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L'Œillet

Dernière mise à jour : 4 oct.



Étymologie :


  • ŒILLET, subst. masc.

Étymol. et Hist. A. 1. 1121-34 oillet «petit œil» (Philippe de Thaon, Bestiaire, 2380 ds T.-L.) −1611 (Cotgr.) ; à nouv. Ds Ac. Compl. 1842 qui le qualifie de ,,v. lang.``; 2. mil. Xiiie s. «petit trou rond pratiqué dans une étoffe et bordé de fil ou d'un anneau de métal» (Huon de Cambrai, ABC, 75 ds T.-L.) ; 3. 1694 mar. «boucle que l'on fait autour de quelque corde» (Corneille) ; 1831 id. «ouverture par laquelle on fait passer un cordage» (Will.) ; 4. 1731 «partie rectangulaire du marais salant, sur laquelle on fait évaporer l'eau de mer» (Dict. des arts ds Trév. 1752). B. 1. 1493 [éd.] bot. «plante à fleur odoriférante» un œillet à fleurs d'or (Euryal. et Lucr., f°56 v°ds Gdf. Compl.) ; 1545 œillet d'Inde (Ch. Estienne, De latinis et graecis nominibus arborum..., 2e éd., p. 58) ; 1605 [éd.] œillet de poète (Ol. de Serres, Théâtre d'agriculture, p. 573) ; 2. 1768 œillet de mer (Valm. t.4, p. 266). Dimin. De œil*; suff. -et.


Lire également la définition du nom "œillet" pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Dianthus carophyllus - Œillet commun - Œillet des fleuristes - Œillet des jardins - Œillet giroflée -

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Botanique :


Dans Histoire et légendes des plantes utiles et curieuses (Librairie de Firmin Didot, Frères, Fils et Cie, 1871), J. Rambosson poursuit la tradition du sélam à la mode au XIXe siècle :


L'ŒILLET. Son origine ; l'œillet et les soldats de Louis IX ; ses vertus médicinales ses diverses espèces.

L'œillet au riche coloris, à la forme élégante, au suave parfum, de tout temps si recherché en France, est originaire de la Barbarie.

En traversant les siècles, il a pris divers noms, qui rendent son histoire des plus obscures. En remontant aux époques les plus reculées, nous voyons les Africains cultiver l'œillet pour aromatiser une liqueur tonique. Il se nomme alors giroflée, et ce nom si ancien lui est encore conservé de nos jours par les Allemands, probablement à cause de l'analogie de son parfum avec celui de la giroflée.

L'an 1270, les malheureux soldats de Louis IX, expirant sous les exhalaisons fétides de la brûlante Tunis, trouvent dans cette liqueur un adoucissement à leurs souffrances.

« Il nous vint, dit Joinville, une grande persécution en l'est, qui estoit telle que la chair des jambes nous desséchoit jusqu'à l'os et nous pourrissoit la chair d'entre les gencives. On n'entendoit par tous lieux que les cris des malades à qui l'on arrachait cette chair morte afin qu'ils pussent avaler. Il ressembloit de pauvres femmes qui travaillent de leurs enfants quand ils viennent sur terre, et l'on ne sauroit dire la pitié que c'estoit ».

Chacun emporta ensuite précieusement en France la plante à laquelle il devait peut-être de revoir la patrie, plante que les savants appelèrent aussitôt Tunica, pour graver à tout jamais dans la mémoire et son origine et les tristes souvenirs qu'elle évoque. On cultiva d'abord l'œillet pour ses vertus médicinales ; on trouvait en lui un tonique énergique, un sudorifique puissant et qui donna lieu à ces vers :


Si Galien et l'art me condamnent à mort,

Œillet, par tes vertus, fais que je vive encor.


Mais il fut abandonné par la médecine, qui trouvait dans d'autres simples des vertus plus puissantes. On commença alors à le cultiver comme plante d'agrément ; il donna bientôt tant de variétés qu'un auteur a pu dire :

« Quand j'aurais la mémoire de Thémistocle, qui saluait chaque citoyen par son nom, de Cyrus et de Scipion, qui connaissaient les noms de guerre de tous leurs soldats, quand je pourrais avec Cinéas, ambassadeur de Pyrrhus, nommer chaque sénateur, chaque citoyen romain, il me serait impossible de connaître en entrant dans un parterre tous les œillets par leurs noms, tant ils sont nombreux, chacun ayant baptisé celui qu'il croyait avoir élevé le premier, comme l'unique en sa figure et sa couleur. »

Voici le nom de quelques espèces.

Les œillets flamands passent aux yeux de beaucoup de connaisseurs pour les plus parfaits de tous ; l'œillet de poëte, connu aussi sous le nom d'œillet barbu, est indigène de notre pays, et même assez commun dans les Pyrénées centrales et occidentales ; l'œillet de Chine, importé de la Chine en Europe dès les premières années du dix-huitième siècle par un missionnaire français, l'abbé Bignon, et bientôt devenu presque aussi populaire que les autres espèces d'œillets ; l'œillet superbe, dont les fleurs roses ou carmin, un peu grandes, sont frangées ou profondément laminées.

Par la grâce de ses formes, par la richesse et la variété de son coloris et son parfum suave, l'œillet fut bientôt regardé par les amateurs comme une des plus agréables fleurs de nos parterres. On lit dans un ouvrage qui date de l'an 1567 :

Jusqu'à présent les fleurs ont toujours disputé

Qui porteroit le sceptre en leur petit empire ;

Le combat est fixé : l'œillet l'amérité ;

Et ce petit traité n'est que pour vous le dire.


Les femmes nobles de la Chine, qui ont une prédilection toute particulière pour les parfums et les fleurs, ont habituellement un œillet à la main ; l'œillet est pour ainsi dire une fleur nationale, qui doit chez elles faire partie de toute toilette élégante.

