Le Talon
- Anne

- il y a 5 jours
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Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Aïe ! J'ai mal aux yeux avec cette faute d'orthographe !
Étymologie :
Étymol. et Hist. A. 1. 1155 d'une personne (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 9580); ca 1170 (Rois, II, XIII, 18, éd. E. R. Curtius, p. 81 : La meschine fud vestue de une gunele ki li batid al talun) ; 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier de la charrette, éd. M. Roques, 2323 : Tantost qu'il furent anz antré, Si lor lessierent avaler [...] Une porte apres les talons) ; ca 1200 torner le talon « s'en aller » (Renart, éd. E. Martin, XI, 1309) ; ca 1223 torner les talons a aucun fig. « se détourner de » (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. Fr. Koenig, II Pr 1, 337) ; ca 1330 monstrer les talons a aucun « s'enfuir » (Girart de Roussillon, 86 ds T.-L.) ; 2. a) 2e moit. xiiies. « partie postérieure de l'ongle du cerf » (Chace dou cerf, 89 ds T.-L., s.v. esponde) ; b) fin xiiies. [ms] « orteil de derrière d'un oiseau de chasse » (Ms. Oxford Bodl. Digby 86, fol. 52 d'apr. G. Tilander, Glanures lexicogr., Lund, 1932, p. 252) ; 3. a) 1530 « pièce de cuir servant à renforcer la partie de la chaussure couvrant le talon » (Palsgr., p. 206 b : Cloute of a sho − ung talon; ung devant ; ung debout) ; 1611 « partie de la chaussure couvrant le talon » talon d'un soulier (Cotgr.) ; b) 1680 « morceau de bois, ensemble de lamelles de cuir ajoutées à la semelle à l'endroit où repose le talon » (Rich.) ; 1758, 4 déc. petits maîtres français en talons rouges (Voltaire, Lettre au marquis Albergati Capacelli ds Corresp., éd. Th. Besterman, t. 19, p. 268) ; 1771 [1reéd. 1741] p. métaph. nos talons rouges (Gaudet, Bibl. des Petits-maîtres, 4 ds Brunot t. 6, p. 1102, note 6) ; c) 1690 « partie du bas qui couvre le talon » (Fur.), rare av. 1832 (Raymond). B. 1.1573 « partie du gouvernail qui trempe dans l'eau » (Dupuys) ; 1606 talon de gouvernail (Nicot) ; 1643 « extrémité de la quille du navire du côté de l'arrière » (Fournier Hydrographie, p. 13) ; b) 1621 « le tiers du tranchant d'une lame d'épée le plus près de la garde » (C. Oudin, Tesoro de las dos lenguas fr. y esp., Paris, P. Billaine, s.v. tercio postremo de la espada) ; 2. 1676 (Félibien, p. 747 : en terme d'archit. c'est un petit membre composé d'un filet quarré et d'un symaise droite) ; 3. 1645 terme de jeu « cartes qui restent après la distribution » (C. Oudin, Seconde partie des Recherches esp. et fr.) ; 4. 1694 « dernier morceau de quelque chose » talon d'un pain, d'un fromage (Ac.) ; 5. 1835 talon de souche (Ac.). Du lat. vulg. talo, -onis (class. talus « osselet du paturon de certains animaux, qui servait à jouer aux osselets » ; « (chez l'homme) astragale » puis, p. ext. « cheville » et « talon ») relevé au xes. (CGL t. 3, p. 605, 18 : usque ad genua et talones).
Lire également la définition du nom talon afin d'amorcer la réflexion symbolique.
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Anatomie :
Alain Froment, dans un ouvrage intitulé Anatomie impertinente, Le corps humain et l'évolution (© Éditions Odile Jacob, 2013) éclaire notre compréhension du corps humain :
L'épiderme est une mince couche cellulaire de 1 à 4 dixièmes de millimètre, soit à peu près l'épaisseur de la page de ce livre, allant jusqu'à 1 millimètre dans la paume des mains et encore davantage sur les talons, où les frottements sont intenses. Il est fait en grande partie de cellules mortes, et son épaisseur augmente là où il y a des résistances mécaniques, mais des zones telles que la plante des pieds sont épaisses avant tout contact, à la façon des callosités des pattes du dromadaire que l'on observe avant la naissance, ce qui a autrefois enflammé une querelle sur l'hérédité des caractères acquis. Il y a cinq couches empilées de cellules qui ne sont vascularisées qu'à la base, où elles se divisent en permanence et repoussent les précédentes vers la surface, où elles se dessèchent et meurent, formant la couche cornée; c'est ce renouvellement permanent qui permet une cicatrisation rapide.
[...]
La marche est un processus complexe car, en un pas, on réalise trois actions sur trois segments : l'absorption du choc par le talon, le soutien du corps par la voûte, puis la propulsion par l'avant-pied. Les autres primates, de même que les nourrissons qui apprennent à marcher, ne s'appuient que sur l'avant-pied, mais ensuite c'est le talon qui supporte l'essentiel du poids du corps.
[...]
Le tarse est, en grec, une claie pour égoutter les fromages qui par extension désigne les rangées de rames le long d'un navire, et finalement l'alignement préfigurant le pied. L'arrière du tarse est constitué d'un os volumineux, le calcanéum, qui forme la saillie du talon, et « roule, vire et tangue » sous un os plus compact faisant poulie avec la fourchette tibio-péronière, l'astragale, ou talus, dont le nom provient d'un jeu d'osselets, ou de dés (tali). [...]
Courir n'est rien d'autre que sauter d'un pied sur l'autre, avec des phases où le corps, contrairement à la marche, n'est plus en contact avec le sol, et lorsqu'on saute, on se reçoit sur l'avant-pied, et non sur le talon. Mais avec des chaussures de sport, c'est le talon qui sert d'amortisseur, ce qui crée les lésions dans tout le membre inférieur.
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Symbolisme :
Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,
TALON : Selon une croyance Semang, à la mort, l'âme quitte le corps par le talon.
