Étymologie :
Étymol. et Hist. 1808 (J. de bot., t. 1, p.96). Empr. au lat. sc. passiflora « id. » 1735 (Linné, Syst. Nat., Regnum vegetabile, gynandria. Pentandria. Passiflora) d'apr. le nom flos passionis donné dès 1737 par Linné (v. NED, s.v. passiflora), formé des élém. passi-, de passio, -onis, v. passion et de -flora, de -florus, de flos, floris « fleur ».
Étymol. et Hist. I. 1598 « bois des Iles appelé aussi ébène rouge » (R. Regnault, Hist. naturelle et moralle des Indes [trad. du texte esp. d'Acosta], fo185 rods Arv., p. 253). II. 1602 Granadilla « fruit de la Passion » (A. Colin, Hist. des Drogues [trad. de l'esp. par l'intermédiaire d'un texte lat.], p. 668, ibid.) ; 1647 Grenadille (Relation de l'Isle de la Guadeloupe, fo20 vo, ibid.). I empr. à l'hispano-amér. granadillo « id. ». II empr. à l'hispano-amér. granadilla « fleur et fruit de la Passion » (v. Al.), tous deux dimin. de granada « grenade » (v. Cor., s.v. grano) : granadillo en raison de la couleur rouge de ce bois, granadilla en raison de la ressemblance de ce fruit avec la grenade.
Lire également la définition des noms passiflore et grenadille afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Passiflora incarnata - Fleur de la passion - Grenadille.
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Botanique :
Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt évoque les différents modes de communication chez les animaux et chez les plantes :
Comme le dit justement Pierre Rossion dans un récent article, « si l'on pouvait attribuer un quotient intellectuel aux végétaux, les plantes grimpantes viendraient en tête, et ce prix d'intelligence se doublerait d'un prix de gymnastique » (Pierre Rossion, Science et Vie, 1990, n°877). De fait, leurs prouesses étonnent et évoquent à nouveau, pour les botanistes, la notion d'« intelligence végétale » chère à Maeterlinck. Et Rossion d'ajouter que « les lecteurs qui auront planché sur les nœuds marins au cours d'un stage de voile ou de leur service dans la Royale, seront surpris d'apprendre qu'une plante grimpante comme la passiflore utilise les variantes du nœud de vache, de chaise, ou du nœud simple... pour se fixer sur ses supports ! »
Passiflora incarnata est la seule passiflore inscrite à la pharmacopée et la seule reconnue en médecine pour ses propriétés sédatives et anxiolytiques intéressantes. Passiflore edulis est la passiflore la plus utilisée dans le domaine agroalimentaire.
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Selon Yves Lies, auteur d'une plaquette intitulée "La Passiflore" et éditée par l'Institut Européen des Substances Végétales :
La passiflore est une plante grimpante à feuilles alternes que l’on rencontre essentiellement en Amérique Centrale et du Sud, mais aussi en Asie tropicale, en Australie et en Polynésie. Ses fleurs, solitaires, sont de grande taille (5 à 9 cm). Le fruit est ovoïde et ressemble à une petite pomme à chair jaune. On utilise en thérapeutique les parties aériennes de passiflore.
Eric Julien et al., dans Le choix du vivant. (Éditions Les Liens qui libèrent, 2018) prend l'exemple de la passiflore pour nous faire comprendre la nécessité de certaines transformations :
La morphogénèse : ces lois qui déterminent les formes, aussi bien en biologie (l'ensemble des transformations que subit l'embryon avant d'obtenir sa forme spécifique), qu'en géographie (phénomènes naturels déterminant la création des reliefs), nous permet de comprendre que la création d'une forme n'est pas un simple processus aléatoire.