Ce qui convient le mieux à la culture de l'œillet est une terre substantielle, pourvue d'un bon terreau de plantes. L'engrais, d'ailleurs, doit être plus ou moins chaud, selon le pays, l'exposition et la nature du terrain. Les semis se font en plein air ou sous châssis, en terrine ou en caisse, vers le mois d'avril ; la semence, déposée sur une surface unie et meuble, doit être recouverte d'une couche de terre de deux millimètres environ ; quelques légers arrosages, répétés selon le besoin, amènent le plant à terme. Mais aussitôt qu'il est levé il demande tous les soins du jardinier ; car les mauvaises herbes peuvent l1étouffer, les limaces et les cloportes le dévorer, enfin les variations brusques de température et les pluies trop longtemps prolongées le détruire. Trop d'humidité livre les racines à la pourriture, un abri de paillasson les en préserve ; les alternatives du chaud et du froid, du sec et de l'humide au printemps, donnent lieu au blanc, maladie qui exige une transplantation et un changement de terre. La gale provient encore des mêmes causes, et cesse avec elles ; les limaces, les pucerons et les fourmis, qui viennent après ces derniers, doivent être éloignés. Les perce-oreilles pénétrant au fond du calice y portent la destruction.

Cependant à l'état agreste l'œillet vient partout où se trouvent quelques grains de poussière et dans les lieux les plus incultes :

L'œillet sauvage, fleur du sable,

Exhale son parfum poivre. (ANDRÉ LEMOYNE.)

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Robert Castellana et Sophie Jama, auteurs de "Floriculture et parfumerie : les origines de l’acclimatation végétale sur la cote d’azur." (Issued by The Phoenix Project, 2012) nous apprennent les vertus de l'œillet (Dianthus caryophyllus) en lien avec la parfumerie :

Bien qu'aujourd'hui la culture de l'œillet concerne plutôt la production de fleurs coupées, elle fut originellement utilisée par la parfumerie grassoise. Spontané sur la Côte d'Azur, l'œillet est l'une des rares fleurs des régions tempérées contenant de l'eugénol, une substance aromatique que la fleur diffuse naturellement.

Les œillets apparaissent en mai-juin, puis la plante entre en repos végétatif pendant l'été. Ils végètent ensuite pendant l'hiver pour fleurir à nouveau au printemps. Les horticulteurs azuréens ont su tirer parti de la douceur de l'arrière saison et obtenir sa floraison dès octobre.

Pour extraire leur parfum, il faut récolter les fleurs dans un délai d'environ trois heures après une forte insolation et les traiter par solvants ou par macération. Les parfumeurs extraient aussi une huile essentielle de sa racine.

 





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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de croyances populaires :


A Valenciennes, pour avoir des œillets de différentes couleurs, il faut mettre dans l'entaille faite à la marcotte un brin de soie, de la nuance dont on veut avoir la couleur.

[...] Les plantes jouent dans le symbolisme rustique un rôle parallèle à celui des arbres. Les petits livres populaires intitulés le Langaqe des fleurs, dont la vente est très active, n'ont pas été vraisemblablement étrangers à la signification attribuée à certaines espèces. C'est ainsi que l'œillet rouge, qui y représente l'amour ardent, a pu suggérer aux campagnards les emplois emblématiques suivants Offrir à une jeune fille de la Mayenne un bouquet dans lequel entrerait un œillet de cette couleur serait lui faire une grossière injure dans la Vienne, le bouquet d'œillets rouge signifie qu'on demande les dernières faveurs sans passer par le mariage. Dans l'Oise, le bouquet d'œillets mis à la porte d'une jeune fille, en Maine-et-Loire celui de réséda, équivalent à une déclaration d'amour.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Été - Juillet

ŒILLET DES FLEURISTES - AMOUR VIF ET PUR.


Aimable œillet, c'est ton haleine

Qui charme et pénètre mes sens ;

C'est toi qui verses dans la plaine

Ces parfums doux et ravissants.

Les esprits embaumés qu'exhale

La rose fraiche et matinale

Pour moi sont moins délicieux ;

Et ton odeur suave et pure

Est un encens que la nature

Élève en tribut vers les cieux.

Les Fleurs, idylles, par M. Constant Dubos.

L’œillet primitif est simple, rouge et parfumé. La culture a doublé ses pétales et varié ses couleurs à l'infini. Ces belles fleurs se peignent de mille nuances depuis le rose tendre jusqu'au blanc parfait, et depuis le rouge foncé jusqu'à l'éclatante couleur de feu. On voit aussi sur la même fleur deux de ces couleurs qui se heurtent, s'opposent et se confondent. Le blanc pur est piqueté de cramoisi, et le rose se panache d'un rouge vif et brillant. Aussi voit-on communément ces belles fleurs marbrées, tigrées et d'autres fois brusquement tranchées, de façon que l'œil séduit croit apercevoir dans le même calice une fleur de pourpre et une fleur d'albâtre. Presque aussi varié de formes que de couleurs, l'œillet épanouit ses beaux fleurons en houppe, en cocarde, en pompon, et d'autres fois encore il affecte la forme et la couleur de la rose ; mais toujours il conserve son délicieux parfum, et il tend sans cesse à quitter sa parure étrangère, pour reprendre ses simples atours. Car la main du jardinier qui peut doubler, tripler, bigarrer et varier sa parure, ne saurait la rendre constante. Ainsi la nature a déposé dans nos cœurs le germe le plus délicieux des sentiments. L'art et la société, en développant, en cultivant ce germe, l'embellissent, l'affaiblissent ou l'exaltent. Cent causes réunies peuvent en rendre les effets inconstants et variables ; mais, malgré les caprices, les erreurs, et les jeux incompréhensibles du cœur humain, la nature ramène toujours l'amour au but qu'elle lui a prescrit. La Rochefoucauld a dit : Il en est du véritable amour, comme de l'apparition des esprits, tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu. Qu'entend cet affligeant moraliste par véritable amour ? veut-il donc nous faire croire que le véritable amour est une chimère ? Non, l'amour véritable vit dans tous les cours ; mais

J'ai vu l'Amour pourtrait en divers lieux ;

L'un le peint vieil, cruel et furieux

L'autre plus doux, enfant, aveugle, nu,

Chacun le tient pour tel qu'il l'a connu

Par ses bienfaits ou par sa forfaiture.

