Étymologie :
Étymol. et Hist. 1. 1267-75 fém. unbrele « petit parasol » ici, porté au-dessus de la tête du doge de Venise (Martin da Canal, Les Estoires de Venise, éd. A. Limentani, p. 6) ; id. onbrele (Id., ibid., p. 40), attest. isolées ; 1588 genre indéterminé ombrelle (Montaigne, Essais, III, 9, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, t. 2, p. 974) ; 1611 fém. (Cotgr.) ; 1836 p. compar. (Gozlan, Notaire, p. 220 : ces fleurs nacrées, et voûtées en ombrelles pour repousser les ardeurs du soleil dont leurs corolles sont l'image) ; 2. 1840 zool. « genre de coquilles univalves » (Ac. Compl. 1842) ; 3. 1866 id. désigne le corps des méduses (Littré). Empr. à l'ital. ombrello, -a (xve s. au sens 1 d'apr. DEI), du lat. médiév. umbrella « ombrelle, parasol » (1177, domaine ital. ds Du Cange), issu de umbella (ombelle*) avec contamination de umbra (ombre*).
Étymol. et Hist. A. 1540 mar. au plur. parassous [lire parassons ?] « tente qu'on mettait sur la poupe de la galère pour abriter les officiers du soleil » (Inv. de la galère Sainte-Claire, 16 sept., ms. Arch. Bouches-du-Rhône B 1260, fo 186 ds J. Fennis, La Stolonomie, p. 426) ; 1544 id. parasolz (Inv. de la galère Duchesse, 22-23 avr., ibid., fo440 vo, ibid.). B. 1. Fin xvie s. « objet portatif en étoffe qu'on déploie pour se protéger du soleil (et éventuellement de la pluie) » (Chron. bordeloise, éd. J. Delpit, t. 1, p. 229 : En cette année [1580], furent mis en usage les parasols par ceux qui alloyent aux champs, à cheval e à pied, en hyver pour se parer de la pluye, e l'esté du soleil. La coustume en vint d'Italie) ; 2. p.anal. de forme 1811 pins en parasols (Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, part. 2e ds Littré) ; 1835 pins parasols (Lamart., Voy. Orient, t. 1, p. 182). Empr. à l'ital. parasole, att. au sens B 1 dep. le xive s. (d'apr. DEI) et signifiant proprement « qui protège (para, de parare, v. parer 2) du soleil (sole) », A ayant été empr. par l'intermédiaire des ports du midi de la France (v. J. Fennis, op. cit., p. 427 ; pour la forme parasson, supra 1540, cf. le gênois parasõ, ibid.).
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Symbolisme :
Octave Uzanne, auteur de Les ornements de la femme : L'éventail, l'ombrelle, le gant, le manchon. (Librairies-imprimeries réunies, 1892) étudie l'histoire des représentations de ces deux objets :
L'OMBRELLE - LE PARASOL
L'auteur d'un Dictionnaire des Inventions, après avoir constaté l'usage du Parasol en France vers 1680, déclare renoncer à en rechercher et à en préciser la conception première, qui semble, en effet, complètement se dérober dans la nuit des temps.
Il serait évidemment puéril de vouloir assigner une date à l'invention des Parasols ; mieux vaudrait remonter à la Genèse. Une expression biblique l'Abri qui défend du soleil, suffirait presque à démontrer l'origine orientale du Parasol, s'il n'apparaissait partout dès la plus haute antiquité, aussi bien dans les sculptures ninivites retrouvées et décrites par M. Layard, que sur les bas-reliefs des palais ou les fresques des tombeaux de Thèbes et de Memphis.
Déjà on faisait usage du Parasol, en Chine, plus de deux mille ans avant Jésus-Christ. Il en est parlé dans le Thong-sou-wen, sous la dénomination de San-Kat, au temps des premières dynasties, et une légende chinoise en attribue l'invention à la femme de Lou-pan, célèbre charpentier de l'antiquité : « Seigneur, aurait dit à son mari cette épouse incomparable, vous construisez fort habilement des maisons pour les hommes, mais il est impossible de les faire mouvoir, tandis que l'objet que je fabrique pour leur usage particulier se peut porter bien loin, bien loin au delà de mille lieues. »
Et Lou-pan, stupéfait du génie de sa femme, aurait alors vu se déployer le premier Parasol.
