L'Amanite panthère
- Anne
- 18 févr. 2022
- 20 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 oct.
Autres noms : Amanita pantherina - Agaric dartreux - Agaric panthère - Crapaudin gris - Fausse golmelle - Fausse golmotte - Faux missie (Lorraine) - Grapaoudin gris (Hérault) - Lera negra (Nice) -
Mycologie :
Dans son Atlas des champignons comestibles et vénéneux de la France et des pays circonvoisins. (Doin Éditeurs, 1888) Charles Richon évoque la toxicité de cette redoutable amanite après l'avoir décrite :
Chapeau ferme, ouvert, à bords striés, à chair blanche, ne changeant pas de couleur, recouvert d'une pellicule visqueuse brunâtre à laquelle res tent adhérentes les particules verruqueuses, blanchâtres du volva ; stipe plein, puis creux, presque glabre, blanc, renflé à la base où il demeure en touré d'un anneau circulaire, reste du volva ; voile oblique, blanchâtre, retombant, assez rarement persistant ; lamelles blanches, à peu près libres ; spores sphériques, apiculées, blanches.
Odeur faible ; saveur douceâtre puis vireuse.
Été et automne.
Dans les clairières, les bois découverts et montueux.
Espèce vénéneuse.
Parmi les Oronges vénéneuses dont parle Pline, on a supposé qu'il pouvait avoir eu en vue l'Oronge panthère dans le passage où il les représente a comme des champignons secs qui ont l'aspect du nitre (nitri similes) et des taches blanches (guttas albas) sur le chapeau, restes de leur enveloppe. L'expression nitri similes est fort obscure : doit-on l'interpréter comme se rapportant à une teinte grisâtre ou blanchâtre du chapeau ? Dans le premier cas, il s'agirait bien de l'Oronge panthère, dans le second, de l'Oronge bulbeuse. Tous les auteurs qui se sont occupés de ce Champignon l'ont, dans tous les cas, signalé comme très vénéneux. Vittadini le considère comme aussi dangereux que la fausse Oronge. Il rapporte une observation faite sur une famille entière qui avait été empoisonnée par l’Oronge panthère, et qui ne fut sauvée que par l'action de l'émétique et de l'ammoniaque. Cordier dit que ce Champignon est très vénéneux, et qu'il l'a expérimenté sur des chiens qui en sont morts. Suivant M. Quélet, l’Oronge panthère, comme la fausse Oronge, produirait à petite dose une folie passagère, et à forte dose causerait la mort. Des expériences faites par M. Louis Planchon le conduisent à placer ce Champignon dans la liste des espèces toxiques, après l'Oronge bulbeuse et avant la fausse Oronge : c'est dire que ses propriétés délétères le rendent très redoutable. On fera donc bien de ne pas le récolter au lieu et place de l'Oronge vineuse qui parfois présente des colorations brunâtres semblables à celles de l’Oronge panthère, et de s'abstenir prudemment de consommer les individus sur lesquels on conserverait des doutes.
Floyd Bucksin et Arlene Benson, auteurs d'un article intitulé "The Contemporary Use of Psychoactive Mushrooms in Northern California" (In : Journal d'anthropologie de Californie et du Grand Bassin, Vol. 25, n° 1, pp. 87-92, 2005) proposent une description de l'Amanite panthère :
INFORMATIONS BOTANIQUES : Amanita muscaria pousse uniquement en symbiose avec les racines de certains arbres, en particulier le bouleau et le pin. Ce champignon caractéristique en forme de parapluie possède un chapeau rouge vif recouvert de protubérances blanches ressemblant à des verrues. Une variété jaune est également présente dans certaines régions d'Amérique du Nord, notamment dans le nord de la Californie. On trouve également dans le nord de la Californie l'Amanita pantherina, qui est de couleur jaune pâle, comme les feuilles mortes. Les deux espèces d'Amanita ont des propriétés hallucinogènes puissantes.
Outre leur couleur, les principales différences entre Amanita muscaria et Amanita pantherina semblent être leur goût et leur puissance. Amanita pantherina « est plus puissant que Amanita muscaria et potentiellement mortel à forte dose » (Biek 1982 : 38). Le goût de l'Amanita pantherina est doux, sans l'effet nauséabond de l'Amanita muscaria (Biek 1982 : 36-38). Le principal principe actif de l'Amanita muscaria et de l'Amanita pantherina n'est pas la muscarine, comme on le pensait autrefois, mais l'acide iboténique, « qui est converti... en muscimol, une forme plus puissante [d'hallucinogène] qui est éliminée dans l'urine » (Arora 1986 : 894).
