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La Botryche lunaire

Dernière mise à jour : 23 août


Étymologie :


Selon Wikipédia :


« Botrychium » vient du grec « botrus », grappe (allusion à l'aspect des fructifications). « Lunaria », quant à lui vient du nom médiéval de la plante, Lunaria minor, se rapportant à la forme du limbe ressemblant un croissant de lune.


Autres noms : Botrychium lunaria - Bon raisin - Botruche - Botrychion - Bourse de Saint-Antoine - Déferra-tsao (déferre-cheval) - Déferro-mulé (provençal) - Fey à tsavô (fer à cheval - patois savoyard) - Fougère en grappe - Grappo (Chartreuse) - Griffe du diable - Herbe à la lune - Herbe à la route - Herbe aux cavaliers - Herbe de bon raisin - Herbe du bon Dieu et du diable - Herbe de mal au ventre - Langue de cerf - Langue de couleuvre - Lunaire - Osmonde lunaire - Petite Lunaire -

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Botanique :


Voir la fiche de R. BAJON, mars 2000. Botrychium lunaria (L.) Sw., 1801. (In Muséum national d'Histoire naturelle [Editeur]. 2006. Conservatoire botanique national du Bassin parisien)


Mme Rivière-Sestier, autrice d'un article intitulé « En Haut-Dauphiné : Botanique et remèdes populaires. » (in : Bulletin de la Société Botanique de France, 1963, vol. 110, no sup2, pp. 159-176) mentionne un endroit particulier - du moins en 1963 - où l'on peut trouver cette plante étrange :


La Vulnéraire des Chartreux pousse en abondance dans les rochers abrupts qui avoisinent le sommet du Charmant-Som, dans les hauts pâturages où les gens de la région viennent cueillir cette curieuse Ophioglossacée, le Botrychium Lunaria, qui passe pour apaiser et guérir les coliques des bêtes et des gens.

 












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Usages traditionnels :


Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102,‎ 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :


èrba du bon dyö e du dyâblo, f. = « herbe du bon Dieu et du diable » = Botrychium lunaria.

Utilisée autrefois comme jouet par les enfants, la fronde représentant l'herbe du bon Dieu, les sporanges la corne du diable.

 

François Couplan dans Le Régal végétal, reconnaître et cuisiner les plantes comestibles (Éditions Sang de la Terre, 2015) nous apprend que :


Dans le Vercors, le Botrychium lunaria (botryche lunaire) était naguère utilisé pour préparer la « liqueur de bon raisin », bue contre les coups de froid.

Les jeunes frondes fertiles, très tendres, croquent sous la dent. Elles ont un goût agréable, avec une texture farineuse.

Dans l'Himalaya et en Nouvelle-Zélande, on aurait consommé après cuisson à l'eau les jeunes pousse du Botrychium virginianum, qui croît naturellement en Europe centrale et orientale.

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Selon un article d'Étincelle sur le blog à Dupdup :

Dans le Vercors, on fabrique la « liqueur de bon raisin » réputée combattre les coups de froid ou les maux de ventre. Appliqué sur la peau, le « bon raisin » est utilisé pour « tirer le pus ».


Dans les commentaires du même article, Josiane précise que : « En Suisse, je vais chaque année fin juin début juillet en ramasser sur la route du col du Saint-Bernard. Ici on l’appelle la griffe du diable et j’en fais un baume avec des huiles essentielles qui fait merveille contre les douleurs d’arthrose, polyarthrite, arthrite des doigts. »

 

Sur le site du Parc Naturel régional de la Chartreuse, on peut lire que :


Son nom local « herbe de bon raisin » ou « grappo », doit autant à la forme de ses rameaux fertiles qu’à ses prétendues vertus médicinales. En Chartreuse, elle est considérée comme une panacée.

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Symbolisme :


Selon Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, n°102,‎ 1984, pp. 129-158), la Botryche lunaire était appelée :


èrba du bon dyö e du dyâblo, f. = « herbe du bon Dieu et du diable » = Botrychium lunaria : utilisée autrefois comme jouet par les enfants, la fronde représentant l'herbe du bon Dieu, les sporanges la corne du diable.

 

Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Botryche lunaire (Botrychium lunaria) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Lune

Élément : Eau

Pouvoirs : : Gains matériels - Clé passepartout - Pouvoir de déferrer les chevaux.


Utilisation rituelle : Des Botryches déposées devant la porte d'un célibataire ou d'un veuf indiquent qu'il détourne les femmes du droit chemin et que, s'il continue, les maris bafoués pourraient bien lui river son sabot.


Utilisation magique : Dans beaucoup de comtés ruraux d'Angleterre, on utilise cette plante lorsque des gains matériels sont recherchés. Quand un héritage soulève d'épineux problèmes financiers, on va, la nuit, déposer des Botryches lunaires sur la tombe du défunt ; on en jette également devant la porte du notaire chargé de régler la succession.

De vieilles traditions attribuent des vertus magiques à cette curieuse petite plante de montagne qui n'a qu'une seule feuille, mais divisée en plusieurs lobes arrondis ayant la forme de quartiers de lune. Si l'on place à telle ou telle date (variable d'une commune à l'autre) une feuille de Botryche dans une boîte, celui qui rouvrira la boîte (à une autre date ritualisée) la trouvera remplie d'espèces sonnantes et trébuchantes.