Pour intéressantes que soient ces légendes, léguées par tradition aux peuples d'Orient, elles n'ont guère plus de crédit sur l'histoire que délicates affabulations mythologiques ; elles conservent en elles moins de quintessence poétique et paraissent surtout plus dégagées de ce charme mystérieux dont le paganisme grec noyait tout cet Olympe charmant, duquel semblent descendre les origines mêmes de l'art.
Qu'on se représente les trois Grâces brûlées par Apollon, lasses de fuir sous les ombrages où sont embusqués faunes et égipans ; que l'on se peigne ces trois belles désespérées, à l'ardente sensation de hâle qui flétrit leur épiderme ; qu'elles invoquent Vénus et qu'aussitôt les Amours apparaissent porteurs d'instruments inconnus, diligents à en faire jouer les petits ressorts cachés, ingénieux à en montrer les différents usages et les effets salutaires ; qu'un poète, un Voltaire, un Dorat, un Meunier de Querlon ou un Imbert de ce temps-ci se complaise à forger des rimes d'or sur cette fable ; qu'inspiré enfin par les déesses, il sertisse un chef-d'œuvre incontesté, et voilà qu'aussitôt l'Origine de l'Ombrelle se trouve gravée en jolies lettres légendaires au temple de Mémoire, sans que les savants à lunettes de l'univers y puissent contredire.
Mais si quelque poète au talent frisque et maniéré n'a pas rimé le conte du Parasol, plusieurs poètes de tous temps en ont rappelé l'usage en des vers précieux, qui semblent servir de jalons à l'histoire et de références aux découvertes archéologiques. Dans la Grèce antique, lors des fêtes de Bacchus, la coutume, qu'on ne confondait pas encore avec le bon ton, était de porter une Ombrelle, non tant pour atténuer l'ardeur du soleil que par cérémonial religieux. Paciaudi, dans son traité De Umbellæ gestatione, nous montre, sur le char où est déposée la statue de Bacchus, un éphèbe assis, porteur d'une Ombrelle, signe de la majesté divine. Pausanias, dans ses Arcadiques, mentionne l'Ombrelle en décrivant les fêtes d'Aléa en Argolide, tandis que plus tard, dans les Éleuthéries, on voit encore le Parasol. Enfin, après nous avoir dépeint, dans une merveilleuse description d'Alexandrie en fête, les hierophantes porteurs du phallus et du vase mystique, les Ménades couvertes de lierre, les Bassarides aux cheveux épars agitant leur thyrse, Athénée fait tout à coup apparaître le char magnifique de Bacchus, où la statue du dieu, haute de six coudées, toute en or, avec une robe de pourpre tombant aux talons, se trouvait surmontée d'une Ombrelle agrémentée d'or. Bacchus doit avoir eu, seul de tous les dieux, le privilège de l'Ombrelle, si l'on s'en rapporte aux anciens monuments, aux vases en terre et aux pierres gravées tirées des musées de Philippe de Stosch et autres archéologues.
Par suite de leurs rapports fréquents avec les Grecs, après la mort d'Alexandre le Grand, les Juifs paraissent avoir emprunté aux Gentils, dans la célébration de leur fête des Tabernacles, l'usage de l'Ombrelle. La médaille suivante d'Agrippa le Vieux, frappée par les Juifs hellénisés, en ferait foi en quelque sorte, bien que Spanhemius, dans un passage relatif à cette médaille, dise qu'on a longtemps hésité sur la signification des symboles qu'elle représente. Ces épis marquent-ils la fertilité des provinces gouvernées ou se rapportent-ils à la fête des Rameaux ? Quant à la tente placée au recto, il est peu probable que l'on puisse trouver là un tabernacle selon le rite de Moïse, puisque les toits de ces tabernacles, loin d'être en pointe, étaient à plat et fendus par le milieu, de manière à laisser pénétrer la pluie, le soleil et la clarté des étoiles. Ce serait donc l'Ombrelle, symbole de royauté ; ceci peut paraître tout au moins vraisemblable.
