Étymologie :
Étymol. et Hist. 1694 (Tournefort Bot. t.1, p.287). Empr. au lat. sc. muscarium (1542, C. Gesner, Catalogus plantarum..., Tiguri, fo66 vo), dér. de muscus « musc » ; la plante a été ainsi nommée en raison du parfum musqué de sa fleur.
Autres noms : Muscari armeniacum - Muscari d'Arménie - Oignon sacré -
Leopoldia comosa - Ail à toupet - Muscari à houppe - Muscari à toupet - Muscari chevelu - Poireau roux - Queue-de-poireau -
Selon Jamal Bellakhdar, auteur de « La jacinthe d’Orient (Hyacinthus orientalis L.) entre tradition et marchandisation, flânerie parfumée dans les allées de l’histoire sur la piste d’une fine fleur » (Carnets botaniques n° 81 - 19 janvier 2022) :
Le mot muscari ne dérive pas de l’arabe misk sahih qui signifierait « musc véritable », comme cela vient dans plusieurs publications ; les Arabes qui connaissent très bien le vrai musc, le musc chevrotin, ne peuvent pas nommer ainsi un faux musc. Ce n’est d’ailleurs pas le nom que portent ces espèces au Proche-Orient. En Turquie, on connaît pour les muscaris le vernaculaire sumbul, d’origine arabe, le même que pour la jacinthe, et le vernaculaire muskurum, dérivant du grec moschari.
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Botanique :
Xavier Gillot dans "Contribution à l'étude de la flore du Beaujolais". (Publications de la Société Linnéenne de Lyon, 1881, vol. 8, no 1, pp. 1-30) relève une pratique contre-productive pour éliminer les Muscaris :
Muscari racemosum L. Le type beaujolais diffère de celui de Bourgogne par ses feuilles plus larges, d'un vert plus foncé, par ses fleurs d'un bleu plus intense et plus odorantes, et surtout par ses bulbes plus gros et chargés d'un plus grand nombre de bulbilles. A ce propos, je ne puis m'empêcher de signaler le procédé défectueux employé par les vignerons pour se débarrasser des Muscaris qui pullulent dans leurs vignes. Ils arrachent les bulbes avec soin, mais se contentent ensuite de les abandonner sur la terre. L'exposition à l'air ne suffit pas pour les dessécher comme les autres herbes, mais elle facilite au contraire la séparation des nombreux bulbilles, qui pénètrent par les moindres fissures du sol et propagent la plante. Il serait donc préférable de brûler sur place les bulbes arrachés.
Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description du Muscari :
Nom scientifique : Selon les informations que Pignatti donne dans son ouvrage, le genre scientifique Leopoldia, dont cette espèce fait partie, est dédié au grand-duc de Toscane Leopoldo II (1797- 1870) qui est le protecteur des Sciences et le fondateur de l’Herbarium Centrale Italicum. L’adjectif lat. COMŌSUS, -A, -UM « plein de feuilles » (OLD : 371) se réfère à l’inflorescence typique en houppe terminale caractérisant cette espèce (Pignatti, 1982, III : 378).
Description botanique : Le muscari est une plante vivace qui s’élève jusqu’à 50 cm ; elle est pourvue d’un gros bulbe rougeâtre et elle n’a que 3 ou 4 feuilles assez longues et engainantes. Les fleurs inférieures sont horizontales et brun-roussâtre tandis que celles supérieures sont d’un bleu-violet vif et résultent ramassées en houppe terminale, elles fleurissent entre avril et juillet (Pignatti, 1982, III : 378).
Vertus médicinales :
Mylène Pradel-Baquerre, autrice de "Ps. -Apulée, "Herbier", introduction, traduction et commentaire." (Archéologie et Préhistoire. Université Paul Valéry - Montpellier III, 2013. Français) précise deux usages médicinaux du Muscari :
Le Muscari (Oignon sacré) : Le muscari ne figure pas dans la liste officielle des plantes médicinales.
Nom savant : Muscari comosum Mill.
Indications : douleurs articulaires, taches de rousseur. Parties utilisées : plante, racine.