En Californie, Amanita muscaria « est commun dans la Sierra Nevada mais plutôt rare dans les chaînes côtières » (Arora 1986 : 282-283). Dans le nord de la Californie, on le trouve « dispersé à grégaire dans les forêts de conifères... Il est plus commun le long de la côte » (Biek 1984 : 37). Il existe en deux couleurs : « la variété rouge vif, courante en Eurasie, pousse à Washington, en Oregon et en Colombie-Britannique (ainsi que fréquemment dans la Sierra Madre au Mexique), tandis que la variété jaune prédomine dans les forêts de bouleaux du reste de son aire de répartition » (La Barre 1970 : 371).
Amanita pantherina (« La Panthère ») partage une distribution géographique et un habitat similaires. Elle est « particulièrement courante sous les conifères depuis les montagnes Rocheuses vers l'ouest » (Arora 1986 : 280). La plante utilisée par les Ajumawi dans la vallée de Fall River est Amanita pantherina, plutôt que la variété jaune d'Amanita muscaria.
*
*
Lyra Ceoltoir décrit ainsi l'Amanite panthère dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) :
Il suffit de jeter un coup d'œil à son chapeau pour comprendre ce qui lui a valu son nom : d'un beau brun tirant parfois sur le gris, il est parsemé de flocons blancs qui ne sont pas sans évoquer, en effet, le pelage moucheté d'une panthère. Cette particularité rend l'amanite panthère extrêmement difficile à repérer sur le sol des sous-bois, où elle sait se camoufler aussi efficacement que le félin homonyme.
Vie de champignon : L'amante panthère pousse de la fin de l'été jusqu'à la fin de l'automne, de préférence sous les feuillus, même si elle ne dédaigne pas les conifères. Son apparence est assez proche de celle de sa cousine, l'amanite tue-mouches (Amanita muscaria), mais elle s'en distingue par un chapeau qui, outre sa couleur différente reste toujours convexe. D'une dizaine de centimètres de diamètre, il est parsemé de « flocons » blancs, qui ne changent jamais de couleur. Ce sont les résidus de la volve dans laquelle le champignon a commencé sa vie, comme toutes les amanites. Alors que les autres espèces voient leurs « pois blancs » tourner au jaunâtre ou au brun-gris avec l'âge, ceux de l'amanite panthère restent d'un blanc pur jusqu'à sa décrépitude. C'est d'ailleurs l'un des critères qui permettent de la distinguer de ses cousines, comme l'amanite épaisse (Amanita spissa) ou l'amanite rougissante (Amanita rubescens). Son pied, de 8 à 12 centimètres de haut en moyenne, est blanc, de même que ses lames et son anneau.
Sa toxicité est assez proche de celle de l'amanite tue-mouches, quoique plus violente, puisqu'elle contient jusqu'à trois fois plus de toxines qu'elle. Les cas de mortalité sont rares, mais les dégâts sur l'organisme peuvent être dramatiques : son poison agit très rapidement, environ une demi-heure après l'ingestion, et provoque des douleurs abdominales, des troubles digestifs très violents, une sensation d'ivresse accompagnée de délires psychotropes dissociatifs (furieux ou joyeux, selon les sujets) sous l'action de l'acide iboténique et du mucimole. Si elle fut parfois utilisée comme hallucinogène dans un but chamanique de transe extatique, peu furent ceux qui réitérèrent l'expérience, tant l'empoisonnement est chaotique. Mieux vaut donc la laisser loin de nos assiettes !
*
*
Symbolisme :
Floyd Bucksin et Arlene Benson, auteurs d'un article intitulé "The Contemporary Use of Psychoactive Mushrooms in Northern California" (In : Journal d'anthropologie de Californie et du Grand Bassin, Vol. 25, n° 1, pp. 87-92, 2005) étudient un usage traditionnel et spirituel de l'Amanite panthère :
De nos jours, le peuple Ajumawi, vivant dans la vallée de Fall River, au sud-est du mont Shasta, utilise un champignon jaune aux propriétés hallucinogènes (A. pantherina) à des fins religieuses, et ce, au moins depuis le début du XXe siècle. Si ce champignon était utilisé à l'époque préhistorique en Californie du Nord, comme suggéré ici, l'usage de champignons hallucinogènes en Amérique du Nord pourrait avoir été plus répandu qu'on ne le pensait.