Il s'agit de la matérialisation d'un ensemble de paramètres, certains visibles d'autres non, dont l'intention doit avoir un sens, pour celui qui la conçoit, et pour ceux qui la perçoivent. Si la forme n'a plus de sens, ne répond plus à un besoin, une alternative s'offre à elle : soit elle évolue et se transforme, soit elle disparaît. L'exemple de la passiflore est remarquable. Cette liane, plus connue par ses fruits, les fruits de la passion, peut se métamorphoser plus de 150 fois en une dizaine d'années, afin d'échapper aux ruses et aux agressions de son seul ennemi, la chenille papillon Heliconius, qui dévore ses feuilles. Tous les systèmes, qu'ils soient vivants ou économiques, n'ont pas cette capacité de métamorphose. Il est parfois nécessaire de traverser le chaos pour reconstruire, renaître ou repartir de zéro.
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Dans La Vie sexuelle des Fleurs (Éditions E/P/A Hachette Livres, 2022), illustré par Loan Nguyen Thanh Lan, Simon Klein explicite les mécanismes de reproduction des fleurs :
Passiflore : Exubérante mais bigote
Symbole d'exotisme, cette liane fait sensation dans les jardins d'Europe avec notamment une espèce ne craignant pas le froid, la passiflore bleue (Passiflora caerulea). Cette belle fleur circulaire est une rareté du point de vue anatomique : tout est fait pour favoriser la pollinisation en attirant les abeilles et les bourdons là où il faut !
La passiflore a été importée d'Amérique du Sud lors des premières explorations par les conquistadors espagnols au XVIe siècle. Les missionnaires jésuites se sont rapidement attribué la fleur (comme ils ont vite accaparé les richesses locales) et en ont fait un support d'évangélisation auprès des peuples précolombiens. En effet, ils y ont vu les signes de la passion du Christ, ce qui a valu à cette liane son nom scientifique et vernaculaire. Tout d'abord, la liane, ses vrilles et ses feuilles leur ont permis d'évoquer les mains et les fouets des bourreaux du Christ. Puis en observant la fleur, ils ont pu associer divers éléments pour les rattacher à l'événement de la crucifixion : les trois boules noires portées par le segment sombre, tout d'abord, font penser aux trois clous, puis les cinq masses de pollen directement en dessous sont les cinq plaies du corps de Jésus, ensuite on retrouve lune image de la couronne d'épines dans cette magnifique couronne de pétales colorées, et enfin les dix sépales verdâtres semblent se référer à dix des apôtres du Christ. Cette fleur a donc servi le discours évangélisateur des premiers missionnaires, mais la Passion associée à cette fleur aurait pu annoncer les souffrances à venir des peuples soumis à la colonisation.
En Amérique latine et centrale, il existe de nombreuses espèces de passiflores dont ne qui donne le fruit de la passion ou maracuja. Dans ces régions, les passiflores sont souvent pollinisées par des oiseaux, comme les colibris, ou par des chauves-souris. Cela explique en partie le fait que le pistil et les étamines sont charnus et tournés vers le bas, afin d'être plus résistants aux pollinisateurs un peu trop gourmands.
Le stratagème : La passiflore bleue d'abord acclimatée en Europe est maintenant répandue dans le monde entier où elle est parfois envahissante, comme en Espagne ou en Nouvelle-Zélande. La drôle d'architecture des passiflores permet la fécondation croisée. Tout d'abord, le rayonnement des filaments fait converger tous les yeux composés des insectes vers le centre de la fleur, là où les odeurs sont des plus attractives. En venant se poser, les abeilles et les bourdons se dirigent vers le centre plus foncé, où se situe une rigole à nectar, sorte de rivière souterraine que seules les langues assez longues peuvent atteindre. Et alors qu'ils se régalent en tournant autour du pilier central, les insectes sont, aux premiers jours de la fleur, saupoudrées de pollen, en touchant, de leur dos, les anthères bien mûres. pendant ce temps, le pistil, qui est formé de trois segments terminés par une boule, est redressé vers le haut. Aucun risque donc que le pollen de la fleur entre en contact avec les stigmates. Cela évite l'autofécondation.
