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Le Tulostome des brumes

  • Photo du rédacteur: Anne
    Anne
  • 10 nov.
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 nov.




Étymologie :


Le nom de genre tulostoma est formé de deux racines grecques :

  • tylos (τύλος) → « tumeur, renflement, protubérance »

  • stoma (στόμα) → « bouche, ouverture »

Littéralement, Tulostoma signifie donc « bouche renflée » ou « ouverture enflée », une allusion à la forme du corps fructifère de ces champignons (le genre Tulostoma regroupe des « gastéromycètes » ayant une petite ouverture au sommet, non pas du chapeau mais du sac à spores).


A noter que brumale en latin signifie "hivernal" ou "relatif au solstice d'hier" ; la traduction "des brumes" est donc une approximation qu'on peut qualifier de poétique qui ouvre des perspectives symboliques intéressantes sur la base d'une erreur de traduction. J'adore !


Autres noms : Tulostoma brumale - Tulostome à mamelon - Tulostome d'hiver - Tulostome mamelonné -

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Mycologie :


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L'Abbé F. Morel, dans son Traité des Champignons au point de vue botanique, alimentaire et toxicologique (Germer-Baillière, Libraires-Éditeurs, 1865) présente les caractéristiques de la famille des Tulostomes :


Tulostome. -Tulostoma.

Un pédicule cylindrique, haut de 3 centimètres, creux dans toute sa longueur, portant un péridium globuleux et plein d'une chair blanchâtre qui se change en poussière entremêlée de filaments tel est le Tulostome, plante qui croît presque toute l'année dans les lieux sablonneux. Il s'ouvre à son sommet par un orifice arrondi, à bords cartilagineux, plats ou peu proéminents.

Le site de Mycologie de la Charentes propose une fiche réalisée par Patrice Tanchaud :


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Tjakko Stijve présente dans un article intitulé ": Les surprises de la mycologie urbaine (2ème partie : 1999-2003)" (In : Bulletin de l'Association entrevalaise de mycologie et de botanique appliquée, n° 57, avril 2014, pp. 16-21) la trouvaille de Tulostome des brumes en milieu urbain :


Pendant bien longtemps tant les mycologues que les mycophages avaient l’habitude de chercher les champignons presque exclusivement dans les forêts et les pâturages. Depuis environ une vingtaine d’années on commence à s’intéresser à la flore mycologique du milieu urbain, ce qui a conduit à un nombre impressionnant de publications. Il est même aisé de dresser maintenant une liste des villes dont l’inventaire mycologique a déjà été plus ou moins établi, par exemple, Amsterdam (Crispijn et al. , 1999), Berlin (Gerhardt, 1990), Darlington (Legg, 1995), Greifswald (Kreisel & Amelang, 2001), Leyde (Adema, 1999), Leipzig (Ihle, 1998), Lótz (Lawrynowicz, 1982), Lübeck (Unger, 1994), Stettin (Friedrich, 1987), Vevey et La Tour-de-Peilz (Stijve, 2001), Varsovie (Skirgiello & Domanski, 1981), Winchester (Mattock, 1996) et Wismar (Krakow et al. 1995).

Kreisel & Amelang (2001) ont attiré l’attention sur les conditions favorables que l’environnement urbain offre au développement d’une flore mycologique qui lui soit propre. Non seulement à cause du climat plus doux qui y règne, mais également par la richesse en arbres, arbustes et plantes ornementales, qu’on trouve dans les allées, les parcs, les zones vertes, les cimetières et les jardins. En outre, il y a le substrat particulier de copeaux de bois qui, depuis environ 1985, est appliqué systématiquement pour garder les parterres des fleurs municipales libres de mauvaises herbes. On y trouve parfois des champignons qui sont moins communs ou même rares ailleurs (Stijve, 1999).

Faire l’inventaire mycologique d’une région urbaine (même petite) est plus difficile qu’on ne le pense. Les plantations y changent sans cesse. Ainsi, au fil de saisons, les parterres de fleurs dans les parcs et jardins publics sont renouvelés par les services municipaux. Des zones vertes disparaissent sous de nouvelles constructions, des arbres sont abattus et remplacés, les pelouses sont fréquemment tondues et souvent traitées chimiquement (engrais, herbicides). En outre, les champignons ont, également dans le milieu urbain, quelque chose d’imprévisible, ce qui se manifeste entre autres par des fructifications brèves et souvent uniques de certaines espèces sur les copeaux de bois susmentionnés.

[...]

[A Vevey et à la Tour-de-Peilz], Pendant l’automne et l’hiver de 2003 nous trouvions beaucoup de Tulostoma brumale, un petit champignon qui n’est pas exigeant dans le choix de son milieu. Il poussait même parmi les détritus sous les feuillus en pleine ville ; là où autrefois proliférait le Scleroderma citrinum, aujourd’hui chassé par la pollution. On trouvait le Tulostome également dans la mousse couvrant de vieux murs.