1) Pour les douleurs articulaires Muscari, graisse de chèvre, et deux litres d'huile, sont pilés et mélangés entre eux ; après usage, la douleur disparaît.
2) Pour les femmes en cas de taches sur le visage : la racine de muscari est mélangée avec de la farine de lupin : si la femme s'en lave le visage, elle se débarrassera aussitôt des taches. Il pousse partout autour des haies, dans les sols en friche.
Hervé Brunon rappelle dans son article intitulé "Pour une histoire profonde des pratiques florales." (In : Nice reine des fleurs [Catalogue de l’exposition de Nice, musée Masséna, 10 juin-9 octobre 2022]. Ville de Nice/Lienart, 2022. p. p. 30-37) l'ancienneté de l'usage médicinal du Muscari :
Remontons à la préhistoire, dans le souci d’une « histoire profonde » (deep history). Les fleurs sont périssables et ne laissent que fort peu de traces archéologiques. Pendant longtemps, on a pensé que le plus ancien usage cérémoniel des fleurs documenté datait d’environ 50 000 ans, d’après les fouilles, menées entre 1952 et 1960, dans la grotte de Shanidar, au nord-est de l’Irak, qui ont livré neuf squelettes fossiles de Néandertaliens. L’un d’entre eux, désigné comme Shanidar IV, reposait sur le côté gauche, en position fléchie. Des échantillons de sols prélevés immédiatement sous le squelette ont été analysés sur le plan palynologique (étude des pollens) par Arlette Leroi-Gourhan : les pollens ne sont pas arrivés à leur place de façon dispersée mais y ont été introduits ensemble, à l’état de fleurs entières ; ils appartiennent à au moins huit espèces différentes – dont un Muscari et une rose trémière –, qui présentent pour la plupart des floraisons remarquables, et possèdent toutes des vertus médicinales3 . On pense que cet homme, malade ou blessé, aurait été tué lors d’un éboulement du plafond de la grotte, alors qu’il était étendu sur une litière de plantes médicinales4 .
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Usages traditionnels :
Une autre interprétation du dépôt de Shanidar est proposée par Bui Thi Mai et Michel Girard, auteurs de l'article intitulé "Pollens, ultimes indices de pratiques funéraires évanouies." (Revue archéologique de Picardie, 2003, vol. 21, no 1, pp. 127-137). :
LES VÉGÉTAUX ET LE MONDE DES MORTS : Lors des cérémonies funéraires, les plantes ont été fréquemment mises à contribution pour confectionner des bouquets, des couronnes, des litières florales, dont les éléments peuvent d'ailleurs servir d'indicateur saisonnier. Les végétaux ont aussi participé au rituel sous la forme d'offrande de produits alimentaires et de préparations destinées à assurer la sauvegarde des corps.
LES BOUQUETS ET LES COUSSINS DE FLEURS : Les dépôts de fleurs dans les tombes sont sans doute les plus anciennes manifestations que l'on soit parvenu à repérer parmi les pratiques funéraires. La plus vénérable d'entre elles a été observée dans la tombe d'un homme de Néandertal découverte dans la grotte de Shanidar en Irak. Le corps du défunt était accompagné de fleurs sauvages de différentes couleurs (centaurées, achillées, séneçon, muscari et rose trémière) dont on a retrouvé les traces sous la forme d'amas polliniques caractéristiques (Leroi-Gourhan, 1968, 1975, 1999, 2000). On savait que les chasseurs moustériens enterraient parfois leurs morts avec des offrandes d'origine animale, comme à Techik Tach ou à Qafzeh par exemple, mais la découverte du dépôt floral intentionnel de Shanidar montre que les préoccupations spirituelles de nos lointains ancêtres s'étendaient également au monde végétal.
