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Le Glaive





Étymologie :


Étymol. et Hist. A. 2e moitié xe s. gladie « lance » (S. Léger, éd. J. Linskill, 134). B. 1. 1121-34 glaive « épée » (Ph. de Thaon, Bestiaire, 1809 ds T.-L. [trad. du psaume 62, 10 : tradentur in manus gladii]) ; 2. ca 1135 « massacre, châtiment par le glaive » (Couronnement de Louis, 333, ibid. : qui tuit morront a glaive) ; 1690 symbole de la force armée (Fur. : puissance du glaive) ; 3. ca 1165 « déchirement, douleur » (B. de Ste-Maure, Troie, 21737 ds T.-L.). Du lat. class. gladius « épée » (d'où régulièrement glai en a. fr. au sens de « glaïeul », v. ce dernier mot, et en a. fr.-prov. au sens d'« épée », v. FEW t. 4, p. 144a), avec évolution irrég. de la finale, d'orig. discutée ; elle est expliquée par J. Brüch ds Z. rom. Philol., t. 52, pp. 334-337 (hyp. reprise par FEW t. 4, p. 145b) par un croisement entre gladius et glavus (attesté aux ive-ves. par Januarius Nepotianus, Epitome Valerii Maximi ; lui-même croisement de gladius et de clava « massue » [utilisée par les recrues pour l'exercice des armes]), d'où seraient issus glavie, glaive ; cf. l'hyp. de Fouché, p. 602 selon laquelle glaive serait issu d'un type brittonique klafido (se rattachant au pré-celt. kladyo [cf. le lat. gladius], introduit en Gaule avec l'invasion bret. à partir de 460), devenu glafido sous l'infl. du lat. gladius, d'où glavido, glavie, glaive.


Lire également la définition du nom glaive afin d'amorcer la réflexion symbolique.

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Symbolisme :


Sur le site de la Vie publique du citoyen on trouve l'article suivant :


Le glaive, symbole d'une justice qui tranche : Le glaive est une incarnation à la fois de la force, de l’aspect répressif de la Justice et du pouvoir immédiat des décisions de justice. Il trouve son origine dans la mythologie grecque en tant qu’attribut de Némésis, la déesse de la vengeance. Il rappelle, en tant que symbole de puissance, que la justice n’est rien sans la force qui permet de la faire appliquer.

Juger ne consiste pas seulement à examiner, peser, équilibrer, mais encore à trancher et sanctionner. Le glaive constitue d’ailleurs l’un des attributs symboliques traditionnels de ce monopole de la violence physique légitime qui caractérise l’État souverain.

Le glaive désigne ainsi ce que juger peut avoir de douloureux : la détermination de ce qui est juste n’est pas seulement affaire d’appréciation intellectuelle, elle implique surtout une décision finale, exécutoire, tranchant définitivement un conflit entre des intérêts divergents.

 

Michel Lauwers étudie le symbolisme chrétien du glaive dans un article intitulé "Le Glaive et la Parole" (in : n° spécial des Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 111/3, 2004, pp. 221-244) :


[...] Mon propos se limitera à l’étude d’une lettre d’Alcuin, composée à Tours en 798 et classée sous le n° 136 dans l’édition de Dümmler.

[...]

Le glaive, écrit Alcuin, peut signifier la “mort”, la “tribulation de la Passion du Christ”, la “division”, la “vengeance”, le “jugement de Dieu”. En outre, “selon l’Apôtre [Eph. 6, 17], le glaive doit être compris comme la parole de Dieu (verbum Dei)”. Rien d’original dans cette énumération, pour laquelle Alcuin recourt à la forme de la distinctio et ne fait que reprendre une longue tradition exégétique. Plus intéressant est le dialogue que l’abbé de Tours tente d’établir avec le laïc qui l’interroge :


Mais peut-être ce laïc, qui avait l’habitude de combattre avec un seul glaive, pensait qu’il n’avait qu’une seule signification, sans considérer que ce glaive même qu’il tient à la main a deux tranchants

Et dès lors, Alcuin se met à évoquer deux glaives. Dans l’Évangile de Matthieu, le glaive représente la “vengeance” — ce qu’il ne faut pas faire — et c’est la raison pour laquelle le Christ demande à Pierre de le remettre au fourreau. Le glaive évoqué dans l’Évangile de Luc, en revanche, signifie la “parole de Dieu”, ce qu’il nous faut acheter après avoir vendu “tous les bagages de la vie séculière” (omnibus saecularis uitae impedimentis : allusion à la tunique et à la bourse que le Christ avait demandé de vendre pour acheter un glaive). Ce glaive-verbum Dei permet de résister virilement aux embûches de l’antique serpent ; c’est ce glaive que le Sauveur a donné aux disciples lorsqu’il leur a dit : “ Allez, enseignez tous les peuples ”. La vente de la tunique et de la bourse, précise Alcuin, équivaut à une “renonciation au siècle” (saeculi renuntiatio). Ainsi, “celui qui suit le glaive de la parole de Dieu” (in gladio uerbi Dei sectator) devient un “guerrier du Christ” (Christi miles). Alcuin passe ensuite, sans transition, à d’autres interprétations allégoriques : les deux glaives sont l’âme et le corps, ou encore, écrit-il plus loin, la foi et les œuvres.

