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Le Polypore sanguin

Photo du rédacteur: AnneAnne

Dernière mise à jour : 13 janv.




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1790 (J.-J. Paulet, Traité des champignons, I, 512 ds R. Ling. rom. t. 42, p. 452). Empr. au lat. sc. mod. polyporus « id. » 1729 (P. A. Micheli, Nova Plantarum Genera, 129 d'apr. NED Suppl.2), formé de l'élém. gr. π ο λ υ-, de π ο λ υ ́ ς « nombreux » et du gr. π ο ́ ρ ο ς « pore, passage ».


Étymol. et Hist. 1. Ca 1140 « ensanglanté » mains sanguines (Geffrei Gaimar, Histoire des Anglais, éd. A. Bell, 3136) ; 2. 1re moit. xiie s. « qui est de couleur de sang » sanguines gutes (Lapidaires anglo-norm., éd. P. Studer et J. Evans, 618, p. 53) ; 3. ca 1265 « où le sang prédomine » complexion sanguine (Brunet Latin, Trésor, I, 101, éd. F. J. Carmody, p. 84) ; 1306 (Guillaume Guiart, Branche des royaus lignages, éd. Wailly et Delisle, 20919 : L'omme est sanguin ou colerique) ; empl. subst. ca 1393 (Ménagier, I, 56 ds T.-L.) ; 1694 temperament sanguin (Ac.) ; 4. 1380 « qui a rapport au sang » (Roques t. 2, 10796) ; 1754 vaisseaux sanguins (D. Diderot, De l'Interprétation de la Nature, p. 92) ; 1805 système vasculaire sanguin (Cuvier, Anat. comp., t. 4, p. 96). Empr. au lat. sanguineus « de sang ; ensanglanté ; de la couleur du sang ».


Lire également la définition des termes polypore et sanguin afin d'amorcer la réflexion symbolique.


  • Pycnoporus, du grec ancien πυκνός ou puknos, signifiant « dense, serré, compact » et du mot πῶρος ou pôros, signifiant « pore, pierre poreuse »


Autres noms : Pycnoporus sanguineus - « Foie de la terre » - « Rayons de soleil » -

Pycnoporus cinnabarinus - Voir Tramète rouge cinabre -

Pycnoporus coccineus -

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Mycologie :


 Sébastien Mopty, auteur d'une thèse en pharmacie intitulée Particularités du genre Pycnoporus : applications industrielles et pharmacologiques (Université de Lille, Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille 2, 2019) propose un travail détaillé sur les Pycnoporus :


Particularités macroscopiques des Pycnoporus : Les espèces du genre Pycnoporus sont lignicoles et xylophages. Ils développent une pourriture blanche sur le substrat. L’hyménophore du genre Pycnoporus est tubulé, poré en surface ; le chapeau et la surface inférieure sont de couleur rouge orangé vif. Cette couleur vive tend à se ternir avec l’âge. Le chapeau mesure de 2 à 10 cm de longueur et de 0,4 à 2 cm d’épaisseur. Il possède une forme semi-circulaire plus ou moins convexe ou assez plat, souvent bosselé. Son revêtement est duveteux lorsque le champignon est jeune puis devient lisse et ridé en vieillissant. La marge est peu épaisse, aigue et concolore au reste du pileus. Les Pycnoporus n’ont pas de stipe, ils sont fixés directement sur le bois mort par le chapeau : le carpophore est soit sessile, soit dimidié (semblable à un disque qui serait inséré virtuellement de moitié dans le substrat). Au mieux, ils présentent un pseudo-stipe latéral dont l’insertion sur le substrat est discoïde. (Téllez-Téllez et al. 2016).

La chair est de 0,4 à 2 cm d'épaisseur. Elle est coriace et fibreuse, de consistance molle et spongieuse au début, puis subéreuse avec l’âge. Sa couleur va du jaune pâle à l’orange vif avec des zones blanchâtres. La chair n’a aucun gout, elle est la plupart du temps inodore mais peut avoir une odeur suave de fleurs d’oranger. Le dessous est de couleur orange à rouge vif avec une surface finement porée. La sporée est de couleur blanche à crème. Les pores, aux nombres de 1 à 6 / mm de surface porée, sont de couleurs orange à rouge vif selon les espèces. Ils sont non stratifiés, cloisonnés et à paroi mince dans la plupart des cas (Téllez-Téllez et al., 2016).