Achille était vulnérable au talon. Le scorpion et le serpent piquent au talon le plus souvent. Le talon est comme la base de l'être humain, caractérisé par la station debout. Le talon atteint, l'homme tombe. Il n'est nullement contradictoire pour la logique imaginative, que ce soit par là que la vie ou l'âme s'échappe en dernier lieu, comme c'est par là qu'entre la mort.
Annick de Souzenelle autrice de Le Symbolisme du corps humain (Éditions Albin Michel, 1991) raconte l'origine de son interrogation sur le corps humain :
Au cours dit d’« histoire sainte », j’apprenais que c’est au talon que le serpent avait mordu notre mère Ève (Gn 3, 15) et que, depuis, nous portions tous une inguérissable autant qu’invisible blessure au pied.
Inguérissable ? Et pourtant, le patriarche Jaqob semblait plus tard prendre en main le talon de son frère – n’était-ce pas pour quelque chose ? –, lui qui serait bientôt blessé par l’Ange à la hanche (Gn 24, 25 et 32, 26). Et pourquoi, en lavant les pieds de ses apôtres, le Christ allait-il affirmer qu’il suffit que les pieds soient purifiés pour que l’Homme le soit (Jn 13, 10) ?
Pourquoi – je l’appris par la suite – la mythologie grecque offre-t-elle à notre méditation l’histoire de tant d’êtres aux pieds blessés, enflés, déchaussés… ? Chez un autre de ses héros, Prométhée, c’est le foie qui, dévoré par un aigle pendant le jour, se reconstitue durant la nuit pour être à nouveau la pâture de l’aigle, et ainsi de suite. Pourquoi est-ce dans ses cheveux que se cachait en secret la source de la force de Samson, juge en Israël (Jg 16, 17). [...]
Un jour, ce dessin [celui de l'Arbre des Séphiroth] me fut présenté. Aucun de vous n’a oublié la beauté du film Rencontre avec des hommes remarquables de Peter Brook (1979), dont le début racontait l’histoire d’un village qui, chaque année, réunissait ses hommes dans un concours de musique, au pied de la montagne. Le gagnant était celui dont le chant réussissait à faire chanter la montagne…
Le chant du corps divin se mit à faire chanter la montagne biblique et mon corps tout entier ; mon âme ensevelie sous les non-réponses d’autrefois s’éveilla. Alors je sus pourquoi Ishah était blessée au talon, Jaqob à la hanche ; pourquoi la force régnait dans les reins d’Israël, dans les cheveux de Samson ; et je saisis le pourquoi de la lèpre de Job et de « toute la tête malade » que déplorait le prophète Esaïe.
À l’écoute, je commençai d’entendre le langage du corps.
[...]
Abel et Jaqob sont homologues de l’ontologie de l’Homme. L’un, Abel, הבל, est le vaurien, l’« insignifiant » ; l’autre, Jaqob, עקב' est le « talon » du Yod et nous verrons dans l’étude du pied que le talon est aussi un « nid » (Jaqob aime vivre à l’intérieur de la maison).
[...]
Tout se passe comme si, au lieu de remonter le long de l’Arbre pour leur juste réalisation, les énergies de l’Homme s’écoulaient au niveau des pieds – Malkuth – par le trou béant d’une blessure.
Voilà pourquoi nous allons voir l’humanité, à travers ses livres sacrés, ses mythes et ses contes, exprimer douloureusement son erreur en traînant un pied blessé avec Œdipe, vulnérable avec Achille, mordu par le serpent avec Ishah.
Puis nous découvrirons les prémices d’une guérison avec Jaqob tenant en sa main, à sa naissance, le talon.
[...]
Sur un plan physique, les pieds potentialisent le corps de l’Homme tout entier. C’est pourquoi l’art de l’acupuncture, dans une de ses approches du corps, est pratiqué au niveau des pieds, dont les émergences énergétiques, poncturées avec justesse, retentissent sur les méridiens correspondants au niveau de la totalité du corps.
Dans cette optique, les doigts de pieds correspondent à la partie céphalique du corps, le talon au fondement.
[...]
3. ACHILLE OU LE PIED VULNÉRABLE : La colère légendaire du « bouillant Achille » n’a d’égale que la fureur d’Œdipe se déversant dans le chemin creux.
La nymphe Thétis, voulant rendre invulnérable, donc immortel, son fils Achille, le trempe dès sa naissance dans les eaux sacrées du Styx ; une seule partie du corps de l’enfant n’est pas immergée, le talon, par lequel Thétis le tient.
Achille « aux pieds légers » reste par le talon fils de la terre, mortel. Par rapport au reste de son corps devenu d’essence divine, son talon est comme blessé. À ce niveau s’écoulent toutes ses énergies dans les activités guerrières extérieures à la conquête de lui-même. Elles s’écoulent en colères, en passions apparemment nobles, en conquêtes grandioses, mais en aucun cas ne sont investies dans la construction de son être divin, de sa qualité d’« immortel ».
Au siège de Troie, Pâris, guidé par Apollon, dieu du ciel, décoche une flèche qui frappe le futile Achille au talon. Le héros a le courage de retirer la flèche, mais par le trou le sang s’écoule et s’échappe… L’homme s’écroule et meurt. L’Homme rouge meurt.
Notons bien que la flèche divine est rayon divin. L’Homme est visité du Yod qui l’oblige à mourir à sa dimension d’Homme rouge pour ressusciter Homme vert. L’histoire d’Achille ne comporte pas ce second volet. L’hellénisme en général y mène, mais ne le développe pas. C’est le judéo-christianisme qui en ordonne toute l’ampleur.
Blessée au talon, à la naissance de ses énergies, l’humanité, dans ses différents mythes, n’est autre que Ève, épouse d’Adam, qui dans l’expression biblique donnera naissance au Yod, le Messie, et celui-là maîtrisera le Serpent : « Une inimitié Je placerai entre toi et Ishah, dit Dieu au serpent, entre ta semence et sa semence. Celle-ci te blessera en tant que toi-tête, et toi tu blesseras Ishah en tant que elle-talon » (Gn 3, 15).