Au deuxième jour de la fleur environ, les étamines se sont vidées et ont flétri. Le pistil redescend et arrive à la hauteur d'un bourdon ou d'une abeille qui butinent le nectar. A ce moment-là, tout insecte qui a visité une fleur un peu plus jeune juste avant, et s'est donc retrouvé avec du pollen sue le dos, va entrer en contact avec les stigmates qui sont descendus. le pollen de la première fleur visitée entrant en contact avec le stigmate, la fécondation croisée est assurée.
La magnifique fleur de passiflore a pu fasciner tout d'abord en servant de support facile d'évangélisation, pus les botanistes se sont interrogés sur son architecture particulière. Elle n'a maintenant plus de secrets pour vous !
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Phytothérapie traditionnelle :
Clément Berliet dans sa Thèse d’exercice (1992, Thèse de doctorat, Université de Limoges) précise les caractéristiques de la passiflore :
La passiflore est utilisée dans les troubles mineurs du sommeil. On utilise les parties aériennes de Passiflora incarnata. Les autres espèces de passiflore (Passiflora edulis, Passiflora quadrangularis…) ne correspondent pas à la passiflore officinale et ne sont pas indiquées en thérapeutique. C’est une liane vivace à tiges ligneuses grimpantes. Ses feuilles vertes sont trilobées aux bords finement dentés et la fleur est pentamèrique, odorante et elle peut mesurer jusqu’à 5 cm de diamètre. La fleur est pourvue d’un calice à 5 sépales, d’une corolle13 de pétales blancs ornée d’une double couronne de filaments pourpres, de 5 étamines et d’un pistil puis de l’ovaire.
Constituée principalement de flavonoïdes et d’alcaloïdes (dérivés harmaniques), elle contient également une très faible teneur en huile essentielle qui est riche en limonène et α-pinène.
Selon la pharmacopée, la drogue est constituée par les tiges et les feuilles et elle se caractérise par des fragments de tiges creusés et par des vrilles. Utilisée en cas d’insomnie, la passiflore provoque un sommeil proche du sommeil physiologique et elle sera indiquée chez l’hyperactif stressé dont l’endormissement est difficile et qui a un sommeil superficiel et agité.
Les propriétés anxiolytiques (extrait hydroalcoolique) et sédatives (extrait aqueux) ont été explorées par de nombreuses équipes de recherche et montrent l’importance du solvant d’extraction. L’action sédative est attribuée à la fraction flavonoïdique de la drogue et des expérimentations animales ont mis en évidence une prolongation significative du sommeil. Cependant, la passiflore a toute sa potentialité thérapeutique quand ses flavonoïdes sont en présence des alcaloïdes (harmane et dérivés).
La passiflore est également utilisée dans les troubles d’accélération cardiaque entraînés par le système nerveux sympathique et c’est la plante la plus adaptée pour calmer les enfants dans le cas de surexcitation ou d’insomnie par agitation. La pharmacopée européenne possède des monographies concernant la drogue et son extrait sec mais, dans les deux cas, une teneur minimale de 1,5 % en flavonoïdes est requise.
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Dans sa thèse de doctorat en pharmacie soutenue en 2010 à l'université de Nantes et intitulée Le genre Passiflora L. : d'une fleur symbolique à de multiples utilisations, Julie Lambert rapporte de nombreux usages anciens :
À la fin du XVIème siècle, les aztèques utilisaient déjà les passiflores qu’ils cultivaient pour la consommation des fruits et pour les propriétés sédatives et hypnotiques (Clavilier, 2009).
Les Indiens Cherokee réalisaient des infusions de racine pour l’usage local contre les abcès et les douleurs auriculaires (Fleurentin et Hayon, 2007).
Les Amérindiens se servaient des feuilles en cataplasmes pour soigner les blessures et les ecchymoses. Les jus de fruit étaient utilisés pour soigner les douleurs oculaires et les feuilles broyées pour soulager les hémorroïdes, les brûlures et les éruptions cutanées.