[...]

Pycnoporus sanguineus : Description macroscopique. Chez P. sanguineus, le chapeau est d'abord orange rouge vif, puis il devient rouge à cinabre avec l’âge. Il possède un diamètre de 3 à 14 cm et une épaisseur de 0,5 à 1 cm. La forme est généralement semi-circulaire ou flabelliforme. La surface est d’abord veloutée à verruqueuse, puis devient lisse et brillante chez les sujets plus âgés. La marge est aiguë, lisse à fine, ondulée et stérile. (Pelissier, 2012). Sous le chapeau, on trouve une face finement porée, 5 à 6 pores / mm, avec des cloisons de 25-120 µm d'épaisseur et des tubes circulaires de 0,5 à 3 mm de long de couleur orange-rouge intense. La chair est épaisse, résistante, fibreuse et présente des zones concentriques de couleur orange pâle à chamois d’or. La sporée est de couleur blanche (Gryczka, 2009).


Description microscopique : Au niveau microscopique, on trouve ensuite les spores cylindriques, hyalines, lisses, légèrement incurvées, à parois minces et de dimension 5-6 x 2-3 µm. Le système hyphal est trimitique (Nobles et al. 2001).


Ecologie et zone de répartition : Découvert en 1904 sur l'île de Guana des Iles Vierges P. sanguineus affectionne surtout les zones tropicales et subtropicales. Avec une température optimale de croissance à 28°C, on le retrouve aussi bien en Australie du Sud qu’en Amérique Centrale ou dans les régions méridionales de l'Amérique du Nord. Il est également retrouvé en Afrique et l'Inde.


Pycnoporus coccineus : Description macroscopique. Chez P. coccineus, le chapeau est de couleur orange lorsqu’il est jeune et devient orange rougeâtre à maturité. Il possède un diamètre de 2 à 15 cm et une épaisseur de 0,5 à 1 cm. La forme est généralement dimidiée ou sub-hémisphérique. La surface est d’abord veloutée puis devient dure et lisse chez les sujets plus âgés. La marge obtuse ainsi que la surface porée sont concolores à celle du chapeau, ou parfois marquées d’un orange rouge plus vif. La chair est de consistance floconneuse ou cotonneuse. Les pores sont minuscules, 6-8 par mm de surface porée, et les tubes, de 1-2 mm de long (Guez, 2014).


Description microscopique : Au niveau microscopique, Les spores sont cylindriques à légèrement aplaties, courbées, lisses, hyalines, non amyloïdes et mesurant 4,0-5,2 x 2,0-2,3 μm. Le système hyphal est trimitique : hyphes génératrices larges, cloisonnées et bouclées ; hyphes squelettiques à parois épaisses, larges ; et hyphes conjonctives à parois épaisses ou pleines, ramifiées et larges.


Ecologie et zone de répartition : Pycnoporus coccineus (Jacq. : Fr.) P. Karsten est un champignon saprophyte produisant une pourriture blanche. Il est distribué dans les pays riverains de l'océan Indien et du Pacifique. Il est notamment retrouvé en Asie de l'Est, avec de nombreux spécimens identifiées en Chine et au Japon. L’Australie reste, malgré tout, l’endroit où l’on trouve la plus grande concentration en Pycnoporus coccineus sur le globe. Il pousse sur le bois mort en décomposition.