Pour mieux au vrai définir sa nature,

C'est que chacun varie en son cerveau

Un dieu d'amour pour lui propre et nouveau,

Et qu'il y a dans les entendements

D'amours autant que de sortes d’amants.

Antoine Héroet.

C'est le bon roi René d'Anjou, ce Henri IV de la Provence, qui le premier a enrichi nos jardins de l'œillet et de la rose rouge ; nous lui devons aussi le raisin muscat. Ce roi, qui cultivait les jardins, la peinture et les lettres, est auteur d'un ouvrage très rare et très aimable qui a pour titre : Queste de très douce mercy au cœur d'amour...


ŒILLET JAUNE - DÉDAIN.

Comme les personnes dédaigneuses sont pour la plupart exigeantes et peu aimables, ainsi de tous les Œillets le jaune est le moins beau, le moins odorant et celui qui demande le plus de soins.


ŒILLET MIGNARDISE - ENFANTILLAGE.

La délicatesse de ce joli œillet, l'abondance de ses fleurs, sa douce odeur, le peu de prix qu'on attache à ses perfections, son nom même, tout en lui semble destiné à l'enfance, qui s'en fait des parures et des jouets.


ŒILLET DE POETE - FINESSE.

L'œillet de poëte, si éclatant par ses belles touffes, est dans toutes ses parties d'une finesse et d'une délicatesse exquise.

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Mignardise - Enfantillage.

La mignardise semble être l’enfance, la miniature de l’œillet.


Œillet rose vif - Amour vif el pur.

L’œillet, dont l’exquise et pénétrante odeur peut, en général, si bien symboliser l’amour, symbolise l’amour vif et pur quand il est rose, seulement par convention, car on ne voit pas trop la raison d’une pareille analogie.


Œillet blanc - Amour fidèle.

Sans doute parce que celte espèce est moins sujette que les autres à dégénérer, à donner des couleurs mélangées.


Œillet ponceau - Horreur. A cause de son rouge de sang.


Œillet jaune - Dédain.

Cette espèce n'est pas encore reçue dans les bouquets ni dans les coiffures.


Œillet rose couleur de chair - Sensation.

Parce que la beauté de sa fleur attire les regards et fait éprouver une émotion de plaisir.


Œillet grenat - Réciprocité. Par convention.


Œillet panaché - Refus d'aimer.

La fleur, aux couleurs variées et sans constance dans les nuances, est un emblème parfait du refus d'aimer.


Œillet de poète ou Bouquet tout fait - Finesse.

A cause de la délicatesse de sa fleur, petite et d’une line odeur. Œillet de paon, Equité. A cause de sa blancheur, que fait ressortir encore le point noir qui l’a fait nommer œillet de paon.


Œillet de la Chine - Exigence. Parce qu’il demande de grands soins.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


ŒILLET DES FLEURISTES - AMOUR SINCÈRE.

Mes enfants, n'aimons ni de paroles ni de langue, mais par les œuvres et en vérité. Par là nous connaissons que nous sommes enfants de la vérité et en présence de Dieu nous sentirons nos cœurs persuadés.

- 1. Jean : III, 18, 19.

Nous voici au déclin de l'été ; un des plus beaux ornements de la saison, c'est l'œillet, nouvelle fleur de l'été ; il représente par sa durée, sa force, sa variété, sa vivacité, son éclat, toute la vigueur de la jeunesse, après qu'elle a perdu les roses fragiles de l'adolescence. L'œillet est une des fleurs dont le fleuriste fait sa gloire et les nuances d'un bel œillet peuvent tenir lieu de l'univers à l'homme amateur qui croit bien que tout l'univers s'en occupe. Bénis soient les goûts simples et le bonheur innocent que la Providence y attache. Le cœur des gros œillets a quelquefois facilité de furtifs messages. Il a pu cacher des billets. La malheureuse Antoinette, au Temple, en a reçu un de cette manière. Quelque âme compatissante avait sans doute voulu consoler l'infortunée prisonnière ou favoriser son évasion. Mais Dieu seul pouvait la soustraire à nos exécrables tyrans ; il ne voulut pas faire ce miracle . Nous devons l'œillet au bon roi René d'Anjou, ce Henri IV de la Provence. Clindon raconte que du temps de la Fronde, sous la minorité de Louis XIV, le grand Condé détenu à Vincennes, adoucissait l'ennui de sa captivité en cultivant des œillets.

RÉFLEXION.

Le plus grand effort de l'amitié n'est pas de montrer vos défauts à un ami, c'est de lui faire voir les siens.

(LA ROCHEFOUCAULT.)


ŒILLET BLANC - FIDÉLITÉ.

Celui qui est fidèle dans les petites choses l'est aussi dans les grandes et celui qui est injuste dans les petites ; l'est aussi dans les grandes.

Liv. XVI, 10.

L'œillet blanc, appelé aussi l'œillet superbe, est une des plus belles espèces de son genre, et le nom qu'elle porte ne peut lui avoir été donné que par l'admiration qu'auront excitée l'excellence de son parfum et la beauté de sa fleur. Sa tige est ramifiée vers le sommet, ses fleurs sont disposées en un corymbe lâche, d'un rose pâle ou tout à fait blanches. Cette plante croît dans les bois, les prés couverts, les montagnes, dans les Pyrénées et les Alpes. J.-J. Rousscau écrivait à M. de la Tourrette en lui envoyant l'œillet superbe qu'il avait recueilli à Monquin, dans un pré sous ses fenêtres : « Avez-vous l'œillet superbe ? Je vous l'envoie à tout hasard ; c'est réellement un bien bel œillet et d'une odeur bien suave quoique faible ... Il ne devrait être permis qu'aux chevaux du soleil de se nourrir d'un pareil foin. »

RÉFLEXION.

