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L'Ornithorynque

Photo du rédacteur: AnneAnne

Dernière mise à jour : 23 mars 2024




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1803 ornithoringue (Faujas de Saint-Fond, Essai de géol., t. 1, p. 321) ; 1805 ornithorhynque (Cuvier, Anat. comp., t.3, p. 107, aussi ornithorinque, t. 3, p. 243). Empr. au lat. sc. ornithorhync(h)us «id.» (1800, Blumenbach ds Neave) formé à partir du gr. ο ρ ν ι θ ο- (v. ornitho-) et de -ρ ρ υ γ χ ο ς (de ρ ̔ υ ́ γ χ ο ς «groin, bec»).


Afin d'amorcer la réflexion symbolique, vous pouvez lire la définition du nom ornithorynque.

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Zoologie :


Stephen Jay Gould dans son ouvrage intitulé La Foire aux dinosaures (1993) décrit ainsi l'ornithorynque :


L’ornithorynque exhibe une incroyable série d’étrangetés : premièrement, un habitat inhabituel auquel il est adapté par une curieuse anatomie ; deuxièmement, un énigmatique mélange de caractères reptiliens (ou du type des oiseaux) avec d’autres, proprement mammaliens – la vraie raison de sa place particulière dans l’histoire de la zoologie. Ironiquement, le trait qui suggéra en premier lieu qu’il avait des affinités non mammaliennes – le « bec de canard » – n’a pas ce sens en réalité. Le museau de l’ornithorynque est une adaptation purement mammalienne à l’alimentation en eau douce et non un retour à une forme ancestrale.

 

Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt évoque la capacité toxique de l'ornithorynque :


Or le poison est l'arme des faibles, au moins dans le règne animal : grenouilles et crapauds, scorpions et serpents, mygales et veuves noires, guêpes et abeilles n'ont d'autres moyens de se défendre, hormis la fuite. Et le poison n'intervient que lorsque cette issue est menacée. Rares, en revanche, sont les mammifères producteurs de poisons. Tel est pourtant le cas de l'ornithorynque mâle, capable d'injecter un venin (non mortel pour l'homme) par un éperon situé le long de ses membres postérieurs.

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Symbolisme :


Dans un article intitulé "Ornithorynque, oryctérope et théranthropes Les vrais monstres et les autres" paru dans Animal et Religion (2016) Pierre de Maret rapporte que :


De tout temps et sous toutes les latitudes, l’esprit humain a donné naissance à des êtres fabuleux. Il a procédé souvent par hybridation, réunissant en un même monstre des parties d’animaux réels comme Pégase (cheval ailé), le Griffon (lion et aigle), Quetzalcoatl (serpent et oiseau quetzal), le Minotaure (taureau et homme), les cynocéphales (hommes et chiens) ou encore le Metoh-kangmi (homme ours) des Tibétains.

Parfois, comme les êtres véritablement contrefaits, ces monstres imaginaires ont des têtes ou des membres multiples, comme le cerbère (chien à trois têtes). Ils peuvent aussi posséder des capacités extraordinaires, tel le phénix (oiseau immortel). Parfois aussi, l’imaginaire a même doté les monstres hybrides de pouvoirs surnaturels, comme le dragon (serpent avec des ailes et des pattes et qui crache du feu) ou la chimère (corps de serpent, tête de lion et de chèvre, qui crache du feu).

Mais une autre catégorie de monstres, bien réels ceux-là, mérite de retenir l’attention. Ornithorynque, oryctérope : les termes mêmes témoignent de la perplexité des zoologues lorsqu’il s’agit de nommer ces étranges créatures méconnues et fréquemment confondues.


L’ornithorynque, un improbable mélange : Commençons par l’ornithorynque, ce mammifère bizarre au corps de castor, à pattes de loutre et à bec de canard, qui pond des œufs. On ne le rencontre qu’à l’est de l’Australie, et lorsqu’il fut découvert, il parut tellement étrange que les naturalistes européens – à qui on en avait adressé des dépouilles – crurent à une supercherie.

Sans surprise, l’ornithorynque occupe une place particulière dans les mythes et les croyances des aborigènes.

Dans une légende recueillie sur la côte centrale de la Nouvelle-Galles du Sud, les animaux formaient trois groupes, chacun convaincu de sa supériorité : les animaux terrestres, capables de courir sur la terre, les oiseaux, qui pondent des œufs et sont capables de voler dans les airs, et les créatures aquatiques qui savent nager. Chaque groupe tente de convaincre l’ornithorynque de les rejoindre puisqu’il a certaines de ses caractéristiques. Après quelques jours de réflexion, l’ornithorynque réunit tous les animaux et leur tint ce langage :


Je n’ai besoin de rejoindre aucun de vos groupes, car je suis spécial à ma façon. Comme j’ai de la fourrure et que j’aime parcourir mon territoire, j’ai quelque chose d’un animal terrestre. J’ai aussi un petit peu d’un oiseau puisque j’ai un bec et que mon épouse pond des œufs. En même temps, j’ai quelque chose d’une créature aquatique car j’aime nager et explorer le monde aquatique. (...) Je ne sais pas pourquoi les ancêtres nous ont créés tous différents, mais nous devons apprendre à accepter nos différences et à vivre ensemble.