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Des Pycnoporus : Parmi les saprophytes, les champignons tels que les Pycnoporus, développent une pourriture blanche sur le substrat : ils dégradent ou digèrent la lignine aussi bien que l’hémicellulose et la cellulose localisées dans la paroi cellulaire du bois. Ces champignons « fossoyeurs », en transformant les matières organiques en humus réutilisable par les plantes, sont essentiels pour l’équilibre forestier. La particularité du genre Pycnoporus, en plus de celles déjà mentionnées, réside dans sa faculté à se développer sur des niches écologiques relativement découverte et donc particulièrement exposées aux alternances extrêmes du climat tropical. On les retrouve fréquemment au cœur d’une clairière ensoleillée, sur bois mort et souvent couché et blanchi par la chaleur du soleil. Ce type d’écosystème est généralement appauvri en substances organiques durant les périodes sèches ou soumis à une forte prédation, aux parasitismes, durant ou juste après les fortes pluies. Pour concourir en milieu hostile et survivre dans un tel biotope les Pycnoporus vont développer des enzymes dont la nature et les propriétés vont leur permettre de survivre en milieu extrêmes (Arfi & Levasseur, 2013).

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Vertus médicinales :


Selon Christelle Francia, Françoise Fons, Patrick Poucheret et Sylvie Rapior, auteurs de l'article intitulé "Activités biologiques des champignons : Utilisations en médecine traditionnelle." (Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, 2007, 147 (4), pp. 77-88.), les qualités thérapeutiques du Polypore sanguin sont les suivantes :

anti-émétique :

A Java, utilisé dans l'hémoptysie. Référence : Thoen (1982)

anti-infectieux et cicatrisant :

Au Zaïre (Pycnoporus sanguineus = Busepa mwekunda) cendres pilées et mélangées à de l'huile de palme. Appliqué sur la tête des nouveau-nés pour accélérer la fermeture de la fontanelle. Référence : Thoen et al. (1973)

anti-parasitaire :

Au Zaïre employé contre les teignes. Référence : Thoen et al. (1973)

Au Gabon (Baolè-Ba-Mbadé) utilisé en infusion comme vermifuge. Référence : Walker (1931)

gynécologie :

Au Brésil, les peuples indiens utilisent Pycnoporus coccineus pour traiter les hémorragies et les troubles utérins. Référence : Lévi-Strauss (1952)

hémostatique :

En Argentine, les Indiens Tobas utilisent le Pycnoporus sanguineus sec, réduit en poudre et mélangé à du corcho (bouchon) pour stopper les hémorragies. Référence : Crovetto (1964)

 

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Selon Thomas Bouzigues, auteur de Bush Medicine (Plantes et Champignons aborigènes) : La redécouverte des usages des Pycnoporus sp. (Thèse de doctorat Université de Montpellier, 2017) :


En regroupant les écrits des communautés et réserves aborigènes qui ont eu l’opportunité de compiler et publier leurs connaissances en matière de Bush Medicine, on arrive à bien définir la place qu’occupent les Pycnoporus dans cette médecine traditionnelle.

Les noms vernaculaires australiens « Red Bracket Mushroom » et « Orange Shelf Fungus » font référence sans distinction à Pycnoporus coccineus et Pycnoporus sanguineus. Dans les tribus aborigènes, on y fait référence sous les noms Malilmalilpa, Muldu, Murri-aviangu, Tjawalirrpa, Wanytji-unytjunytju, ou encore Wuntun-tjuntjun.

Les deux espèces sont utilisées dans le cadre des affections de la bouche et des lèvres, que ce soit chez l’adulte ou l’enfant.

  • Aphtes

  • Boutons de fièvre

  • Douleurs dentaires

  • Douleurs des premières dents chez le nouveau-né

  • Muguet

  • Ulcères buccaux.

Elles sont classées en deux grandes catégories, les affections diffuses et localisées.

Préparation : Les Pycnoporus peuvent être utilisés presque directement à la récolte. De ce fait, ils doivent être matures, d’environ 6 à 10 cm de large et d’une couleur rouge vive. Lors du ramassage, le champignon est coupé ou rompu de sa branche. Il est ensuite rincé à l’eau et est prêt à être utilisé. Il existe deux modes de préparation en fonction de l’affection à soigner.


Diffuses

Localisées

Affections

- Douleurs dentaires - Premières dents - Muguet

- Aphtes - Ulcères buccaux - Boutons de fièvre.

Mode de préparation

Le champignon est donné tel quel à mâcher à la façon d’un chewing-gum ou d’un anneau de dentition.

