Étymologie :
FRAXINELLE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1561 frassinelle, fraxinella (Recueil de plusieurs secretz tres utiles ... nouvellement traduict d'Italien en François, par S. E. S. X., 55 ro, 50 rods Fr. mod. t. 42, p. 280). Prob. empr. à l'ital. frassinella, dénomination régionale de certaines plantes et surtout le dictame blanc (xive s. ds Batt.), dér. de frassino « frêne » (lat. fraxinus, v. frêne) p. anal. entre la disposition des feuilles de ces plantes et de cet arbre (cf. Tournefort Bot. t. 1, p. 341).
Lire également la définition du nom fraxinelle afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Dictamnus albus - Buisson ardent - Dictame blanc - Fraisil - Fraxinelle commune - Fraxinelle d'Europe -
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Botanique :
Dans son Herbier moral, ou Recueil de fables nouvelles, et autres poésies fugitives ; suivies d'un recueil de romance d'éducation (1801) Stéphanie Félicité comtesse de Genlis évoque une caractéristique étonnante de la fraxinelle :
Dictame blanc, ou fraxinelle, belle plante qui croit naturellement en Provence, en Italie et dans quelques parties de l'Allemagne. Elle a une singularité remarquable ; les extrémités des tiges et les pétales des fleurs sont couverts d'une infinité de vésicules pleines d'huile essentielle, comme on peut l'observer à l'aide du microscope. Elles répandent dans les jours chauds d'été, soir et matin, des vapeurs odorantes, inflammables, et en telle abondance, que si l'on approche de cette plante, sans la toucher, une bougie allumée, surtout le soir, il paroit tout à coup une grande flamme qui se répand sur toute la plante, mais qui ne l'endommage point ; elle forme alors un buisson ardent très curieux. Elle a été nommée fraxinelle, parce que son feuillage ressemble à celui du frêne.
Edouard Fournier dans Le vieux-neuf, histoire ancienne des inventions et découvertes ..., Volume 3 (e. Dentu Éditeur, 1877) explicite ce lien de la plante avec l'élément Feu :
Quant à la manière de faire des fleurs dans les feux d'artifice , elle nous vient des Chinois . Le P. d'Incarville en décrivit le procédé, au siècle dernier, dans les Mémoires des savants étrangers (Académie des sciences), t . IV, p . 581. - On faisait aussi alors des espèces de feux d'artifice de chambre avec une plante récemment apportée de l'Inde, la fraxinelle. « Dès que la flamme d'une allumette ou d'une bougie s'approche de la fleur, l'arbre s'embrase de toutes parts, et ce feu léger finit par une petite explosion, sans que la plante soit endommagée ; un autre jour, on peut recommencer ce jeu . On l'attribue à la propriété qu'a la fraxinelle d'attirer les parties sulfurées de l'air . » (Gudin , Aux Mánes de Louis XV ... Essai sur le progrès des arts et de l'esprit humain sous le règne de Louis XV, 1777 , in -8, p . 253 .-- V . aussi Mélanges de Vigneul-Marville , t. I, p . 168.)
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Vertus médicinales :
A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les propriétés thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :
Fraxlnelle. Dictamus alba, feu fraxinella.
Dlctame faux verticilé inodore. Pseudo dictamus.
Fleurs labiées composées de plusieurs pétales différents au nombre de cinq, s'élevant avec quantité d'étamines courtes qui avec le pistil se changent en un fruit composé de plusieurs graines ovales pointues qui se fend et se replie comme les cornes d'un bélier. Feuilles conjuguées comme celles du frêne et terminées par une impaire. Le faux dictame a les semences oblongues comme le stachis.
VERTUS : La fraxinelle a une odeur forte qui la rend un alexitère très vanté, elle est antispasmodique ; on la prescrit comme cordiale, où elle est substituée à la thériaque ; elle est aussi vermifuge, stomachique, emménagogue et vulnéraire, très bonne dans les maladies du sexe, de la tête et de l'estomac, qui viennent des humeurs par trop froides ; on s'en sert en poudre dans les bols, opiats. Infusé dans le vin, le faux dictame a les mêmes vertus, mais moindres.
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Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de la fraxinelle :
FRAXINELLE - FEU.