Le Parasol joua chez les Grecs un rôle très important, aussi bien dans les cérémonies sacrées et funèbres que dans les grandes fêtes de la nature et même dans la vie privée des nobles dames d'Athènes.
Sur la plupart des vases grecs on voit se dessiner la forme élégante d'un Parasol, soit en pointe, à branches droites ou arquées, concaves ou convexes, soit en forme d'hémisphère ou en dos de tortue. Mais l'Ombrelle à baguettes mobiles s'élargissant ou se resserrant existait dès lors, ainsi que l'indique suffisamment cette phrase d'Aristophane , dans les Chevaliers (acte V, scène 11) : « Ses oreilles s'ouvraient et se fermaient presque à l'image d'une Ombrelle. »
Un archéologue pourrait se complaire à écrire un ouvrage spécial sur le rôle de l'Ombrelle en Grèce ; les documents ne manqueraient pas ; le livre grossirait même vivement et pourrait être hérissé de notes de toutes provenances qui foisonneraient dans les marges, à l'exemple de ces bons et solides volumes du xvi° siècle, qu'un ermite seul aurait le loisir de lire en conscience aujourd'hui. Tel n'est pas notre rôle dans ce léger chapitre.
On ne saurait dire au juste pour quel motif l'Ombrelle était portée par des jeunes vierges à toutes les processions, dans les Tesmophories, les fêtes d'Éleusis et les Panathénées. Aristophane appelle les corbeilles et les blanches Ombrelles des « instruments symboliques destinés à rappeler aux humains les actes de Cérès et Proserpine ».
Peut-être ne faut-il pas chercher au delà de cette définition aristophanesque, qui peut, au demeurant, nous satisfaire entièrement. De plus, ces Ombrelles étaient blanches, non pas, dit-on, parce que la statue érigée par Thésée à Minerve était de cette couleur, mais parce que le blanc marquait la plus vive joie et la pompe selon Ovide, qui recommande très soigneusement en ses Fastes de porter en signe de réjouissances, de blanches tuniques dignes de complaire à Cérès dont les objets du culte et les prêtresses doivent être d'une entière blancheur.
Pour un homme, d'après Anacréon, le port du Parasol était un indice de vie libertine et efféminée ; on pourrait même tirer une conclusion analogue d'une scène des Oiseaux, d'Aristophane, dans laquelle Prométhée, par crainte. de Jupiter, crie à son esclave, avant de s'abandonner à une passion agréable à Vénus seule : « Prends vite cette Ombrelle et tiens-la au-dessus de moi, afin que les dieux ne me voient pas. »
C'est aussi, sans doute, par cette même raison qui interdisait virtuellement le Parasol aux hommes, que les filles des Métèques ou étrangers domiciliés à Athènes devaient, au dire d'Élien, porter l'Ombrelle des femmes athéniennes dans les spectacles et les cérémonies publiques, tandis que leurs pères portaient les vases destinés aux sacrifices.
Par la suite, le 0oxía ou « chapeau Ombrelle » succéda au Parasol proprement dit. C'est de ces 0oxía que parle Théocrite en divers endroits ; θολία c'est également ce chapeau et non une Ombrelle qu'il faut voir dans la curieuse médaille ci-contre, frappée chez les Étoliens, et qui représente Apollon portant cet étrange chapeau, genre Yokohama, pendu dans le dos.
Depuis les époques les plus reculées, l'Ombrelle fut considérée, en tant qu'attribut des dieux et souverains, comme l'insigne de la toute-puissance. On lui voit jouer ce rôle suprême non seulement à titre d'emblème de blason, dans la curieuse dissertation du chevalier Beatianus sur l'Ombrelle de vermeil sur champ d'argent, symbole de puissance, d'autorité souveraine et de véritable amitié, mais aussi on la trouve universellement adoptée comme signe de la plus haute distinction, par les peuples orientaux, pour être déployée sur la tête du roi, en temps de paix et quelquefois en temps de guerre.