Beaucoup d’espèces du genre Passiflora sont utilisées dans les thérapeutiques traditionnelles de différents pays. (Dhawan et al, 2004). Parmi lesquelles, on peut citer les utilisations suivantes :
Passiflora foetida est utilisée en Guadeloupe comme hypotenseur, régulateur de la fonction hépatique et vermifuge ; alors qu’au Congo, elle s’emploie en instillation nasale contre l’épilepsie, en cataplasmes pour soigner les affections bronchiques et en tisanes en cas de blennorragie.
Le fruit de Passiflora edulis est utilisé aux Antilles comme hypotenseur.
Les feuilles de Passiflora laurifolia servent de désinfectant de panaris, de furoncle et de vermifuge (Boullard, 2001). Mis à part leurs propriétés thérapeutiques, les passiflores ont un intérêt dans le domaine agro-alimentaire et comme plantes d’ornement.
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le Langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de la grenadille :
GRENADILLE BLEUE - CROYANCE.
On trouve figurés, dans la fleur de la Grenadille, une couronne d'épines, le fouet, la colonne, l'éponge, les clous et les cinq plaies du Christ. C'est pourquoi on l'appelle aussi Passiflore, fleur de la Passion.
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Grenadille bleue - Croyance.
Les étamines, le pistil et le stigmate de cette fleur figurent, dit-on, les instruments de la passion de J.-C. Voilà pourquoi on l’appelle aussi passiflore ou fleur de la passion.
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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :
GRENADILLE BLEUE - CROYANCE.
Il est impossible de plaire à Dieu sans la foi, car pour s'approcher de Dieu il faut croire premièrement qu'il y a un Dieu et que Dieu récompense ceux qui le cherchent.
— Hébreux 11, 6.
La grenadille bleue est originaire du Brésil, ses feuilles sont palmées à cinq ou sept digitations. Ses fleurs sont solitaires, larges de trois pouces, verdâtres en dehors et blanches en dedans. Sa couronne frangée est bleue vers l'extrémité des filaments, purpurine vers la base avec un cercle blanc dans la partie moyenne. On a donné à cette plante le nom de passiflore ou fleur de la passion parce qu'on s'est figuré retrouver dans les différentes parties de sa fleur, les instruments de mort de Jésus-Christ ; une couronne d'épines, le fouet, la colonne, l'éponge, les clous et les cinq plaies du Christ.
DE LA GRENADILLE BLEUE.
La grenadille bleue est une belle plante, aujourd'hui cultivée presque partout en Europe, dans les contrées tempérées et méridionales ; elle garnit très agréablement les berceaux, les tonnelles et les terrasses ; elle masque la nudité des murs et réjouit la vue par la beauté de ses fleurs, qui, à la vérité ne durait qu'un jour, mais se succèdent depuis les premiers jours de juillet jusqu'aux premiers froids de l'automne. Placée dans un bon terrain et à une température convenable, on la voit en moins de quatre ans garnir le plus vaste pavillon en treillage et procurer une ombre très épaisse.
Voici comment le Père Rapin décrit la grenadille dans ses jardins :
« Placée sur une haute tige, elle semble porter une couronne épineuse au-dessus de ses feuilles profondément découpées et bouclées sur les bords. Du sein même de cette fleur s'élève une colonne, surmontée de trois points séparés, semblables à des clous aigus. Divin Rédempteur, ce sont les signes augustes de vos cruelles douleurs qu'elle nous retrace ! »
Dubois a dit en chantant la même fleur :
De quel sombre appareil sa tête s'environne !
Auprès d'un pal sinistre, et de clous hérissé,
Repose un lourd marteau, qu'une affreuse couronne
Dans ses replis tient embrassé.
Pour qui réserves-tu ces apprêts redoutables ,
Sévère grenadille ? Eh ! quoi donc parmi vous,
Peuple charmant, est-il quelquefois des coupables,
Ainsi qu'il en est parmi nous ?