La fidélité qui paraît en la plupart des hommes n'est qu'une invention de l'amour-propre pour attirer la confiance. C'est un moyen de nous élever au-dessus des autres et de nous rendre dépositaires des choses les plus importantes.

(LA ROCHEFOUCAULT.)


ŒILLET DES POÈTES - DÉDAIN.

N'avons-nous pas tous le même père ? N'est-ce pas le même Dieu qui nous a créés ? Pourquoi l'un de nous regarde-t-il son frère avec mépris.

Malachie, 11, 10.

L'abeille est petite entre les insectes volants, et néanmoins son fruit l'emporte sur ce qu'il y a de plus doux. Ecclésiastes XI, 13. -

Les fleuristes cultivent dans leurs jardins l'œillet barbu, ou l'œillet des poètes que l'on trouve beaucoup dans la forêt de Villers-Cotterets quoiqu'il ne soit encore cité que des provinces méridionales. C'est une plante indigène qui n'a point d'odeur, mais dont les fleurs réunies en un faisceau épais, terminal d'un rouge foncé et quelquefois blanches ou piquetées de rouge, simples ou doubles, produisent un assez bel effet. Nous ne savons trop pourquoi on a fait de cette plante le symbole du dédain. Est-ce parce que son joli nom nous rappellerait le dédain que l'on a quelquefois pour quelques poètes ? C'est ce que nous ne pensons pas. On multiplie ces œillets de graines que l'on sème au printemps pour repiquer les jeunes sujets en mars, ou bien encore de boutures, de marcottes et d'éclats.

DU DEDAIN.

On a considéré le dédain sous deux aspects, à savoir : comme dénotant un sentiment qui nous empêche de nous familiariser, ou qui nous éloigne des personnes que nous croyons au-dessous de nous par la naissance, les biens où les talents ; ou bien comme le résultat de la fierté ou de l'amour-propre qui nous rend dédaigneux à l'égard de ceux que nous regardons comme nos inférieurs.

On peut dire en général que le mépris éloigne les cœurs et que l'es time les concilie. Il est vrai que nous n'aimons pas toujours ceux que nous admirons et que nous estimons, mais nous aimons toujours ceux qui nous admirent et qui nous estiment. Si l'estime ne fait point d'ingrats, le mépris fait des ennemis et souvent des ennemis irréconciliables. Les hommes pardonnent quelquefois la haine mais jamais le mépris.

Si nous pouvions nous estimer mutuellement, il n'y aurait que de la douceur dans la société. L'inclination malheureuse que nous avons à témoigner, le peu de cas que nous faisons des personnes qui ne sont pas vraiment dignes de mépris est la source de presque tous les désordres et des maux qui y règnent. De là naissent les médisances malignes, les satires mordantes, les manquements injurieux qui produisent à leur tour les haines mortelles, les longues inimitiés et les vengeances funestes.

C'est, dit Labruyère, une chose monstrueuse que le goût et la facilité que nous avons de railler, d'improuver et de mépriser les autres et tout ensemble la colère que nous ressentons contre ceux qui nous raillent, nous importunent et nous méprisent. Mettons-nous un moment à la place de celui à qui nous voulons faire une offense et nous ne l'offenserons pas. L'oubli de cette sage maxime et le désir que nous avons de nous élever au-dessus des autres, nous inspirent le penchant que nous avons à mépriser, et si nous aimons à nous comparer, ce n'est guère que pour nous préférer. C'est de la que nait ce mépris qui se nomme insolence, hauteur ou fierté, selon qu'il a pour objet nos supérieurs, nos inférieurs ou nos égaux. Il ne convient à personne d'être fier et méprisant : avec ses semblables c'est sottise, avec ses supérieurs c'est folie et avec ses inférieurs c'est ridicule.

Il n'est que trop ordinaire de mépriser ceux qui sont pauvres et d'estimer les gens à proportion de leurs richesses. Faut-il s'étonner si les riches surtout ont tant de mépris pour ceux qui sont dépourvus des biens de la fortune ? Les personnes qui sont prodigieusement, mais nouvellement enrichies, ne sauraient s'imaginer qu'il puisse y avoir d'autre mérite et méprisent la noblesse, l'esprit, la science et tous les avantages auxquels les richesses n'ont pas prêté leur éclat.

Les conditions basses où le commun des hommes se trouvent placés par la providence, les fonctions serviles ou laborieuses qu'ils exercent dans la société ne les dégradent point et doivent au contraire les rendre précieux et estimables quand ils s'en acquittent bien. Louis XII, lorsqu'il n'était encore que duc d'Orléans, apprit qu'un gentil homme de sa maison avait maltraité un paysan. Il ordonna qu'on ne servit point de pain à ce gentilhomme, mais seulement de la viande. Ayant su qu'il en murmurait, il le fit appeler et lui demanda qu'elle était la nourriture la plus nécessaire. L'officier lui répondit que c'était le pain. « Eh ! pourquoi donc, dit le prince avec sévérité, êtes- vous assez peu raisonnable pour maltraiter ceux qui vous le mettent à la main ?

C'est quelquefois parmi les gens mal élevés une espèce de bel air de paraitre mépriser les femmes et d'en dire beaucoup de mal, comme si les vertus, les talents et les belles qualités de l'esprit et du cœur n'étaient pas des deux sexes. Une dame, entendant un jeune étourdi qui méprisait le sexe, dit aux personnes qui étaient avec elles. « Ce jeune homme n'a-t-il point de mère ? »

Un préjugé encore très répandu surtout parmi les femmes et qui montre bien de la petitesse d'esprit, c'est de faire moins de cas d'une personne parce qu'elle n'a pas la taille aussi belle ou la figure aussi belle ou la figure aussi avantageuse qu'une autre. Le mérite, accompagné de ces qualités ne prévient sans doute que mieux en sa faveur, mais cesse-t-il d'être estimable parce qu'il en est dépourvu ? Loin d'y être toujours attaché, n'arrive-t-il pas même qu'il en est séparé le plus souvent, comme si la nature, jalouse de ses dons aimait à les partager ?