Le champignon est découpé en petites portions d’environ 1 cm, mises à tremper dans l’eau quelques minutes. Elles sont ensuite tamponnées sur les lèvres ou dans la bouche

Bien qu’ils possèdent des propriétés thérapeutiques, les Pycnoporus sp. ne sont pas destinés à être consommés. En effet, leur texture caoutchouteuse et le manque de saveur en font des champignons à rejeter si on ne recherche pas leurs propriétés thérapeutiques.

[...]

En Bush Medicine, les Pycnoporus sp. étaient traditionnellement utilisés pour toutes les affections de la bouche : les douleurs dentaires, la pousse des dents chez les nouveau-nés, mais aussi les aphtes, les ulcères buccaux et le muguet.

Sa substance active principale, la cinnabarine, possède des propriétés antiseptiques, antibiotiques et antivirales. Un brevet a été déposé en 2004 aux Etats Unis. Il présente une déclinaison de produits (bain de bouche, dentifrice, pastilles à sucer, chewing-gum) à base de Pycnoporus coccineus permettant d’assainir l’haleine de façon importante. Il n’a pas encore été exploité, mais tout reste encore possible.

 

H. M. Kamalebo H. N. S. Wa Malale, C. M. Ndabaga, J. Degreef & A. De Kesel, auteurs d'un article intitulé "Uses and importance of wild fungi : traditional knowledge from the Tshopo province in the Democratic Republic of the Congo" (In : Journal of Ethnobiology and Ethnomedicine, 14 : 13, 2018) ajoutent d'autres usages :


Champignons médicinaux et leurs applications : Neuf espèces de champignons ont été déclarées médicinales. Chaque espèce traite a priori de maladies spécifiques, mais certaines d'entre elles sont utilisées pour traiter plusieurs plaies et maladies. [...] Pycnoporus sanguineus est le deuxième champignon médicinal le plus connu et il est utilisé pour traiter les otites.

[...] L'utilisation médicinale de Pycnoporus sanguineus pour apaiser l'inflammation de l'oreille, correspond aux conclusions de nombreux scientifiques qui ont pu constater que P. sanguineus est aussi utilisé pour traiter ce type de douleur en Malaisie.

[traduction personnelle]

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Usages traditionnels :


Dans sa thèse intitulée Particularités du genre Pycnoporus : applications industrielles et pharmacologiques (Université de Lille, Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille 2, 2019) Sébastien Mopty fait le point sur les connaissances ethnomycologiques sur les polypores sanguins :


Selon des recherches récentes en ethnologie, les usages pharmacologiques traditionnel des polypores et des Pycnoporus, en particulier, sont encore pratiqués.

Par exemple, Pycnoporus sanguineus et Pycnoporus coccineus sont utilisés chez les aborigènes d’Australie pour soigner les maux de bouche : les sporophores sont frottés à l'intérieur de la bouche des bébés pour soigner le muguet ou sur les lèvres endolories. Pycnoporus sanguineus est également utilisé comme anneau de dentition. Chez les adultes, il est mâché pour traiter les infections et les ulcérations de la bouche. Son efficacité proviendrait, en partie, des composés antibiotiques que l’on retrouve dans ces deux espèces (Lepp, 2013).

En Afrique, notamment au Gabon Pycnoporus sanguineus est utilisé en infusion comme vermifuge (Walker, 1931). [...] Au Zaïre, les cendres pilées de Pycnoporus sanguineus sont mélangées à de l'huile de palme puis appliqué sur la tête des nouveau-nés pour accélérer la fermeture de la fontanelle, ou pour lutter contre les teignes (Thoen et al. 1973). Les indigènes du Dahomey (Bénin actuel) utilise Pycnoporus sanguineus soit sous forme de poudre mélangée avec des oignons épicés lorsqu’il s’agit d’atténuer les symptômes de la ménopause ou de traiter d'autres maladies d’origine gynécologique, soit séché ou fumé pour une application locale (Alibert, 1944).