Non , non ; vous respirez la candeur, l'innocence ;
Et si près de vos fleurs j'aperçois quelques traits,
Ces armes sont pour vous une juste défense,
Et non l'instrument des forfaits.
Mais quel affreux tableau vient déchirer mon âme... ?
Je vois , je vois Solyme et ce funeste lieu,
Où par mille tourments, sur une croix infâme,
Des bourreaux immolent un Dieu.
Toi qui de son trépas nous retrace l'image,
Funèbre grenadille, à nos yeux, chaque jour,
Que de tristes couleurs offrent le témoignage,
De nos forfaits, de son amour.
Sans cesse redis nous : Quand votre auguste maitre
Pour vous rendre la vie expire sous vos coups,
Du moins par vos vertus, songez à reconnaître
Le prix du sang versé pour vous.
RÉFLEXIONS.
La foi nous fait regarder com me des biens ce que le monde regarde comme des maux ; et comme des maux ce que le monde appelle des biens : et c'est de la différence de ces idées, que nait la différente conduite des justes et des pécheurs.
(Mme DE LA SABLIÈRE.)
Quand on ne peut pas croire qu'il y a une révélation, on ne croit rien fixement, fermement, invariablement.
(JOUBERT.)
Si notre vie ne répond à la pureté de notre croyance, nous nous exposerons à des supplices épouvantables.
(S. CHRYSOSTOME, Homélies.)
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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Grenadille ou Passiflore, vulgairement Fleur de la passion - Culte - Croyance - Religion.
Les plantes qui portent le nom de passiflores sont nombreuses et sont presque toutes grimpantes. C'est dans les forêts de l'Amérique intertropicale qu'il faut aller pour les voir dans toute leur splendeur, soit qu'elles laissent pendre en festons flamboyants leurs longues tiges chargées de fleurs d'un pourpre étincelant, soit qu'elles accrochent leurs vrilles aux buissons qu'elles décorent de leurs charmantes fleurs bleues, blanches, roses, lilas ou violettes. Elles tirent leur nom de grenadille de la forme et de la contexture de leur fruit qui renferme des graines entourées d'une pulpe sucrée et disposées comme celles de la grenade. Ces fruits sont souvent d'une saveur exquise et d'une odeur délicieuse. Les organes centraux de la fleur du passiflore tels que les pistils, les étamines, les nectaires, etc., affectent des formes particulières dans lesquelles les anciens chrétiens ont cru reconnaître les instruments de la passion de Jésus Christ, tels que le marteau, les clous, la couronne d'épines, le roseau, etc.
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France-Marie Renard-Casevitz reproduit des motifs picturaux dans un article intitulé "Inscriptions. Un aspect du symbolisme matsigueng" paru In : Journal de la Société des Américanistes (Tome 67, 1980, pp. 261-295) et en donne la signification symbolique. L'un d'entre eux est défini ainsi :
Nosangatakero shimoritogi : « j'ai dessiné la fleur de la passion ». Il faut noter que shimori signifie bulle d'air et shimoritogi, écume en plus du sens précédent, fleur du passiflore. Ainsi dans la langue matsiguenga, la délicate fleur blanche et l'écume sont synonymes à moins que l'homonymie provienne, comme je le pense, d'une proximité sémantique des signifiés.
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Passiflore (Passiflora incarnata) a les caractéristiques suivantes :
Genre : Féminin
Planète : Eau
Élément : Vénus
Pouvoirs : Guérison ; Paix ; Sommeil ; Amitié.
Utilisation magique : Contrairement à ce qu'exprime son nom, la Passiflore se conserve dans une maison pour que la paix et le calme y règnent, et pour que disparaisse toute espèce de perturbation. Portée sur soi, elle attire amitié et popularité. Déposée sous l'oreiller, elle facilite le sommeil.