Si vous avez perdu votre clé, ne vous lamentez pas devant la porte close : une tige de Botryche, introduite dans le trou de serrure, avec ses lobes (qui peuvent effectivement faire penser au panneton cranté d'une clé), fait céder en un clin d'œil les verrous les plus résistants.

Une tradition tenace, commune à toute l'Europe et importée aux États-Unis avec la vague d'immigrants du XIXe siècle, attribue à la Botryche l'étrange pouvoir de déferrer les chevaux et les mulets. Dans plusieurs localités des Alpes tyroliennes, la même herbe brise des chaînes rien qu'en les touchant…

Dans les monts Grampians d'Écosse, la plante sert parfois aux charmes d'amour.

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Tony Goupil, dans un article intitulé "La Lune et ses relations avec les premiers botanistes" (LEJEUNIA, Revue de Botanique, Nouvelle série N° 191, Avril 2014) nous en apprend davantage :


Une plante de la lune particulière : la petite lunaire

Deux plantes « lunaires » ont été surnommées « fer à cheval » (Fig. 5) selon les régions et pays. L’hippocrépide, nous l’avons vu avec l’exemple de Giambattista DELLA PORTA, mais aussi la botryche lunaire. Cette partie visera à présenter quelques données sur Botrychium et sur le folklore végétal prêtant à cette plante une intimité avec le métal. La botryche lunaire (Botrychium lunaria) ou petite lunaire, est aussi appelée en italien Sferra cavallo (déchausse-cheval) dans la dénomination populaire, car une superstition faisait croire aux montagnards que si le fer d’un cheval la touche, il tombe et se brise à l’instant. D’ailleurs en patois vaudois, la plante a pour nom « Déferra-tzao » (déferre-cheval). Cette croyance botanique est plutôt ancienne puisqu’elle est attestée déjà à la Renaissance. En effet Claude DURET, auteur d’une Histoire admirable des plantes esmerveillables en 1605, dit d’ailleurs dans son poême la chose suivante sur la « Lunaire » :


« D'abondant on sçait assez la vertu, force & efficace de l'herbe qui croist à présent és montagnes nommée Lunaire, laquelle aussi tost qu'elle est pressée & foulée au pied d'un cheval, les déferre du tout ».


Cela est repris en littérature et notamment en poésie. Guillaume DU BARTAS nous a laissé ces très beaux vers sur la lunaire dans sa Sepmaine, rappelant sa propriété insolite qui l'émerveille tant :


M'arresteray-je icy ? Les Cavalots qui paissent

Dessus quelque vert tertre, où les Lunaires croissent,

S'en revont chaque soir & sans fer & sans cloux,

Chez leur maistre estonné. Lunaire où cachez vous

Cest aimant, qui le fer si puissamment attire ?

Lunaire où cachez vous la tenaille qui tire

Les fers si dextrement ? Lunaire, où cachez vous

La marechale main, qui arrache les cloux

Si doucement des pieds ? Quelle forte ferrure

Domptera vos efforts, si la ferme chaussure

D'un cheval qui ne fait que peu d'arrest sur vous,

De vos subtiles dents ne garantit ses cloux ?


Cette propriété que l'on peut qualifier d'occulte du point de vue de la philosophie naturelle n'a pas échappé quelques siècles plus tard à Victor HUGO dans L'homme qui rit :


« - Vous avez nié qu'une herbe comme la securiduca, pût faire tomber les fers des chevaux.

- Pardon, répondit Ursus. J'ai dit que cela n'était possible qu'à l'herbe sferra-cavallo. Je ne nie la vertu d'aucune herbe. »


Appelée aussi Osmonde lunaire (Osmunda lunaria) par la présence d'un croissant de lune sur ses feuilles, elle était réputée vivre en osmose avec l'astre des nuits. En effet le nombre de ses folioles augmente ou diminue en fonction que la lune elle-même croît ou décroît. Cette plante était donc en sympathie avec les rayons lunaires. Cela fut repris même jusque dans la littérature médicinale :


« Que cela ne vous surprenne pas, vos chevaux ont marché sur une herbe que nous appelons Sferra cavallo, qui éclaire la nuit comme une chandelle ; tous ceux que nous nourrissons pendant l'été dans cette montagne, nous avons soin de les faire déferrer auparavant que de les mettre en pâturage, sans cela nous perdrions tous les fers, quand même nous les ferions ferrer tous les jours ».

Benoit VOYSIN. Le médecin familier et sincère. Turin, 1747


Cette luminescence de la lunaire a été mentionnée plusieurs fois à la Renaissance, notamment par Jean WIER (1515-1588), célèbre pour avoir lutté contre la chasse aux sorcières, dans son ouvrage Histoire des diables : « L’herbe communément nommée Lunaire, que aucuns appellent l’estoile de terre, qui porte sa semence en une petite graine ronde, s’ouvre de nuict & reçoit tellement les rayons de la lune qu’il semble que ce soit une étoile luisante. Les habitants des lieux ou telle herbe se trouve, voyans cette clarté la fuyent, estimans que ce soit un fantome dangereux ».

