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La Carnule

  • Photo du rédacteur: Anne
    Anne
  • 19 oct.
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 1 jour




Le nom que j'ai retenu est celui entendu en Maurienne, de la part d'un sculpteur qui parcourt les montagnes depuis son enfance. et intègre les "carnules" à ses œuvres.


Autres noms : Cargneule - Carnieule - Corgneule - Cornieule - Corniole - Tiéroure - Tioure - Ture -




Etymologie :


Jacques Debelmas, Maurice Gidon et Claude Kerckhove, auteurs d'un article intitulé « Idées actuelles sur les cargneules alpines. » (In : Documents des Laboratoires de Géologie de la Faculté des Sciences de Lyon. Hors série n°4, 1978. Les sédiments, leur histoire, leur environnement et leur devenir. Livre jubilaire Jacques Flandrin. pp. 195-201) rappellent l'origine du nom :


Rappelons que le terme vient du patois valaisan de la région d'Aigle, dans les Prélapes suisses, où ces roches affleurent largement. La forme primitive originelle est indiscutablement cornieule (d'étymologie inconnue) que les géologues suisses utilisent toujours, mais qui a été déformée par les géologues français en cargneule. Dans les Alpes françaises, le terme de cornieule était inconnu : les dialectes locaux utilisaient plutôt, pour ces roches, les noms de tioure, tiéroure, ture, que l'on retrouve dans la toponymie et qui désignaient aussi le tuf dont l'aspect rappelle celui des cargneules.

Mathieu Rembauville, auteur d'un article intitulé "Le monolithe de Sardières (Savoie)" (publié sur Planet Terre le 16 septembre 2025) rappelle une étymologie possible :


Son nom proviendrait du patois suisse “corniolai” désignant le cornouiller dont le jaune des fleurs rappellerait la couleur de la roche.

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Minéralogie :


Jacques Debelmas, Maurice Gidon et Claude Kerckhove, auteurs d'un article intitulé « Idées actuelles sur les cargneules alpines. » (In : Documents des Laboratoires de Géologie de la Faculté des Sciences de Lyon. Hors série n°4, 1978. Les sédiments, leur histoire, leur environnement et leur devenir. Livre jubilaire Jacques Flandrin. pp. 195-201) font le point sur la définition des cargneules :


Tout le monde sait que les cargneules désignent des roches à patine jaune ou rousse, bréchiques, scoriacées ou caverneuses, parfois massives, donnant alors des reliefs ruiniformes, ou au contraire plus terreuses et pulvérulentes, dans ce cas facilement excavées par l'érosion. De plus, les cargneules sont très souvent associées à du gypse et de l'anhydrite triasiques.

Il est rapidement devenu évident que, sous cette définition très vague, se rangeaient des roches dont l'origine était fort variable et dont même la nature lithologique et l'aspect étaient différents si l'on prenait soin de les observer avec un peu plus d'attention, sans parler de l'examen microscopique.

[...]

Tous les auteurs s'accordent maintenant sur le fait que l'on peut distinguer deux groupes de cargneules, suivant qu'elles sont monogéniques ou polygéniques.


A. - Les cargneules monogéniques : Ce sont des roches vacuolaires, dont les cavités sont limitées par des cloisons de calcite, souvent géométriquement orientées («cargneules cloisonnées »). Ces cavités contiennent les restes d'éléments polyédriques d'une dolomie plus ou moins altérée et pulvérulente, qui peut même disparaître complètement en laissant un vide géométrique. Mais cette disposition peut être masquée par un écrasement ultérieur : la cargneule devient alors une brèche monogénique dont les éclats dolomitiques sont simplement soudés les uns aux autres par une croûte calciteuse colorée formés. par des résidus limonitiques et contenant souvent des rhomboèdres de dolomite néoformés.

Ce qui est également frappant c'est que les cargneules monogéniques sont toujours associées au Trias, surtout lorsque ce dernier contient des évaporites. Il est donc probable, comme l'ont admis la quasi-totalité des auteurs, que celles-ci interviennent d'une façon ou d'une autre dans leur genèse.

De nombreuses explications ont été proposées pour la genèse de ces roches. On trouvera dans L. Leine (1968) une excellente mise au point à ce sujet. Disons simplement que, dès le départ, se sont opposés les géologues qui soutenaient leur origine tectonique et ceux qui en défendaient l'origine sédimentaire.

A l'appui de l'origine tectonique vient le fait que les cargneules jalonnent fréquemment des zones broyées (failles et plans de chevauchement), et, d'autre part, l'observation, rapportée par H. Masson (1972) que l'on ne connaît pas de galets de cargneules dans les conglomérats alpins antérieurs au charriage des nappes.