Le sujet de cet article est un champignon toxique, Amanita pantherina, il convient donc de fournir quelques informations générales. L'intoxication par les champignons peut entraîner divers symptômes, allant de troubles gastro-intestinaux relativement légers à des lésions hépatiques et rénales avec destruction cellulaire pouvant entraîner la mort. « Le taux de mortalité [pour Amanita pantherina] est probablement inférieur à 1 %, mais les rapports sont encore insuffisants » (Lincoff et Mitchel 1977 : 195) ; cependant, de grandes quantités (cinq ou plus) de ce champignon peuvent entraîner la mort.
L'Amanite panthère contient de l'acide iboténique et du muscimol. Les symptômes d'empoisonnement apparaissent dans les 30 minutes à deux heures suivant l'ingestion. Ces symptômes comprennent « l'ivresse, le dérèglement des sens, un comportement maniaque, le délire et un sommeil semblable à la mort, dont seules quelques personnes se remettent assez rapidement... » (Lincoff et Mitchel 1977 : 78-79, 195). Les réactions allergiques sont assez courantes et peuvent entraîner la mort ; cependant, le problème le plus grave est que les champignons peuvent être confondus par des cueilleurs inexpérimentés avec d'autres champignons hautement toxiques. « En 1972, quatre membres d'une famille qui venait de déménager du Texas en Californie ont cueilli et mangé des champignons, et deux d'entre eux sont morts. Les champignons étaient des Amanita phalloides que la famille avait confondus avec des champignons comestibles qu'ils connaissaient au Texas » (Lincoff et Mitchel 1977 : 29).
[...] . Ne consommez jamais plus de quatre chapeaux d'Amanita pantherina. Il est également conseillé de conserver un champignon au cas où vous auriez une réaction indésirable. Emportez ce spécimen avec vous à l'hôpital, où il pourra être identifié et où un traitement approprié pourra être mis en place.
***
Il y a quelques années, Peter Furst (1976 : 107) a déclaré que, bien qu'il n'y ait aucune preuve concluante que des champignons psychoactifs aient été utilisés par les Amérindiens au nord du Mexique, plusieurs variétés contenant des composés hallucinogènes poussent sur la côte ouest, notamment l'Amanita muscaria (également connue sous le nom d'amanite tue-mouche). Selon Weston La Barre (1970 : 371), ce champignon est originaire de Colombie-Britannique, de Washington, de l'Oregon et du Colorado, et « la variété jaune se trouve ailleurs en Amérique du Nord ». Par la suite, Schultes et Hofmann (1979 : 84-85) ont rapporté que l'Amanta muscaria était utilisé par les peuples athabascans Dogrib, qui vivaient dans la chaîne de montagnes Mackenzie au nord-ouest du Canada, et par les Indiens Ojibwa qui vivaient sur le lac Supérieur dans le Michigan. De plus, l'utilisation de champignons hallucinogènes en Sibérie et au Mexique est bien documentée (Wasson 1967 ; La Barre 1970 ; Dobkin de Rios 1972 ; Furst 1976 ; Embodden 1979). Il semblait donc étrange qu'il n'y ait aucun rapport sur l'utilisation des champignons hallucinogènes qui poussent dans la région intermédiaire, c'est-à-dire entre le nord-ouest du Canada et le Mexique.
Bien que l'Amanita muscaria pousse dans l'État de Washington, en Oregon et dans le nord de la Californie (Arora 1986 ; Biek 1982), aucune source ethnographique ne mentionne à ce jour l'utilisation de ce champignon ou d'autres champignons hallucinogènes par les Amérindiens de cette région. Cependant, nous présenterons des preuves que le peuple Ajumawi vivant dans la vallée de Fall River, au sud-est du mont Shasta, utilise aujourd'hui un champignon jaune aux propriétés hallucinogènes (Amanita pantherina) à des fins religieuses, et ce depuis au moins le début du XXe siècle. Si, comme nous le suggérons, ce champignon était utilisé à l'époque préhistorique dans le nord de la Californie, alors l'utilisation de champignons hallucinogènes en Amérique du Nord pourrait avoir été plus répandue qu'on ne le pensait auparavant.