Selon Pierre Lieutaghi, auteur de « Aux frontières (culturelles) du comestible », (Ethnologie française, vol. 34, no. 3, 2004, pp. 485-494) :
Note : 2) Les muscaris appartiennent à une famille de Monocotylédones, les Hyacinthacées, où les substances dangereuses ne sont pas rares, comprenant des molécules hépatotoxiques susceptibles d’induire des affections graves par effet cumulatif. Le bulbe de muscari à toupet (lampascioni, lampagione, cipollaccio) a une valeur identitaire à ce point élevée que les immigrés italiens aux États-Unis en importaient par cargos entiers à l’occasion des festivités commémoratives, en importent peut-être encore. Il reste très apprécié en plusieurs provinces de la Péninsule, apprêté à l’huile, à la façon des tomates sèches. Les toxicités masquées, qui induisent à long terme des affections sans rapport manifeste avec les substances ingérées, que les sociétés traditionnelles ne relient pas à leurs pratiques alimentaires, sont fréquentes sous toutes les latitudes. Certaines ont été révélées de nos jours à l’occasion d’études épidémiologiques (« thé » de séneçons africains inducteur de cancers du foie, etc.). Cet aspect important de la relation au toxique, qui intéresse aussi des plantes françaises, ne peut être développé ici.
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Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes du Muscari à toupets :
Propriétés et utilisation : Dans les communautés enquêtées, les locuteurs ont décrit cette espèce comme étant l’un des aliments préférés des sangliers, mais quelques-uns d’entre eux ont avoué qu’ils en consommaient les bulbes récoltés avant la floraison, bouillis ou en omelette. Guarrera (2006 : 129) nous informe également du fait que les bulbes du muscari sont utilisés dans l’alimentation humaine et consommés bouillis, frits ou au vinaigre. En médecine populaire, on connaît les propriétés diurétiques, émollientes, suppuratives, fébrifuges de la plante, qui est aussi utilisée pour le traitement des blessures, des hémorroïdes, des mastites, des maux de dents et de tête (Guarrera, 2006 : 129). En Trentin-Haut-Adige, où l’on croit que la plante est nuisible aux racines des vignes, les fleurs de muscari sont utilisées aussi pour peindre les œufs de Pâques (Guarrera, 2006 : 129).
Jamal Bellakhdar, auteur d'un article intitulé "La jacinthe d’Orient (Hyacinthus orientalis L.) entre tradition et marchandisation, flânerie parfumée dans les allées de l’histoire sur la piste d’une fine fleur" (Carnets botaniques n° 81 - 19 janvier 2022) confirment l'aspect alimentaire de l'usage du Muscari :
Les bulbes de ces muscaris, notamment ceux de Leopoldia comosa (L.) Parl., sont très largement utilisés en Turquie en alimentation humaine [1]. Les inflorescences de cette dernière espèce, ainsi que celles de Muscari neglectum Guss. ex Ten. et de M. botryoides (L.) Mill. sont elles aussi récoltées en Turquie et utilisées pour leur arôme en art culinaire.
Note : 1) Sous le nom de lampascioni ou lamponi, les bulbes sauvages (ou cultivés) de Leopoldia comosa sont bouillis (une ou deux fois 20 min dans de l’eau ou dans un mélange moitié eau moitié vinaigre) après récolte (pour les désamériser et les rendre plus digestes) puis mangés au naturel avec du sel et une vinaigrette en entrée ou frits avec des œufs. C’est une spécialité du centre de l'Italie (Monte Gargano), mais aussi de Grèce, de Chypre et de Turquie. Quand ils sont destinés à la conserve, les bulbes, préalablement débarrassés de leurs culots, sont ébouillantés deux fois en changeant l’eau de cuisson à chaque fois, puis confits avec de l’ail dans du vinaigre chaud et mis en bocaux pour être grignotés dans les occasions en apéritif. On peut aussi les retirer du vinaigre et les conserver dans de l’huile (Buccini, 2009).
Là où ils résident (notamment aux États-Unis), les immigrés italiens et grecs font venir ces bulbes car leur consommation prend chez eux une signification identitaire. Le Maroc en exporte régulièrement aux USA (Bellakhdar, 2020). Tous les bulbes de muscari sont consommés de la même façon. Leur amertume est due à la présence de saponines. On s’est également servi autrefois de ces bulbes comme source d’amidon pour l’apprêt des tissus.