Contre l'origine tectonique viennent la disposition stratiforme et concordante de certains niveaux de cargneules, et leur juxtaposition (ou leur alternance) avec des roches moins résistantes (argilites du Trias) qui ne présentent pas de traces d'écrasement ou de broyage.

En fait c'est plutôt vers une origine mi-tectonique mi-diagénétique que l'on s'oriente maintenant. En effet, dès 1941, W. Briickner pensait que les cargneules résultaient de la fragmentation d'une séquence sédimentaire dolomie-anhydrite, fragmentation suivie de la dissolution de l'anhydrite et de la cristallisation de calcite autour des fragments de dolomie.

Pour M. Warrack (1974), au contraire, le matériau de départ serait fait de gypse et de dolomie. La première fracturation de la roche serait d'origine tectonique et le gypse s'insinuerait dans toutes les fissures des dolomies. C'est seulement après ce premier processus qu'une partie au moins du gypse se déshydraterait par diagenèse pour donner de l'anhydrite, ce qui n'exclut pas que celle-ci retourne plus tard à l'état de gypse (avec nouvel éclatement de la roche dû à l'augmentation de volume), ceci si un apport d'eau intervient, par exemple à la faveur d'une nouvelle phase de plissement. Mais ce gypse serait de toute façon transitoire car, ainsi que W. Briickner l'avait déjà admis, il serait remplacé par de la calcite cristallisée dans des proportions qui dépendent des variations de l'équilibre ionique SO4/CO3. Cette calcite peut elle-même être ultérieurement dolomitisée par des ions Mg libres. Lorsque la roche est rapprochée de la surface par les derniers mouvements et l'érosion, le gypse, qu'il soit originel ou néoformé, est dissout, en même temps qu'une partie de la roche se dédolomitise, ce qui donne la structure caverneuse de la cargneule.

C'est également à la présence primitive de gypse que croit H. Masson qui a développé récemment (1972) une ingénieuse explication de la genèse des cargneules par « fracturation hydraulique », explication qui répondrait à la fois aux arguments présentés pour et contre l'origine tectonique des cargneules.

Pour H. Masson, le Trias contiendrait une proportion d'eau relativement importante par suite de la porosité naturelle de beaucoup de dolomies. Cette eau peut avoir une origine superficielle ou résulter de la déshydratation du gypse primitivement associé aux dolomies du Trias (ce qui expliquerait la présence actuelle de l'anhydrite). Peut-être aussi résulte-t-elle de la déshydratation de certains minéraux argileux. Quoi qu'il en soit, ce fluide, sous la forte pression déterminée par la charge lithostatique, s'insinuerait dans tous les joints de la dolomie qu'il ferait éclater.

Il est évident que le phénomène une fois amorcé ne s'arrête plus et que finalement le niveau serait réduit à une masse de fragments dolomitiques baignant dans un fluide à haute pression. Cette « bouillie » pourrait rester limitée à un niveau stratigraphique déterminé lorsque celui-ci est encadré de niveaux imperméables. Mais elle peut aussi jalonner un plan de chevauchement car la couche ainsi « fluidifiée » représenterait un plan de décollement et de glissement particulièrement favorable. Elle pourrait enfin être injectée dans des cassures obliques aux strates.

Ainsi les cargneules ne seraient pas des brèches tectoniques classiques, car on ne comprendrait pas alors que les niveaux voisins ne soient pas également affectés, mais des brèches de fracturation hydraulique, où l'émiettement de la roche primitive est surtout lié aux propriétés « hydrauliques » des roches (porosité, perméabilité) et à la possibilité d'un apport d'eau d'origine surtout diagénétique.

Naturellement, dans les zones fortement tectonisées, il peut y avoir tous les passages entre les deux types de brèches.

Ces explications sont tout à fait séduisantes et rendent bien compte de la plupart des faits observés, mais nous continuons à penser cependant avec F. Ellenberger (1958), H. P. Laubscher (1961) et d'autres auteurs que, au moins dans quelques cas, la mobilité tectonique des cargneules pourrait être également expliquée par l'association de la dolomie disloquée avec du gypse, la mobilité de celui-ci pouvant d'ailleurs résulter autant de sa plasticité propre que des fortes pressions de fluides déterminées par sa déshydratation.

De toute façon l'eau imprégnant cette « bouillie » serait fortement chargée en sels divers, dont du C03Ca qui se déposerait, en fonction des équilibres ioniques évoqués plus haut, à la périphérie des fragments dolomitiques, déterminant ainsi la trame calcaire, plus ou moins géométrique, si caractéristique des cargneules.