[...]
L'UTILISATION ACTUELLE DES CHAMPIGNONS EN CALIFORNIE DU NORD : Nos recherches dans la littérature n'ont rien révélé sur l'utilisation des champignons hallucinogènes en Californie du Nord. Comme indiqué précédemment, Amanita muscaria est originaire de Colombie-Britannique, de Washington et de l'Oregon, où il pousse dans les forêts de pins de la chaîne des Cascades. L'aire de répartition du champignon s'étend vers le sud jusqu'au nord de la Californie, et on le trouve dans les environs du mont Shasta. De plus, un champignon jaune terne, identifié comme Amanita pantherina, pousse dans la vallée de Fall River,au sud-est du mont Shasta. Ce champignon est actuellement utilisé à des fins curatives et religieuses par les Indiens Ajumawi locaux. Le nom indigène de ce champignon est pulqui. (1)
On pense que les champignons commencent à pousser seulement après les orages printaniers accompagnés de tonnerre et d'éclairs. À cette période, les chasseurs de champignons se rendent dans les bois pour appeler les champignons en leur chantant des chansons. Les chasseurs adressent des prières à l'esprit des champignons, au tonnerre et aux éclairs. Aucun champignon n'est cueilli à cette période.
Lorsque les clochettes rouges, les violettes et les cornouillers commencent à fleurir, la chasse aux champignons peut commencer. Les champignons comestibles apparaissent sur les pentes inférieures des grandes montagnes vers la fin du mois de mars. Une grande variété de champignons, comestibles ou hallucinogènes, sont chassés à différentes périodes de l'année. Chaque famille, chaque groupe et chaque individu a ses propres lieux traditionnels de chasse aux champignons.
Actuellement, le champignon hallucinogène jaune est cueilli à l'automne sur les pentes du mont Shasta. Le chef des cueilleurs de champignons porte une grande plume blanche qu'il agite rituellement au-dessus des champignons. Les premiers champignons cueillis sont enfilés et suspendus dans un endroit chaud pour sécher. Après quelques jours, ils sont suspendus au-dessus d'un feu doux et fumés avec des feuilles de chêne. Une fois complètement secs, ils sont placés dans une pochette en cuir jusqu'à leur utilisation.
À l'époque préhistorique, les médecins indiens (chamans) ingéraient ces champignons lors de cérémonies de guérison afin d'induire une transe qui leur permettait de « voir » l'ombre ou l'esprit du patient. Le médecin était également capable de voir les événements passés, présents ou futurs dans la vie du patient. Les esprits des objets inanimés tels que les rochers, les arbres, les montagnes ou les sources peuvent également être vus de cette manière. Le même champignon jaune terne est parfois utilisé aujourd'hui comme substitut au peyotl, car ce dernier est difficile à obtenir dans cette région. Les champignons hallucinogènes n'ont jamais été utilisés pendant la quête de pouvoir.
Quatre champignons produisent généralement les effets souhaités, qui durent environ huit heures. Pendant ce temps, des hallucinations vives se produisent. Il ne faut prendre qu'un seul champignon au début, car les effets varient considérablement d'une personne à l'autre. « Certaines personnes ressentent un inconfort extrême, d'autres ont des rêves vifs, d'autres encore ne ressentent aucun effet » (Arora 1986 : 894). Le champignon est également utilisé à des fins médicales. Le patient ingère une très petite portion d'un seul chapeau, ce qui n'est pas suffisant pour provoquer un inconfort ou des hallucinations, mais suffit à engendrer une sensation de relaxation et de bien-être. Les personnes souffrant d'une affection hépatique telle que l'hépatite ou la cirrhose doivent être traitées avec une grande prudence ; en outre, toute personne souffrant d'alcoolisme ne doit jamais être traitée avec un champignon psychoactif, quel qu'il soit, en raison de ses effets néfastes sur le foie et les reins.
Nous déconseillons formellement l'utilisation de ce champignon à quelque fin que ce soit. « Les amanites sont responsables de 90 % des décès liés à la consommation de champignons » (Arora 1986 : 263). Plusieurs variétés sont mortelles.