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Symbolisme :
Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe du Muscari à toupets :
Analyse lexico-sémantique des désignations :
1, 2 - Les deux premiers groupes de dénominations sont des emprunts aux dialectes romans environnants où l’on trouve les formes lexicales suivantes qui renvoient aux dénominations arbëreshe : nap. cepullina « petit oignon » et cepullazza « oignon sauvage » (NVDN : 173) ; luc. ćəpuǵǵín « petit oignon » (DDB : 204) ; cal. cipuḍḍizza, cipujuzzu, cipullazza « oignon sauvage » (NDDC : 181) ; sic. cipuḍḍazza « oignon, Allium ursinum L., Allium nigrum L., Allium porrum L., Urginea maritima, Muscari bothryoides, Muscari comosum » (VS, I : 726).
Ces noms romans sont les continuateurs du lat. CEPŪLLA < lat. CĒPA « oignon » (DEDI : 132 ; FEW, II : 593) d’où on tire la base lexicale arb. çipul- prononcée [ʧipul-] ou [ʧipuʎ-], à laquelle on ajoute trois types de suffixes : - ucë (< rom. -uzzu, it. -uccio), -in (< rom. -ina, -in, it. -ina) sont des suffixes diminutifs et -acë (< rom. -azza, it. -accia) est un suffixe péjoratif. Donc, la dénomination çipulucë (P 42) ainsi que les formes lexicales çipulin (P 35, 13, 33, 8) peuvent se traduire comme « petit oignon », tandis que la forme lexicale çipulacë (P 48) peut désigner un « oignon sauvage» qui est mauvais puisqu’il n’est pas comestible pour l’homme. On trouve en outre, en plus de ces noms dérivés, deux syntagmes désignant cette espèce : [ʧipuʎˈin e kˈuce] çipulinë e kuqe et [ʧipulˈin i kˈuc] çipulin i kuq « petit oignon rouge » qui se réfèrent, tous les deux, à la couleur des bulbes souterrains, comme on peut le voir sur la figure ci-dessus. Après avoir analysé la forme, on peut passer à l’analyse de la signification relative à la source latine de ce phytonyme que nous avons indiqué dans le mot lat. CĒPA « oignon ».
Ce nom est considéré comme un emprunt ; on indique le gr. k£pia « oignon » comme une source possible originelle du nom latin de l’oignon, mais la source grecque reste néanmoins également obscure (DELL : 114 ; DELG : 494 ; GEL : 876). Nous proposons une comparaison entre le gr. k£pia et la racine chamito-sémitique kap- « tête, occiput » (HS : 337) qui donne les résultats suivants : sem. kapa[y]- « occiput » > aram. (syr.) qōpyō, ar. qafā- ; ber. kaf- « tête » > ghd. iγaf, kby. ēγaf; tc.e. kwap- (< kapwa-) « occiput » > dng. kopo, mig. kupo, jeg. kofo (HS : 337). Il est évident qu’il y a, non seulement, une ressemblance formelle marquée entre le gr. k£p-ia et sem. kapa[y]-, aram. (syr.) qōpyō mais aussi un rapprochement sémantique en raison du fait que ces noms désignent quelque chose ayant une forme arrondie, telle que la tête, l’occiput ou le bulbe de l’oignon.
3- [cepdˈɔsje] est un nom composé de qepë « oignon » < lat. CĒPA (cfr. étymologie ci-dessus) et de son spécificateur dosje « de truie » ; tout comme pour les autres structures motivationnelles formées de « aliment + animal » présentes dans notre corpus, celle-ci aussi indique qu’il s’agit d’une plante sauvage aux propriétés thérapeutiques, ces dernières ayant été lexicalisées au moyen de la métaphore zoomorphique.
