Étymologie :
Étymol. et Hist. xiiie s. saxefrage (Le Livre des simples medicines, éd. P. Dorveaux, p. 179) ; ca 1265 saxifrage (Voc. Plantes, ms. Harley 978, éd. T. Wright, 140a). Empr. au lat. saxifraga « plante employée pour dissoudre les calculs », « plante de rocaille non déterminée » (v. André Bot.).
Lire également la définition du nom saxifrage afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Saxifraga - Casse-pierre - Désespoir du peintre - Herbe à la gravelle - Herbe saint Pierre - Perce-pierre - Sanicle des montagnes -
Saxifraga granulata - Saxifrage granulée -
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Botanique :
Ce sont des plantes rupicoles : elles s'installent dans les interstices des rochers, d'où leur nom venant du latin saxum, le rocher et frangere, briser. Elles ont souvent développé des capacités étonnantes pour vivre au contact de la pierre (écarts de température importants, vents puissants) et aller puiser l'eau et les éléments fertiles dans les moindres anfractuosités.
Au jardin, les saxifrages sont souvent considérés et utilisés comme des plantes de rocaille. Ils sont appréciés à la fois pour leur feuillage et leur floraison.
Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de la Saxifrage granulée :
Propriétés Physiques et Usages médicaux. - Cette plante est le Saxifraga alba des anciennes officines ; on lui attribuait autrefois des propriétés diurétiques et lithontriptiques ; on se servait de l'infusion des racines dans du vin blanc ou de la décoction dans l'eau. On l'a dite emménagogue et désobstruante (Fuchsius). Les tubercules ont une saveur amère ; les feuilles sont âcres et piquantes suivant Linné, acidules et insipides suivant Haller et Mérat, insipides ou faiblement acerbes d'après Cazin. On administre encore comme faiblement diurétique l'infusion ou la décoction des racines à la dose de 60 grammes par kilogramme d'eau.
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Symbolisme :
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Saxifrage - Embarras.
A voir l’énorme développement de végétation de cette plante, il semble qu’elle doive donner une fleur en proportion de la grandeur de son feuillage : elle ne donne qu’une petite fleur rose insignifiante. C’est la montagne qui enfante une souris.
Jean François Bonaventure Fleury, auteur de Rabelais et ses Œuvres : Livre III.-Pantagruel... (Vol. 2. Didier, 1877) évoque brièvement une croyance populaire relative à la saxifrage :
Les jeunes filles russes qui veulent voir d'avance leur fiancé mettent sous leur oreiller les sept ou neuf herbes de la Saint Jean. Ces herbes sont la fougère, la saxifrage (?) à laquelle on attribue la vertu d'ouvrir les portes fermés à clef ; la stipa pennata suivant les uns, la gypsophile suivant les autres, qui a, dit-on, la propriété de s'animer tout à coup et de se mettre à courir par les champs, - et quelques autres plantes sur la nature desquelles on varie, mais qui doivent expressément être cueillies dans la nuit de la Saint-Jean, c'est-à-dire à l'ancienne fête païenne de l'équinoxe d'été.
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
Selon un récit de haute Bretagne, une jeune fille pleurait sur le rocher d'une falaise. Elle avait été conduite là par sa belle-mère qui, avant de la laisser seule, lui remit une graine noire avec ordre de la semer et d'en obtenir un végétal comestible. Survint alors sa marraine qui lui recommanda de jeter la graine sur le rocher : « aussitôt, de toutes ses fissures, on vit sortir le saxifrage (plante herbacée des pierres) que les gens de la côte mangent avec du vinaigre, et qui a la propriété de guérir les fièvres ».
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Mythes et légendes :
Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :
La méchante belle-mère d'une jeune fille de la Haute-Bretagne la conduisit un jour sur la falaise et lui remit une sorte de graine noirâtre en lui disant de la semer sur le rocher, et de ne rentrer à la maison que lorsque cette graine aurait produit une plante bonne à manger. La pauvre tille pleura si abondamment, que la mer en devint, dit-on, plus grande sa marraine, qui demeurait dans une houle du voisinage, ayant appris la cause de ce phénomène, vint trouver sa filleule et lui ordonna de jeter sa graine sur le rocher: aussitôt de toutes ses fissures, on vit sortir le saxifrage, que les gens de la côte mangent avec du vinaigre, et qui a la propriété de guérir les fièvres.
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Littérature :
Selon l'article de Patrick Guay, intitulé « Aux racines », publié dans le Bulletin de la Société des amis de la bibliothèque et de l’histoire de l’École polytechnique (Sabix) [En ligne], 61 | 2017 :
Comme ces plantes qui poussent dans un sol maigre et rocailleux, je me serai formé au milieu d’une absence complète d’encouragements.
Jacques Spitz, Journal.
Cette plante à laquelle Spitz fait allusion, la saxifrage, ce sera le titre choisi par lui pour un essai demeuré inédit : « La saxifrage, plante. Étymologiquement : qui brise les rochers. Un beau titre… » [Journal, mai 1935]. Indice que ce travail a progressé, Spitz écrit quelques mois plus tard : « Il me semble que dans La Saxifrage, je n’ai pas pu faire ressortir théoriquement, à cause du tour littéraire de l’ouvrage, cette importance de la déduction quantique qui oblige à considérer qu’il y a liberté, seule réalité, et non pas liberté d’indifférence. » [Journal, hiver 1936.] Il faut déjà noter le double renvoi scientifique et métaphysique qui deviendra une quasi-constante chez lui. Il revient encore à ce projet autobiographique à quelques reprises : « Dans un livre comme La Saxifrage, faire des facultés dialectiques un usage littéraire est absolument nécessaire, mais me peine. Quelle serait donc cette nécessité littéraire plus importante, plus essentielle que la rigueur ? J’y crois, sans y croire. Au-delà de la raison, il y a quelque chose que la littérature peut faire sentir : à cela je m’emploie. » [Journal, printemps 1936]. Je note ici son « un livre », signe que le projet lui tient à cœur et qu’il le considérait même comme une publication potentielle. Cette tentation périodique apparaît indissociable de la volonté de faire le tour de soi. Il écrit vers mars 1937 vouloir reprendre La Saxifrage. Quant à la référence à cette plante appelée aussi casse-pierre, elle parle. Mais le jeune Jacques Spitz s’est-il réellement développé seul, dans un milieu aride, sans aucun support ? J’ai peine à le croire et je pense qu’en imageant ainsi ses origines et sa formation il a plutôt voulu insister sur le sentiment d’adversité, de solitude et d’isolement qui le suivra sa vie durant. Qu’il ait pu être un enfant vaguement malheureux, je veux bien.
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