[...]

C’est la réflexion de type exégétique menée par Alcuin à propos du glaive qui lui permet d’affirmer la double qualité du souverain, guerrier et prédicateur. Car le glaive n’est pas seulement arme de mort : il est aussi parole de vie. Or le souverain détient le glaive. En tant que miles Christi, le glaive qu’il tient à la main le prédispose donc à être sectator du verbum Dei. Le roi est donc maître des deux glaives, ou plus exactement manie-t-il un glaive à double tranchant, un glaive polysémique.

[...]

L’image du glaive refit surface au XIe siècle, dans le contexte de la réforme grégorienne, mais sous une forme bien différente que chez Alcuin. Il y avait désormais deux types de glaive, le matériel et le spirituel : selon le cardinal Deusdedit, l’un des grands artisans de la réforme de l’Église, “le prêtre combat avec le glaive de la parole ; le roi combat avec le glaive matériel”. Le roi se trouvait définitivement privé du glaive spirituel. Aux XIIe et XIIIe siècles, l’image des deux glaives se fit même théorie, manipulée par les thuriféraires du pouvoir pontifical : pour un Bernard de Clairvaux, un Innocent III ou un Boniface VIII, les deux glaives appartenaient au pape.

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Thomas Galoppin, dans un article intitulé "Le serpent et le glaive : animaux et mise à mort dans les pratiques « magiques » de l’époque romaine"( In : L’animal symbole [en ligne]. Paris : Éditions du Comité des travaux historiques et scientiques, 2019) fait un lien explicite entre le serpent et l'épée, ce qui nous intéresse au plus haut point dans la pratique des Mystères du Cobra :


Un ouvrage en grec connu comme le Lapidaire « orphique » et daté du IIe siècle de notre ère recense différentes pierres aux propriétés merveilleuses, dites « magiques ». Or, l’une de ces pierres, la « liparée », permet d’attirer un serpent (drakôn) que trois jeunes hommes doivent capturer et découper en neuf tronçons à coups de glaives. Les chairs de l’animal tué et découpé sont plongées dans un chaudron ou un trépied avec des épices, de l’huile et du vin, et mises à mijoter tandis que le commanditaire de cette action entonne des chants performatifs. En réponse à ces chants, un souffle divin descend sur les viandes reptiliennes et, au terme de cette cuisine et de sa consommation, le « magicien » repart détenteur d’une capacité divinatoire extraordinaire : il peut comprendre le langage des animaux.

 Le glaive des jeunes hommes du Lapidaire « orphique » fait écho au glaive que tire Médée (stricto Medea recludit ense) lorsqu’elle doit, selon Ovide, trancher la jugulaire du vieux Aeson pour remplacer son sang par une potion de rajeunissement. Dans le roman d’Apulée, Méroé s’avance, une éponge et un glaive dénudé (spongiam et nudum gladium) dans les mains, vers l’homme dont elle s’apprête à trancher la gorge, machinant une mort à retardement spectaculaire. Le glaive est un instrument de rituel dans les mains d’une sorcière ou dans celles des assistants du magicien, mais ce n’est pas la machaira, le couteau de boucher-cuisinier que l’on attend lors d’un sacrifice. Au contraire, il s’agit d’une arme, un instrument de guerre ou de meurtre, et la différence est de taille. Il existe en effet deux conceptions du rite appelé « sacrifice », celle qui met l’accent sur la mise à mort et celle qui le définit comme une « cuisine ». Le Lapidaire « orphique » n’emploie pas le terme de sacrifice (thusia) pour désigner ce traitement du serpent, dans lequel on distingue en premier lieu la mise à mort, ensuite la cuisine et enfin la consommation. Le divin n’intervient pas comme convive, recevant les viandes en offrande, mais comme un agent supérieur de la cuisine, en donnant de la puissance aux parts de viande au moment de la cuisson. Le glaive fait donc la différence : il ne s’agit pas d’un sacrifice, mais d’une mise à mort rituelle qui participe d’une étape du processus culinaire, celle qui fait passer l’animal du statut d’être vivant à celui d’ingrédient. Néanmoins, cette mise à mort fabrique un ingrédient rituel et possède donc une pertinence symbolique propre à expliquer le rôle de l’animal dans le rituel.

[...]

Le livre III [des Cyanides] est un répertoire d’animaux aériens : l’aigle y est présenté comme un oiseau de grande puissance, dont on prescrit une découpe bien particulière de sorte que toutes les matières de l’animal soient conservées et prêtes à l’usage. Mais avant même cette découpe, l’oiseau doit être mis à mort, et une parole accompagne le geste :


« Ô aigle, ami de l’homme, je te sacrifie maintenant (νῦν θύω σε) pour soigner toutes les souffrances. Je t’adjure (ὁρκίζω σε) par le dieu du ciel et de la terre et par les quatre éléments, agis en chaque soin auquel je t’appliquerai. ».