Le diamant tombé dans la boue n'en est pas moins précieux et la poussière que le vent élève jusqu'au ciel n'en est pas moins vile ; concluons donc maintenant tout ce que nous venons de dire par les belles paroles de l'Ecriture que nous avons données au commencement de cet article, et surtout efforçons-nous de les graver au fond de notre cœur. Ne louons donc pas un homme pour sa bonne mine et ne le méprisons point parce que son extérieur n'a rien qui le relève. « L'abeille est petite entre les insectes volants et néanmoins son fruit l'emporte sur ce qu'il y a de plus doux. »

RÉFLEXIONS.

On loue quelquefois les choses passées pour blâmer les présentes et pour mépriser ce qui est, ou estimer ce qui n'est plus.

(Mme DE LA SABLIÈRE.)

Il n'y a que ceux qui sont méprisables qui craignent d'être méprisés.

(LA ROCHEFOUCAULT.)

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Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


ARGENTINE - NAIVETÉ.

Œillet des bois : de la famille des rosacées ; ses feuilles sont rares et petites : sa fleur exhale une odeur douce et charmante. Le dessous des feuilles est d'un blanc luisant, et comme argenté. C'est à cette dernière particularité que l'argentine a du son nom.


ŒILLET - AMOUR VIF ET PUR.

On attribue les premiers procédés de culture convenables à l'œillet à René d'Anjou, ex-roi de Naples, qui vint, au commencement du xviº siècle, en Provence, se consoler, par la culture des fleurs, de la perte de son trône. L'œillet est une plante herbacée, à feuilles opposées, linéaires et à tiges articulées, très souvent d'un vert glauque. Les confiseurs en font une liqueur agréable sous le nom de ratafia d'œillet.


De son panache ainsi, l'œillet s'enorgueillit.

DELILLE.

La renoncule, un jour dans un bouquet,

Avec l'œillet se trouva réunie,

Elle eut, le lendemain, le parfum de l'œillet.

On ne peut que gagner en bonne compagnie.

BERANGER.

Aimable œillet, c'est ton haleine

Qui charme et pénètre mes sens ;

C'est toi qui verses dans la plaine

Ces parfums doux et ravissants.

Les esprits embaumés qu'exhale

La rose fraîche et matinale

Pour moi sont moins délicieux ;

Et ton odeur, suave et pure,

Est un encens que la nature

Élève en tribut vers les cieux.


Il y a cent espèces d'œillets : œillet musqué, œillet blanc, œillet ponceau, œillet jaune, œillet panaché, œillet de poëte, œillet d'Inde, etc., etc.

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Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) rapporte les équivalences de l'Horloge de Flore :


Il est des fleurs qui s'ouvrent invariablement à la même heure ; les horticulteurs profitent de cette horloge naturelle pour régler leur temps, et les amoureux emploient ce moyen pour indiquer le moment où ils passeront sous les fenêtres de celle à qui ils offrent leurs vœux.


Une heure du soir = L'œillet prolifère.


Mignardise - Enfantillage - Grâces enfantines.

Ce joli œillet semble être par sa petitesse la miniature de l'enfance.


Œillet - Caprice.

Plante vivace, toujours verte ; fleurs variées, simples ou doubles. Ovide, dans ses Métamorphoses, raconte ainsi l'origine de l'œillet : Diane, dans un de ses accès de mauvaise humeur, rencontra un jeune berger dans la campagne et lui arracha les yeux. Un instant après, bien qu'elle les trouvât fort jolis, elle ne sut qu'en faire et les jeta sur son chemin. Ces yeux germèrent et donnèrent naissance aux millets.


Œillet simple - Amour vif.

Le grand Condé, prisonnier au château de Vincennes, avait sous ses fenêtres un petit parterre, et cultivait des œillets, dont il était aussi fier que de ses victoire . Mademoiselle de Scuderi, ayant été admise auprès de lui, le trouva occupé à ses travaux de jardinage. La résignation du prince de Condé la saisit d'admiration et lui inspira les vers suivants :

En voyant ces œillets qu’un illustre guerrier

Arrose d'une main qui gagna des batailles,

Souviens-toi qu'Apollon bâtissait des murailles,

Et ne t'étonne pas que Mars soit jardinier.


Œillet blanc - Amour fidèle.

Cette variété ne s'altère jamais et conserve toujours sa pureté.


Œillet ponceau - Horreur.

On dit que, pendant la révolution de 93, plusieurs condamnés à mort avaient un œillet ponceau en marchant à la guillotine.

Œillet jaune - Dédain.

Œillet incarnat - Réciprocité.

Œillet de poète - Finesse.


Œillet panaché - Refus d'aimer.

Cette espèce, sans constance dans ses couleurs, représente bien une personne dont le caractère incertain ne peut se fixer.

Œillet mignonnette- Amour filial.


Œillet girofle - Amour pur.

Cette variété exhale une odeur délicieuse de girofle.

Quand je vois cette fleur brillante

Qu'une main douce et bienveillante

Protégea si longtemps,

Je songe à la fille adorée,

D'espoir, de bonheur enivrée,

Que l'on marie à dix-sept ans.

Comme la fleur elle n'a point d'égide ;

Eclose au souffle de l'amour,

En riant elle cherche un guide

Pour son cœur aimant et candide

Que la déception doit flétrir en un jour.


Œillet couleur de chair - Sensation.

Cette fleur attire les regards et fait éprouver une sensation de plaisir.


Œillet rouge - Énergie. Aimable œillet, c'est ton haleine

Qui charme et pénètre les sens !

C'est toi qui verses dans la plaine

Tes parfums doux et ravissants !

Les esprits embaumés qu'exhale

La rose fraîche et matinale,

Pour moi sont moins délicieux ;

Et ton odeur suave et pure

Est un encens que la nature,

Élève en tribut vers les cieux !

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Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


Œillet : Amour vif et pur.

