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L'Arolle

Dernière mise à jour : 23 août




Étymologie :


  • AROL(L)E,(AROLE, AROLLE), subst. masc.

ÉTYMOL. ET HIST. − 1760 arole (Mém. Soc. oecon. Berne, 852 ds Pat. Suisse rom.) ; 1874 arolle (Eug. Rambert, Poésies, p. 207 ds Littré Suppl. : Un vieil arolle cacochyme, Enfant perdu, qui sur l'abîme Étend ses bras). Terme de la Suisse romande, prob. empr. à un gallo-rom. *areilla qui remonterait à un type préroman *arua localisé dans la région alpine (cf. suisse all. arve ou arbe « pin, cembre », Kluge20, s.v. Arve ; et prov. alevo, arvo, auvo « cône de pin, pin pignon » ds Mistral) à rapprocher de la forme aravicelos var. pour aquicelos et ravicelos mots employés par Pline, Hist. nat., XV, 36 au sens de « résine de pin sauvage utilisée chez les Tauréni du nord-ouest de l'Italie comme remède contre la toux » d'apr. Pat. Suisse rom. ; cf. en vaud. la forme arrallaz, 1731, Arch. Veytaux M. ibid.


Lire également la définition du nom arolle afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Pinus cembra - Alève - Arve - Auvier - Cembro - Cembrot - Cimbro - Pin arole - Pin cembro - Tinier -

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Toponymie :


Selon Hubert Bessat et Claudette Germi, auteurs de Les noms du patrimoine alpin : atlas toponymique II, Savoie, Vallée d'Aoste, Dauphiné, Provence. (Vol. 2. Ellug, 2004) :


Le pin cembro (pinus cembra) offre des caractéristiques remarquables : son implantation dans les secteurs élevés des Alpes à la limite de la végétation forestière, sa résistance aux rigueurs climatiques, la qualité de son bois utilisé en ébénisterie, les vertus thérapeutiques de sa résine et la valeur comestible des amandes contenues dans ses cônes. Tous ces facteurs ont sans doute contribué à bien individualiser ce pin qui, à l'ouest de l'arc alpin du Saint-Gothard aux Alpes-Maritimes a conservé des désignations dialectales remontant à plusieurs variantes d'un étymon prélatin *arawo. Ces variantes ont produit des formes dialectales et toponymiques très dissemblables du nord au sud des Alpes, notamment du fait de l'évolution de l'initiale vocalique et de l'alternance L/R. [...] Les variantes de l'appellatif couvrent l'ensemble des Alpes et les attestations toponymiques qui en dérivent peuvent être un indice d'une végétation forestière disparue des hauts alpages ou des abords des glaciers, soit en raison d'une surexploitation de l'arbre, soit suite à une évolution climatique. Il arrive en effet que l'on découvre sur quelques-uns de ces lieux-dits Arolley, Rollaz, Erole, Allèves, Elve, Eouve, aujourd'hui déserts, des vestiges de troncs d'arolles enfouis dans des tourbières depuis des siècles.

 

Selon Louis Deroy, auteur de "Jeux de mots, causes de légendes" (paru in Revista Letras. 11. 10.5380/rel.v11i0.19907, nov. 2010) :


En Suisse, dans le voisinage de Zermatt, le nom de la localité d'Aroleit, qui procède d'*Arolletum 'bois d'arolles', a' été interprété par les gens de langue alémanique comme un composé de aar 'aigle' et leid 'souffrance', et il en est sorti la légende de la mère à laquelle un aigle ravit son nourrisson couché sur le pré, légende mise en poésie par Gottfried Keller. (1)


Note : 1) [W . von Wartburg, Problèmes et méthodes de la linguistique, trad par P. Maillard, Paris 1946, p. 113.]

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Botanique :


Eugène Rambert, auteur de Études d'histoire naturelle : Les Alpes suisses (Librairie F. Rouge, 1888) décrit avec lyrisme les arolles de la montagne :


Dans les parties chaudes des Alpes, dans le canton de Vaud, en Savoie, en Valais, dans le Tessin, ailleurs encore, les pentes inférieures sont couvertes de châtaigniers ; plus haut, le hêtre et le sapin vivent ensemble et forment des forêts étendues ; puis le sapin règne sans concurrence jusqu'à ce qu'il rencontre, lui aussi, un climat trop sévère, et qu'il cède la place à l'arolle¹ et au mélèze.