Lorsque la journée a été chaude et pas humide, il s'exhale de la Fraxinelle un gaz inflammable, qui, condensé par la fraîcheur du soir, forme autour d'elle une atmosphère qui s'enflamme à l'approche d'une bougie, sans que la plante en soit endommagée.
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Fraxinelle - Feu.
La fraxinelle, au moment de la floraison, exhale un gaz qui prend feu sans endommager la plante si l’on en approche une lumière.
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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :
Fraxinelle - Je me consume d'amour.
Cette plante vient du midi de la France, ses feuilles ressemblent à celles du frêne, en latin fraxinus, ce qui lui a valu son nom. Ses fleurs blanches ou purpurines forment une élégante grappe terminale. Elle possède une propriété singulière due à l'huile volatile qui s'échappe de ses glandes, surtout dans les chaudes soirées d'été. Alors cette sécrétion est tellement abondante qu'il suffit d'approcher une bougie allumée pour que la fleur se trouve immédiatement entourée d'une atmosphère enflammée, sans qu'elle en souffre aucunement.
Selon Stéphanie Félicité comtesse de Genlis, autrice d'un Herbier moral, ou Recueil de fables nouvelles, et autres poésies fugitives ; suivies d'un recueil de romance d'éducation (Maradan Libraire, 1801) :
L'ORIGINE DE LA FRAXINELLE.
Grâce aux leçons de la sœur immortelle
Du dieu qu'on adore à Délos,
Je connois la source éternelle
Et du bonheur et du repos ;
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Nicole Biagioli, dans "La déclaration d'amour dans le code symbolique floral." (1998 : pp. 198-234.) pointe l'imprécision du langage traditionnel des fleurs :
Code secret, le langage des fleurs relève donc à la fois des règles du langage humain et de celles de sa traduction. En ce qui concerne ces dernières, on ne peut qu'être surpris de son imprécision, contradictoire avec l’acception corrélationnelle des codes substitutifs qui est celle, notamment, d’Umberto Eco (Sémiotique et philosophie du langage). Ainsi, certains lexiques donnent pour fraxinelle “je me consume d'amour”, ou simplement “feu”, dont le degré de synonymie avec “je brûle pour toi” est évident, mais pas extrême. “Je brûle” peut se dire plus exotiquement avec la raquette.
D'après Michel Coquet, auteur de Pouvoirs spirituels et psychiques, Essai d'explication traditionnelle des Miracles et Pouvoirs paranormaux (Éditions Alphée, 2011) :
Chaque pays a connu cette science des simples et chaque système religieux l'a plus ou moins utilisée. [...] Les Grecs utilisaient la plante diktamnon ou dictamme (fraxinelle), un buisson toujours vert dont les feuilles mélangées à de la verveine produisaient, dit-on, la clairvoyance et l'extase.
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Mythologie :
Selon Le Glossaire théosophique (1ère édition G.R.S. MEAD, Londres, 1892) d'Helena Petrovna Blavatsky :
DIKTAMNON (gr.) ou Dictame (fraxinelle). Curieuse plante possédant des propriétés très occultes et mystiques, bien connue autrefois. Elle était consacrée à la déesse Lune : Luna, Astarté, Diane. Le nom crétois de Diane était Diktynna et comme telle, la déesse portait une couronne tressée de cette plante magique. Le Diktamnon est un buisson toujours vert dont le contact, selon l'occultisme, développe le somnambulisme et le guérit également. Mélangé à de la verveine il produira clairvoyance et extase. La pharmacie attribue au Diktamnon des propriétés fortement sédatives et tranquillisantes. Il croît en abondance sur le mont Diktè, en Crète, et entre dans la composition de nombreux accomplissements magiques auxquels recourent les Crétois, encore de nos jours.
Remarque : la mention de la Crète dans cette notice monter qu'elle désigne peut-être davantage le Dictame de Crète...