INDICATIONS ETHNOGRAPHIQUES SUPPLÉMENTAIRES : Lorsque John P. Harrington s'est rendu dans le nord de la Californie au début des années 1930, il a interrogé plusieurs personnes de la région de Big Bend, notamment des membres de la bande Madeisi de la tribu Ajumawi. Sa liste de champignons comestibles comprend le mak mah ka 'ulah, que Harrington a traduit par « tête d'une espèce de pic... Il s'agit d'un gros champignon rouge, en forme de parapluie, de couleur rouge foncé sur le dessus » (Harrington 1934 : 10). Harrington a traduit par « tête d'une sorte de pic... Il s'agit d'un gros champignon rouge, en forme de parapluie, de couleur rouge foncé sur le dessus » (Harrington 1984 : Reel 27, Frame 115). La description de Harrington suggère qu'il s'agit d'Amanita muscaria ; cependant, il inclut mak mah ka 'ulah dans sa liste de champignons comestibles, avec ph'lko'y. Mahk-mah-kah est le nom ajumawi du pic à crête rouge. (Merriam 1926 : 10).
L'association de ce champignon avec les pics est intrigante. Dans tout le nord de la Californie, les scalps et les plumes de pics étaient associés au chamanisme et à l'acquisition du pouvoir. Les plumes et les scalps étaient et sont toujours utilisés pour les coiffes cérémonielles. Au cours de leur quête de pouvoir, les hommes Hupa recherchaient un kikine (arbre mort debout), où les pics à tête rouge sacrés (kildikikyoh) avaient élu domicile. Là,
les hommes espéraient obtenir un scalp de pic à utiliser dans une coiffe cérémonielle (Davis 1988:227).
Il est donc intéressant de noter la croyance en Sibérie selon laquelle les chamans sont parfois choisis en étant frappés par la foudre (Eliade 1964 : 19). De plus, les hymnes védiques affirment que le dieu du tonnerre est le père du dieu des plantes. Soma (Schultes et Hofmann 1984 : 82). Les hymnes védiques identifient Soma comme une puissante plante hallucinogène qui induit des visions. Wasson (1967) a identifié Soma comme étant Amanita muscaria. Il est possible que les Californiens indigènes aient également associé la foudre, les champignons hallucinogènes et la transe chamanique.
Alena Caldwell (communication personnelle, 1988), dont la famille du mari s'était installée près d'Alturas, en Californie, a appris qu'une personne qui rêvait d'un pic à tête rouge deviendrait médecin. Les accessoires de guérison des chamans modocs et Klamath comprenait des scalps et des plumes de pic : « La tenue du chaman comprend une bande de scalps de pic portée sur le front ou autour du cou, ou un bouquet de plumes de pic jaune fixé au sommet du chapeau ou porté en collier. Seuls les chamans portent ces accessoires » (Spier 1930 : 110). Le pic aidait également le chaman Klamath en voyageant dans l'autre monde : « Le kiuks [chaman] avait envoyé le pic à tête rouge prospecter la maladie de son patient dans l'atmosphère » (Gatschet 1890). Les plumes du pic jaune sont encore utilisées dans les bandes cérémonielles portées par les danseurs Maidu.
Pourquoi un champignon rouge vif en forme de parapluie devrait-il être appelé « tête de pic » ? La couleur rouge est bien sûr évidente, mais y a-t-il d'autres raisons ? Est-il possible que le cuir chevelu et les plumes des pics aient été associés à un champignon hallucinogène, Amanita muscaria, qui était consommé dans le cadre de quêtes de pouvoir et par des chamans qui, comme leurs homologues en Sibérie, avaient besoin de communiquer avec les êtres de l'autre monde ? Nous ne connaissons pas les réponses à ces questions ; nous savons seulement qu'un champignon jaune terne est actuellement utilisé à des fins religieuses par certains Ajumawi. Ce champignon est Amanita pantherina, qui est connu pour ses propriétés hallucinogènes. Cependant, le champignon décrit par Harrington était rouge vif et n'était manifestement pas la même plante que celle utilisée aujourd'hui. De plus, Harrington l'a répertorié comme une plante comestible.
On en sait un peu plus sur ce champignon hallucinogène et son utilisation par le peuple Ajumawi. L'auteur principal, Floyd Buckskin, a découvert l'existence de ce champignon grâce à sa grand-mère, Pearl Hursey. Selon Mme Hursey, il « rend fou ». Il n'était pas consommé à des fins alimentaires.