Pour terminer ce paragraphe consacré aux cargneules monogéniques, nous voudrions évoquer deux types de roches que l'on décrit parfois à tort sous le nom de cargneules (et qui se rangeraient, si c'était le cas, dans la catégorie des cargneules monogéniques). Il s'agit d'abord de dolomies ou de calcaires dolomitiques restés massifs, mais qui se montrent criblés de perforations et de vacuoles irrégulières, en même temps que s'estompe la stratification primitive. Ce sont les « Zellendolomit » ou dolomies caverneuses, dont on attribue en général la genèse à des réactions de contact entre la dolomie et du gypse (ou des eaux chargées de sulfate). La deuxième catégorie est faite de roches jaunâtres, friables, d'aspect concrétionné ou lamelleux, que l'on trouve souvent associées aux masses de gypse. Dans quelques affleurements privilégiés on peut voir qu'à l'origine il s'agissait de minces délits argilo-calcaires ou argilo-dolomitiques séparant des couches de gypse. La migration ou la dissolution de celui-ci a pu faire que, localement, ces délits jaunes sont venus au contact les uns des autres et ont fini par former des amas irréguliers simulant de loin des cargneules, mais sans en avoir finalement aucun des caractères. Nous n'insisterons donc pas à leur sujet.


B. - Les cargneules polygéniques : Nous touchons là à un groupe de roches dont l'origine est beaucoup plus obscure et discutée. La difficulté est d'abord de les définir exactement. Le terme de polygénique recouvre l'existence, dans ces roches, de blocs de toutes tailles, dont la lithologie et l'âge peuvent être variables : aux éléments proprement triasiques (dolomies, argilites, quartzites) s'associe parfois du matériel paléozoïque, plus ou moins métamorphique, mésozoïque, voire tertiaire. Par contre la nature du ciment est beaucoup moins bien définie. Certes il y a la patine générale, jaune ou rousse, l'aspect irrégulier, concrétionné ou vacuolaire, parfois tout à fait caractéristique, des cargneules. Mais souvent aussi ce ciment est une pâte fine et se révèle, au microscope, être une micro-brèche ou même une micrite, de nature calcaire ou calcaréo-dolomi tique. Enfin ces cargneules polygéniques sont parfois associées à des passées ou des lentilles de sédiments fins ou microbréchiques qui ont été récemment mis en évidence et décrits en détail par Cl. Grandjacquêt et D. Haccard (1975). Il s'agit d'arénites et d'arénolutites, parfois varvées, ne montrant pas de traces de déformations mais de nombreuses figures sédimentaires qui prouvent leur dépôt dans un milieu aqueux.

Les cargneules polygéniques étaient classiquement interprétées jusqu'à ces dernières années, soit comme des brèches tectoniques, associées à du gypse, jalonnant des plans de chevauchement, et ayant pu ainsi arracher des fragments de toute taille et de toute nature aux couches en présence (voir par exemple L. Leine, 1968), soit comme des brèches triasiques d'origine sédimentaire, plus ou moins déformées par la suite.

La découverte de sédiments non déformés dans certaines de ces cargneules, pourtant situées en général à la base des nappes et des chevauchements, d'une part, les rapports structuraux de ces cargneules avec leur substratum, d'autre part, ont remis en question les interprétations classiques, au moins pour celles d'entr'elles, mais il faut reconnaître qu'une certaine confusion règne actuellement à leur sujet, peut-être, et même probablement, parce que des roches d'origine diverse ont été regroupées sous un même nom. [...]

On peut cependant dire, en première approximation, que les explications présentées sont de deux types :


1. - Certains auteurs (Grandjacquet et Haccard, 1973, 1975, dans les Alpes françaises ; Nardi L. et Nardi R., 1973 ; Pataca, Rau et Tongiorgi, 1973, dans les Apennins du Nord), considèrent que les cargneules polygéniques sont de véritables sédiments, d'âge récent, probablement néogène, en tous cas postérieurs aux premières déformations de la région étudiée. Ces sédiments tapisseraient de façon irrégulière une surface d'érosion : ils sont donc plus ou moins épais suivant les points. Leurs éléments constitutifs auraient été arrachés par l'érosion aux roches affleurant dans le secteur considéré, roches caractérisées par l'abondance des éléments carbonatés triasiques. La présence fréquente de gypse s'expliquerait soit par la sursaturation de ces bassins en sel provenant du lessivage de gypse triasique à l'affleurement, soit par le glissement de véritables coulées diapiriques de celui-ci au sein du sédiment en question.