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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :
La passiflore ou "fleur de la Passion" - appelée ainsi car ses fleurs sont étoilées - présente des filaments comparés à la couronne d'épines, son pistil comporte trois styles (clous de la Passion) et ses feuilles sont aiguës (la lance) ; elle fait régner paix et calme dans une maison et en éloigne "toute espèce de perturbation" Portée sur soi, elle attire l'amitié et la popularité ; glissée sous l'oreiller, elle facilite le sommeil.
Note = style : "Partie allongée du pistil (et du carpelle), entre l'ovaire et le ou les stigmates" (Le Petit Robert).
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Julie Lambert dans sa thèse de doctorat en pharmacie soutenue à l'université de Nantes et intitulée Le genre Passiflora L. : d'une fleur symbolique à de multiples utilisations (2010) précise que :
La passiflore fut une des plantes symboliques utilisées par les missionnaires espagnols pour propager la parole de Dieu. (Couplan, 2000) (Knapp et al, 2003).
L’Europe découvrit les passiflores seulement après la conquête de l’Amérique par les espagnols. Ils les appelèrent granadillas en raison de la ressemblance de leurs fruits avec les grenades utilisées à l’époque. (Ulmer et Mac Dougal, 2004) (André, 1995)
[...]
En 1569, Nicolas Monardes, médecin espagnol, a publié son travail sur les plantes et les herbes médicinales utilisées en Indes occidentales. Dans la seconde édition de 1596, une monographie décrit la grenadille. Il fut le premier à la décrire et à rapporter une certaine similitude entre la fleur et les marques de la crucifixion du Christ. (Ulmer et MacDougal, 2004) (André, 1995) (Clavilier, 2009). [...]
La légende de la fleur de la passion ainsi que l’origine du nom de la plante sont souvent attribuées à Jacomo Bosio, moine scolastique italien. En 1609, Emmanuel de Villegas, moine mexicain en voyage à Rome, lui présenta des illustrations d’une passiflore. Jacomo Bosio fut d’abord sceptique quant à l’existence de cette fleur insolite, mais ses doutes s’envolèrent lorsqu’il découvrit les dessins, descriptions, textes et poèmes ramenés à Rome par d’autres jésuites. (Knapp et al, 2003) (Ulmer et MacDougal, 2004) (Vanderplank, 2000)
Jacomo Bosio inclût la passiflore dans son traité consacré à la croix et au calvaire du Christ en 1610. Pour lui, Passiflora caerulea était la preuve absolue de l’existence du Christ et de sa Passion. (André, 1995)
La fleur reste ouverte une journée puis se referme, ce qui signifie pour Jacomo Bosio que les mystères de la Croix et de sa Passion devaient rester ignorés des populations païennes jusqu’au jour choisi par le Seigneur. (Knapp et al, 2003) (Vanderplank, 2000).

Sur la figure suivante, on peut observer les différentes structures de Passiflora caerulea ayant inspiré Jacomo Bosio. Il est parfois difficile de retrouver tous ces éléments car sa description est éloignée de la fleur réelle.
Il décrit les structures suivantes de P. caerulea comme les représentations du calvaire du Christ :
La colonne centrale représentait la croix.
Les 3 styles du pistil symbolisaient les 3 clous utilisés pour sa crucifixion.
Les 5 étamines teintées de rouge figuraient les gouttes de sang coulant des 5 plaies du Christ.
L’ovaire volumineux évoquait l’éponge imbibée de vinaigre.
La couronne et ses 72 filaments rappelaient la couronne du Christ tressée de 72 épines.
Les filaments à pointes rose vif représentaient le fouet sanglant.
Les feuilles à 3 lobes rappelaient la lance.
Les taches rondes foncées sur la face inférieure des feuilles figuraient les 30 pièces d’argent que Judas reçut pour avoir trahi son maître.
Les vrilles représentaient le fouet.
(Fleurentin et al, 2007) (Knapp et al, 2003) (Pelt, 2004) (Vanderplank, 2000).
