâcha pour de bon le marchand, le jour où il surprit l'âne qui essayait d'embrasser sa femme dans un coin sombre. "Hors de ma maison, animal malfaisant ! " hurla le bonhomme, ponctuant son propos de coups de fouet. La malheureuse bête courut à toutes jambes tout droit vers le jardin du château, espérant pouvoir s'y rafraîchir, après cette correction, s'une bonne gorgée d'eau glacée. Hélas ! A peine se fut-elle penchée au-dessus de l'eau pour se désaltérer que le véritable âne, transformé en roi, accourut vers la fontaine.

"Entendu, bourrique, tu es maintenant roi, et moi, le véritable roi, je ne suis qu'un pauvre âne, alors, je dois m'effacer devant toi, soupira le roi. Le plus sage doit céder. " A peine eut-il prononcé ces mots qu'il recouvra son aspect initial, tandis que l'usurpateur se transformait en âne. tout heureux, le souverain se dirigea d'un pas alerte vers le château. Il s'assit sur le trône et édicta une nouvelle loi :

" Moi, Sa Majesté le roi, décide qu'à compter de ce jour, le roi n'a pas le droit d'être un âne, et qu'un âne n'a pas le droit d'être un âne, et qu'un âne n'a pas le droit de devenir roi. " Ce fut la première loi raisonnable qui lui fût jamais venue à l'esprit. Dès lors, le roi devint sage. Il exigeait que l'on plaçât tous les jours un vase avec un chardon sur sa table pour ne jamais oublier le temps où il était âne."

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