En Amérique du sud, l’utilisation médicinale de Pycnoporus sanguineus tient une place importante dans de nombreux pays. Les indiens Tobas d’Argentine l’utilise sec et réduit en poudre, puis mélangé à du liège pour stopper les hémorragies (Crovetto, 1964). Dans la jungle amazonienne du Brésil, pour éviter les cauchemars, on applique le sporophore humide sur la tête (Fidalgo, 1965 ; Fidalgo et Hirata, 1979). Au Mexique, les Totonaques appliquent le champignon sec pour traiter les verrues, ou en bouillie pour soigner et soulager les pieds enflés (Martinez- Alfaro et al. 1983). Pycnoporus sanguineus est également utilisé en fumée par les indiens du Paraguay pour calmer les enfants hyperactifs (Arenas, 1987) tandis que Pycnoporus coccineus est utilisé par certain peuples indiens du Brésil pour traiter les hémorragies et les troubles utérins (Lévi-Strauss, 1952). Enfin, sur l’île de Java, on retrouve l’utilisation de Pycnoporus sanguineus contre l’hémoptysie.

Ainsi, l’usage vernaculaire des espèces Pycnoporus sanguineus, Pycnoporus cinnabarinus et Pycnoporus coccineus à des fins médicinales parait extrêmement varié et, de surcroît, cosmopolite (Francia et al., 1998). L’étude pharmacologique de certains Pycnoporus utilisés traditionnellement a permis de révéler des composés actifs de nature phénoxazoniques ou des dérivés de l’ergostérol.

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Usages innovants :


Sébastien Mopty développe également dans sa thèse Particularités du genre Pycnoporus : applications industrielles et pharmacologiques (Université de Lille, Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille 2, 2019) les usages modernes des Pycnoporus susceptibles de réparer les dégâts humains :


Parmi les champignons lignicoles développant une pourriture blanche, le genre Pycnoporus se montre particulièrement efficace pour la dégradation de la lignine (Levasseur et al., 2014).

Selon Wertz (2010), la lignine est extrêmement résistante à la dégradation. En formant des liaisons à la fois avec la cellulose et l’hémicellulose, elle crée une barrière qui empêche la pénétration des enzymes au sein de la structure ligno-cellulosique. Bien que la lignine résiste à l’attaque de la plupart des microorganismes, certains champignons basidiomycètes de la pourriture blanche sont capables de dégrader efficacement la lignine en employant une combinaison d’enzymes ligninolytiques extracellulaires, des acides organiques ainsi que des ‘médiateurs’ (radicaux stables ayant la capacité de diffuser une réaction d’oxydation vers des substrats cibles). [...]

Les Pycnoporus dégradent la lignine en secrétant des ligninases, [en particulier des] laccases.

[...]

Utilisation des laccases : a) Dans l’industrie papetière

➢ Dépulpage biologique : La fabrication de la pâte à papier exige la séparation des fibres de bois, dans un premier temps, puis son réassemblage sous forme de feuille dans un second temps. Dans le bois, la lignine colle les fibres entre elles. Ces fibres peuvent être séparées soit par dégradation chimique soit par dégradation physique (pâte mécanique). Les pâtes chimiques et mécaniques ont différents types de marché. De nombreuses sortes de papier contiennent les deux types de pâte à papier avec des proportions variables en fonction des propriétés requises. La pâte mécanique est moins chère que la pâte chimique en raison de son rendement élevé (jusqu'à 95% du poids de la matière de départ). Cependant, la forte teneur en lignine des fibres de pâte mécanique nuit à la qualité du papier car les fibres ont peu de flexibilité et ne se lient pas ensemble : le papier a une résistance inférieure, et il a tendance à jaunir au soleil. De plus, la fabrication de pâte mécanique nécessite beaucoup d'énergie électrique, qui à son tour augmente le coût. La pâte chimique est, quant à elle, plus chère (rendement de la fabrication de la pâte de bois chimique est habituellement inférieure à 50%) mais produit un papier de meilleure qualité, plus résistant et jaunissant moins au soleil (Kuhad & Singh, 2007).