La dialectique tête-talon s’éclaire pleinement, me semble-t-il, après cette étude.
Le serpent désigné ici en tant que « tête » est le faux époux auquel l’humanité vient de se donner, auquel elle vient de s’ouvrir en lui livrant la totalité de ses énergies (symboles du pied ouvert blessé).
Alors que le véritable Époux divin nourrit l’humanité afin qu’elle grandisse et devienne épouse, le serpent mange celle dont il avive ainsi constamment la blessure au talon afin d’y puiser son énergie.
Et combien est grande et mortelle la blessure, abondant le sang qui s’écoule d’elle ! Et comme l’humanité aveugle y perd son âme ! Et comme chacun de nous, ignorant et pourtant averti, y engouffre ses forces, trouvant la mort au terme de cette saignée !
Ontologiquement, l’Homme ne peut conquérir le monde extérieur qu’en conquérant son cosmos intérieur. Il ne peut être maître de la terre extérieure qu’en épousant la Création tout entière dans la profondeur de son mystère et non en la violant de l’extérieur, provoquant le hérissement de « ses ronces et ses épines ». Épouser la mère, c’est cela devenir des dieux, et seulement alors reconquérir le cosmos.
Tout le reste est activisme, perte d’énergie, saignée et mort ! Le danger est d’autant plus subtil que le mobile est noble, apparemment utile (noblesse et utilité ressortissent à notre condition psychique). La plupart des œuvres dites « bonnes œuvres », exécutées sans la conscience spirituelle, font partie de cette saignée ! Mais il serait trop long de m’étendre ici sur ce sujet, j’en reparlerai plus loin.
Posons-nous plutôt tout de suite la question essentielle : comment panser cette plaie ? Comment arrêter la saignée ?
L’histoire de Jaqob va nous mettre sur le chemin de la guérison.
4. JAQOB OU LE « TALON DIVIN » : LA GUÉRISON DE LA BLESSURE
Dans le sein de sa mère, déjà, Jaqob se bat avec son frère jumeau, nous apprend la Genèse. Son père Isaac a
quarante ans lorsqu’il épouse Rébéqah. Deuxième patriarche d’Israël, symbole même de ce peuple, Isaac aborde sous ce signe de 40 l’épreuve du 4, du quadrilatère de l’Arbre. Il quitte ses béquilles, et pour cela choisit la femme, le 2, afin, avec elle, de devenir 1.
Tout mariage contracté avant d’aborder ce quadrilatère reste voué à la déchirante dualité qui se solde par une séparation, à moins qu’il ne devienne ascèse des époux qui abordent ensemble le quadrilatère.
Avec Isaac, le peuple hébreu quitte ses béquilles pour entrer à l’étage de son Être, marqué, nous l’avons vu, par le dodécanaire (douze vertèbres dorsales du quadrilatère). C’est Jaqob, troisième patriarche, qui, devenu Israël, va vivre cet étage à travers les douze tribus qu’il engendre.
Pour passer de l’Avoir à l’Être, du premier au deuxième étage, Isaac devra lutter avec lui-même. Ses deux fils
qui se battent dans le sein de leur mère sont les héros de cette lutte ; ils sont les deux natures de l’homme :
nature première potentialisant le devenir divin, symbolisée par Jaqob ;
nature en chute, en tunique de peau, symbolisée par ‘Esaü.
‘Esaü est l’aîné, c’est lui qui sort le premier du sein maternel, il doit avoir l’héritage. Il est roux, couvert de poils ; il est l’Homme rouge sorti d’Éden. Cet Homme-là efface, étouffe celui qui, en puissance, peut devenir dieu. Il a sur lui droit d’aînesse, c’est-à-dire tout pouvoir.
C’est à cette charnière que l’histoire de l’humanité se joue : si Jaqob n’a aucun pouvoir, il tient cependant en sa main le talon de son frère, tel l’arbre vert tenant par le pied l’Homme rouge.
« Talon », en hébreu, se dit ‘Aqev עקב , d’où le nom de Jaqob – Ya‘aqov יעקב – donné à ce fils. À ce niveau, la lettre Yod י précédant le mot « talon » laisse supposer qu’en Jaqob le talon rejoindra la tête, qu’en lui le peuple hébreu atteindra à sa royauté. L’Homme retrouvera sa dimension divine.
La main, nous le verrons, est symbole de connaissance, donc de puissance. La main de Jaqob empoignant le talon de son frère signifie que Jaqob rassemblera toutes les énergies humaines de l’Adam contenues en ‘Esaü et les amènera à leur accomplissement. Il a toute puissance sur elles.
Pour réaliser cela, il faut qu’en Isaac l’Homme spirituel – l’Arbre vert – acquière la primauté sur l’Arbre rouge,
l’Homme temporel qu’il aime : « Isaac aimait ‘Esaü » (Gn 25, 28). Isaac aime sa tunique de peau bien qu’il soit sur le chemin de l’unité.
De sa femme Rébéqah, il dit : « Elle est ma sœur » (Gn 26, 7). Or « Rébéqah aimait Jaqob ». Elle connaît le germe qu’elle porte. Rébéqah est une matrice spirituelle, un pôle de mutation. Son nom retourné est Haqéver, הקבר, le « tombeau », celui dans lequel s’accomplit le double processus de mort et de résurrection.
La première partie de la mutation se fait en dehors d’elle. Jaqob doit obtenir la primauté sur son frère, c’est-à-dire acquérir son droit d’aînesse : il prépare un potage, un « roux » (en hébreu, un Edom). Lorsque ‘Esaü revient de la chasse, lui – l’Homme rouge – désire le plat. L’échange entre les deux frères se fait donc au niveau de ce roux.
Symboliquement, cela signifie que Jaqob abandonne le « vieil Adam ». Il le laisse à son frère ‘Esaü, qui le mange ; et la manducation étant symbole d’identification, ‘Esaü devient Edom אדם= אדום , c’est-à-dire, en hébreu, l’Adam figé dans le 6.