C'est ainsi qu'on la peut contempler sur les sculptures de l'ancienne Égypte, où son usage n'était pas cependant exclusif aux Pharaons, mais quelquefois aussi aux seuls grands dignitaires. On voit dans Wilkinson une étrange gravure qui représente une princesse éthiopienne assise sur un plaustrum, sorte de char traîné par des bœufs, et ayant derrière elle un personnage vague muni d'un large Parasol d'une forme indécise entre l'écran et le flabellum en segment de cercle. N'est-ce pas également en signe d'adoration qu'il était d'usage de mettre au-dessus des têtes des statues divines des croissants de lune, des Ombrelles, des petites sphères qui servaient non seulement à garantir ces augustes chefs des injures du temps et des souillures des oiseaux, mais aussi à en relever la physionomie comme par un nimbe ou une couronne du paganisme ?
Les rois ou satrapes de Perse des plus vieilles dynasties étaient déjà abrités par le Parasol souverain. Chardin décrit, dans ses Voyages, des bas-reliefs bien antérieurs à Alexandre le Grand, où le roi de Perse est fréquemment représenté, tantôt au moment de monter à cheval, tantôt entouré de jeunes esclaves, belles comme le jour, dirait un poète, pour faire image parmi lesquelles l'une incline une Ombrelle, tandis que l'autre se sert d'un chasse-mouches fait d'une queue soyeuse de cheval. D'autres bas-reliefs représentent encore le monarque persan sur un trône, au sortir d'une bataille victorieuse, alors que les rebelles sont crucifiés, et se tordent dans les supplices, que les prisonniers, amenés un à un, font humblement leur soumission. Ici l'Ombrelle devait avoir des allures flottantes d'étendard glorieux. Elle symbolisait en outre le droit de vie et de mort du farouche vainqueur sur les infortunés vaincus livrés entièrement à sa merci.
Dans l'Inde antique , berceau de la race humaine, dit-on, de tout temps et plus que partout ailleurs le Parasol s'est déployé dans sa splendeur et la grâce de sa contexture, comme un immuable symbole de la majesté royale. Il semble réellement que ce soit sous l'azur profond de cet admirable ciel indien qu'ait été inventé le coquet instrument dont nous exposons ici, par zigzags littéraires, le sommaire historique. Il a dû naître là tout d'abord comme un fragile bouclier à opposer à l'ardeur du soleil, puis il s'y est sans doute développé peu à peu, en large dôme porté à bras d'esclaves ou à dos d'éléphant, montrant l'éclat de ses couleurs, l'originalité de sa forme, la richesse de ses tissus tout surchargés d'or fin et d'argent filigrané ; faisant scintiller ses paillettes et ses pierreries en pleine lumière jaillissante, dans l'oscillation lente que lui donne la marche des porteurs ou les dandinements sur place d'un lourd pachyderme, au milieu des féeries, des danses et des enchantements innombrables, parmi les plus bizarres palais du monde.
En Hindoustan, le grand Parasol se nomme communément Tch'hâtâ, le petit Parasol ordinaire Tch'hâtry, et le porteur de Parasol pour dignitaires tch'hâta-wâlâ.
Le Parasol à sept étages (savetraxat) est le premier insigne de la royauté ; il se trouve gravé sur le sceau royal. La mythologie et la littérature indoues sont, pour ainsi dire, confusément peuplées de Parasols. Dans sa cinquième incarnation, Vishnou descend aux enfers, un Parasol à la main. D'autre part, dès le VII° siècle, Hiouen-Thsang en fit la remarque, d'après les rites du royaume de Kapitha, Brâhma et Indra étaient représentés tenant à la main, l'un un chasse-mouches, l'autre un Parasol. Dans le Ramâyana (ch. XXVI, scloka 12), Sitâ parlant de Râma, dont les beaux yeux ressemblent aux pétales du lotus, s'exprime ainsi : « Couvert du Parasol zébré de cent raies et tel que l'orbe entier de la lune, pourquoi ne vois-je pas briller sous lui ton si charmant visage ? ».