Le grand Condé aimait à le cultiver lui-même, ce qui fit dire à mademoiselle de Scudéry :


En voyant ces œillets qu'un illustre guerrier

Arrose d'une main qui gagne des batailles,

Souviens-toi qu'Apollon bâtissait des murailles,

Et ne t'étonne plus que Mars soit jardinier.


ŒILLET DE DIEU : Amour divin.

— DE PARIS : Coquetterie.

— DES POETES : Gloire ; vénération.

— DE PLUME : Amour des lettres.

— INCARNAT : Réciprocité.

— JAUNE : Dédain.

— MÊLÉ : Encouragement.

— MIGNONETTE : Amour filial.

- PONCEAU : Horreur.

— ROSE : Talent.

— ROUGE : Energie.


Aimable œillet, c'est ton haleine

Qui charme et pénètre mes sens !

C'est toi qui verses dans la plaine

Ces parfums doux et ravissants!

Les esprits embaumés qu'exhale

La rose fraîche et matinale,

Pour moi sont moins délicieux ;

Et ton odeur suave et pure

Est un encens que la nature

Elève en tribut vers les cieux. Constant DUBOS.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), l'Œillet (Dianthus carophyllus) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Soleil

Élément : Feu

Divinité : Zeus-Jupiter

Pouvoirs : Protection ; Force virile ; Guérison.


Utilisation magique : Dans l'Angleterre élisabéthaine, les personnes qui trempaient de près ou de loin dans des conspirations (fréquentes à cette époque) portaient sur elles des fleurs d'Œillet séchées, auxquelles elles attribuaient le pouvoir de leur éviter de monter sur l'échafaud en cas d'arrestation.

Nous retrouvons ici encore cette ambivalence attachée à toutes les fleurs à odeur forte, entêtante : une tradition tenace, et que l'on retrouve à peu près dans toute l'Europe, sauf dans les pays nordiques, recommande de placer beaucoup d'Œillets dans la chambre d'un convalescent ; les effluves que dégagent ces fleurs hâtent, dit-on, sa guérison définitive. Donc nous renouvelons notre mise en garde : ce qui est vrai pour des personnes de constitution robuste, à l'équilibre nerveux stable - ces gens « bâtis à chaux et à sable » -, n'est pas forcément vrai pour tous. Certains gaillards, et pourquoi pas gaillardes, se sentiront formidablement chargés en énergie après avoir fait la sieste en plein soleil au milieu d'un champ d'Œillets. Alors que d'autres seraient livides, titubants, auraient des palpitations, rien que d'avoir traversé le même champ.

Dans beaucoup de rituels de guérison espagnols, on brûle des fleurs d'Œillets rouges sur un lit de braises aromatiques (souvent du frêne à la manne).

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Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi l'Œillet :


Mot clef : Œillet rouge : Mot d'amour.

Œillet panaché : Refus.

Œillet jaune : Dédain.


Ces six œillets mêlés en cette guise

Vous sont par moi ce matin envoyés,

Pour vous montrez, par ceux de couleur grise,

Que j'ai du mal plus que vous n'en croyez ;

Vous supplient que vous y pourvoyiez [...]


Melin de Saint-Gelais (1491-1558), "D'un bouquet".


Dans le langage des fleurs, l'Œillet change de signification selon sa couleur ; ainsi, il exprime le refus quand il est panaché, le dédain quand il est jaune, et le mal d'amour quand il est rouge.

Notre flore compte de nombreux Œillets indigènes, dont la plupart sont charmants, mais, dans les jardins, on cultive des variétés dérivées d'espèces du sud de l'Europe. La plante s'est répandue à partir du XVe siècle, quand René d'Anjou, roi de Provence, en encouragera la culture. L'Œillet, au cours de l'Histoire, a pris diverses significations. Pendant la Fronde, il était porté à la boutonnière de l'uniforme par les soldats du Grand Condé, et étai alors un symbole de courage. Durant la Révolution, il fut arboré par les aristocrates conduits à la guillotine ; plus tard, il devint la fleur de l'égalité.

Si le nom français signifie « petit œil », le nom scientifique, Dianthus, veut dire « fleur de Jupiter », et l'on prétend que la plante servait à tresser des guirlandes en hommage à ce dieu. La Mignardise (ou Mignonnette, les deux termes signifiant « gracieuse ») est un petit Œillet indigène, de couleur blanche ou rose et très parfumé.

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Selon Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani :


Bien qu'il symbolise l'amour ardent - surtout l'œillet de couleur rouge -, il suscite la crainte de nombreuses personnes. Le savoir-vivre déconseille d'ailleurs d'offrir des œillets lorsque l'on n'est pas assuré que le présent sera bien reçu. Cette fleur porte malheur, notamment dans le monde du théâtre où il faut s'abstenir en général d'en présenter aux comédiens. en porter un à sa boutonnière le mardi porte préjudice à ses affaires.

A cause de son odeur entêtante, l'œillet accélère la guérison des convalescents : dans toute l'Europe, sauf dans les pays nordiques, on recommande d'en placer un certain nombre dans la chambre du patient.

Les conspirateurs politiques de l'Angleterre élisabéthaine portaient en guise d'amulette des fleurs d'œillet séchées, "auxquelles ils attribuaient le pouvoir de leur éviter de monter sur l'échafaud en cas d'arrestation".

L'animisme, qui n'épargne pas l'œillet, fait dire que, pour en obtenir de différentes couleurs, il suffit de placer sur la bouture un morceau de soie de la teinte désirée.

Parmi les œillets de montagne, on signale dans les Alpes une variété qui "pousse au cœur des morts" ; celui qui en casse le moindre pétale sera puni d'une manière ou d'une autre.

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Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000) :


"Mot-clef : La Passion ; La Liberté.