[...]

Cependant il est quelques vallées, surtout dans les Grisons, où il existe au-dessus des derniers sapins des forêts considérables, en Engadine, par exemple. Ce sont des forêts de mélèzes et d'arolles . Il est difficile de réunir deux espèces de conifères plus différentes d'aspect. [...]

Quant à l'arolle, il n'a rien de l'humeur cosmopolite du mélèze, qui s'accommode de toutes les altitudes ; il n'habite que les Alpes les plus élevées, et s'il l'emporte sur le sapin, ce ne peut être que par un redoublement de vigueur. Malgré la finesse de son bois rouge et parfumé, c'est un vrai lutteur, aux bras musculeux, né pour braver les plus furieuses tempêtes et les climats les plus sauvages. Il n'est pas de tronc aux formes plus athlétiques ; les rameaux en sont fièrement dressés ; il porte de longues aiguilles sombres, triangulaires, groupées en bouquets, à la manière des pins, et attachées cinq à cinq dans la même gaîne. On retrouve jusque dans les fruits ce caractère de force et de rude énergie ; ce sont des cônes ronds, noirs, compactes, couverts d'un enduit résineux, et qui mettent des années à mûrir. Enfin, l'arolle ne se dresse pas en une flèche élancée ; il s'arrondit en dôme au sommet, et c'est avec raison qu'on l'a nommé le cèdre des Alpes.

[...]

Si nous retournions en Engadine, nous passerions sans intermédiaire des forêts aux gazons. Les arolles et les mélèzes s'y établissent si haut qu'il n'y a pas de buisson qui l'emporte sur eux.

 

Article intéressant de Sabine Brodbeck et Félix Gugerli, (2010) : "Un roi dans les Alpes. Sombre sentinelle des chemins" in Les Alpes n°6/2010 : pp. 32-37 :





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Usages traditionnels :


Dans un ouvrage intitulé Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) le médecin-botaniste Alfred Chabert réalise une enquête ethnobotanique des plus riches...


Toujours très estimée dans nos hautes montagnes est l'Arolle, graine du cembrot, Pinus cembra. Celle-là, les montagnards ne la laissent pas perdre. Ils la récoltent avec soin pour la manger grillée ou pour en faire de l'huile. (1). Malheureusement, ils ont dans les Casse-Noix, Nucifraga caryocacactes, des rivaux ailés très actifs, qui en consomment et en perdent des quantités considérables.


Note : 1) Dans le Valais, m'écrit le professeur Wolf, les habitants des montagnes sont très friands des noisettes du Pinus cembra, ils rôtissent les cônes au feu ou les conservent pour l'hiver. Pendant les longues soirées, ils jouent aux cartes et les enjeux sont des pépins d'Arolle. Ces délicieux fruits jouent un grand rôle dans les légendes valaisannes.

[...]

L'arolle, graine de cembrot, Pinus cembra, fournit une huile qui n'est pas mauvaise. Son usage, très étendu autrefois, s'est restreint de plus en plus et est appelé à bientôt s'éteindre.

[...]

Dans quelques hautes vallées du Piémont, le bois du cembrot, Pinus cembra, est très estimé pour faire des vases à conserver le miel ; en Savoie, cet emploi n'est pas connu.

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A. Meilleur Brien, auteur de "Gens de montagne plantes & saisons. Savoirs écologiques de tradition à Termignon (Savoie)." (In : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°1/1985. pp. 6-79) note :


alvô (m. ) ou pignër (m. ) : Pinus cembra L. Pin cembro. Arolle.

Plante à plusieurs emplois. Les pignons (lé pigné) ramassés en automne étaient consommés en hiver. Le bois était recherché pour faire des ustensiles, des meubles, des portes d'étables et des abreuvoirs (car il est imputrescible à l'eau et dédaigné par les cochons).