On lit encore dans le Mahâbârata (sclokas 4941 à 4943) : « La litière sur laquelle était placé le corps inanimé du monarque Pândou fut ornée d'un chasse-mouches, d'un éventail et d'une blanche Ombrelle ; au son de tous les instruments de musique, des hommes par centaines offraient, en l'honneur du rejeton éteint de Kourou, une foule de chasse-mouches, des Ombrelles blanches et de splendides vêtements. »
Les princes mahrattes qui régnaient à Pounah et à Sattara avaient le titre de Tch'hâtâ pati : seigneur du Parasol, et on nous dit que l'un des titres les plus estimés du monarque à Ava serait encore celui de : « Roi de l'Éléphant blanc et seigneur des vingt- quatre Parasols » .
Lorsqu'en 1877 le prince de Galles, futur héritier du trône d'Angleterre, entreprit son fameux voyage dans les Indes, on fut forcé, raconte le scrupuleux historien de cette expédition princière , M. W.-H. Russel, afin de le faire connaître aux indigènes, de mettre le prince sur un éléphant et de tenir sur sa tête l'Ombrelle d'or, symbole de sa souveraineté.
On peut voir aujourd'hui au South- Kensington Museum, dans l'admirable galerie indienne installée depuis 1878 environ, une vingtaine de Parasols rapportés par le prince de ce voyage et dont chaque type particulier vaudrait une description qui ne peut, hélas ! à notre regret sincère, trouver place ici. On y peut admirer le state Umbrella d'Indore, en forme de champignon ; l'Ombrelle de la reine de Lucknow, en satin bleu, broché d'or et couvert de perles fines ; puis des Parasols en gilt paper, d'autres tissés de matières diverses, quelques-uns entièrement recouverts de plumes ravissantes d'oiseaux rares, tous à long manches, en or ou en argent, damasquinés, en bois peint, en ivoire fouillé, d'une richesse et d'une exécution inoubliables. Arrachons-nous, par devoir, au pays indou pour retrouver le Parasol sur une terre plus classique, dans l'ancienne Rome, au milieu du Forum et des jeux du cirque. L'Ombrelle se trouve assez fréquemment dans les plus anciennes peintures sur pierres et vases d'Étrurie, bien longtemps même avant l'ère romaine. D'après Pline et Valère Maxime, c'est de Campanie que vint le Velarium destiné à garantir les spectateurs du soleil. L'usage de l'Ombrelle particulier à chaque spectateur s'établit peu à peu, les jours où, par suite du vent, le Velarium ne pouvait servir. Martial dit, dans ses Épigrammes (livre IV) :
Accipe quæ nimios vincant Vinbracula soles
Si licet, et ventus, te sua vela tegant.
On se servait de l'Ombrelle non seulement dans les théâtres, mais encore aux bains et surtout pendant les promenades. — Ovide, dans les Fastes, nous montre Hercule garantissant sa bien-aimée Omphale, à l'aide d'une Ombrelle, des rayons du soleil :
Aurea pellebant tepidos umbracula soles,
Quæ tamen Herculæ sustinuere manus.
Cette image d'un Hercule portant un léger Parasol ne serait-elle pas digne de remplacer le thème usé de la quenouille ?
Les anciens Romains apportaient dans la décoration de leurs Parasols une magnificence inconnue de nos jours. On empruntait à l'Orient ses étoffes, ses pierreries, son style ornemental pour enrichir le mieux possible ces jolies tentes portatives. Lorsque Héliogabale, oubliant son sexe à l'exemple des prêtres d'Atys, apparaissait sur son char revêtu de la robe longue et de tous les colifichets à l'usage des femmes ; lorsqu'il se faisait traîner et entourer par des légions d'esclaves nues, il portait un éventail en guise de sceptre et non seulement un Parasol d'or, en forme de dais , était étendu sur sa tête , mais encore, à ses côtés, deux umbellifères tenaient de légères Ombrelles de soie couvertes de diamants, montées sur bambou des Indes ou sur tige d'or ciselée et incrustée de pierreries les plus merveilleuses.