‘Esaü, l’Homme rouge, reste chez ses parents, entre ses deux béquilles à l’étage infantile. Lui, Jaqob, part ; il doit porter la maison d’Israël au 7 afin qu’elle retrouve l’unité. Contre ce roux, ‘Esaü abandonne à Jaqob son droit d’aînesse. Jaqob a maintenant toute puissance sur l’héritage d’Isaac. L’Homme nouveau a supplanté le vieil Homme (« supplanter » est encore en hébreu la même racine ‘Aqev).
Avec la complicité de sa mère maintenant, Jaqob se couvre d’une fausse tunique de peau pour faire croire à Isaac devenu aveugle qu’il est bien son fils premier-né, le vieil Adam, qui doit recevoir de lui sa bénédiction. Il existe en hébreu un jeu de mots entre le « premier-né » et la « bénédiction » 18. Cette fausse tunique de peau indique bien le caractère non ontologique de cette dernière. La vraie nature de l’Homme est recouverte de cette peau.
Quant à l’aveuglement d’Isaac, il ressemble étrangement à celui d’Œdipe. Sous le symbole du devenir de Jaqob, Isaac est en pleine évolution et ses yeux sont dans les ténèbres du voyage qui prélude à la lumière spirituelle. Il bénit en Jaqob qu’il croit être son premier-né sa postérité, lui donnant toute puissance sur ses « frères » les Hommes rouges. Jaqob est prêt désormais à ramener cette postérité en terre promise, en épousant les
terres-mères successives jusqu’à celle qui contient le Nom. La ruse de Jaqob est le contrepoint de la ruse du serpent en Éden.
Alors Jaqob prend le départ : il va chercher femme chez Laban, frère de sa mère. C’est la lignée de sa mère qu’il va épouser, lignée de purification aussi, car Laban veut dire « blanc ». Symboliquement là encore, l’homme dans son devenir épouse sa mère, tandis qu’‘Esaü – devenu Edom, c’est-à-dire resté figé dans le 6, dans la banalisation – épouse des femmes « qui furent un sujet d’amertume au coeur d’Isaac et de Rébéqah » (Gn 26, 35).
Nous retrouverons Jaqob plus loin, en continuant notre montée. Avant de le quitter un moment, remarquons que le mot « talon », ‘Aqev 70-100-2 בקע est proche du mot ‘Iqar 70-100-200 רקע qui signifie « racine », « qui est de la race ». Nous pouvons donc être sûrs que Jaqob est bien de la race divine. Le prophète Ésaïe dit de lui : « Jaqob prendra racine, Israël poussera des fleurs et des rejetons, et il remplira le monde de ses fruits » (És 27, 6).
L’Arbre vert fleurira. Le fruit que va porter Israël est celui dont la tradition dit qu’il est le « second Adam », le Christ. En fait, toute la lignée d’Israël est Adam, un Adam que Jaqob a ramassé par ruse dans la poussière où il se faisait dévorer et qu’il porte à sa véritable dimension.
Mais j’insiste sur ce détail : Jaqob endosse cette tunique de peau ; il reçoit avec elle la bénédiction du Père, et va la transformer en robe de lumière.
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Dans Le Temple de l'âme : La Parole divine du corps humain (Éditions Dangles, 1998) Roland Arnold décrypte la symbolique du talon :
En outre, le pied est aussi le symbole de l’âme. Un défaut à ce niveau révèle une faiblesse de l’âme. Si Achille est vulnérable au talon, c’est en raison de sa propension à la violence et à la colère, qui sont des signes de non-accomplissement.
Le site La Vague de Vie propose un fascicule intitulé "Le symbolisme des organes du corps humain" (malheureusement non sourcé) dans lequel on peut lire la notice suivante :
TALONS : La partie postérieure du pied de l’homme qui prend partiellement appui sir le sol évoque le choix de marcher sur du solide pour mieux avancer dans la vie. Le talon apparaît comme le fondement de l’être humain, la seule créature terrestre caractérisée par la station debout. Mais, blessé au talon, soit atteint dans ses acquis, son fondement, sa structure, sa sécurité, il s’effondre Le talon réfère souvent au point d’origine (d’où on vient) et à son bagage d’expériences. Il rappelle que l’homme est fils de la Terre et qu’il doit s’y enraciner solidement. Ésotériquement, le talon identifie l’endroit vulnérable, qu’on ne soupçonne pas tel, qu’il faut renforcir et protéger. Il désigne souvent le sexe, cet organe particulièrement sacré, qui peut pervertir la conscience. En psychologie, le talon évoque diversement sa réputation, son intimité, ses intérêts personnels. Les Hébreux réservaient cette partie d’un animal pour la dédier à Dieu, en interdisant la consommation aux hommes. La Vierge qui écrase le serpent du talon : génération du Fils du salut, rénovation du monde.
Les affections au niveau du talon font surgir une propension à la violence, à la colère. Faiblesse de l’âme ou défaut spirituel. Énergies dispersées dans l’hostilité et l’agressivité. Passions apparemment nobles, mais révélant une quête purement égoïste et matérialiste. Fils de la terre, plutôt que Fils de Dieu. Point de vulnérabilité insoupçonnée. Manque de force créatrice et de protection. Sentiment de ne rien avoir sous les pieds. On se contente de ce qu’on a, certain de ne pas pouvoir se donner plus. Insécurité financière. Dépendance financière pour ses besoins primaires. On n’aime pas la tâche qu’on exécute, mais on ne sait pas comment en changer. Famille décimée. Résignation à son sort.
Michel Odoul, auteur de Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi (Nouvelle Édition revue et corrigée Albin Michel, 2002) évoque brièvement le talon :
C'est [le pied] enfin un symbole de liberté, car il permet le mouvement. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si l'on bandait les pieds des petites filles en Chine. Sous le couvert d'une signification érotique et esthétique, cela permettait en fait d'enfermer, d'emprisonner la femme dans un mode relationnel de dépendance face à l'homme, en limitant son potentiel de mobilité. Le même phénomène existe d'ailleurs dans nos sociétés occidentales où les femmes « devaient » porter des talons aiguilles pour correspondre à un certain schéma. Comme par hasard, on a pu constater que, au fur et à mesure de la « libération » de la femme, la hauteur des talons de ses chaussures diminuait. Aujourd'hui, de plus en plus de femmes, surtout dans les jeunes générations, ne portent plus que des chaussures à talons plats.
