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L'Ivraie

Dernière mise à jour : 22 juin


Elle a bien changé Mannick !!!


Étymologie :


  • IVRAIE, subst. fém.

Étymol. et Hist. Ca 1223 p. allus. à Matth. xiii, 27 (Gautier de Coinci, éd. Fr. Kœnig, II Mir. 17, 242, t. 4, p. 104). Du lat. vulg. ebriaca herba, planta « ivraie » (de ebriacus, v. ivre, cette plante étant réputée causer une sorte d'ivresse). La voyelle initiale serait due à l'infl. de ivre d'apr. Bl.-W.1-5 alors qu'elle est expliquée phonétiquement par Fouché, p. 457.


Lire également la définition du nom ivraie afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Lolium - Zizanie -

Lolium perenne - Ivraie vivace - Ray-grass anglais -

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Botanique :


Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description de l'Ivraie vivace :


 Nom scientifique : La dénomination latine de cette espèce reste obscure, en fait pour André le nom lat. LOLIUM, - Ī « ivraie » est d’origine inconnue, bien que ce nom soit d’usage à partir de l’époque d’Ennius et de Plaute (André, 2010 : 147). Dans CGL (III, 631, 19) on trouve la forme *IOLIUM qui est probablement continuée par a. br. jojje, juojja ; esp. joyo « ivraie » ; port. joio « mauvaise herbe » ; bsq. olo « avoine », olho « folle avoine » (CGL, III, 631, 19 ; DELL : 365)


Description botanique : L’ivraie est une plante vivace, glabre avec des tiges dressées et des faisceaux de feuilles planes et pliées. Les inflorescences sont constituées de longs épis dont les épillets lancéolés-oblongs s’appliquent contre l’axe et produisent de 3 à 10 fleurs lancéolées. La période de la floraison va de mai à octobre (Pignatti, 1982, III : 519)

 









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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


[...] En Haute-Bretagne, on effeuille la Pâque en disant :

Fille, femme, veuve, religieuse,

Gars, homme, veuf, religieux.


Les jeunes filles [...] se servent aussi d'un épi d'ivraie. [...] En consultant l'ivraie les jeunes picardes disent, en commençant à détacher les feuilles par le bas « M'marierai, m'marierai point ». [...] Les consultations par l'effeuillement ou le comptage, des pétales on des grains ne sont pas toutes en rapport avec l'amour. [...] Dans l'Albret pour savoir si l'année sera bonne ou mauvaise, on tire une par une les graines sur une tige d'ivraie en disant sur la première Pain, sur la seconde Vin, sur la troisième Viande, sur la quatrième Foin, et l'on recommence jusqu'à la dernière graine.

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Symbolisme :


On ne peut envisager le symbolisme de cette graminée sans faire référence à la parabole de Jésus que l'on trouve dans le Nouveau Testament de la Bible :


Matthieu 13.24. Il leur proposa une autre parabole, et il dit : Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ.

25. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla.

26. Lorsque l’herbe eut poussé et donné du fruit, l’ivraie parut aussi.

27. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire : Seigneur, n’as–tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?

28. Il leur répondit : C’est un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent : Veux–tu que nous allions l’arracher ?

29. Non, dit–il, de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé.

30. Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et, à l’époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d’abord l’ivraie, et liez–la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier.


Cette parabole est expliquée par Jésus dans les versets 36 à 43 :


36. Alors Jésus, ayant renvoyé le peuple, s'en alla à la maison, et ses disciples, étant venus vers lui, lui dirent : Explique-nous la parabole de l'ivraie du champ.

37. Il répondit, et leur dit : Celui qui sème la bonne semence, c'est le Fils de l'homme ;

38. Le champ, c'est le monde ; la bonne semence, ce sont les enfants du royaume ; l'ivraie, ce sont les enfants du Malin ;

39. L'ennemi qui l'a semée, c'est le diable ; la moisson, c'est la fin du monde ; et les moissonneurs sont les anges.

40. Comme donc on amasse l'ivraie, et qu'on la brûle dans le feu, il en sera de même à la fin du monde.

41. Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui ôteront de son royaume tous les scandales et ceux qui feront l'iniquité ;

42. Et ils les jetteront dans la fournaise ardente : là seront les pleurs et les grincements de dents.

43. Alors les justes luiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

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Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Été - Juillet

IVRAIE - VICE.

L'ivraie est l'emblème du vice ; sa tige ressemble à celle du froment ; elle croit avec les plus belles moissons. La main du cultivateur, sage et habile, arrache cette mauvaise herbe avec précaution pour ne pas la confondre avec le bon grain. Ainsi un sage instituteur doit employer la patience pour déraciner les mauvais penchants qui naissent dans un jeune cœur. Mais il doit craindre d'étouffer les germes de la vertu, en croyant déraciner ceux du vice. La mère de Duguesclin se plaignait de voir son fils rentrer chaque jour au château, souillé de poussière et couvert de blessures ; un matin, comme elle se préparait à le punir, une bonne religieuse, l'ayant considéré, dit : Gardez vous bien de le punir, car il viendra un temps où les défauts dont vous vous plaignez feront la gloire de sa famille et le salut de son pays. Pour une mère qui se trompe ainsi, combien d'autres s'empressent de cultiver l'ivraie dans le cœur de leurs enfants, et ne s'aperçoivent qu'il y a pris racine qu'au temps de la moisson !

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Ivraie - Vice.

L’ivraie au milieu d’un champ de blé détruit l’espoir du laboureur, et son grain est dangereux.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


IVRAIE - VICE.

Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec les passions et les désirs déréglés. Si nous vivons par l'esprit, marchons aussi dans l'esprit.