Dans le cortège qui accompagnait une matrone sur la voie Appienne, si nous en croyons l'historien de Rome au siècle d'Auguste, deux esclaves étaient obligatoires : la porteuse d'Éventail (flabellifera) et la suivante (pedissequa). Cette dernière portait un élégant Parasol de toile tendue sur de légers bâtons, à l'extrémité d'un très long roseau, pour qu'au moindre signe de sa maîtresse elle pût diriger sur elle l'ombre du mobile abri.
[...]
A Rome comme à Athènes, l'Ombrelle semblait préserver des regards divins, car, selon Montfaucon, on couvrait même les triclinia d'une sorte d'Ombrelle, afin de se livrer plus mystérieusement aux orgies de toute sorte et aux plaisirs de Vénus.
La matière qui servait à la confection des Ombrelles était primitivement, au dire de Pline, des feuilles de palmier divisées en deux, ou des tresses d'osier ; par la suite, on les fit en soie, en pourpre, en étoffes d'Orient, en or, en argent ; on les orna d'ivoire indien ; on les constella d'étoiles et de bijoux. Un auteur cite même des Ombrelles tissées en cheveux féminins : mulierum capilli sic conformati ut Umbellævicempræstent.
Singulière coiffure ou singulier Parasol !
Juvénal parle d'une Ombrelle verte envoyée avec de l'ambre jaune à un ami pour sa naissance et au retour du printemps :
En cui Tu Viridem Umbellam, cui Succina mittas
Grandia, natalis quoties redit, aut, madidum ver recipit.
Et au sujet de cette Ombrelle verte, à propos de ce Viridem, tous les commentateurs entrent en campagne et font un bruit assourdissant pour expliquer que l'épithète ne se rapporterait pas à la couleur de l'Ombrelle, mais au printemps. (...]
Il nous serait difficile de trouver au moyen âge de nombreuses manifestations de l'Ombrelle dans la vie privée ; elle fut évidemment adoptée dans les cérémonies de l'Église chrétienne et dans les Entrées royales ; mais elle fut surtout le privilège des grands et n'apparut plus guère qu'aux jours solennels, dans les processions, comme plus tard le dais, réservé aux rois et aux nobles du clergé.
A Venise, le doge avait déjà sa célèbre Ombrelle en 1176. Le pape Alexandre III avait accordé aux chefs vénitiens le droit de porter cette Ombrelle dans les processions. Sous le règne du doge Giovani Dandolo (1288), on avait ordonné que l'on placerait la jolie statuette d'or de l'Annonciation qu'on voit représentée au haut du Parasol du dogat vénitien.
On peut avoir une idée de cette merveilleuse Ombrelle toute de brocart d'or, d'une forme originale et pompeuse, en regardant la plupart des estampes du temps, et en particulier la célèbre gravure de la Procession du Doge, ainsi que les tableaux de Canaletto, de Francesco Guardi, de Tiepolo, et de la plupart de ces charmants peintres vénitiens du XVIIIe siècle.
Il paraît évident que les Gallo-Romains connaissaient l'usage du Parasol, mais il serait malaisé d'en démontrer l'existence logiquement aux époques guerrières et gothiques. On se figure mal ces hommes d'armes, ces gentils paiges et ces nobles damoiselles à haute coiffure et à longue robe, munis du frêle en cas de soie. On ne craignait assurément alors ni la pluie ni le soleil ; on ne rêvait que batailloles, selon le mot du temps ; tout se faisait en l'honneur des dames, d'après les lois du bon roi René, et celles-ci n'eussent certes pas voulu, à l'heure des glorieux tournois, s'abriter aux abords de la lice contre un soleil qui étincelait sur la cuirasse de leurs preux chevaliers avec autant d'éclat que l'espoir qui brillait en leurs yeux.