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Jacques Martel dans Le Grand Dictionnaire des malaises et des maladies (Éditions Quintessence, 2014) nous éclaire sur les significations du talon et de ses atteintes :
TALON : Le talon symbolise le passé sur lequel je m’appuie, mon assise. Souffrir d’un mal au talon m’indique que je vis de l’angoisse, que je me sens incompris et non appuyé dans les choses à faire.
Le talon étant le point d’appui de mon corps, une douleur à cet endroit démontre que je vis de l’incertitude par rapport à mon avenir. Je me sens hésitant et insatisfait de moi ou de ma vie et il me semble que je perds la maîtrise de mon corps. Comme c’est sur mes talons que repose tout mon corps, je peux sentir le besoin d’avoir un appui solide dans la vie pour pouvoir continuer à avancer en toute sécurité.
Je laisse peut-être quelqu'un drainer mon énergie, « il ou elle est toujours sur mes talons ». Je me sens constamment talonné par mon supérieur. Je m’accroche au passé. Je me sens moins que rien. Mon existence est très insatisfaisante et j’ai souvent « l’estomac dans les talons (avoir faim) » car il y a beaucoup de choses qui ne me conviennent pas, que j’ai de la difficulté à digérer. Je porte le poids des autres sur mes épaules, ne sachant pas exprimer mes limites et étant déconnecté de mon pouvoir intérieur. Je me sens obligé de mettre les freins constamment. Si le calcanéum (os volumineux qui forme le talon) est affecté, je vis une remise en question intense par rapport à ma raison d’être et qui je suis. Est-ce que je vis ma propre vie ou je veux imiter celle d’un autre ? Quelle est la situation par rapport à laquelle je suis récalcitrant, et que je veux fuir, dont je veux m’extirper ?
J’accepte ↓♥ de me faire confiance et avancer en toute sécurité. Je prends la place qui me revient. Je laisse aller le passé et je me tourne vers le futur, en écoutant mon autorité intérieure, ma petite voix qui sait exactement ce dont j’ai besoin.
Christian Flèche est peu disert sur le talon dans son ouvrage intitulé Décodage biologique des maladies (Éditions Le Souffle d'or, 2020) :
Talon : Taper du talon, du pied, coup de colère. - « Je tape du talon car je veux faire disparaître ma colère. » - « Je suis obligé de freiner des quatre fers. »
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Mythologie :
Dans Dis-moi quand tu as mal, je te dirai pourquoi : Mythologies corporelles et cycles de vie (Éditions Albin Michel, 2014), Michel Odoul évoque une autre blessure au talon que celle d'Achille :
Deuxième épreuve : l'Hydre de Lerne
La deuxième épreuve imposée à Hercule est de tuer l'hydre de Lerne. Ce monstre, sorte de dragon à 5 têtes dont l'une est considérée comme immortelle, vit dans les marais de Lerne, en Argos. Cette région de tourbières malodorantes est très proche de l'entrée des Enfers, du gouffre par lequel Perséphone et Hadès descendirent vers ce lieu que l'on appelle aussi le Tartare.
Dans ce paysage de fange, obscur et brumeux, où seule la lumière de la Lune peut les guider, Hercule, accompagné de son neveu Iolas qui conduit son char, cherche le monstre à l'haleine fétide, pestilentielle, qui empoisonne tout. Il découvre enfin l'hydre, vibrante de fiel, mouvante et insaisissable avec ses multiples têtes, avec sa peau écaillée et laiteuse. Hercule la force hors de son marais, où elle cherche à l'attirer, grâce à quelques flèches enflammées. Il tente de la combattre à coup de massue sur chaque tête qui passe à sa portée mais dès qu'il en écrase une, non contente de repousser aussitôt, elle se dédouble tout en inversant ses profils. De plus, en plein combat, Hercule ressent une douleur intense à son talon gauche. Il découvre un énorme crabe, placé là par Junon, qui cherche à l'attirer vers le fond du marais où il serait avalé par la vase, la fange. Hercule ne peut s'en libérer qu'en éclatant sa carapace d'un coup de massue. La lutte semble vraiment impossible, trop inégale, sans issue face à la haine dont Junon le poursuit ainsi.
Cependant, Iolas, inspiré par Athéna, la déesse protectrice d'Hercule jusqu'à la fin de ses épreuves, arrive à la rescousse du héros. À l'aide d'un brandon enflammé, il cautérise chaque blessure faite par le héros chaque fois qu'il écrase une tête, empêchant ainsi la repousse immédiate de celle-ci. Le rapport de force change instantanément ! Le monstre se retrouve avec une seule et dernière tête, celle qui est censée être immortelle et chargée d'intelligence. La massue d'Hercule est impuissante contre elle, il ne peut l'écraser comme les autres. Il se saisit alors de son sabre, dont la lame métallique brille dans la blanche lumière lunaire. D'un coup net et précis, le héros tranche cette tête fascinante dont toute une partie est en or. L'hydre s'effondre et meurt dans un dernier souffle empoisonné. Hercule, poussé par un irrépressible besoin, ouvre alors les entrailles de la bête qu'il met ainsi à la lumière. Il y découvre une poche contenant un venin noir et poisseux dans lequel, funeste décision, il trempe ses flèches qui deviennent ainsi mortelles à jamais.
Son épreuve réussie, Hercule décide d'emporter la tête morte dans ses bras, mais aussitôt il sent son froid glacial et une mélancolie douce et triste l'envahir. Des flots d'images et de mémoires assaillent son esprit. Il revit son combat dans le berceau contre les serpents mis là par Junon. Il revit ce moment tant désiré et pourtant non assouvi où il allait pouvoir téter le sein de cette dernière, ce qu'elle lui refusa violement, car ainsi il serait devenu dieu. C'est ce geste brutal qui, par le jet au firmament céleste du lait aspiré mais refusé à l'enfant, créa la voie lactée. Un sentiment nostalgique et de fragilité, de faiblesse saisit le héros. Cependant, un éclair de lucidité le fait réagir. Comprenant que tout cela est dû à cette tête qu'il garde, il sent qu'il doit à tout prix s'en débarrasser. Hercule décide de l'enterrer car seule la putréfaction pourra transformer cette chair immonde en humus.
