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La Bonite




Étymologie :


  • BONITE, subst. fém.

Étymol. et Hist. Ca 1525 (Le Voyage et navigation faict par les Espaignolz és Isles de Mollucques [...] de Antoine Pigaphetta [...] translaté de italien en françois, ff. 12 vo-13 rodans Arv., p. 101). Empr., par l'intermédiaire d'un texte ital., à l'esp. bonito « id. » attesté dep. 1505 (P. de Alcalá d'apr. Cor. t. 1), prob. identique à l'adj. bonito « joli », dér. du lat. bonnus « bon ».


Lire également la définition du nom bonite afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Sarda sarda ; Bonite à dos rayé ; Pélamide ;

Katsuwonus pelamis ; Bonite à ventre rayé ; Thon listao ; Thon rosé ; Thon rose ;

Sarda chiliensis ;

Sarda australis ;

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Symbolisme :


Sur le site Mariage en Normandie, on apprend que la bonite fait partie des cadeaux de fiançailles au Japon :


LA CÉRÉMONIE DES FIANÇAILLES

Dans la tradition japonaise, les futurs époux se doivent de passer par la cérémonie des fiançailles traditionnelle, appelée Nosai no gi qui consiste en un repas avec les deux familles qui se rencontrent pour la première fois officiellement. Des cadeaux sont alors échangés pour marquer la longévité et la prospérité de l’union. Cette cérémonie engage alors les deux époux. En cas de rupture avant le mariage, la personne lésée recevra des dommages et intérêts.

Les mariés reçoivent durant cette cérémonie 9 cadeaux :

  • Des algues qui symbolisent la fertilité ;

  • Un éventail qui symbolise un futur prometteur ;

  • Du chanvre qui symbolise la solidité des liens de leur amour ;

  • Un tonneau de Sake symbolisant la gentillesse mutuelle dans le mariage ;

  • De l’argent pour acheter du vin ;

  • De la seiche déshydratée symbolisant la longévité du couple ;

  • De la bonite déshydratée qui symbolise également la longévité du couple ;

  • Une somme d’argent au chiffre impair qui symbolise le fait que le couple ne sera pas divisible ;

  • Un coquillage Ormeau, symbolisant la sincérité.

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Sandra Revolon, dans « L’Éclat des ombres », (Techniques & Culture [En ligne], 58 | 2012) étudie la signification symbolique de la Bonite dans les îles Salomon :


[...] Bien que convertis au christianisme depuis les années 1950, les habitants de Aorigi continuent d’accorder une grande importance au maintien de l’équilibre entre les vivants et les morts à travers un ensemble complexe et foisonnant de pratiques rituelles. Au premier rang de ces pratiques se place ce qui a couramment été appelé le « culte de la bonite » (bonito cult) (Davenport 1980 ; Mead 1973 ; Ivens 1972 ; Fox 1925), mais qui relève davantage d’un culte des ancêtres puissants, regroupant des « ancêtres du sang » (ataro si gapu) – issus du sang de défunts illustres ou assassinés – et des « esprits de la mer » (ataro ni matawa) – qui désignent à la fois des esprits n’ayant jamais eu d’existence humaine mais surtout des ancêtres nés du sang de grands pêcheurs de bonites (mwane ni waiau) et d’hommes (plus rarement de femmes) décédés dans des circonstances violentes et dont le corps fut jeté ou disparut en mer.

Les représentations associées à ce culte confèrent au sang de bonite des qualités particulières, puisqu’il est censé contenir du mana (1) de manière immanente, de même que le nautile. D’autres coquillages comme les porcelaines (Ovulidae sp.) ou l’huître perlière (Pinctada maxima) sont pour leur part considérés comme des véhicules de cette force. Chargées de ce pouvoir que les vivants tentent par tous les moyens de contrôler et de s’approprier, ces matières sont aussi censées le transmettre aux humains ou aux objets avec lesquels elles sont en contact. Les nacres incrustées sur la surface des objets rituels de bois font explicitement référence à la peau des bonites et, à travers elle, au mana qu’elles contiennent. Le soin apporté à leur confection répond à la nécessité explicite de les rendre brillantes « comme la peau des bonites ». La vision du miroitement des thonidés à la surface de l’océan est elle-même associée à la présence des ancêtres qui guident leurs pérégrinations et rendent possible leur capture par les hommes. Nacre miroitante incrustée sur un fond noir mat, bonites crevant la surface sombre de l’océan, d’une manière générale, sur le plan de la perception, les dispositifs visuels – brillance et contraste – donnés à voir dans ces contextes très particuliers, caractérisent l’ensemble des êtres, des artefacts, des lieux et des temporalités qui entretiennent une proximité avec les morts et auxquels les Owa associent leur présence.