Par la suite, sur cet ensemble non déformé, se seraient parfois avancées des nappes épiglyptiques auréolées de nouvelles brèches alimentées par l'érosion de leur front en mouvement ou par le glissement de klippes sédimentaires.

2. - D'autres auteurs (Arnaud, Debelmas, Flandrin, Gidon et Kerckhove, 1976) restent par contre frappés de l'association systématique de ces cargneules polygéniques avec le matériel triasique et le gypse de base des nappes. Car les affleurements de ces roches décrits par les auteurs du premier groupe loin de tout chevauchement de nappe, sont, à notre avis, partout où nous les avons observés, des dépôts quaternaires plus ou moins récents liés à l'affleurement du Trias.

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Usages traditionnels :


Dans un article publié par la rédaction de Futura Sciences ( 22 octobre 2009 à 18:55, et modifié le 9 septembre 2025 à 17:36) intitulé "Cargneule : qu'est-ce que c'est ?'

[...]

Rôle et utilisation de la cargneule en géologie et dans les usages humains

En géologie, la cargneule joue un rôle important en tant que témoin des processus d'altération ancienne des roches carbonatées. Elle permet d'identifier les anciens paléokarsts, c'est-à-dire des réseaux souterrains fossiles que l'on retrouve dans de nombreuses chaînes montagneuses. Les cargneules servent également de repère pour délimiter certaines unités stratigraphiques, marquant des périodes d'érosion, de sédimentation ou même d'émersion dans l'histoire d'un bassin sédimentaire.

Sur le plan hydrogéologique, la porosité intrinsèque des cargneules influence la circulation et le stockage des eaux souterraines dans les massifs calcaires. Elles jouent un rôle local de barrière ou de réservoir temporaire pour les eaux d'infiltration, modifiant le comportement hydrodynamique du sous-sol. Cette spécificité peut avoir une incidence sur l'alimentation des sources, la recharge des nappes phréatiques et l'écoulement des rivières karstiques, constituant ainsi un paramètre à intégrer dans la gestion de la ressource en eau dans certaines régions montagneuses.

Du point de vue patrimonial, la cargneule a parfois été exploitée comme matériau de construction, bien que sa fragilité limite ses usages comparé à des calcaires plus massifs. Elle est davantage reconnue pour sa valeur scientifique et pédagogique dans l'identification des histoires géologiques complexes et des dynamiques karstiques. Les affleurements emblématiques de cargneule attirent aujourd'hui l'attention des chercheurs, des étudiants et des passionnés, qui viennent y observer les indices des altérations anciennes et la dynamique des paysages calcaires en mutation.

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Symbolisme :


Sur le site de l'abbaye de Boscodon, on peut lire cette sorte d'invocation à la cargneule qui lui confère une dimension spirituelle certaine :


Pierre, appelée cargneule, tu t’offres aux mains habiles de ceux qui t’ont façonnée pour l’édification de l’abbaye de Boscodon. Tu absorbes la lumière et la renvoies. La chaleur, tu la retiens et en hiver tu la diffuses généreusement pour les visiteurs. Leurs doigts aiment te caresser et malgré tes allures de fragilité, tu fais preuve de solidité. En effet, inébranlable es-tu car ni les incendies, ni la malveillance des hommes n’ont eu raison de toi. Cargneule, tu as donné naissance à de multiples formes de taille et chacune d’elles, ayant une fonction indispensable et complémentaire, contribue à la beauté de l’édifice.


Par le choix de la pierre comme matériau de construction, les moines bâtisseurs ont voulu transmettre leur savoir aux multiples générations à venir, leur foi aussi à travers toute la symbolique.

Aurélie Crouvisier, autrice de "Haute Maurienne, la beauté des glaciers (in : Alpes magazine n°, ) établit clairement un lien entre la cargneule et la mer, enrichissant ainsi le minéral de toute la dimension symbolique marine :


Cela provient des cargneules, qui sont à l’origine, il y a 240 millions d’années, des roches sédimentaires dolomitiques, déposées avec du gypse dans des lagons peu profonds, sursalés, du début de la mer alpine ! Deux cents millions d’années plus tard, lors des grands mouvements terrestres qui édifient les Alpes, des solutions gypseuses circulant dans les grandes failles attaquent la dolomie et son magnésium pour la transformer en une roche calcaire, terreuse, bréchique et souvent cariée et vacuolaire ! La cargneule est donc le témoin de débris de grandes failles alpines.

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