 

Dans les vallées alpines, il est de tradition de fabriquer les lits en bois d'arolle parce qu'il favorise l'endormissement, comme le rappelle cette description commerciale d'un artisan menuisier spécialisé dans la literie :


"L’arolle massif est le bois idéal pour un lit. En effet, les huiles essentielles qu’il dégage en permanence améliorent la qualité du sommeil. Ainsi, elles ralentissent les battements du cœur et facilitent l’endormissement.

Alors, vivez cette nouvelle expérience et passez à l’atelier pour suivre la fabrication de votre lit en arolle au fil des jours. En repartant, emportez des copeaux d’arolle pour rembourrer votre oreiller par exemple ! Ainsi, vous découvrirez ce parfum qui vous apportera détente et sérénité."

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Suzanne Chappaz-Wirthner, dans un article intitulé "Tschäggättä au Lötschental", paru en 2012, expose les caractéristiques de ce rituel toujours vivant dans lequel le bois d'arolle est primordial puisqu'il constitue la matière première des masques utilisés :


[...] Devenus, au fil des années, les emblèmes du Lötschental, les Tschäggättä sont aujourd’hui propulsés sur la scène touristique et médiatique nationale et internationale. Ce rôle public soulève la question de leur représentativité. Quels sont les critères qui définissent la Tschäggätta « authentique » ? Qu’est-ce qu’un masque du Lötschental « typique » ? Les réponses à ces questions divergent, ce qui suscite parmi les sculpteurs et les porteurs de masques des tensions et des débats souvent vifs, mais assure par là même la vigueur de cette « tradition vivante » et sa transmission aux jeunes générations.


Figures masquées du Lötschental : Les Tschäggättä sont des personnages carnavalesques propres au Lötschental. Ils portent des masques en bois d’arolle, des peaux de chèvre ou de mouton maintenues à la taille par un collier de vache auquel est suspendue une cloche, des souliers de montagne enveloppés de jute et des gants de laine mis à l’envers. Du 3 février, le lendemain de Maria Lichtmess, fête de la Purification de la Vierge, au Mardi gras à minuit, ils sortent dans les rues enneigées tous les jours sauf le dimanche, poursuivant les femmes et les enfants pour leur frotter le visage de leurs gants passés dans la neige. Jusqu’à la fin des années 1950, ces apparitions carnavalesques sont l’apanage des jeunes hommes célibataires du Lötschental ; elles s’inscrivent dans le champ des fréquentations amoureuses lui-même soumis au rythme des activités saisonnières inhérentes à l’économie de subsistance de cette vallée alpine ; à travers les rôles rituels impartis aux hommes et aux femmes, celui de prédateurs pour les uns, de proies pour les autres, elles affûtent les différences entre le masculin et le féminin, contribuant ainsi à la reproduction de la collectivité.

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Symbolisme :


Selon Agnès Addey, thérapeute et enseignante en olfactothérapie, l'huile essentielle d'Arolle permet de nous mettre sur "le chemin de l'individuation" pour "nettoyer le miroir de la conscience" en stimulant le chakra du troisième œil.


Pour en savoir plus, on peut consulter la page dédiée aux plantes reliées à ce chakra.

 

Comme l'arolle ne donne ses premières fleurs qu'après avoir atteint l'âge de 50 à 60 ans, il me semble qu'on peut considérer qu'il symbolise cet âge précieux où la femme est totalement libérée des pulsions et injonctions de création physique et où elle peut librement se consacrer à la création spirituelle de son être. Venant de passer symboliquement dans l'âge de cette sagesse des Grands-Mères, je suis tout particulièrement sensible à cette énergie de floraison et de fructification tardives.

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L'arolle se trouvant aux altitudes les plus élevées et supportant des températures allant de - 40° à + 40°, on peut considérer qu'il symbolise une extrême résistance à l'environnement et aux conditions adverses. De plus, même si leur croissance est extrêmement lente, il n'est pas rare de rencontrer des arolles pluri-centenaires, longévité qui vient corroborer la force intrinsèque de ce pin.

 

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