Ainsi, reposant sur des canons élaborés par les ancêtres eux-mêmes, les formes imprimées dans la matière des objets rituels, en plus de répondre aux contraintes inhérentes à leur fonction, ont la capacité d’attirer les morts sur les lieux et au moment des cultes. Les objets jouent en cela un rôle central dans le retour provisoire des morts, nécessaire aux vivants pour transformer périodiquement et progressivement les relations ambiguës qu’ils entretiennent avec eux (2). La trace luisante laissée par la peau des bonites sur celle des initiés les autorise à entrer dans une médiation avec les ancêtres puissants. Réverbération, saturation et contraste des couleurs, teintes crépusculaires : les phénomènes perturbants visibles sur les nuages et lors des crépuscules résultent eux aussi de l’action des entités surnaturelles. Certains nuages (roto na rarapuru) sont ainsi pensés comme la manifestation d’ancêtres cherchant à nuire. Localisés, ils donnent des pluies soudaines et drues dont il faut se protéger car elles provoquent des fièvres qui, sans l’intervention d’un guérisseur, peuvent être fatales. Du fait de la nature même de la lumière dont on ne perçoit plus la source, et du ciel qui subit d’étranges transformations, le crépuscule (faufau tai nuni, littéralement « l’heure à laquelle on ne peut reconnaître les gens ») est pour les Owa le moment où les choses se confondent et où les êtres, morts ou vivants, croisés le long d’un chemin ou sur le rivage, sont indifférenciés.

Réunis en langue owa dans la catégorie des choses togatoga(na), tous ces phénomènes – nacre, peau de bonite, aube et crépuscule, nuages – ont en commun de donner à voir sous des formes différentes, une aberration chromatique répandue dans la nature et connue des biologistes depuis Buffon : l’iridescence, aussi appelée irisation ou goniochromisme, et qui renvoie à la propriété qu’ont certains corps, du fait de leur structure même, de refléter la lumière solaire tout en la décomposant pour ne laisser paraître que certaines couleurs.

[...] Couverte de cellules pigmentaires iridophores, la peau des bonites diffracte elle aussi la lumière et génère des couleurs bleues et vertes, iridescentes, celles-là même qui marquent la poitrine des initiés. Des irisations sont aussi observables sur le bord des nuages, soulignant leurs formes, ou sous une masse nuageuse, prenant l’aspect d’un arc dont les couleurs, du violet au rouge, sont engendrées par la lumière solaire filtrée par les gouttes d’eau contenues dans l’atmosphère. L’irisation des teintes crépusculaires est elle aussi due à la réfraction, à la dispersion et à l’absorption sélective des rayons solaires, tout comme l’arche anti-crepusculaire aussi appelée ceinture de Vénus, qui donne à voir l’ombre bleutée de la terre au-dessus de l’horizon, surmontée d’une lueur aux teintes chaudes, du rose au pourpre, provenant de la dispersion de la lumière du soleil levant ou couchant.

[...] Le nautile poli incrusté sur le noir profond des objets magiques, les pectoraux en demi-lune d’huître perlière sur le torse des hommes éminents, les aplats de chaux scintillants sur le noir opaque du charbon, la peau luisante des bonites sur la surface bronze de l’océan, les traces bleutées sur la peau sombre des initiés, l’aspect de l’océan au crépuscule ou lorsque la lune s’y reflète, l’apparence de certains nuages ; ce qui est donné à voir dans chacun de ces contextes, c’est le contraste du sombre (gris anthracite, noir profond, bleu foncé, pourpre) et du clair (blanc éclatant, gris, bleu ou rose clair), souligné dans certains cas par un phénomène d’irisation ou de scintillation. En imprimant ces dispositifs visuels sur la surface de leurs objets magiques, les Owa se sont rendus capables de créer des images susceptibles de « cristalliser un existant caché » (Grimaud 2006 : 96) et de fabriquer les conditions matérielles attestant, en un temps et un lieu donnés, et selon des modalités qu’ils peuvent contrôler, de la présence des morts parmi eux.


Notes : 1) Conçu comme le pouvoir des morts et localement appelé mena, il s’agit d’une version locale du mana mélanésien, défini par Codrington (1891 : 118-120), plus récemment discuté par Hogbin (1936) et Keesing (1984).

2) Sur la question de la présentification des morts, la description et l’analyse des moyens mis en œuvre pour y parvenir en Océanie, voir notamment P. Bonnemère (2011), D. de Coppet (1970 ; 1998), S. Revolon (2007b).

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