Savez-vous ? : Ce sont les Croisés qui ont rapporté les œillets vers les années 1270 ; sa culture se propagea en France sus le règne de René d'Anjou, roi de Provence. Cette fleur, quand elle est carmin, fait partie des symboles de la passion du Christ. Elle est souvent représentée auprès de la Vierge et l’Enfant. L’œillet rouge était l'emblème des royalistes français, des sociaux-démocrates germaniques jusqu'au XIXe siècle. Il a été également la fleur que portaient les travailleurs le Ier mai, jour de la fête du travail, remplacé depuis par le brin du muguet. De nos jours, l’œillet rouge est quant à lui associé à la révolution portugaise ; on parle de la "Révolution des œillets". Il est aussi l'emblème des démocrates-chrétiens en Europe. Emblème de l'Italie, il est partout cultivé pour sa beauté et son parfum. L’œillet est le motif favori des tisseurs de tapis turcs, persans et caucasiens, symbolisant le bonheur et la prospérité.


Usages : Par superstition, aucun comédie de théâtre n'acceptera un œillet avant d'entrer sur scène de peur d'un échec de la représentation. Offrir un œillet à une demoiselle le refus du mariage mais pas de ses faveurs. Jusqu'au début du siècle en France pour informer leurs amants qu'elles avaient leurs règles, les dames épinglaient un œillet rouge sur leur corsage.


Légendes : La légende populaire raconte que Marie-Antoinette reçut plusieurs messages glissés dans des bouquets d’œillets à la prison du Temple.


Message : Je vous suis dévoué corps et âme."

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D'après Nicole Parrot, auteure de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :


"Ardeur, fidélité conjugale, tendresse", souhaite l’œillet. Il ne s'en tient pas là et diversifie ses messages en fonction de sa couleur ou de sa famille. Ainsi, en l'offrant ou en le recevant, chacun peut découvrir une réponse à ses questions.

Sous sa couleur blanche, il garantit : "mon amitié est vive". S'il avoue son amour, il se désole : "Vous n'avez pas de cœur", ce qui ne l'empêche pas de reconnaître : "Vous avez du talent". Rose, il soupire : "Ah ! l'amour d'une femme !" et, rose panaché, se fait plus direct : "Je vous aime avec ardeur". Rouge, il choisit l'optimisme : "J'ai foi en votre amour". En cas de contrariété, il cède à l'emphase : "Mon cœur saigne", "Hélas pour mon pauvre amour !". Attention, utile à savoir, jaune, il lâche : "dédain". Sans doute celui dont souffre la personne qui offre le bouquet. En revanche, s'il appartient à la famille "œillet de poète", il avoue dans toutes les couleurs : "Je suis votre esclave" et déclare son "admiration", jumelée avec son "désir de plaire". Panaché, il laisse tomber "refus". Enfin, l’œillet mignardise loue la grâce de l'aimé(e).

En résumé, la fleur joliment chiffonnée, au parfum musqué, a un fier tempérament et un sacré caractère. L’œillet du poète, le bien nommé, illuminant la veste bleu nuit de Charles Trenet, marque de sa joyeuse note écarlate les soirées enchantées de ses récitals. Blanc, il se pose sur le smoking des dormeurs et des élégants. Fred Astaire en a utilisé des champs entiers et John Galliano, déroutant tous ceux qui aiment interroger le langage des fleurs, a présenté les collections Dior de l'hiver 2001 un magnifique œillet vert épanoui au revers de son costume strict. Enfin, tous les mariés, selon la tradition, savent qu'il s'impose ce jour-là, en blanc. Pour les femmes qui, souvent, aiment piocher des idées dans la garde-robe des hommes, décidément, l’œillet est une fleur toute nouvelle. A redécouvrir."


Mot-clef : "Pour les amoureux et les poètes".

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Doreen Virtue et Robert Reeves proposent dans leur ouvrage intitulé Thérapie par les fleurs (Hay / House / Inc., 2013 ; Éditions Exergue, 2014) une approche résolument spirituelle de l'Œillet :


Œillet commun :

Nom botanique : Dianthus caryophyllus.


Autres noms : Œillet des fleuristes - œillet giroflée.

Propriétés énergétiques : Fidélité - engagement et capacité à attirer les âmes sœurs.

Archanges correspondants : Haniel et Jophiel.


Chakras correspondants : chakra racine - chakra du cœur.


Propriétés curatives : Les œillets sont des fleurs merveilleuses dans le domaine des relations amoureuses. Elles s'assurent que toute se déroule bien et que les deux partenaires s'investissent à parts égales. Elles conviennent très bien au cérémonies de mariage, car elles encouragent les relations durables et fidèles dans lesquelles les deux parties s'épanouissent ensemble Cette fleur permet également d'attirer l'âme sœur pour les personnes qui ne l'ont pas encore trouvée.


Message de l'Œillet commun : « Je suis là pour promouvoir la fidélité. Si vous êtes entouré de mon énergie, vous ne pourrez qu'être fidèle. en ma présence, vous n'aurez pas l'œil vagabond. Je m'assure que la relation qui vous unit à votre partenaire est caractérisée par la sincérité et l'amour, et qu'aucun de vous n'a de secrets pour l'autre. Avec douceur, je révèlerai la vérité et ferai la lumière sur les situations pour qu'une guérison soit possible.

Si vous cherchez l'âme sœur, je vous aiderai. Je vous prouverai clairement que c'est la bonne personne, et il ne subsistera aucun doute dans votre esprit Je vous aiderai à vous libérer de votre peur de l'engagement. Oubliez vos inquiétudes pour vous concentrer sur vos sentiments. Profitez de cet amour que vous méritez véritablement. Si des signes vous sont envoyés pour vous signifier que ce partenaire n'est pas le bon pour vous, écoutez-les. Je vous aiderai pour que vos chemins se séparent ave élégance. Si vous avez rencontré votre âme sœur, je vous apporterai l'amour et renforcerai le lien pur qui vous unit. »


Œillet de poète :

Variété commune : Œillet barbu (Dianthus barbatus).


Propriétés énergétiques : Attire la joie, l'amour et le romantisme ; a un pouvoir de concrétisation ; réalise les souhaits ; rappelle l'importance de jouer et aide dans toutes les situations.

Archanges correspondants : Gabriel, Jophiel, Métatron, Michael, Raphaël et Uriel.


Chakras correspondants : tous les chakras.


