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Le Tardigrade

Dernière mise à jour : 25 juil.




Étymologie :


Étymol. et Hist. A. Adj. 1615 « à la démarche lente » qualifiant une tortue (J. de Montlyard, Hieroglyphiques de Vivian, p. 351 ds Gdf. Compl. : Une tortue cheminant laquelle Pacuve appelle [...] tardigrade), ex. isolé ; 1842 en parlant d'animaux (Ac. Compl.). B. Subst. 1. 1764 « animal arthropode de la classe des arachnides » (Ch. Bonnet, Contempl. nat. Œuvres, t. VIII, p. 263 ds Littré) ; 2. 1795 plur. « famille de mammifères édentés » (Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier, Mémoire sur une nouvelle division des Mammifères in Magasin Encyclop., n°6, p. 15). Empr. à l'adj. lat. tardigradus « qui marche lentement » (Pacuvius d'apr. Ciceron, De Divinatione, 2, 133 : Nam Pacuvianus Amphio: Quadrupes tardigrada, agrestis, humilis, aspera [...] Cum dixisset obscurius, tum Attici respondent : Non intellegimus, nisi si aperte dixeris. At ille uno verbo : testudo).


Lire également la définition du nom tardigrade pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Tardigrada - Ourson d'eau -

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Zoologie :


Dans son Atlas de zoologie poétique (Éditions Arthaud-Flammarion, 2018) Emmanuelle Pouydebat expose les caractéristiques d'un indestructible extraterrestre, le Tardigrade (Tardigrada) :


Qui pourrait survivre à un cataclysme d'origine cosmique, à une sécheresse ou à des températures extrêmes, à la privation d'eau pendant des années, aux hautes pressions, aux radiations, à l'absence d'oxygène ou au vide quasi absolu de l'espace ? Qui sont ces forces de la nature ? Eh bien les irréductibles et ... minuscules oursons d’eau ou tardigrades, littéralement "marcheurs lents" ! Ces animaux ont une résistance à toute épreuve, huit pattes griffues, une trompe et rien ne leur fait peur. Proches des arthropodes, les tardigrades sont présents dans le sable, la glace, les sources brûlantes près des volcans, le mousses et les lichens dont ils se nourrissent, même s'ils peuvent occasionnellement être cannibales ou consommer des vers ronds en perçant leur cuticule avec leur trompe. Les tardigrades (on en dénombre près d'un millier d'espèces) sont pourvus de capacités phénoménales pour braver des conditions de vie insoutenables. Aucune espèce ne possède individuellement toutes ces aptitudes, mais chacune bénéficie de particularités hors normes. Ces petits organismes incroyables défient la mort et peuvent entrer dans un état d'anhydrobiose ou cryptobiose, c'est-à-dire être totalement inactifs, faisant baisser drastiquement leur métabolisme afin de résister à une privation d'eau, de nourriture et aux conditions extrêmes. Capables de se déshydrater, de remplacer leur eau par un sucre antigel et de s'entourer d'une sorte de cire microscopique, ils se réactivent en faisant repartir leur métabolisme lorsque les circonstances s'y prêtent de nouveau. Ils peuvent donc semble en état de "mort clinique" pour ensuite "ressusciter". Pratique !

Les tardigrades sont les animaux de tous les records. Ils tolèrent une température de - 200°C et en laboratoire, certains ont survécu pendant vingt heures à une température d'environ - 270°C ! Il semble même que l'un d'entre eux soit revenu à la vie après avoir été congelé à - 20°C sur une mousse pendant 30 ans ! Cette aptitude à braver le froid ne l'empêche pas de survivre à + 151°C, voire à 360°C pendant une demi-heure à une heure ! Mais il y a plus encore. Envoyés par la fusée Soyouz dans l'espace et exposés aux rayonnements cosmiques et au vide spatial (supérieur à 270 kilomètres d'altitude), certains tardigrades sont revenus en vie ! Sans compter que certains peuvent supporter une pression de 600 mégapascals, ce qui correspond à 60 000 mètres de profondeur ! Ils peuvent survivre à une dose de rayons X phénoménale : mille fois la dose mortelle pour un humain. Ce n'est pas terminé ! Ils résistent aux ultraviolets, jusqu'à 7 000 kilojoules par mètre carré, ce qui détruirait n'importe quel organisme, et aux rayons ionisants des usines atomiques ! Une dernière petite prouesse ? Quand un tardigrade rencontre une situation difficile l'empêchant de se reproduire avec un congénère, il peut transformer ses cellules sexuelles en œuf avec un petit dedans.

Comment ces prodiges sont-ils possibles ? Nous n'avons pas toutes les réponses. Comprendre toutes ces prouesses constitue un véritable défi scientifique, si tant est qu'on puisse tout comprendre un jour. Des pistes ? Oui. Deux en particulier. Il semble tout d'abord que ces champions de la survie réparent leur ADN grâce à une protéine (Dsup, damage suppressor) qui les protège ainsi des rayons X. Fait remarquable, cette protéine est transposable à d'autres organismes, dont les humains. Ensuite, les pouvoirs des oursons d'eau seraient liés à des gènes empruntés aux bactéries, connues pour survivre dans des conditions très hostiles. Pour la petite histoire de science-fiction, certains pensent que ces adaptations aux conditions extrêmes n'ont pu s'acquérir que'en dehors de la planète et que les tardigrades seraient venus sur Terre accrochés sur un météorite, il y a peut-être 30 millions d'années !


"Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !" Victor Hugo.

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Symbolisme :


Dans La Vie et le Temps : Les nouveaux boucliers anti-âge (Éditions Flammarion, 2011) de Frédéric Saldmann, on apprend que :


L'infinie robustesse des tardigrades : de quoi détruire à jamais le lien que nous tissons d'instinct, dans notre imaginaire, entre robustesse et gros gabarit : avec ses deux millimètres seulement, le tardigrade est l'un de ces tout petits êtres... hypercostauds !

Les micromensurations de l'animal n'ont pas empêché la nature créatrice de s'appliquer dans son ordonnancement morphologique : une tête, un système nerveux représentant 20% des cellules, un corps protégé par une cuticule et huit pattes qui se terminent par des griffes. Rien d'autre pour mettre à l'abri le minuscule animal, qui sait vivre n'importe où, sous tous les climats, avec, pour lieu de prédilection, la mousse humide des pierres et toitures.

Mais cette accoutumance globale n'est rien, comparée à la résistance inouïe de l'animal. Les tardigrades résistent en effet aux conditions les plus extrêmes... si extrêmes d'ailleurs, qu'elles sont introuvables sur terre. Exemple, le vide absolu, avec des températures de - 253 °C jusqu'à +151 °C. Un grand écart de l'impossible sur un baromètre introuvable... mais auquel notre vaillant tardigrade survit sans problème ! Son suréquipement anatomique l'autorise, par ailleurs, à supporter des pressions supérieures à plus de trois cent fois la pression atmosphérique ; à ingurgiter ou à respirer des produits chimiques ou toxiques ; à soumettre sa carapace à des radiations onze cents fois supérieures aux doses mortelles d'un humain.

Et, quand ils sont en danger de mort imminente, les tardigrades trouvent une ultime parade : ils entrent rapidement en cryptobiose. La cryptobiose est un troisième état, entre la vie et la mort, durant lequel l'activité vitale devient presque indécelable pour s'abaisser à 0.01% de la normale. Ce passage en cryptobiose suppose, pour eux, de se déshydrater et de remplacer un grand volume de l'eau contenue dans leur corps par une substance qu'ils synthétisent. Laquelle substance préserve l'intégrité de toutes leurs structures cellulaires. Dont les neurones. Un système de sauvegarde qui fait bien des envieux ! Mais, si l'efficacité du phénomène est désormais identifiée, la composition précise de cette substance reste à définir. On sait seulement qu'elle contient, entre autres, une forme de glycérol. Et, pour compléter encore leur savant dispositif de protection, les tardigrades s'entourent d'une petite boule de cire appelée tonnelet (en raison de sa ressemblance avec un petit tonneau). Ils peuvent rester dans cet état durant plusieurs centaines d'années !

Dès que les conditions redeviennent favorables, le tardigrade se réhydrate en s'alimentant en eau. Il ne lui faut alors que quelques heures, voire quelques minutes, pour reprendre le cours normal de son existence. Un réveil naturel, comme si les centaines d'années qui se sont écoulées entre sa plongée dans une demi-mort et sa subite renaissance n'avaient jamais existé.

De rares données nous éclairent sur les conditions qui permettent d'optimiser l'efficacité d'une cryptobiose protectrice : basse température, cire protectrice en couverture... Mais, hélas, il faut bien avouer que les recherches sur les tardigrades demeurent, à ce jour, très rudimentaires. Ce qui frappe les chercheurs, dans l'étude de cet organisme vivant, c'est sa résistance à des conditions extrêmes inconnues sur terre. Et certains scientifiques n'hésitent pas à émettre l'hypothèse selon laquelle les tardigrades seraient de petits extraterrestres projetés sur terre par des météorites.

Quoi qu'il en soit, venu ou non d'une autre planète, ce microanimal reste trop éloigné du modèle humain pour que les multiples recherches consacrées à sa phénoménale robustesse aient pu aboutir, pour l'heure, à un quelconque résultat transposable à l'homme. Mais, qui sait, un jour, on en tirera peut-être d'utiles enseignements...

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Littérature :


Quatrième de couverture de Tardigrade (Éditions l'Arbre vengeur, 2016) de Pierre Barrault :


Le tardigrade vous intrigue, le tardigrade vous étonne, le tardigrade vous tarabuste, le tardigrade vous démange.

Ce livre s'adresse donc tout particulièrement à vous. D'autant qu'en plus de vous laisser entrevoir le monde mystérieux de cet extrêmophile invertébré, il vous causera d'amour, de mort, de temps, d'altérité, de transports en commun et de calvitie.

Un opus qu'il convient de ne pas négliger en ces périodes de doute.

Mieux que les vies minuscules, les vies microscopiques...

Tardigrade vous attend.

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