Nous ne savons pas depuis combien de temps les Ajumawi utilisent cette plante, ni si l'Amanita muscaria rouge était également utilisée. Mais nous savons qu'un champignon jaune terne identifié comme Amanita pantherina pousse dans la vallée de Fall River, et que le peuple Ajumawi utilise actuellement ce champignon à des fins religieuses. Nous savons également qu'une variété d'Amanita muscaria pousse sur les flancs du mont Shasta et, selon une tradition qui semble bien établie, les Ajumawi de la vallée de Fall River se rendent encore chaque printemps au mont Shasta pour cueillir des champignons comestibles. Il est possible que dans le passé, ils cueillaient également l'Amanita muscaria.
CONCLUSIONS : Nous savons que l'Amanita muscaria était utilisé par les chamans en Sibérie et dans le nord-ouest du Canada. Nous savons également que l'Amanita muscaria et d'autres variétés de champignons hallucinogènes étaient utilisés lors de cérémonies au Mexique et par les Indiens Ojibwa du lac Supérieur. Aujourd'hui, l'utilisation de l'Amanita pantherina est signalée dans le nord de la Californie, où il est utilisé depuis au moins le début du XXe siècle. Cela suggère que l'utilisation de champignons hallucinogènes était peut-être beaucoup plus répandue en Amérique du Nord qu'on ne le pensait auparavant. Il est possible que l'utilisation de champignons hallucinogènes soit passée dans la clandestinité, tout comme d'autres pratiques religieuses amérindiennes. Il semble peu probable qu'une plante hallucinogène aussi puissante ait été ignorée par les médecins indiens et autres personnes recherchant le pouvoir à travers des visions induites par la transe.
Note : 1) L'ethnographe John P. Harrington a rapporté que le p'holk'oy était un champignon comestible qui était séché et ajouté à la soupe de glands (Harrington 1984 : R1. 27, Fr. 117). Le terme pulqui est aujourd'hui utilisé à la fois dans un sens générique et spécifique. Il peut désigner le genre Amanita en général, mais il est également utilisé pour désigner un champignon comestible spécifique qui est cueilli au printemps. Le chapeau de ce dernier champignon est jaune, avec un grand reste blanc, intact et coriace, du voile universel. Le pied et les lamelles sont blancs, avec une grande volve lâche ou coupe à la base du pied, contrairement à la volve de l'Amanita pantherina.
*
*
Carole Chauvin-Payan dans le préprint de l'article intitulé "Les noms populaires des champignons dans les populations européennes mycophobes" (Quaderni di Semantica, 2018, Prospettive della semantica / Perspectives on Semantics / Perspectives de la sémantique / Perspectivas de la semántica, pp.159-189 ) rend compte de l'aversion ressentie envers certains champignons :
En Espagne un certain nombre de dénominations issues de la forme latine CACĀRE "chier" sont présentes. [...] La forme linguistique Cacaforra attestée en Galice est construite à partir de CACĀRE et de forrar "tapisser un mur", peut être comprise comme « fourreau de merde ». Cette forme est utilisée pour désigner l’ensemble des amanites. Ainsi, l’amanite panthère AMANITA PANTHERINA est nommée Cacaforra marxa ; l’amanite jonquille AMANITA GEMMATA est nommée Cacaforra dourada ; l’amanite printanière AMANITA VERNA se nomme Cacaforra branca ; l’amanite phalloïde est nommée Cacaforra da morte. Ces différentes désignations nommant les champignons par le terme "merde" sont très péjoratives et sont, à notre sens, le reflet d’une attitude très mycophobe. Selon Pavlovna et Wasson [in Lévi-Strauss, 1973 : 265], nos attitudes d’attraction ou de répulsion vis-à-vis des champignons reflèteraient de très anciennes traditions, remontant aux temps néolithiques, voire même aux temps paléolithiques. Ces anciennes traditions auraient d’abord été refoulées par les invasions celtiques et germaniques, puis par l’arrivée du christianisme. Ces changements successifs ont très certainement amené l’apparition de nouvelles dénominations faisant intervenir les démons, les sorcières ou le diable.
Dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) Lyra Ceoltoir rend compte de son expérience magique avec les champignons :
Le Message de l'Autre Monde : « Je suis le sauvage. Tu me crains, n'est-ce pas ? tu as raison. Je suis un félin invisible sous les frondaisons, un prédateur qui rôde, silencieux et furtif, attentif, à l'affût. Néanmoins, je ne suis pas un danger pour toi si tu sais te rappeler que tu es toi-même un prédateur. Vois comme les animaux fuient à ton approche. Bois comme les oiseaux se taisent au son de ta voix. Vois comme il est difficile pour toi d'approcher la biche au fond des bois. Tu ne leur veux pas de mal, pourtant. Tu viens en ami, je le vois bien. Je suis ainsi, moi aussi. Peut-être devrais-tu tenter de marcher dans d'autres traces que les tiennes, abandonner tes chaussures d'homme pour les sabots fendus d'un chevreuil ou les griffes acérées d'un écureuil. Après tout, c'est ainsi que l'on apprend. »
Dans le chaudron : Son nom, son aspect et sa toxicité la lient au Sauvage, et elle peut ainsi être employée, en magie, pur le travail avec les esprits animaux (la fameuse animal-ombre en tête), mais aussi pour entrer en contact avec les esprits forestiers, naturels, des lieux, des guides spirituels, etc. (en somme, tous ceux qui sont en connexion profonde avec la Terre et les instincts primaires), ou les honorer. Il serait naïf et imprudent de l'utiliser à outrance ; elle reste le fauve des champignons, et, en tant que tel, est plutôt incontrôlable, d'un usage délicat et mérite respect et prudence. Pour cette raison, elle est déconseillée aux débutants, et on ne saurait trop recommander de prendre le temps d'apprendre à la connaître et à la comprendre avant de l'approcher, notamment à cause de sa tendance à faire ressortir chez celui qui l'utilise ses instincts les plus bas, ses pulsions, son côté brut, y compris et surtout quand on préfère les occulter... Soyez donc bien certain d'être prêt à faire face à votre ombre, car vous prenez le risque de ne pas aimer ce que l'amanite panthère vous mettra sous les yeux !

Cela dit, utilisée avec sagesse et parcimonie, elle est une alliée de choix sur la voie de la découverte et de la connaissance de nos aspects sauvages justement ; de nos ombres, du travail que nous pouvons mener sur notre inconscient et notre animalité, sur les facettes de notre personnalité refoulées par la société et la bien-pensance. En raison de sa toxicité, qui diminue un peu à la dessication, on ne l'emploie que séchée, par exemple dans la composition de sachets charmes ou de fumigations, avec toujours énormément de prudence : on en met très peu et on l'utilise uniquement en extérieur, surtout pas par voie orale. S'empoisonner pour provoquer des hallucinations délirantes n'a jamais fait évoluer personne positivement !
Sortilège : La panthère sous l'oreiller : Pour aider à découvrir son animal-ombre
Lors d'une balade en forêt, cueillez une petite amanite panthère que vous aurez dénichée sans la chercher. Oui, c'est difficile, mais le travail sur l'animal-ombre (1) demande de se détacher de son égo. Le meilleur moyen d'y parvenir est ainsi de ne pas avoir d'attentes, d'espoirs ou de fantasmes. Vous devez donc renoncer à trouver une amanite pour que sa magie suive le droit chemin. Ce rituel sera totalement imprévisible et peur prendre plusieurs années avant d'être possible. Peu importe : votre amanite se manifestera à vous quand vous serez prêt à la recevoir, pas avant. Si, un jour, alors que vous étiez plutôt en quête d'une famille de trompettes-de-la-mort pour vous mitonner une petite omelette, sans penser à rien d'autre qu'à votre estomac, et que vous tombez fortuitement sur une amanite panthère alors que vous étiez à mille lieues de songer à votre animal-ombre à cet instant, c'est que le moment est venu.
Cueillez-la avec respect, remerciez-la par quelques mots de gratitude et une offrande appropriée (libation, de votre boisson ou votre sang, cheveux de votre tête...) De retour chez vous, disposez-la sur un papier absorbant propre sur un radiateur et laissez-la sécher quelques semaines, en l'oubliant soigneusement.
Une fois qu'elle sera bien sèche, glissez-la dans un sachet de soie noire que vous aurez cousu vous-même (le plus simple fera l'affaire) et placez le tout sous votre oreiller. Récitez en boucle dans votre esprit une incantation jusqu'à vous endormir :
L'animal-ombre qui suit mes pas.
Notez bien vos rêves à votre réveil, ils contiendront des indices au sujet de l'identité de votre animal-ombre (voire, vous le révèleront directement). Vous pouvez réitérer le rituel si vous ne parvenez pas à vous souvenir de vos rêves lors de la première nuit.