Ce dernier travail réalisé, Hercule ressent une très grande fatigue. Épuisé, il repart seul vers Mycènes. À son arrivée, Eurysthée refuse d'entériner ce travail sous prétexte qu'il s'est fait aider par Iolas.
L'énergie du Gros Intestin : Cette deuxième épreuve porte en elle toute la symbolique de l'énergie du méridien du Gros Intestin. Quelle est cette énergie associée au Principe du Métal ? En MTC, l'énergie du Gros Intestin a la charge de tout ce qui concerne l'élimination, l'évacuation des déchets, des matières organiques, c'est-à-dire ce que l'on a ingéré, digéré et dont on a décidé de ne pas se nourrir (cela n'a pas passé la barrière de l'intestin grêle). Cette élimination nettoie l'interne et permet au corps de ne pas « étouffer » sous les déchets. En cela le Gros Intestin assiste le Poumon et évacue ce qu'il a « tranché », c'est-à-dire choisi d'éliminer. Lorsque le Gros Intestin fonctionne mal, le corps s'intoxique, les déchets pourrissent en lui. Il dégage des odeurs peu agréables (gaz intestinaux, odeurs de peau et de transpiration, etc.). La peau, qui lui est associée, devient un accessoire d'élimination à travers de nombreuses dermatoses ou boutons qui lui donnent parfois un aspect serpentin, granuleux. Lors de trop grosses saturations, il libère par les diarrhées, provoquées par l'Intestin Grêle, le trop-plein. L'énergie du Gros Intestin joue également un rôle majeur dans la capacité de cicatrisation, en particulier pour la peau. Il est enfin un méridien très utile pour éliminer toutes formes de tensions musculaires. Il a la charge, avec les poumons, de l'odorat.
Sur le plan psychique, le Gros Intestin gère la capacité à éliminer les vécus, les mémoires ou les blessures émotionnelles conscientes, qui sont des poisons intérieurs. Il permet d'évacuer les tensions psychiques, à l'identique des tensions physiques. C'est pour cette raison que c'est sur son trajet que l'on trouve les points les plus efficaces pour le lâcher-prise. Gestionnaire de la capacité de l'individu à éliminer les vécus tensionnels, de sa capacité à cicatriser les blessures émotionnelles, le Gros Intestin est le méridien de la capacité au pardon. Il est contrôlé par l'Intestin Grêle, méridien associé au Principe du Feu.
La relecture : Une nouvelle fois, tout est dit ! Lors de cette deuxième épreuve, Hercule doit affronter un monstre « multi-têtes » à l'haleine fétide et dans un lieu marécageux, fangeux et malodorant. Nous sommes là, a priori, dans un contexte très « Gros Intestin » me semble-t-il. Il doit éliminer ce qui empoisonne ainsi toute la contrée (le corps). La bête a 5 têtes (la tête, c'est ce qui pense, ce qui porte les mémoires), ce sont les 5 poisons, les 5 mémoires émotionnelles qui sont toujours vivantes et dangereuses car elles renaissent sans cesse. Elles sont toujours vivantes parce que nous les gardons en nous (le Gros Intestin peut retenir), et comme une plaie qui reste ouverte, elles infectent. Cependant, si le héros (l'individu) cherche à lutter contre elles, à les faire disparaître, à les écraser, non seulement elles ne meurent pas mais elles se régénèrent, se nourrissent de cette lutte contre elles. Elles se dédoublent même ! Chaque fois que le héros en écrase une (veut la faire taire en lui), elle revient avec plus de force et inversée. Ces 5 poisons qui pourrissent en nous sont les 5 émotions premières des hommes dans leur dimension négative, qui éloignent l'être de son essence noble. Il s'agit de la colère, du désir, de l'envie, de la tristesse (les regrets) et de la peur (1) :
— la colère que l'on refuse de gérer se dédouble en agressivité et en injustice ;
— le désir que l'on refuse de gérer se dédouble en passion et en violence ;
— l'envie que l'on refuse de gérer se dédouble en avarice et en jalousie ;
— la tristesse que l'on refuse de gérer se dédouble en mélancolie et en intégrisme ;
— la peur que l'on refuse de gérer se dédouble en lâcheté et en soumission.
Il est impossible de fuir, d'ignorer ces poisons ou de croire les éliminer en les étouffant ou en les écrasant. La seule possibilité est de les cautériser, c'est-à-dire de les cicatriser par le feu, par ce qui purifie. L'individu doit lâcher prise par rapport au vécu dont il ne veut pas et ne doit pas se nourrir (la blessure émotionnelle) au risque de s'empoisonner par ces mémoires toxiques. Mais pour cela il doit accepter de les mettre en lumière, comme Hercule qui a l'intuition d'ouvrir les entrailles du monstre, de les reconnaître, voire de les faire émerger (Hercule fait sortir le monstre en tirant des flèches enflammées). Certaines mémoires profondes nous tirent sournoisement vers le bas (le crabe surgit de la fange et s'accroche au talon gauche, signant la blessure d'Hercule par l'abandon du père). Véritables cancers émotionnels (le crabe), elles tiennent l'être et le rongent. Le héros n'a qu'une seule façon de s'en libérer : briser la dure carapace du déni dans laquelle elles sont solidement enfermées. En déchirant, en brisant cette carapace, le héros les met en lumière et dévoile leur caractère nauséabond.