Venons donc en Chine pour y retrouver Parasols et Parapluies en grand honneur, dès le commencement de la dynastie Tchéou (XIe siècle avant Jésus-Christ). [...]
« D'après le Thong-ya, c'est seulement sous les premiers Weï (220 à 264 de Jésus-Christ) que les cavaliers commencèrent à se servir de Parasols ; ces Parasols étaient, le plus souvent, faits de baguettes de bambou et de papier huilé ; les personnes allant à pied n'en firent guère usage que sous les seconds Weï (386 à 554). Les Parasols figurent d'ordinaire dans les processions et les funérailles dès le VI° siècle. Ainsi, en 648, lors de l'inauguration du couvent de la Grande Bienfaisance, à Si-ngan-Fou, on comptait, dit l'historien de la Vie de Hiouen tshang, - rien que dans le cortège, trois cents Parasols d'étoffes précieuses. Le Parasol, en Chine comme aux Indes, a toujours été un signe de rang élevé, bien qu'il ne soit pas resté exclusif aux empereurs et mandarins. On portait, paraît-il, autrefois, vingt-quatre Parasols devant l'empereur, lorsque Sa Majesté allait à la chasse. »
Jamais un Chinois d'une classe un peu élevée, un mandarin, un bonze ou un marabout, ne sort sans le Parasol, constate M. Marie Cazal, le fabricant d'Ombrelles qui fit vers 1844 un petit Essai sur le Parapluie, la canne et leur fabrication. Tout Chinois d'un ordre supérieur se fait suivre d'un esclave qui porte son Parasol déployé. [...}
Tous les voyages en Chine et autour du monde sont remplis de détails sur le Parasol chinois. « Les femmes chinoises, dont les pieds ont été comprimés dès l'enfance, remarque M. Charles Lavollée, ont beaucoup de peine à marcher et sont obligées de s'appuyer sur le manche de leur Parasol, qui leur sert de canne. » [...]
Partout nous voyons, dans les exquises compositions décoratives japonaises, un Parasol grand ouvert, au milieu des fleurs de pêcher délicates, de gracieuses envolées d'oiseaux étranges, des feuillages dentelés et des ibis roses. Tantôt, sur les inimitables peintures des vases émaillés, l'Ombrelle japonaise abrite une fille de roi escortée de ses suivantes et qui se dispose chastement à entrer au bain ; tantôt, sur quelque crépon, le Parasol cache à demi des femmes en promenade sur les bords de quelque grand lac bleu qui laisse rêveur. Tantôt, enfin, dans un fantastique croquis d'album où se lit comme une débauche d'imagination, on aperçoit quelque être humain singulièrement affolé, les cheveux auvent, l'œil hagard, qui navigue au gré des flots tumultueux sur un Parasol renversé, au manche duquel il se cramponne avec l'énergie du désespoir. Les planches du Voyage de Ricord et surtout les anciens albums japonais sont utiles à consulter pour bien comprendre les variétés d'allures de l'Ombrelle au Japon. Ce qui donnerait une idée bizarre des effets et des services qu'un Japonais peut tirer d'un vulgaire Parasol de son pays, ce sont les jeux de ces acrobates qui nous arrivent parfois de Tokio, de Yedo ou de Yokohama. —Théophile Gautier, qui s'émerveillait hautement et à juste titre devant la prestesse, la grâce et la hardiesse de ces équilibristes merveilleux, a laissé à leur sujet les plus belles pages peut-être de ses feuilletons de lundiste. Le bon Théo, ce Rajah exilé, puisait chez ces clowns étonnants de légèreté un enthousiasme qui mettait sur sa palette de coloriste les tons les plus vibrants et les nuances les plus fines. L'Ombrelle et l'Éventail sont en effet présentés par ces magiciens d'Orient avec des gentillesses particulières, dans la jonglerie des exercices les plus variés. Ici, c'est une bille d'ivoire qui roule avec un bruissement de ruisseau jaseur sur les lamelles de l'Ombrelle ; là, c'est un Parasol tenu en équilibre sur la lame d'un poignard, et mille autres inventions étonnantes. Tous ces prestigieux tours d'adresse ne pourraient se décrire que dans la manière de Gautier, c'est-à-dire par de véritables tableaux à la plume. Interprétation admirable des choses entrevues !