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FunDive, une initiative européenne fondée par Biodiversa+ propose à tout un chacun de participer à la sauvegarde des champignons. Dans ce cadre est édité une plaquette qui concerne le genre Tulostoma :


Tulostoma est l'un des genres cibles des projets FunDive 2024, qui visent à soutenir l'évaluation des gastéromycètes pour la Liste rouge européenne de l'UICN.


Les champignons du genre Tulostoma – également appelés « vesses-de-loup pédonculées » – ressemblent à de petites vesses-de-loup, mais se distinguent par leur pédoncule fin et ligneux qui porte le sac à spores plus ou moins globuleux (corps endopéridial) à quelques centimètres du sol. Le corps endopéridial est généralement blanchâtre, grisâtre ou brun et a la taille d'un petit pois. Le pédoncule est ocre à brun ou brun foncé, mesurant 2 à 10 mm de long sur 0,4 à 0,8 mm de large.

Les vesses-de-loup pédonculées se rencontrent dans de nombreux types d'habitats, mais les zones continentales et souvent les steppes sableuses, ainsi que d'autres types de prairies sèches et ouvertes des régions tempérées, semblent abriter le plus grand nombre d'espèces. Cependant, le genre est également présent dans les écosystèmes forestiers tempérés, ainsi que dans les régions tropicales.

Bien que les champignons du genre Tulostoma soient généralement faciles à identifier, l'identification des espèces est beaucoup plus complexe. Dans de nombreux cas, le séquençage de l'ADN sera nécessaire pour confirmer les identifications.

Le genre Tulostoma comprend plus d'une centaine d'espèces à travers le monde. Des résultats récents de séquençage d'ADN ont montré que la diversité spécifique est bien plus importante qu'on ne le pensait auparavant, selon les critères morphologiques traditionnels. La description de plusieurs nouvelles espèces est en cours, mais le nombre réel d'espèces dans le monde demeure inconnu.

Toutes les espèces de Tulostoma connues en Europe sont listées [dans le document] ci-dessous. Elles sont regroupées selon des caractéristiques morphologiques facilement observables, bien que ce regroupement ne reflète pas toujours leurs relations phylogénétiques. Il n'existe pas de clés d'identification modernes et exhaustives basées sur les données moléculaires récentes. L'ouvrage de Wright (1987) constitue la monographie de référence du genre, avec des descriptions morphologiques détaillées de la plupart des espèces, basées sur l'étude des spécimens types. Des résultats phylogénétiques récents, fondés sur une combinaison de données morphologiques et moléculaires, sont présentés par Jeppson et al. (2017), Rusevska et al. (2019) et Finy et al. (2023).


Terminologie morphologique et visualisation des caractéristiques importantes pour l'identification des espèces de Tulostoma


Pour identifier un Tulostoma, il convient de s'intéresser au type d'ostiole (orifice apical) par lequel les spores sont dispersées, à la morphologie de l'exopéridium (gaine hyphale externe), à ​​la couleur et à la structure externe du stipe, ainsi qu'à la taille et à l'ornementation des spores matures. Il faut également observer les caractéristiques du capillitium (c'est-à-dire les fins filaments hyphaux présents parmi les spores dans un carpophore mature). Un microscope avec un grossissement allant jusqu'à 1000x est nécessaire pour observer correctement certaines de ces caractéristiques.

Le basidiome (également appelé basidiocarpe) est le sporocarpe (aussi appelé corps fructifère) d'un basidiomycète (champignon produisant des spores sur des basides), la structure multicellulaire où sont portées les

spores.

L'exopéridium (gaine hyphale externe) est une couche protectrice qui entoure le sac sporifère. Il peut être :

  • hyphal (une fine couche hyphale adhérant à l'endopéridium et s'usant progressivement) ou

  • membraneux (une couche épaisse se détachant généralement de l'endopéridium par fragments avec l'âge).

L'endopéridium est la gaine interne formant le sac sporifère ; à maturité, il présente une ouverture apicale.

Le capillitium est composé de fins filaments hyphaux présents parmi les spores à l'intérieur d'un sac sporifère mature (corps endopéridial).

[...]