Une alternative à ces deux procédés utilisant les laccases permet d’améliorer les propriétés de la pâte à papier ainsi que les couts de fabrication. En effet cette enzyme qui détruit la lignine peut être utilisée dans la fabrication chimique de la pâte à papier : les copeaux de bois sont traités par les laccases avant le traitement chimique permettant ainsi une amélioration du rendement, de la résistance mécanique et de la résistance au jaunissement (Azmi et al. 2014). Dans la fabrication mécanique, les laccases sont mises en présences des copeaux de bois après un défibrage primaire réduisant ainsi l'énergie nécessaire pour le raffinage de la pâte secondaire et augmentant la résistance mécanique de la pâte à papier.


➢ Bio-blanchiment par les laccases : La fibre de bois présente une structure multicouche constituée principalement de cellulose, d’hémicellulose et de lignine. Pour l’obtention d’une pâte à papier, jusqu'à 90% de la lignine est solubilisé et éliminé. La lignine est une cause majeure de la couleur jaune résiduelle dans la pâte et doit être éliminée par dégradation oxydative ou par blanchiment. Le processus de blanchiment exige l'application de produits chimiques (chlore ou oxydants à base d'oxygène chimiques). Bien que très efficace, ces méthodes présentent des inconvénients majeurs tel que l'élimination des sousproduits ou la perte de la résistance mécanique de la pâte à papier. L’utilisation des laccases, permettant une délignification enzymatique, surmonte ces inconvénients. Ce procédé récupère, de plus, les laccases en fin de production, ce qui augmente la rentabilité de l’opération et le traitement de quantité supplémentaire de substrat. Il permet, par la même occasion, de diminuer l’impact écologique puisqu’il se dispense de l’utilisation des produits chlorés et polluants actuellement utilisés dans l’industrie papetière (Madhavi et al. 2009).


b) Industries du textile : Dans le domaine de l’industrie textile, les laccases de Pycnoporus servent au blanchiment du « jeans ». Actuellement, la fabrication du « jeans » délavé implique le lavage des tissus en présence de pierre ponce pour obtenir l'érosion désirée. Ensuite, les tissus sont partiellement blanchis par un traitement à l'hypochlorite de sodium suivi d’une étape de rinçage qui souvent entraîne la consommation d’une grande quantité d’eau ainsi qu’une pollution importante de l’environnement par ses rejets d’eaux usées. Dans la confection du « jeans » délavé, la laccase trouve ici tout son intérêt puisqu’elle dégrade non seulement l’indigo du « jeans » mais aussi celui des effluents, le tout sans utilisation ni rejet de produits toxiques. De plus, cette technologie conduit à une meilleure qualité du produit fini (Couto et al. 2006).

Dans le blanchiment du coton, la technique industrielle la plus commune utilise le peroxyde d’hydrogène qui est généralement appliqué à pH alcalin et à des températures proches de l'ébullition. Les composés radicalaires obtenus blanchissent la fibre de coton mais diminuent le degré de polymérisation et par conséquent peuvent produire de graves dégâts sur celle-ci. De plus, une énorme quantité d'eau est nécessaire pour éliminer le peroxyde d'hydrogène au terme de la phase de blanchiment. Le remplacement du peroxyde d'hydrogène par des laccases permet l’obtention d’un blanchiment qui respecte mieux l’intégrité du coton. En effet, par un processus d’oxydation touchant principalement les flavonoïdes, de faibles concentrations de laccases suffisent à blanchir le coton (Couto et al., 2006). Ce système de blanchiment permet, à la fois, d’obtenir une meilleure qualité de produit, mais également de faire des économies substantielles sur l'eau de lavage.


c) Industries alimentaires : L’industrie alimentaire fait partie des autres domaines dans lequel le système enzymatique de Pycnoporus est utilisé. De nombreux substrats des laccases tels que les glucides, les acides gras insaturés, les phénols, et les protéines contenant des thiols sont des éléments retrouvés dans l’alimentation. Leur modification par les laccases conduit à de nouvelles fonctionnalités : elles améliorent la qualité et réduisent le coût de production. On utilise donc les laccases dans les emballages alimentaires pour dégrader l’O2 qui est préjudiciable à la qualité ou au stockage de la nourriture et des boissons. Sur le même principe, la saveur des huiles végétales peut être améliorée par l'élimination de l’oxygène dissous dans celles-ci. Avant d’être séché et grillé, on peut améliorer la saveur et le gout du cacao en trempant celui-ci dans une solution contenant la laccase. (Kunamneni et al. 2008).