4- [buʎɡˈaz] bulgazë est probablement un emprunt aux langues slaves où l’on trouve les correspondances suivantes : pol. bulga « floraison » ; h.a.a. bulga « sac en cuir » ; tch. boule « bosse sur le corps » ; tch. bulka « corps gonflé, enflé » ; pol. buła « grand pain rond » ; uk. bułka « rouleau » ; h.a.a. būlla « pustule » ; lit. bulbé « bulbes » (EWSS : 24). Ce qui nous a en fait convaincus qu’il s’agit d’un emprunt au slave, plutôt que d’un mot dérivé, c’est la position de l’accent qui en albanais ne tombe pas ‒ comme règle ‒ sur la voyelle finale du thème sauf dans les mots empruntés après la fin du processus de réduction en < -ë- > des voyelles post-toniques dans le corps du mot. Lorsque ce processus a épuisé ses effets, la conservation des voyelles non atténuées a eu comme conséquence le déplacement de l’accent sur la voyelle finale du thème27 , tout comme cela s’est passé dans d’autres emprunts au slave, notamment alb. zakòn < slv. zàkon « habitude, coutume » ; alb. kastravèc < slv. kràstavec « concombre » ; etc. (Topalli, 2007 : 41). On peut faire encore une dernière remarque à propos de ce phytonyme et qui concerne l’origine phonosymbolique plus que probable de la base lexicale bulg- associée en littérature (Contini, 2009 ; Ulmann, 1975 ; Grammont, 1930 ; Balconi, 2001) à l’image de la ʻrondeurʼ, elle évoque une forme arrondie, telle que les bulbes du muscari ou les référents indiqués par les mots présents dans les langues slaves que nous avons indiqués ci-dessus. La recherche de Trumper portant sur le trait de la ʻrondeurʼ dans les phytonymes romans (2007) identifie, pour confirmer notre interprétation, une liaison évidente entre une base PIE. HAOM[H]L- ʻpommeʼ (fruit rond) + ʻrondeurʼ (> lat. MĀLUM, alb. mollë) et une base paa. -B-L- ʻenfleurʼ, ʻplénitudeʼ, ʻrondeurʼ ; ces deux bases de départ ont probablement abouti à une base commune B(V)HL- ʻenflerʼ qui les réunit toutes les deux et dont les langues celtiques témoignent d’un certain nombre de dérivations régulières dès l’antiquité : ML- > BL- / *MR- > BR- (Trumper, 2007 : 247). En dernier lieu, le suffixe diminutif alb. -zë exprime l’idée de « petit » et est utilisé de manière régulière pour la formation des noms des plantes en albanais (Xhuvani et al., 1962 ; Ressuli, 1986).
5- [rambaʃwˈɔɣ] est un emprunt de l’abr. rambašciónə « ail à toupet » (DAM : 1661) qui est la forme avec rhotacisme de lambasciunə « framboise » (DAM : 969), mais dont l’étymon n’est pas très clair.
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Pauline Mayer, autrice d'un article intitulé "Traiter l'herbe en aliment : la plante sauvage manipulée." (2017, Actes du séminaire d'ethnobotanique de Salagon) évoque le muscari comme plante alimentaire sauvage et décrit l'imaginaire qui lui est donc associé en tant que telle :
On assiste en Europe, depuis le XIXe siècle, à un déclin des pratiques de cueillette domestique (Turner et al., 2011 ; Luczaj et al., 2012). Pourtant, cette activité sociale de prélèvement de végétaux spontanés et utiles dans l’espace naturel n’a pas disparu. Elle devient même, dans les sociétés contemporaines, une pratique que l’on peut qualifier de récréative et par laquelle s’affirme un rapport nouveau à la « Nature » (Bromberger & Lenclud, 1982 ; Julliand, 2008). Elle témoigne en outre de l’influence de nouvelles tendances dans la nutrition et l’automédication (Luczaj et al., 2012). En effet, depuis les années 1970, et de manière plus accentuée depuis les années 2000, de « nouveaux cueilleurs » réinvestissent les savoirs naturalistes liés aux plantes spontanées – aussi bien dans leurs emplois culinaires (régimes alimentaires innovants et singuliers) que médicinaux (renouveau de l’herboristerie, savoirs thérapeutiques populaires).
[...]