Dans les maisons à thé de Tokio, les jolies Geishas emploient souvent, pour mimer une danse expressive, l'Éventail et le petit Parasol en papier.
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Marie-Madeleine Jacquet, dans "L'image inconsciente du corps et ses précurseurs au test du village. Actualité des fondements cliniques du test du village dans l'investigation et l'abord des pathologies limites." 'In : Bulletin de psychologie, 1999, vol. 52, no 439, pp. 5-20) relaie une métaphore psychologique qui utilise la métaphore :
Dans l’un de leurs ouvrages, G. Deleuze et F. Guattari donnent une belle image du travail des artistes et des créateurs auprès de qui nous pourrions placer, un instant, nos sujets soumis à notre aimable, mais impérative, incitation projective : avec les éléments que voici, construisez un village ! Gilles Deleuze et F. Guattari avancent en effet que nous ne regardons pas le ciel, mais une ombrelle qui nous le cache. Parfois un créateur, un artiste, d’un coup de rasoir, fend la toile qui nous bouche la vue. Par l’orifice créé, pénètre un peu de chaos du ciel auquel ce dernier donne une ordonnance. Puis viennent les « communicateurs » ayant pour mission de recoudre la voûte de l’ombrelle avec des théories qui cachent la vérité du chaos.
C’est donc bien à ce travail de création que sont invités nos patients, nous transformant, du même coup, en spectateur attentif et chaque fois surpris par ce qu’il nous est ainsi permis d’entrevoir par cet orifice , cette petite fenêtre représentée par toute épreuve projective, nous qui sommes si souvent retranchés derrière nos ombrelles conceptuelles et contre-transférentielles et si prêts, en « bons communicateurs », à les recoudre pour faire écran à la vérité subjective..
Fanny Larre, Noémie Tomadini, Alexandre Coulaud, auteurs d'un article intitulé "Le parapluie, l’ombrelle, la canne. Caractérisation des pièces en contexte archéologique caribéen (XVIIIe - XXe siècles)". (in : Cahiers LandArc, 2022, 49, 16 p.) reviennent sur le symbolisme de l'ombrelle :
Durant l’Antiquité, l’ombrelle semble le plus souvent associée à la femme, elle peut être interprétée comme un symbole de luxe et de supériorité sociale. Par la suite, l’ombrelle devient l’apanage des cérémonies religieuses, l’accessoire des souverains et des dignitaires.
Le terme parasol est aujourd’hui utilisé pour désigner une grande ombrelle posée près d’une table ou plantée dans le sable. Néanmoins, avant la seconde moitié du XVIIIe siècle, les termes d’ombrelle, de parasol et de parapluie sont interchangeables et peuvent désigner le même accessoire. Le Dictionnaire universel rédigé par Antoine Furetière en 1690 en donne cette définition : « petit meuble portatif qu’on porte à la main pour défendre sa tête des ardeurs du soleil. On le fait de cuir, de taffetas, de toile cirée, de bouracan, etc. ; il est suspendu au bout d’un bâton. On le plie, ou on l’étend par le moyen de quelques côtes de baleine qui le soutiennent. Tous les indiens et orientaux ne marchent point sans parasols. Ils servent aussi pour se défendre de la pluie et quelques-uns les appellent parapluie » (p. 1513). À cette époque, le parasol est l’accessoire vestimentaire des « Filles de qualité» dont Le Recueil des modes de la cour de France, au travers de plusieurs estampes du dernier tiers du XVIIe siècle, permet un léger aperçu.
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