Jean WIER. Histoires, disputes et discours des illusions et impostures des diables,

des magiciens infâmes, sorcières et empoisonneurs. Chapitre XVIII, 1579.

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Sur le site Acteur Nature de Bernard Burlet on peut lire l'article suivant, qui fait le tour des usages magiques encore connus de la Botryche lunaire :


La botryche lunaire : une relique arctico-alpine


La botryche lunaire est une petite fougère vivace que l’on trouve principalement dans les Alpes et les Pyrénées à l’étage montagnard et jusqu’à plus de 2500m. Aujourd’hui c’est une curiosité végétale qui n’est plus employée en thérapeutique mais dont se souviennent encore les vieux Dauphinois. Appelée langue de cerf, herbe à la lune , lunaire, herbe de bon raisin, cette fougère est nommée par les botanistes : Botrychium lunaria L. et fait partie de la famille des Ophioglossacées. C’est une plante montagnarde qui affectionne les pelouses rases sur terrains acidophiles bien exposés au soleil à partir de 1500m d’altitude. On peut la retrouver à basse altitude dans les régions arctiques de notre planète. Elle est composée d’une seule fronde stérile imparipennée à feuilles en demi-lunes d’où son nom de lunaire et d’un rameau fertile sporangifère en forme de grappe de raisin d’où son nom vernaculaire d’herbe de « bon raisin » employé par beaucoup d’anciens chartroussins. Le nom scientifique de Botrychium fait également référence au grec botrys qui signifie grappe. Cet aspect étrange et un peu mystérieux évoquant un lointain passé (certains auteurs parlent d’un « fossile vivant ») où les plantes à fleurs n’existaient pas encore, explique peut-être les usages magiques qui ont accompagnés cette fougère singulière. En Suisse, dans le canton de Vaud la botryche avait la propriété de déferrer les chevaux qui avaient posé leurs sabots sur cette plante. Dans beaucoup de régions elle avait aussi la réputation de pouvoir ouvrir les serrures rouillées tandis que les alchimistes la ramassaient pour changer le mercure en argent. Au Moyen–âge on se servait de la botryche pour prédire l’avenir mais son usage magique le plus important était celui de pouvoir vous rendre invisible à condition de la ramasser le soir de la pleine lune. Aujourd’hui peu de gens connaissent la botryche et encore moins ses utilisations en médecine populaire car la transmission de ce savoir traditionnel s’est éteinte. Seules quelques personnes âgées se souviennent encore d’être allé ramasser au cours de leur jeunesse l’herbe de bon raisin ou l’herbe de « mal au ventre ». Ce nom vernaculaire évoque l’utilisation principale de la plante : les troubles digestifs, les coliques, la diarrhée mais aussi les « maux de ventre » des femmes c’est-à-dire les douleurs menstruelles. Faut il faire le rapprochement entre le cycle féminin basée sur les lunaisons et la « signature » lunaire de la botryche ? La plante était utilisée principalement en infusion et certaines personnes témoignent d’un usage vétérinaire notamment pour le vêlage chez les vaches et les « coliques » des bêtes. La cueillette s’effectuait en début de saison avant la fin juin au moment où les autres herbes sont encore peu développées. En effet ,le cycle de cette fougère est rapide, se flétrissant après la maturation des spores et perdant ainsi toute activité thérapeutique. Aucun usage alimentaire n’est rapporté en Chartreuse ou en Savoie mais dans le Haut Jura certaines personnes la consommait en salade… A ma connaissance la botryche n’a jamais été inscrite à aucune pharmacopée officielle et n’a fait l’objet d’aucune étude scientifique. Compte tenu des usages populaires , je ne serai pas surpris que l’on découvre des composés à action anti-spasmodique mais peut-être vaut-il mieux que cette fougère lunaire garde tout son mystère…

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Le Magazine Plantes et Santé (n°194, octobre 2018) propose un article intéressant sur la Botryche lunaire :



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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


SFERRACAVALLO (Cf. Cheval). — En Italie, ce nom est donné à une plante qu’on croit capable de déferrer les chevaux (on dit, en France, arrête-bœuf). D’après les alchimistes, cette herbe, qu’ils appelaient Lunaria minor, servait à tirer l’argent véritable du vif argent (mercure). Mattioli en donne cette description (De Plantis, Francfort, 1586) : « Caules habet angulosos striatosque, ramulis numerosis refertos, semen e siliquis prodit lunatum, bicorne. »

[Traduction : Il a des tiges anguleuses et striées, remplies de nombreuses branches, et produit des graines à partir de gousses lunaires, à deux coins.]

 

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Dans les montagnes d'Albertville, c'est le Botrychium lunaria qui a ce pouvoir [déferrer les chevaux], qu'on lui attribuait communément à l'époque de la Renaissance :


Lunaire, où cachez-vous la tenaille qui tire

Les fers si dextrement ? Lunaire, où cachez-vous

La mareschale main qui arrache les clous

Si doucement des pieds ?

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