Tous les animaux et les hommes, après avoir entendu ces paroles, furent d’accord pour reconnaître la grande sagesse de l’ornithorynque. Les hommes décidèrent que dorénavant ils ne le chasseraient plus car il était vraiment extraordinaire.

L’ornithorynque est le sujet d’un certain nombre d’autres mythes aborigènes et continue de nos jours à fasciner et à susciter de multiples récits plus ou moins fantastiques. Son rôle symbolique ou rituel semble être resté cependant limité.

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Jean-Loup Héraud, Philippe Lautesse, Fabrice Ferlin et al. dans un article intitulé "Le rôle de la fiction dans la construction d'objet quantique : de l'ornithorynque au tigre quantique" (Université Claude Bernard Lyon 1 - ENS de Lyon, France, 2016) rappellent comment l'analogie entre l'ornithorynque et la physique quantique :


Pour le biologiste, l’ornithorynque est une espèce nouvelle tout à fait étrange, puisqu’il est un mammifère qui allaite ses petits, mais qui pond des oeufs, qui a un bec et des poils…. Mais pour les premiers explorateurs qui ont aperçu l’animal, l’ornithorynque a été perçu comme étant soit un canard, soit une taupe : d’où le terme de « duckmole », c’est-à-dire canard-taupe. Dans les années 1920, avec la physique quantique, les physiciens ont été confrontés à un problème analogue avec la matière et la lumière, les objets microscopiques semblant avoir une double nature, à la fois ondulatoire et corpusculaire. D’où le caractère de « dualité onde corpuscule » qu’on leur a attribué. C’est ainsi que J.M. Lévy-Leblond décrit cette situation paradoxale, qui consiste pour les photons –les constituants de la lumière- à réunir des propriétés qui sont incompatibles dans la physique classique :


« En tout cas, le physicien voit bien que la lumière, dans les appareils où il la manipule, dans les équations où il la décrit, n’est en fait ni onde ni particule –et non pas à la fois l’une et l’autre et pas davantage tantôt l’une tantôt l’autre comme on le dit encore trop souvent. Ses constituants, les photons, sont des entités d’un type nouveau, caractéristiques du monde quantique –les « quantons »-, puisqu’aussi bien ce néologisme s’impose. Même s’il est vrai qu’en certaines circonstances, particulières, le quanton ressemble à une onde, ou, à d’autres circonstances, exclusives des premières, à une particule, (comme un ornithorynque qui ne montrerait que le bout de son bec et pourrait passer pour un canard, ou seulement son arrière-train et pourrait être confondu avec un lapin), c’est son originalité et sa différence par rapport à ces objets classiques qui fait son intérêt ».

(Lévy-Leblond, 1997, p. 33-34).

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Littérature :


Michel Launois et Georgette charbonnier proposent un conte scientifique intitulé Journal intime d'un ornithorynque (collection Les Savoirs partagés, Cirasti, Poitou-Charentes, 2005).

 

Jo Hoestland écrit un roman pour la jeunesse intitulé Le Complexe de l'ornithorynque (Editions Milan jeunesse, 2008) que Cécile Desbois, rédactrice spécialisée Jeunesse et pédagogie, Genève, résume ainsi :


Roman à plusieurs voix, Le complexe de l’ornithorynque met en scène quatre jeunes gens en plein questionnement. Côté filles, Clara, spontanée et romantique, tombe amoureuse de son mystérieux voisin qu’elle surnomme Philémon. Rose, handicapée à la suite d'une chute, rêve, elle, d’Aurélien et de l’enfant qu’elle aimerait avoir de lui. Côté garçons, Aurélien s’interroge sur sa possible homosexualité, sans parvenir à assumer sa différence. Quant à Philémon, qui répond en réalité au prénom de Pierre, il acquiert son autonomie en décidant de se consacrer à l’art photographique. En croisant et décroisant les fils de leur existence, chacun de ces personnages avance vers sa propre maturité, acceptant d’être seul parmi les autres, apprenant à négocier ce que l’on a coutume d’appeler de « petits arrangements avec la vie ».

Référence directe au Complexe du homard de Françoise Dolto, ce roman se veut résolument optimiste. Car si les ornithorynques sont des animaux incongrus, presque monstrueux, ils savent aussi s’adapter à bien des situations et ont, comme le rappelle Carla à la fin du récit, la peau dure !

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