Néanmoins, consommer la plante spontanée au même titre qu’un autre aliment ne va pas de soi. Pour ces populations rurales nouvelles et souvent venues de la ville, la plante sauvage comestible – tantôt appréciée, tantôt dépréciée – porte un statut ambivalent. Si elle est l’objet d’un désir en tant qu’aliment, la traiter comme tel pose problème : la catégorie des denrées dites « sauvages » est exclue du mangeable. Ce sont les plantes cultivées et domestiquées qui pourvoient d’ordinaire à alimenter l’humanité. Les plantes sauvages ne peuvent donc pas a priori être consommées, car, comme l’écrit Claude Fischler (1990, p. 37) : « Partout, consommer des aliments classés non comestibles, impurs, est un acte ignoble qui contamine son auteur. »
Si elles sont en premier lieu exclues de la catégorie d’aliment, c’est d’abord parce qu’elles ont la réputation de ne pas nourrir, alors que c’est justement ce qui est censé être le propre d’un aliment. Et elles ne deviennent donc comestibles qu’en dernier recours : l’imaginaire des nouveaux cueilleurs l’associe d’emblée à la survie, à la pauvreté, aux disettes.
La plante sauvage évoque le souvenir de la dernière guerre à ceux qui l’ont connue, et aux autres l’idée qu’on la mange lorsqu’on n’a « pas d’autre choix ». Un organisateur de sorties divulgue la connaissance des plantes comestibles sous la forme de « stages de survie douce ». D’autres montrent aux apprentis cueilleurs des plantes dites immangeables, comme le muscari (Muscari sp.), « au cas où ». L’impression que la plante va laisser sur sa faim est renforcée lorsqu’on compare sa taille à celle de ses homologues cultivés. Elle ne saurait donc constituer une base alimentaire : on recommande de prendre les premières feuilles du « brocoli » (Lepidium draba) parce que « les boutons, vous allez en avoir plein la dent creuse et puis voilà, pour nourrir votre famille nombreuse aussi vous allez ramer ». On offre parfois du saucisson en accompagnement, « pour remplir ». Néanmoins, lorsqu’ils se sont repus d’un plat « sauvage », les plus militants des nouveaux cueilleurs ne manquent pas de le souligner pour attester de sa quantité : « Moi hier, j’ai fait une soupe pour trois personnes avec les poireaux [sauvages] ».
Cette représentation s’inscrit dans la continuité d’une histoire sociale qui dévalorise non seulement le sauvage, mais aussi le légume, en le reléguant aux classes dites inférieures de la société. En effet, historiquement dans les campagnes françaises, la consommation de chair animale a été pour les classes aisées un moyen de se différencier des mangeurs de végétaux pauvres (Méchin, 1997) : ce sont les classes dites inférieures qui avaient un régime peu carné, au Moyen Âge (Grieco, 1996) comme à l’ère de l’industrialisation (Ouédraogo, 2009). Et jusqu’au XVIe siècle encore, « viandes » est employé dans le sens générique d’aliment.
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Contes et légendes :
Dans Des étoiles aux plantes : petite cosmogonie catalane (Presses universitaires du Mirail, 1994) Joan Amades relève un conte qui met en parallèle le muscari et la vigne :
Comment furent créés le cep de vigne, le muscari (calabruixa) et la ronce.
Voici que Notre-Seigneur et le démon parièrent pour savoir lequel des deux ferait la plante la plus jolie et la plus réussie. Notre-Seigneur fit le cep de vigne, plein de grappes de raisins doux, et le diable fit le misérable muscari, laid sauvage et désagréable. Certains disent qu'il fit la ronce, pleine d'épines et rancunière comme lui, qui blesse et pique tous ceux qui s'approchent d'elle.
Maria Coll. Gelida, 1915.
Bibl. Alcover, Rondaies, V, p. 26.
D'après Alcover, ce terme désignerait le plus souvent une des espèces de muscaris et, notamment, Muscari comosum ou Muscari racemosum. De la famille des Liliacées, les plantes du genre Muscari portent des fleurs bleues ou rouges violacées disposées en grappes, ce qui explique qu'elles soient ici présentées comme une copie imparfaite de la vigne.
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