- Galates, V, 24, 25. -

L'ivraie est une plante qui nous rappelle au premier abord une parabole bien touchante renfermée dans les saintes Ecritures ; elle est très commune partout. Ses tiges sont longues d'un mètre et même plus, garnies de feuilles étroites et rubanées. On a fait de cette plante l'emblème du vice parce qu'elle se glisse inaperçue dans les meilleures semences et que si on n'a pas le soin d'en faire scrupuleusement le triage ou de l'arracher dès le principe, il n'est plus possible de la détruire. Tel se développe le vice dans le cour de l'homme.


RÉFLEXIONS.

Ce que la maladie produit dans le corps, la rouille sur le fer, l'insecte dans la laine, le ver dans le bois, le vice produit dans l'âme : il la rend esclave, il la déforme, se l'assujettit et lui ôte toute sa beauté.

(Saint-Jean CHRYSOSTOME, Lettres.)

Le vice nous séduit par tant d'artifices, nous gagne par tant d'attraits, nous pénètre par tant d'avenues, qu'il faut une prévoyance infinie, une puissance sans borne et un soutien sans relâche pour nous sauver de ses pièges.

(BOSSUET)

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


IVRAIE - VICE.

Plante parasite, ressemblant au chiendent commun : elle fait la désolation des campagnes. La faux ne discute pas avec l'ivraie, a dit un publiciste de notre temps .

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Ivraie – Vice - Méchanceté.

Cette graminée est d'autant plus dangereuse qu'elle croît de préférence dans les blés ; il faut avoir bien soin que sa graine ne se trouve pas mêlée avec celle du froment, car elle communiquerait au pain des qualités pernicieuses susceptibles de produire des nausées, des vomissements, des vertiges, de l'ivresse, des tremblements, une privation momentanée de la vue, etc. On doit voir dans l'ivraie l'image du méchant qui cherche à nuire à son prochain.

 

D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


LOLIUM (ivraie, en italien zizzania). — La mauvaise herbe qui se mêle avec le blé, passée en proverbe par l’Évangile. Comme elle se multiplie avec une grande facilité dans les champs, on a pensé qu’elle facilitait les couches, ce qui est enseigné par Macer Floridus :


Parturiens mulier si se subfumiget illa, Asseritur citius ventris deponere pondus.


Dans les proverbes russes de Dal (Moscou, 1862), cependant, on dit que Dieu est avec le blé, et le diable avec l’ivraie.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Selon saint Matthieu qui, dans son Évangile (12, 37-40), rapporte les paroles du Christ, "la bonne semence, ce sont les fils du royaume ; l'ivraie, ce sont les fils du Malin ; l'ennemi qui l'a semée, c'est le Diable".

Cette plante qui gêne la croissance des céréales est pourtant dotée de quelques propriétés bénéfiques. Si l'on jette par-dessus son épaule autant de grains d'ivraie qu'on a de verrues, celles-ci disparaîtront dans un délai de neuf jours.

L'épi d'ivraie peut servir à la consultation amoureuse, avec la traditionnelle formule "il m'aime, un peu, beaucoup..." ou en récitant "M'marierai, m'marierai point !"" en l'effeuillant par le bas comme il est de coutume en Picardie.

Pour savoir si l'année sera bonne ou mauvaise, les fermiers de l'Albret retirent une à une les graines d'une tige d'ivraie, en répétant à chacune : "Pain, vin, viande, foin". En Belgique, la formule est la suivante : "Paix, guerre, famine, bon temps".

 

Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe de l'Ivraie vivace :


Analyse lexico-sémantique des désignations :

1, 2- Les deux premiers groupes de désignations indiqués dans la table ci-dessus ont tous la même base lexicale qui est représentée par le nom alb. [ˈɛɟər] egjër « ivraie », à côté duquel on trouve les variantes soit avec le changement de timbre de la voyelle post-tonique [ˈɛɟer], soit avec sa chute [ˈeɟr] soit avec un spécificateur qui est représenté par l’adjectif e egër « f. sauvage ». [...]

Du point de vue également du sens il est possible que cette dénomination soit motivée par le trait « mauvais, nuisible » caractérisant l’ivraie et qui est exprimé directement par la forme plurielle de l’adjectif « sauvage » représentée par le terme egjër qui se réfère ainsi aux nombreuses plantes d’ivraie qui poussent sans cesse dans un même champ, en l’envahissant. Ce mot synthétise en fait parfaitement toutes les qualités négatives liées à cette plante que l’on trouve également décrites chez Pline où l’ivraie est vue comme


« […] une herbe blanche, semblable au panic, envahissant les champs et également mortelle pour le bétail […] » (HS, XVIII, 153)

et qui représente, en agriculture, un véritable fléau de la terre (HS, XVIII, 153).


3- [panevˈine] « pain et vin » est la dénomination que l’ivraie a au Molise, ce phytonyme est tiré en particulier du nom d’un jeu que les enfants faisaient en détachant un par un les épillets dont est composée l’inflorescence de l’ivraie et, en disant, à chaque fois panə, vinə, ɣrašcə, caręštijə (pain, vin, abondance, disette) pour savoir le résultat de la récolte (DAM, III : 1415).

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Littérature :


Dans Les Secrets de Laviolette (Éditions Denoël, 1992) Pierre Magnan regroupe plusieurs nouvelles. "L'Arbre" commence ainsi :


"Je n'étais jamais aussi heureux, dit Laviolette, que parmi les champs d'ivraie qui, autrefois, avaient été emblavés. Le dactyle doré est le blé de l'âme. Et lorsqu'on voit, à travers ses épis blonds, se profiler les ruines blanches d'un hameau, on est payé de sa faim et l'on court vers ces vestiges secs pour s'y baigner comme dans les eaux d'une source."

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