Certaines passiflores ont été introduites en Europe par les conquistadors espagnols au XVIIème Siècle dont Passiflora incarnata qui fut la première espèce à être cultivée à Paris en 1612. (Ulmer et MacDougal, 2004). Durant ce siècle, de nombreuses descriptions et illustrations d’espèces de passiflores ont été retrouvées. Les botanistes adaptèrent la symbolique à la forme des fleurs des espèces nouvelles :
Les 5 pétales et les 5 sépales devinrent les 10 apôtres présents à la crucifixion, Pierre et Judas étant absents.
Les 3 grandes bractées devinrent la Sainte Trinité.
(Knapp et al, 2003) (Vanderplank, 2000).
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Doreen Virtue et Robert Reeves proposent dans leur ouvrage intitulé Thérapie par les fleurs (Hay / House / Inc., 2013 ; Éditions Exergue, 2014) une approche résolument spirituelle de la Passiflore :
Nom botanique : Passiflora spp.
Propriétés énergétiques : Vous permet de ressentir l'amour de vos anges ; remédie à la sensation de solitude ; apporte réconfort et sérénité et vous relie à vos anges, à Dieu, aux autres planètes et aux étoiles. Archanges correspondants : Raziel.
Chakras correspondants : chakra du cœur ; chakra du troisième œil ; chakra coronal.
Propriétés curatives : La passiflore est une fleur délicate et intéressante. Son inflorescence rappelle le symbole du chakra coronal. Elle contribue à ouvrir ce dernier pour une meilleure communication avec le divin, et renforce le lien qui vous unit aux anges ainsi qu'aux autres planètes et étoiles (uniquement avec votre permission).
Le mot passiflore fait penser à la passion, ce que cette fleur contribue à attirer à vous avec mesure. Votre conscience se déplacera vers votre cœur pour que vous puissiez distinguer l'amour qui vous entoure en permanence. Il est inutile de chercher cet amour chez une autre personne, car vous l'avez toujours eu en vous. La passiflore vous rappelle que vous n'êtes jamais seul et vous relie à la compassion et au soutien des anges.
Message de la Passiflore : « J'ouvre votre chakra coronal pour vous permettre de prendre contact avec l'amour universel, inconditionnel et divin qui vous entoure. Ne vous sentez pas seul, car le ciel vous offre son réconfort et sa paix en permanence. J'ouvre votre cœur pour que vous sentiez la présence des anges. N'oubliez pas de solliciter leur aide lorsque le besoin se fait sentir. Invoquez-moi si vous êtes dans une impasse ou ne savez pas quelle direction prendre. Je vous mettrai en contact avec l'énergie des anges qui vous guideront. Je peux rapprocher ces êtres divins de vous pour que vous entendiez plus clairement leurs messages. Élevons vos dons divins vers des plans supérieurs. »
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Maïa Toll, auteure de L'Herbier du chaman, 36 cartes divinatoires, A la rencontre de la magie des plantes (Édition originale 2020 ; Édition française : Larousse, 2021) nous révèle les pouvoirs de la Passiflore (Passiflora incarnata) :
Mot-clef : Quiétude exubérante
La passiflore est un paradoxe. elle grimpe vigoureusement (certains diront de façon envahissante), envoyant ses doigts explorateurs à travers les lattes des clôtures et les fentes des murs. « Qu'y a-t-il plus loin ? » se demande-t-elle, essayant toujours d'aller voir de l'autre côté, de s'étendre au-delà de ses limites. Même ses fleurs manifestent une énergie frénétique ; elles s'ouvrent en explosant au monde dans une intensité rare.
La passiflore met toute son énergie dans son effort pour atteindre, grimper, et voir ce qui se passe au-delà. Et pourtant... elle soigne grâce à ce calme magique qui s'instaure quand la télé, l'ordinateur et le portable se font soudain silencieux. Elle vous supplie de faire une pause dans votre quête incessante, de prendre le temps de vivre une expérience nouvelle : la quiétude intérieure. Pourquoi ? Parce que sa capacité à rester clame et silencieuse est le secret de son expansion exubérante, sans stress ni burn out.