Il doit enfin aller au bout de ce que l'épreuve implique, c'est-à-dire qu'il ne doit pas imaginer un seul instant pouvoir conserver une partie de ces mémoires, même et surtout s'il leur accorde, par nostalgie ou regrets, de la valeur (comme la dernière tête que garde Hercule et dont une partie est en or). Elles continueront sinon à distiller leur poison. La seule solution est de trancher dans le vif et de les enterrer pour qu'elles pourrissent et se transforment en engrais. Seul le deuil des mémoires émotionnelles, l'acceptation de ne plus les garder, peut les transformer et fertiliser ainsi l'être. Tant qu'il ne l'a pas fait, il est tenu, envahi par la mélancolie, les regrets qui le minent, l'épuisent et le tirent vers le bas.
Le combat est dur et même, lors de certaines évacuations brutales (luttes, diarrhées), l'individu est épuisé. Il ressent également un sentiment profond de lassitude, de solitude, lorsqu'il a enterré des pans de passé ou que des larmes, provoquées par la tristesse, l'ont libéré. C'est le prix de la croissance, qui passe parfois par des crises mais fait toujours grandir l'être.
Alors, que nous dit cette deuxième épreuve et que vectorise en nous l'énergie du Gros Intestin ? Ce deuxième travail est celui de l'acceptation de la séparation, de la coupure du lien, de la cicatrisation des plaies, du pardon. Sans lui, l'être qui s'est redressé ne peut rester vertical. En transformant les blessures et les émotions négatives, il reconquiert une image ternie jusque dans ses racines (péché originel ?). Pour cela, il doit accepter de développer des réflexes de détente face à ce qui fait mal et de résilience face à ce qui l'a blessé.
La synthèse de l'épreuve :
Les valeurs à conquérir : la clarté, la précision, l'attention, l'honnêteté, la prudence, l'indulgence, le lâcher-prise, le pardon.
Les faiblesses à dépasser : la crispation, les regrets, l'indifférence, le mépris, le chagrin.
Les projections symptomatiques familiales : la retenue, les contraintes, la peur de perdre, les non dits.
Les projections symptomatiques sociétales : l'attachement, l'insécurité matérielle, le clivage, l'indifférence.
Les symptômes physiques signant la difficulté à résoudre l'épreuve : L'axe constipation / diarrhée, les entérites, les colites, les dermatoses purulentes et odorantes, les furoncles, les anthrax, les parasitoses intestinales, etc. Quand ces symptômes physiques apparaissent-ils ? Dans le cycle de l'année personnelle, le 2e mois qui suit la naissance, puis chaque année, le 2e mois qui suit la date d'anniversaire. Dans le cycle de Jupiter (12 ans), la 2e année de vie, puis la 14e, la 26e, la 38e, la 50e, la 62e, la 74e et la 86e. |
Note : 1) Certaines traditions en comptent 9, à l'instar d'ailleurs de certaines versions de cette épreuve qui disent que l'hydre avait non pas 5 mais 9 têtes.
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Stéphane Marchand brosse le portrait d'Achille dans un article intitulé "La colère (mènis) d'Achille !." (In Mythologie (s), 2024, pp. 52-53) :
L’Iliade chante les exploits d’Achille mais surtout sa colère. Le « meilleur des Achéens » est un héros violent, impitoyable, tout en démesure, qui ne se console pas d’être mortel. Sa figure interroge la valeur de la vie elle-même.
La colère (mènis) d’Achille, chantée par le poète de l’Iliade, est à la mesure de sa démesure : irréfléchie et surpuissante, elle précipite les malheurs des Achéens. L’Iliade s’ouvre sur l’affront que lui fait Agamemnon en lui dérobant sa part de butin. Agamemnon a offensé sa raison d’être, ce qu’il fait qu’il est un héros dont on chante encore maintenant les exploits, sa gloire, son kleos.. Achille est le héros de la force, il est « le meilleur des achéens » et personne n’est censé prendre le dessus sur lui. Il ne peut que se retirer du champ de bataille et faire courir à ses alliés le risque d’une défaite.
Comme on le sait, c’est la mort de son ami Patrocle parti combattre à sa place et avec ses armes qui le décideront à revenir à la guerre. Il sait pourtant que ce retour le condamne à mourir. À l’inverse d’Ulysse, il doit sacrifier son retour à sa « gloire impérissable » (Iliade IX. 412-413). Il y a du grandiose dans ce destin où la prudence et l’instinct de survie n’ont pas leur place. Achille dépensera tout et tout de suite. Il y a en lui une rage nourrie de la peine infinie de ne pas être un dieu, de la douleur de ne pas être fils de Zeus : « Rien, dit-il, ne vaut la vie pour moi » (Iliade IX, 401). Héros boudeur, Achille incarne la grandeur de l’insatisfaction d’être mortel ; Rachel Bespaloff l’a bien dit : « Aussi bien n’est-ce pas l’héroïsme d’Achille qui nous tient en haleine mais son mécontentement, sa merveilleuse ingratitude. Achille, c’est le jeu de la guerre, la joie de saccager les cités trop riches, la volupté de la colère “plus douce que le miel sur la langue quand elle monte dans une poitrine humaine”, l’éclat des triomphes inutiles, des folles entreprises. Sans Achille, l’humanité aurait la paix. Sans Achille, l’humanité se racornirait, s’endormirait glacée d’ennui » (De l’Iliade, p. 38).
Le héros de la violence : Cette grandeur qui rend la vie vivante en fait le héros de la violence; sa colère le laisse sourd à tout appel à la piété : aucun suppliant à ses genoux ne pourra l’infléchir. À chacun, comme à Lycaon qui le supplie de l’épargner, il rappelle que la mort est le sens de la vie : « Alors mon ami, meurs toi aussi ! Pourquoi tant gémir? Même Patrocle est mort. Il était tellement meilleur que toi » (Iliade XXI, 106-107). Si la vie ne vaut rien parce qu’elle est finie, il n’y a plus de mesure à la vengeance : Achille fera brûler douze jeunes Troyens sur le bûcher de Patrocle et promet le corps de son bourreau, Hector, aux chiens (Iliade XI, 181-183).