La stabilisation du vin est l'une des principales applications des laccases dans l’industrie alimentaire. Le moût de vin est un mélange complexe de produits chimiques tels que l'éthanol, des acides organiques, des sels, et des composés phénoliques. L'alcool et les acides organiques sont responsables de l'arôme de vin, tandis que la couleur et le goût dépendent des composés phénoliques présents. Le maintien des propriétés sensorielles des vins frais jusqu'à la consommation, et par défaut, au moins la première année de stockage est la principale préoccupation des producteurs. Les principales causes d’altération proviennent essentiellement des réactions d'oxydation des moûts de vin : elles provoquent une intensification de la turbidité, de la couleur et des arômes ainsi qu’une modification des saveurs. Ce phénomène d'oxydation est appelée madérisation. Différents procédés ont été utilisés afin d'éviter la décoloration et l’altération de la saveur du vin tel que l'élimination des groupes phénoliques avec du polyvinylpyrrolidone (PVP), ou l'utilisation de dioxyde de soufre pour bloquer les oxydants. L’alternative aux adsorbants physiques et chimiques résiderait dans l’utilisation d’enzymes spécifiques aux polyphénols. Une fois oxydés, ils seraient ensuite écartés par des procédés de clarification. Certaines laccases de Pycnoporus seraient parfaitement adaptées pour la stabilisation du vin (Imran et al. 2014).

Les laccases sont également utilisées comme gélifiant. Par un phénomène de couplage oxydatif, elles permettent la réticulation de l’acide férulique et de la pectine de betterave et par conséquent la production de gel. Les laccases sont ajoutées à la pâte des produits cuits au four (ex du pain). Par un effet oxydant sur les constituants, elles améliorent la résistance des structures du gluten présents dans la pâte. L'utilisation de la laccase permet ainsi d’avoir un volume accru de produit fini, une structure de la mie améliorée, une augmentation de la résistance et de la stabilité, ainsi qu’une réduction de la viscosité de la pâte. L’ensemble de ces résultats améliore l'usinabilité des moyens mis en œuvre pour l’amélioration de ces produits alimentaires. (Madhavi et al. 2009).


d) Industrie des produits d’hygiène corporelle : Dans le domaine de l’industrie des produits d’hygiène corporelle, les laccases permettent d’améliorer les produits colorants pour cheveux. Actuellement, de nombreuses teintures impliquent un processus oxydatif avec l’addition de produits chimiques dont l’odeur est désagréable, ou bien sont irritants pour le cuir chevelu et parfois difficiles à manipuler. Un système basé sur la laccase peut remédier à ces inconvénients : soit en se substituant aux produits chimiques, soit en rendant leur utilisation plus douce (en jouant sur le pH ou sur les solvants utilisés).

Les laccases peuvent aussi lutter contre les odeurs d’origine corporelle, domestique ou industrielle. En effet, celles-ci sont causés par des sulfures, des thiols, l’ammoniac, des amines, des acides gras à chaîne courte, ou d'autres composés organiques volatils. L’oxydation de ces composés odorants par les laccases est une valeur ajoutée aux produits hygiéniques puisqu’elles ne se contentent pas de masquer les odeurs, elles les détruisent. (Déodorant pour les produits d'hygiène personnelle, y compris dentifrice, rince-bouche, détergents, savon et couches). (Madhavi et al. 2009).

[...]

Industrie de l’environnement : Les laccases sont aussi capables de dégrader les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ceux-ci sont des contaminants environnementaux présents dans l'air, le sol et les milieux aquatiques. La plupart sont toxiques pour les organismes vivants : certains d'entre eux ainsi que leurs métabolites rentre dans le cadre de constituants mutagènes et cancérigènes. Les HAP sont résistants à la biodégradation et ont tendance à s'accumuler dans l'environnement. Heureusement, il a été démontré que la dégradation des HAP pouvait se faire aux moyens d’enzymes issus de bactéries ou de champignons (Pycnoporus entre autre ; Low et al. 2008). Celles d’origine fongique ont plusieurs avantages par rapport aux autres dégradants. En effet, les enzymes ligninolytiques de Pycnoporus sont peu spécifiques et agissent au niveau extracellulaire contrairement à la plupart des enzymes de dégradation issues des bactéries. Par conséquent, les laccases issues des Pycnoporus ayant un spectre d’action beaucoup plus large présentent une forte capacité à dégrader les polluants organiques insolubles.