Propriétés curatives : Grâce à cette fleur, vous vivrez de nombreuses expériences agréables. entouré de personnes qui vous aiment, vous ouvrez votre cœur. L'œillet de poète vous permet d'être en contact avec vos désirs profonds et de les attirer à vous. Il guide vos pas vers leur réalisation. Cette fleur vous aide à trouver la joie qui vous habite. Ainsi, vous devenez un merveilleux modèle pour les autres qui pourront à leur tour prendre le chemin de la guérison pour vous rejoindre ensuite.

L'œillet de poète est également une fleur qui répond à n'importe laquelle de vos attentes. Vous pouvez facilement la solliciter si vous en trouvez pas de fleur qui convienne parfaitement à votre situation.


Message de l'Œillet de poète : « Je vous apporte la joie, l'amour et une énergie positive. Le plaisir devrait toujours être votre priorité ! Je vous aiderai à réaliser les désirs de votre cœur, et je vous réconforterai quand vous en aurez besoin? Sollicitez-moi ; je peux vous guider de maintes façons. Si vous me le demandez, je collaborerai étroitement avec le royaume évangélique dans votre plus grand intérêt.

Préparez-vous, car nous partons pour un voyage très agréable et positif ! Il est temps pour vous de connaître le bonheur réel. Il n'y a aucune raison pour que vous n'ayez pas ce que vous désirez. Alors, remplissons votre vie d'amour et de joie. Avec moi, vous connaîtrez la sérénité. Vous serez une source d'inspiration pour les autres, qui voudront eux aussi s'embarquer dans cette aventure magique. »

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Mythologie :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


OEILLET. — Dans le drame populaire italien, intitulé Rappresentazione della Conversione di Santa Maria Maddalena, lorsque Lazare est près de mourir, maître Dino conseille de lui appliquer un emplâtre avec des œillets et de la menthe sauvage :


Or togliete garofani e mentastro,

E al cuore gli farete un po’ d’empiastro.


En Italie, on a donné à l’œillet, à cause de son parfum, le même nom qu’au giroflier, l’arbre aux arômes qui pousse dans les îles Moluques. Mais, d’après les renseignements des voyageurs aux Moluques, on parlait d’un arbre privilégié qui poussait dans l’île de Makiar, gardé toujours par des soldats, et devant lequel tous les autres arbres de l’île s’inclinaient ; les princes de ces pays portent sur eux des clous de girofle comme talisman ; celui qui a le droit d’en porter le plus est un privilégié ; on en fait aussi hommage aux idoles du pays, pour se les rendre propices. On attribue la première culture de l’œillet au roi René ; maintenant l’œillet est la fleur bien-aimée de tous les paysans ; on suppose qu’il représente l’amour ardent. Dans la campagne, près de Bologne, cette fleur est particulièrement affectée au culte de saint Pierre ; ce saint la préfère à toutes les autres ; le 29 juin, c’est le jour des œillets, ainsi que pour la fête de saint Louis de Gonzague on voit partout des lis.

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Contes et légendes :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense quelques légendes populaires :


Un œillet, le fils d'une fée, redevient homme quand il a été arrosé avec une certaine eau.


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia.


L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; l’œillet raconte la sienne dans un conte venu de Bohême et intitulé "La courageuse fleuriste" :






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Littérature :


L’Œillet

 

Relever le défi des choses au langage. Par exemple ces œillets défient le langage. Je n’aurai de cesse avant d’avoir assemblé quelques mots à la lecture ou l’audition desquels l’on doive s’écrier nécessairement : c’est de quelque chose comme d’un œillet qu’il s’agit.

Est-ce de la poésie ? Je n’en sais rien, et peu importe. Pour moi c’est un besoin, un engagement, une colère, une affaire d’amour-propre et voilà tout.

 

Je ne me prétends pas poète. Je crois ma vision fort commune.

Étant donné une chose - la plus ordinaire soit-elle - il me semble qu’elle présente toujours quelques qualités vraiment particulières sur lesquelles, si elles étaient clairement et simplement exprimées, il y aurait opinion unanime et constante : ce sont celles que je cherche à dégager.

Quel intérêt à les dégager ? Faire gagner à l’esprit humain ces qualités, dont il est capable et que seule sa routine l’empêche de s’approprier.

Quelles disciplines sont nécessaires au succès de cette entreprise ? Celles de l’esprit scientifique sans doute, mais surtout beaucoup d’art. Et c’est pourquoi je pense qu’un jour une telle recherche pourra aussi légitimement être appelée poésie.

 

L’on s’apercevra par les exemples qui suivent quels importants déblais cela suppose ( ou implique ), à quels outils, à quels procédés, à quelles rubriques l’on doit ou l’on peut faire appel. Au dictionnaire, à l’encyclopédie, à l’imagination, au rêve, au télescope au microscope, aux deux bouts de la lorgnette, aux verres de presbyte et de myope, au calembour, à la rime, à la contemplation, à l’oubli, à la volubilité, au silence, au sommeil, etc.

L’on apercevra aussi quels écueils il faut éviter, quels autres il faut affronter, quelles navigations (quelles bordées) et quels naufrages - quels changements de points de vue.

 

Il est fort possible que je ne possède pas les qualités requises pour mener à bien une telle entreprise - en aucun cas.

D’autres viendront qui utiliseront mieux que moi les procédés que j’indique. Ce seront les héros de l’esprit de demain.

(Un autre jour.)

Quoi de particulier, en somme, dans le naïf programme (valable pour toute expression authentique) exposé solennellement ci-dessus?

Sans doute seulement ceci, le point suivant : … où je choisis comme sujets non des sentiments ou des aventures humaines mais des objets les plus indifférents possible… où il m’apparaît (instinctivement) que la garantie de la nécessité d’expression se trouve dans le mutisme habituel de l’objet.

… À la fois garantie de la nécessité d’expression et garantie d’opposition à la langue, aux expressions communes.

Évidence muette opposable.


Francis Ponge, "L'Œillet" in La Rage de l'expression, 1952.

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