L’aigle est décapité avec une épée (ξίφος) de fer au-dessus d’un cratère pour en recueillir le sang, en même temps que l’on fait une fumigation de styrax et de miel. C’est ainsi que l’on retrouve le modèle de la mise à mort rituelle par l’épée, rituelle puisque créatrice de pouvoir, assimilée cette fois explicitement à un sacrifice sans pour autant être une offrande. On décèle ici un décalage du vocabulaire qui permet d’assimiler une mise à mort d’animal à un « sacrifice » païen.

Le schéma rituel était similaire dans le Lapidaire « orphique » : le serpent évoqué par une fumigation était mis à mort et découpé au moyen d’un glaive avant d’être véritablement cuisiné. Dans ce schéma, le traitement de l’animal n’est pas un sacrifice à proprement parler, mais les parts de l’animal, consacré du fait de sa mise à mort rituelle, sont cuites, assaisonnées et chargées d’un « souffle » divin que les incantations du « magicien » persuadent les dieux d’envoyer dans la viande. Par ailleurs, le « souffle » ou pneuma est un terme très présent dans les papyrus grecs magiques et certaines mises à mort rituelles peuvent avoir pour effet, à l’inverse, de transférer le souffle de l’animal au dieu. Ainsi, dans un rituel où le praticien fabrique l’image d’un Éros, il faut étouffer des oiseaux de sorte que leur souffle aille au dieu. Le pneuma animal, principe vital, est ainsi l’ingrédient d’une animation de la statue divine. C’est un exemple de la multiplicité des sens que peuvent avoir les mises à mort d’animaux, d’autant plus intéressant que ce geste rituel est explicitement distingué du sacrifice proprement dit des oiseaux, lequel n’intervient que dans un autre temps du rituel.

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Antonela Corban, autrice de l'article intitulé "L'armure et autres éléments du répertoire visuel dans l'art du portrait généalogique". (In : Hermeneia, 2021, no 26, pp. 40-53) évoque indifféremment le glaive ou l'épée :


Le glaive, de la dimension pratique à celle esthétique : Au-delà des multiples significations qu’on lui attribue selon le contexte, le glaive et sa présence dans l’art du portrait généalogique indique sans conteste un symbole masculin.

Même si on l’a regardé comme une des plus nobles armes, le glaive a été, cependant, un objet conçu dans le but d’éliminer un adversaire. C’est là son origine paradoxale, car il est devenu un symbole à signification opposée à ses attributs concrets et pratiques, finissant par être un indice du statut du personnage qui le tient, voire même un emblème de la justice.

Pendant la période médiévale, la croix obtenue à la suite du croisement de la lame droite et de la garde (à barre tendue) était associée à la foi, et les chevaliers l’ont tout de suite adoptée et préférée. Le modèle iconographique le plus connu est celui de l’Archange Michel, tel qu’on le représentait dans les images chrétiennes, ayant une épée (parfois de feu) dans la main – comme symbole de la vérité, de l’équilibre de l’âme et de la justice, tout cela révélé dans la lumière de Christ. Le message de l’épée était ainsi élargi et enrichi de nouvelles significations et il renvoie au courage ultime, à la hardiesse et à la tradition religieuse héroïque. „C’est une confrontation directe, un rituel développé par les chevaliers en accord avec un code héroïque de comportement” (Schroth 2004, 119), et, le plus souvent, pour l’amour de la foi.

Jusqu’alors le chevalier à épée (combattant, bien sûr), a dû regarder son ennemi en face, à avoir du courage, de la foi, du caractère, être un grand défenseur de l’honneur. Mais avec le passage au modèle de la croix, on l’a chargée de hautes significations spirituelles. C’est pour cela que, pendant la période médiévale, l’épée des chevaliers a été l’arme la plus importante et la plus précieuse, et, à côté du nom de son maître, on avait gravé sur sa lame des mots de prière.

Tout comme les autres composantes qui tiennent de l’habit chevaleresque, l’épée comporte à son tour une dimension esthétique, qui rejoint sa dimension pratique. En le prolongement de la lame et de la garde, elle a aussi une poignée (pommeau et fusée), chacun de ces éléments ayant son rôle bien défini. Les éléments sur lesquels on a pu intervenir de point de vue artistique ont été surtout la garde et le pommeau, les deux responsables du rôle essentiel d’appui, de soutien, de façon que la main du chevalier ne puisse glisser et que l’instrument de lutte ne puisse tomber, échapper. En fonction de la forme et des éléments décoratifs supplémentaires, on peut établir sans difficulté l’époque à laquelle ces armes appartiennent.

Dans les portraits de monarques et de nobles, le glaive est toujours présent en tant que symbole du pouvoir, de la force. En égale mesure, il peut symboliser la protection, l’autorité et le courage de celui qui le tient; d’autre part, le glaive représente le discernement et la puissance pénétrante de l’intellect de celui qui y est représenté (associés aussi à l’image de la justice). Nous savons bien que ces qualités étaient rares chez les personnages peints, étant plutôt „forgées” et „améliorées” au niveau de l’image, justement à l’aide de ces objets à rôle symbolique. La plupart des fois, dans l’armure du tableau se trouve un corps appuyé à une épée, mais rarement une personnalité.

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