Rituel : Sentir l'expansion
« Soyez en expansion », vous dit la passiflore en contournant un pot de fleurs pour se diriger jusqu'au fond du jardin.
Êtes-vous prête à sentir dans votre corps ce que ça fait d'être calme et retenue, mais dans une expansion exubérante ?
Tenez-vous debout dans l'embrasure d'une porte, les paumes des mains tournées vers vous.
Pressez le dos de vos mains contre le chambranle de la porte.
Poussez avec vos ras aussi fort que possible (vos muscles peuvent trembler un peu, c'est normal), en comptant lentement jusqu'à 40, puis relâchez.
(« Faites-le, c'est tout ! » dit la passiflore. Elle vous laisse la surprise finale, ne voulant surtout pas vous empêcher d'explorer par vous-même).
Réflexion : L'inventaire de votre vie
La passiflore nous enseigne le pouvoir de l'équilibre : faire et ne pas faire, pensée critique et rêverie, état de veille et sommeil. Son pouvoir est de tout faire avec vigueur, donnant la même importance et la même intensité à chaque activité qu'elle accomplit en restant concentrée sur le moment présent. Faites l'inventaire de votre vie :
Dans quels domaines de votre vie vous sentez-vous joyeusement impliquée ?
Avez-vous perdu votre enthousiasme à l'égard de certains aspects de votre quotidien ?
Gérez-vous péniblement votre travail ou votre vie de famille ?
La passiflore aborde toute chose avec curiosité, même quand il faut faire la vaisselle ou donner un bain au chien. Elle ne veut pas vous voir renoncer aux tâches les plus ordinaires ; elle sait que vous devez arroser les plantes et faire le lit. Elle veut que vous fassiez l'effort de mettre de la joie et de la curiosité dans tous les aspects de votre quotidien.
« Je n'ai pas de talents particuliers. Je suis juste passionnément curieux. »
(Albert Einstein)
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Symbolisme alimentaire :
Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :
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Mythologie :
D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),
PASSIFLORA, ou fleur de la passion. — Ainsi nommée parce qu’on a cru, en France comme en Italie, y reconnaître les instruments de la passion de Jésus-Christ, et la croix elle-même. C’est pourquoi on vénère spécialement cette fleur.
Selon Annie Boule, dans un article intitulé "Notes sur la civilisation guaranie" paru In : Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 1, 1965. pp. 255-278, :
L'étrange et symbolique mburucuyâ (passiflore) si souvent commenté et représenté (en particulier sur les timbres d'Uruguay...) ne pouvait que couronner ces légendes relatives aux plantes d'Amérique tropicale. Son histoire est en effet une triste idylle qui rejoint celles de Léandre et Héro, de Roméo et Juliette et surtout de Pyrame et Thisbé — puisque dans ce dernier cas le sang des deux jeunes gens qui se sont tués par amour colore le mûrier «dont jadis les fruits étaient blancs». Il était donc une belle espagnole, nommée Mburucuyâ par le chef guarani qui l'aimait.
Mais le père de la jeune fille, un sévère capitaine qui s'opposait à leur union, tua un jour en secret le malheureux amant. Lorsque Mburucuyâ l'apprit par la mère du jeune homme, elle creusa une fosse où elle déposa le corps de celui qu'elle aimait, et se transperça le cœur d'une flèche qu'il lui avait donnée. La vieille indienne recouvrit les deux corps et quelque temps après elle vit jaillir de la sépulture une plante inconnue... Il restait à rattacher cette tradition aux attributs de la passion du Christ qui caractérisent la passiflore: pour tout accorder, même si l'interprétation n'est pas très orthodoxe, les indigènes ajoutèrent donc que Celui qui était mort pour l'amour des hommes avait approuvé le sacrifice de la jeune fille...
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