Tulostoma brumale : Il se caractérise par un stipe grêle brun clair et un exopéridium membraneux blanc qui se détache à mesure que le sporophore vieillit. Les jeunes sporophores possèdent un endopéridium brun qui devient brun pâle à blanc avec l'âge, à l'exception d'une zone étroite autour de l'ouverture qui reste longtemps brune. Les spores sont subglobuleuses-ellipsoïdes, de 3 à 4 µm, verruqueuses. Le capillitium est pourvu de nombreux petits cristaux adhérant aux parois externes et aux cloisons fortement élargies. C'est l'une des espèces de Tulostoma les plus communes et les plus répandues. On la trouve dans la plupart des régions d'Europe, à l'exception des zones arctiques et alpines, dans les endroits sableux et secs, sur les prairies sèches calcaires, parmi les mousses sur les rochers et les blocs erratiques ou sur les murs de pierre. Il peut facilement être confondu avec T. simulans, beaucoup moins abondant, qui se distingue par des sporophores légèrement plus grands, dotés d'un exopéridium mycélien et de spores légèrement plus grandes.

Séquence de référence ITS : GenBank KU519060 (Jeppson et al., 2017).


Pour lire le document entier :

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Symbolisme :


Anne-Sophie Tassart, autrice d'un article intitulé "Une nouvelle espèce de champignon baptisée d'après le ver des sables de Dune" (publié sur le site de Sciences et Avenir le 5 décembre 2023), évoque la similitude d'une autre espèce de Tulostome avec une créature sortie tout droit de l'imaginaire d'un écrivain :


Un champignon à l'allure d'invertébré a été baptisé d'après une célèbre créature des romans Dune [de Frank Herbert], le ver des sables.


Le champignon Tulostoma shaihuludii émerge du sol sablonneux de la Hongrie et non de celui de la planète Arrakis. Et il n'est pas question de le chevaucher pour qu'il vous transporte dans le désert. Mais sa morphologie rappelle l'une des créatures mythiques des romans Dune de l'écrivain américain Frank Herbert : le ver des sables ou Shai-Hulud, dont il a hérité du nom.


Un sac de spores globuleux et une tige courbée : L'espèce nouvellement décrite  - grâce à des données génétiques et morphologiques - est présente dans les habitats sablonneux et calcaires du pays d'Europe centrale. Elle "pousse principalement en solitaire, profondément enracinée dans le sable" et "n'est actuellement connue que dans les zones sableuses du centre de la Hongrie", précise une étude publiée le 29 novembre 2023 dans la revue MycoKeys.

Son allure de ver des sables tient surtout à son sac de spores globuleux surmonté d'une ouverture, l'ostiole, d'où sortent les spores. Le sac peut faire jusqu'à 18 mm, une taille relativement petite par rapport à celle de la tige (environ 70 mm). Celle-ci est brune et courbée, avec un aspect écailleux lui conférant définitivement l'apparence du Shai-Hulud.


La Hongrie, berceau des champignons Tulostoma en Europe : Les chercheurs ont aussi déniché trois autres nouvelles espèces du genre Tulostoma Tulostoma dunense (un nom sans rapport avec le roman cette fois), Tulostoma hungaricum, et Tulostoma sacchariolens​​. Ces descriptions confirment que les steppes sablonneuses hongroises représentent, en Europe, des lieux particulièrement adaptés à ce genre de champignon. Une bonne nouvelle alors qu'"une grande majorité des espèces européennes de Tulostoma figurent sur la liste rouge des pays où elles sont présentes", précisent les auteurs de la nouvelle étude.

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Chat GPT, consulté le le 9 novembre 2011 propose le symbolisme suivant :


Il n’existe pas de source fiable confirmant un symbolisme traditionnel ou universel spécifique pour le champignon Tulostoma brumale (appelé « tulostome des brumes ») — mais on peut proposer une interprétation symbolique plausible, en se basant sur son nom, son habitat et les symboles associés à la brume.


🔍 Éléments pour l’interprétation

  • Le nom « des brumes » évoque l’atmosphère de mystère, de transition, d’impermanence.

  • Les champignons coprophiles ou poussant dans des milieux rarement visibles sont souvent associés à des zones «  limites  » ou «  invisibles  » de la nature.

  • Dans la symbolique plus large, la brume est souvent reliée à l’incertitude, à l’invisible, au passage entre deux états.


🎯 Une proposition de symbolisme pour Tulostoma brumale :

  • Transition / seuil : Le champignon « des brumes » peut symboliser un moment ou un lieu de passage — entre visible et invisible, entre vie et mort, entre une phase et une autre.

  • Mystère / dissimulation : Comme il pousse dans des milieux atypiques, souvent humides, discrets, il peut représenter ce qui est caché, ce qui émerge de l’ombre.

  • Résilience / adaptation : Les champignons qui vivent dans des conditions difficiles ou peu fréquentées incarnent la capacité à persister malgré l’adversité — symboliquement ce peut être un encouragement à la persévérance.

  • Éphémère et subtil : Beaucoup de champignons sont de vie fugace, de petite taille ; ici on pourrait voir un symbole de choses délicates, silencieuses mais significatives.

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