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Ludmila Vinogradova et O. Mélat auteurs d'un article intitulé "La roussalka dans les rites et croyances des Slaves". (In : Revue Russe n°8, 1995. La culture populaire slave. pp. 91-103) s'intéressent aux fées bulgares et à leurs attributs :
Ces données permettent d'établir que, selon les croyances archaïques, l'apparition sur terre des roussalkas, et en général des âmes des humains morts prématurément, avait lieu au moment de la floraison des céréales et d'autres végétaux, c'est pourquoi cette période passait pour dangereuse et peu propice aux travaux domestiques. Dans le cadre du calendrier chrétien la commémoration des jeunes défunts coïncidait avec la Pentecôte (apparemment, en raison de la période de la plus grande floraison des végétaux et de l'ensemble idéologique chrétien lié au Saint-Esprit) ; dans les temps païens on pensait que l'arrivée des oiseaux au printemps et la floraison des végétaux permettaient aux âmes des morts d'apparaître sur terre.
[...] Les lieux d'apparition les plus typiques des roussalkas et des samodivas bulgares étaient en particulier les clairières où poussait la fraxinelle (rossen en bulgare) qui était leur fleur vénérée et que dans différentes régions de Bulgarie on appelait d'après leur nom : roussaltché, rousselim, roussalniitche. On estimait que cette fleur appartenait aux roussalkas et aux samodivas, il était donc interdit d'y toucher lors de la semaine roussalkienne ; on disait à celui qui avait enfreint cet interdit que les roussalkas se vengeraient en lui envoyant un malheur ou une maladie.
Un des traits principaux des roussalkas bulgares (et des êtres féminins mythiques qui leur étaient proches) étaient de dispenser des maladies aux humains et, en même temps, de les guérir. En effet, on pensait que seules les roussalkas pouvaient guérir les maladies qu'elles avaient provoquées (les rhumatismes, la paralysie, l'épilepsie, la cécité, les abcès, etc.) et que la semaine de leur apparition sur terre était le seul moment de l'année où on avait une chance de guérir.
Malgré l'interdiction largement répandue de violer l'habitat des roussalkas, ceux qui étaient atteints d'une maladie roussalkienne étaient obligés de chercher leur guéri son dans les lieux mêmes où habitaient ces êtres dangereux. En Bulgarie, le moyen magique le plus populaire et le plus sûr de guérir était de passer la nuit là où fleurissait la fraxinelle.
[...] On représentait les roussalkas bulgares sous la forme de jeunes filles vêtues de blanc, qui apparaissaient au bord de l'eau ou là où fleurissait la fraxinelle, elles aimaient le chant et la danse, favorisaient les vendanges et la moisson, mais punissaient les humains en leur dispensant des maladies.
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M. Avenel-Audran, dans un article intitulé "Ces plantes qui nous veulent du mal !" (Progrès en dermato-allergologie : Lille 2004, 2004, vol. 10, p. 23) assimile la fraxinelle au buisson ardent biblique :
La fraxinelle « gas plant » ou « burning bush » (Dictamnus albus), pourrait correspondre au buisson ardent rencontré par Moïse sur le Mont Ardent ; une huile aromatique exsude de ses fleurs fanées et peut en effet s'enflammer spontanément. Ses graines contiennent du 5-MOP et du 8-MOP à forte concentration et elle a été rendue responsable de dermites phototoxiques.
Hypothèse que confirme Roger Warin dans un article intitulé "Le Pharaon qui n'avait pas connu Joseph" (in Les Nouveaux Cahiers du Cercle Renan, N° 1,Juillet-Septembre 2016) :
Au pied de la montagne, un spectacle étrange s’offre soudain aux yeux de Moïse :
Le messager [Segond : l’ange] de Yahvé lui apparut dans une flamme de feu au milieu d’un buisson. Moïse regarda et voici : le buisson était tout en feu et le buisson ne se consumait point.
Ex 3 : 2
Dans ces régions arides où la température atteint souvent les 55° au soleil, l’embrasement spontané d’une variété de petites broussailles du genre fraxinelle n’est toujours pas exceptionnel. En réalité, c’est une essence aromatique très volatile distillée par la substance oléifère produite par la plante qui s’enflamme pendant quelques secondes, laissant le végétal intact. Depuis des temps immémoriaux, ce flamboiement aussi subit qu’éphémère, inexplicable par un observateur incapable d’émettre à son sujet une théorie scientifique, a été pris pour une manifestation du divin. De nos jours, il se produit encore en certaines régions du Maghreb et de l’Arabie, et nombreux sont les gens du cru à le croire provoqué par le passage d’un djinn.
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Voir aussi Dictame de Crète ;
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