On se demande comment les Grecs, chantres de la mesure, pouvaient admirer un tel héros. De fait, l’Odyssée célèbre des idéaux bien plus raisonnables. Mais, pour pouvoir revenir, Ulysse doit attendre et savoir mentir ; imagine-t-on Achille déguisé en mendiant ou patienter dix ans pour parvenir à ses fins ? Si la survie est à ce prix, nul doute qu’Achille préférerait mourir. Les Grecs devront s’arranger avec ces deux héros qui portent deux mondes de valeurs inconciliables. Ulysse est faux et calculateur mais il parvient à ses fins ; Achille est honnête et droit jusque dans ses emportements ; certains Grecs sauront trouver en lui une certaine noblesse, comme Socrate qui invoque ce héros « qui craignait plus de vivre en lâche que de laisser ses amis sans vengeance » (Apologie de Socrate, 28 c-d).
Achille est étranger à toute morale qui ferait de la vie une valeur suprême ; en cela il nous reste étranger. Son intransigeance a quelque chose d’inhumain. Elle rend d’autant plus touchant le prix de ses attachements, comme le montrent les pleurs partagés avec Priam: « Il dit cela et leva chez Achille le désir de pleurer sur son père./ Lui touchant la main, avec douceur il écarta le vieil homme. Tous deux se souvenaient, l’un d’Hector tueur d’hommes/ et il pleurait continûment, roulé devant les pieds d’Achille, tandis qu’Achille pleurait son père, et à d’autres moments aussi/ Patrocle. Leurs gémissements s’étaient levés dans la maison » (Iliade XXIV, 507-512). Achille n’ignore pas le prix de la vie, il connaît le deuil et la nostalgie des morts, mais il ne voulait pas vivre n’importe quelle vie, il voulait vivre une vie héroïque, la seule qui pour lui méritait d’être vécue.
La gloire impérissable : Achille, le meilleur des Achéens, porte en lui une faille : Zeus a tout fait pour que le fils de Thétis soit un mortel. Sa force ne l’empêchera pas de mourir, sa vie sera courte et tout entière occupée à conquérir la « gloire impérissable » chantée par les poètes. Aussi Achille n’a pas à être prudent ou raisonnable ; de son existence, il n’y a rien à sauver que cette renommée ; pour lui, comme le dit Jean-Pierre Vernant, « la vraie raison de l’exploit héroïque est ailleurs ; elle ne relève pas de calculs utilitaires ni du besoin de prestige social ;elle est d’ordre, pourrait-on dire, métaphysique ».
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Mythologie celte :
Gaël Hily, auteur de Le dieu celtique Lugus. (Sciences de l’Homme et Société. Ecole pratique des hautes études - EPHE PARIS, 2007) mentionne le rituel de la pierre d'élection dans lequel le talon semble jouer un rôle :
Le roi de Brest : Le rituel de la pierre d’élection se retrouve dans un autre pays de tradition celtique. Nous en conservons un témoignage tardif en Bretagne armoricaine avec l’élection du maire ou « roi » de Brest. Un procès-verbal de 1769 nous informe de la tenue d’un rituel particulier qui s’est perpétué jusqu’à la Révolution. Le cérémonial est consigné dans un acte notarié du 6 décembre 1618, qui ne fait d’ailleurs que rappeler les usages antérieurs.
L’élection du nouveau maire se faisait tous les trois ans, lors du premier dimanche de décembre. Puis son intronisation avait lieu « le premier jour de l’an arrivé ». À l’issue de la messe, le nouveau maire était conduit par son prédécesseur et ses douze accompagnateurs « sur la pierre de la mairerie, vis-à-vis de la porte de l’église », où s’effectuait la passation de pouvoir4 . Selon le procès-verbal de 1769, cette pierre était « censée être le centre de la ville », un détail qui rappelle la notion de « centre » associée à la Pierre de Fál. Cette intronisation est également évoquée par la gazette Le Mercure galant, daté du décembre 1678. Il fournit de plus amples détails sur cette pierre :
Après une messe qu’on célèbre solennellement, on s’arrête dans une place qui est devant le portail de la principale église. On y trouve une grande pierre plate et ronde, au milieu de laquelle il y a un trou. Le nouveau maire y met le talon, et en même temps celui qui sort d’exercice lui fait un discours pour lui faire connaître la conséquence de sa charge. Pendant qu’il lui parle, l’autre a toujours le talon dans ce trou, et le bout du pied levé, et ne l’en retire qu’après qu’il ait prêté le serment de fidélité pour le service du roi et pour le maintien des privilèges.
Cette pierre est malheureusement disparue aujourd’hui. Selon Bernard Tanguy, elle devait ressembler à la pierre dite de saint Goeznou, localisée à Gouesnou, qui faisait environ cinq mètres de tour, une soixantaine de centimètres d’épaisseur et était percée en son centre d’un trou rond de dix à quinze centimètres de diamètre6 . En somme, cette cérémonie brestoise faisait intervenir conjointement une série d’éléments déjà rencontrés en Irlande : intronisation royale, pierre d’élection et mise en avant du pied du candidat. Nous pensons donc fortement que l’élection du « roi » de Brest était un rituel d’investiture d’origine celtique (1). Cette cérémonie d’investiture se continuait d’ailleurs avec une chasse au roitelet qui, comme nous le verrons plus bas, est un autre indice de l’ancienneté du rituel. [...]
Rituels irlandais : Dans les rituels d’investiture que nous venons d’étudier, la pierre est souvent indissociable du motif du pied puisque le candidat à la royauté vient poser son pied sur la pierre en question. Cela apparaît clairement dans l’extrait du Baile in Scáil cité plus haut, où Conn posait son pied sur la Pierre de Fál. (1)
Note : 1) Un quatrain du poète Cináed Ua hArtacáin évoque également cette posture sur une pierre : [...] « La pierre sur laquelle mes talons se tiennent / De là vient l’expression Inis Fáil (= l’Irlande) : / Entre les deux grèves d’un flot puissant, / Mag Fáil [est un nom] pour toute l’Irlande » (LGE VII §LVIII ). Deux différences sont toutefois à relever : ce sont les talons et non les pieds qui sont posés sur la pierre ; la personne qui accomplit ce rite n’est pas un roi mais un poète.
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