Si vous avez le moindre doute, rappelez-vous que l'on aime rarement son animal-ombre au premier abord et qu'il nous déçoit souvent. Rien de plus normal, quand on sait que l'on s'aime soi-même généralement assez peu pour se trouver irréprochable. Faites des recherches sur l'animal qui vous sera révélé, regardez des documentaires, essayez de vous en rapprocher ; vous apprendrez énormément de choses sur vous-même.
Note : 1) L'animal-ombre est la représentation allégorique et métaphorique de l'être profond d'un individu sous la forme d'un animal , destiné à en incarner et représenter toues les facettes, bonnes comme mauvaises. Il est souvent appelé improprement « totem » dans la littérature New Age, mais ils 'agit d'une appropriation déformée et sélective d'une spiritualité amérindienne.
*
*
Antoinette Charbonnel et Lyra Ceoltoir, autrices de L'Oracle de la Magie forestière (Éditions Arcana sacra, 2021) nous en apprennent davantage sur la dimension magique de l'Amanite panthère (Amanita pantherina.) :
Mots-clés : Instincts - Animalité - Sauvage - Intuition - Travail avec les esprits animaux et forestiers - Travail de l'ombre - Inconscient - Prémonition - Risque à courir - Lutte contre les préjugés - Besoin de liberté.
Promenons-nous dans les bois : Son chapeau brun tacheté de blanc évoque le pelage de ce félin champion du camouflage. Sa silhouette est proche de l'Amanite tue-mouches, et, comme elle, elle est toxique (elle l'est même davantage !), non mortelle, mais capable de susciter des troubles très violents et dangereux.

Liée au Sauvage, elle est utile pour le travail avec les esprits animaux (animal-ombre (1) en tête) et toutes les entités en lien profond avec la Terre et les instincts. Assez incontrôlable (c'est le fauve des champignons !) elle st d'un usage délicat et ne devrait jamais être approchée par les débutants : il faut prendre le temps de la connaître et de la comprendre, car elle est capable de faire ressortir les instincts les plus primaires, y compris quand on préfère les nier... Attention donc d'être prêt à y faire face, vous risquez de ne pas aimer ce que vous allez découvrir ! Bien employée (2), elle aide considérablement sur les chemins de la connaissance de son côté Sauvage, de l'Ombre, au travail sur l'inconscient et l'animalité.
L'Oracle du champignon : Si l'Amanite panthère apparaît, c'est peut-être pour signifier que vous avez besoin de renouer avec cette partie étouffée et refoulée de votre être, l'instinct. Il se manifeste dans les réactions incontrôlables qui nous saisissent parfois : peur, attirance, répulsion, joie, colère... Ne réprimez pas ces émotions, toutes incontrôlables et effrayantes qu'elles soient. Pour une fois, soyez triste, angoissé, effrayé, euphorique. Autorisez-vous à ressentir pleinement ces émotions effrayantes : elles ont quelque chose à vous dire.
Il est temps de ranger (provisoirement) votre raison dans un coin et d'écouter vos tripes. Peut-être êtes-vous face à un choix où vous êtes tiraillé entre une solution raisonnable, mais qui vous ennuie, et une autre plus risquée, mais qui vous galvanise. Vous l'avez deviné, l'Amanite panthère vous pousse à faire pencher la balance vers la seconde option.
Soyez sans appréhension. ressentez l'instant présent. Ecoutez-vous, ne réfléchissez pas. Et bondissez sous les frondaisons de la forêt. Vous penserez plus tard.
Notes : 1) L'animal-ombre est la représentation de l'être profond d'un individu sous la forme d'un animal, destiné à en incarner toutes les facettes, bonnes et mauvaises; Il est souvent appelé improprement « totem », mais il s'agit d'une appropriation culturelle déformée et sélective d'une spiritualité amérindienne.
2) Jamais consommée ! Se rendre malade et susciter des délires fantasmés n'a jamais fait progresser personne.
=> cette dernière affirmation montre une incompréhension totale des Cérémonies sacrées dédiées à l'Esprit d'un Champignon ou d'une Plante.
*
*
Littérature :
La phalloïde ne pardonne pas, la panthère non plus. Pour la fausse oronge, elle est toxique ; elle tue les mouches, dit-on ; pourtant dans les pays du nord, les gens en usent pour donner de beaux rêves.
— (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
*
*