Les produits pharmaceutiques sont également considérés comme des polluants environnementaux émergents. Beaucoup d'entre eux, en effet, sont ubiquitaires, récalcitrants et biologiquement actifs. Plusieurs études ont rapporté que les œstrogènes naturels et synthétiques sont les principaux contributeurs de l'activité oestrogénique associés aux effluents des usines de traitement des eaux usées. Les capacités d’élimination des laccases par oxydation de l'estrone (E1) et de l'estradiol (E2) sont respectivement de 94,1 et 95,5 %. Par la suite, un réacteur à membrane enzymatique (EMR) a été développé pour effectuer la dégradation continue des œstrogènes. La configuration d'un réacteur à cuve agitée couplé à une membrane d'ultrafiltration a permis la récupération de l'enzyme alors que les œstrogènes et les deux produits de dégradation passent à travers la membrane et sont ainsi éliminés. Les taux d'enlèvement les plus élevés à l'état d'équilibre ont augmenté de 95 % pour E1 et la dégradation est presque complète pour E2. Finalement, l'activité oestrogénique résiduelle de l'effluent a été largement réduite jusqu'à 97%. (Lloret et al., 2010).

010) D’autres études concernant l’élimination de médicaments anti-inflammatoires (diclofénac et naproxène) et antiépileptique (carbamazépine) ont démontré, en ce sens, l’efficacité des laccases dans l’épuration des eaux de l’environnement (L. Lloret et al. 2010; Rodríguez-Rodríguez et al. 2010 ; Santosa et al. 2012).

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Symbolisme :


Dominique Bourret dans Les" racines" canaques. (DEC Bureau psycho pédagogique, 1978) évoque un rituel qui nécessite un Polypore sanguin :


Les différentes étapes du calendrier agricole s'accompagnent de rituels magiques dont le symbolisme est l'expression du mythe.


LES PERIODES AGRAIRES MYTHIQUES : A) LA PERIODE DU SOLEIL - 1) La préparation du billon

Le représentant du clan chargé de l'importante mission d'appeler le soleil allume le feu dans une petite case votive, modèle réduit de grande case, situé dans un endroit secret et consacré. Le combustible choisi est du cœur de bois de fer trouvé dans l'eau. Le feu est obtenu en frappant l'un contre l'autre deux éclats de quartz, « pierres du soleil ». L'amadou destiné à recueillir les étincelles est dans cette circonstance le champignon rouge, Pycnoporus sanguineus (Fr.l Murrill, Polypore, qui à cette période de l'année pousse en consoles rigides sur les niaoulis brûlés et morts. Les noms canaques de ce champignon signifient « rayons de soleil » ou encore « foie de la terre ». Ce petit feu, recouvert de peaux (rhitidomes) de niaoulis, se consume en fumant. L'officiant, symboliquement, se consume aussi : il évite les nourritures « humides », poissons, taros..... Il consomme des nourritures échauffantes, évite de boire et de se baigner, s'abstient de tout contact féminin.

Ces pratiques, quoique certainement simplifiées depuis que Maurice Leenhardt en faisait la description, et moins ostentatoires, sont cependant toujours en vigueur. Elles ont, contrairement aux rites concernant le lézard totémique, une extension généralisée.

Le temps est au beau. Les nouveaux jardins sont défrichés. Jadis on allait chercher les pieux à fouir en bois dur haut sur la montagne, parfois sur les terrains miniers habituellement peu fréquentés mais où les arbres poussent lentement et sont forts car le soleil, plus près d'eux, calcine la terre et la rougit.

Lors de l'exécution de ces travaux, seules les vieilles femmes sont admises sur les lieux.

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