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L'Arbre du Voyageur

Photo du rédacteur: AnneAnne

Dernière mise à jour : 11 avr. 2024




Autres noms : Ravenala madagascariensis - Ravenale - Ravinala -


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Botanique :


Dans Histoire et légendes des plantes utiles et curieuses (Librairie de Firmin Didot, Frères, Fils et Cie, 1871), J. Rambosson poursuit la tradition du sélam à la mode au XIXe siècle et propose une description botanique de l'Arbre du Voyageur :


L'ARBRE DU VOYAGEUR. Aspect de l'île de La Réunion, son climat ; comment on peut y jouir de toutes les saisons de l'année à la fois ; habitations des colons ; la Rivière-des-Pluies ; la Ressource; panorama incomparable ; Paul et Virginie, leur histoire véritable ; le comte Alfred de Vigny ; l'arbre du voyageur et son onde fraîche.

Comme la plupart des îles, La Réunion a une forme plus ou moins pyramidale, à rebord ; c'est ce rebord ou lisière, situé à peu près au niveau de la mer, qui est principalement habité. Il y a fort peu de villages dans l'intérieur de l'île, mais beaucoup d'habitations particulières.

Sur cette lisière qui borde la colonie, la température est, quoique très élevée, moins intense qu'on ne le pense ; la moyenne est comprise entre 24 et 25 degrés. La brise de mer et la brise de terre qui se succèdent matin et soir, rafraîchissent l'atmosphère et y entretiennent une humidité salutaire. Il n'y pleut presque jamais, excepté pendant l'hivernage.

Il y a d'ailleurs une grande facilité de choisir la température que l'on veut.

Comme les montagnes sont très élevées, elles offrent toutes les saisons à la fois. Au sommet on y voit de la neige et de la glace, et à leur pied se trouvent les chaleurs tropicales, en sorte qu'il suffit de gravir pendant dix minutes, un quart d'heure, pour avoir un changement de température très marqué.

Aussi les colons tant soit peu aisés ont-ils soin de profiter de cette précieuse faveur de la nature. Ils choisissent deux ou trois habitations à différentes hauteurs, afin d'avoir toute l'année un printemps continuel.

Pendant la saison la moins chaude, ils sont au bord de la mer ; ensuite ils vont dans une habitation peu élevée, où la température est moyenne ; et dans les grandes chaleurs ils se transportent dans les régions escarpées.

Il est impossible d'exprimer le charme qu'il y a d'avoir ainsi plusieurs habitations à son choix, dans lesquelles on a la faculté de jouir de toutes les températures que l'on peut désirer en toute saison. J'en avais trois : une à Saint-Denis, capitale de la colonie ; une à la Rivière-des-Pluies, et une autre à la Ressource.

La Rivière-des-Pluies, appartenant à M. Desbassayns, vénérable vieillard et président du conseil général, est la plus belle propriété de l'île; on l'appelait autrefois le Versailles de Bourbon. J'habitais un pavillon sur le faîte duquel les arbres qui l'environnaient croisaient leurs branches touffues, de sorte que, lorsque. mes fenêtres étaient ouvertes, j'étais véritablement abrité sous un dôme de verdure, dans lequel les oiseaux venaient gazouiller.

Des allées régulières, à perte de vue, formées par de superbes manguiers, étaient entourées de parterres, de bosquets, de jardins, de bois, et de toutes les dépendances d'une petite ville. Chaque grande: habitation des colonies se suffit à elle-même et présente une fidèle image des anciens châteaux de la féodalité.

La Ressource, appartenant aussi à M. Desbassayns, habitation pour les grandes chaleurs, présentait un autre genre de beauté. On y trouvait moins de luxe artistique, mais la nature y déployait toutes ses splendeurs.

M. Roussin, artiste distingué, a dessiné et décrit tous ces sites enchantés dans l'Album de l'île de La Réunion, dont il est l'auteur, et qui est un vrai monument élevé à la colonie.

Après le dîner, admirant le panorama qui se déroulait jusqu'à l'horizon, je dis à M. Desbassayns que je ne croyais pas qu'il fût possible que la nature, dans le monde entier, pût réunir une plus belle perspective.

« J'ai beaucoup voyagé, me répondit-il, et je n'ai en effet rien vu de pareil, pas même sur les plus splendides points de vue de l'Amérique. »

Le vénérable vieillard me prit alors le bras et m'invita à visiter sa propriété.

Il me fit d'abord jeter un coup d'œil sur les bois touffus, les champs de cannes, les ravins profonds, les cours d'eau qui s'étagent et se superposent de telle sorte que les plans inférieurs ne sont pas du tout masqués, et s'étendent en zones successives plus ou moins variées jusqu'au bord de la mer, qui miroite à perte de vue, et sur l'azur de laquelle se détachaient, comme des nues argentées, de blanches voiles de toutes les parties du monde, qui se donnent rendez-vous et voguent sans cesse vers cette corbeille de laves, de fleurs, d'ombre et de lumière, qu'ils prennent comme centre de ralliement.

Il me fit ensuite remarquer les champs verdoyants qui avaient autrefois appartenu aux parents de Virginie, l'héroïne du roman de Bernardin de Saint-Pierre. Il me raconta l'histoire véritable de Virginie, qui était sa cousine ; sa mort arriva à peu de chose près comme l'a décrite le célèbre romancier ; il me fit voir l'arbre généalogique de la famille, et le rameau qui portait écrit, sur une de ses feuilles, le nom de Virginie.

M. Desbassayns m'avait promis des notes précises sur ce sujet, et je me réjouissais de les offrir à mon illustre ami, le comte Alfred de Vigny, qui, en me donnant le baiser d'adieu m'avait invité à porter ses plus doux sentiments aux régions qui ont inspiré le touchant récit de Bernardin. Mais, hélas! la mort impitoyable nous avertit de compter avec elle, lorsque tout nous dispose à l'oublier.

Il me conduisit successivement auprès des arbres les plus curieux, et surtout à l'arbre du voyageur, espèce de bananier dont toutes les feuilles s'emboîtent les unes dans les autres comme celles de l'iris, de manière à former à la hauteur de deux ou trois mètres un vaste éventail. L'eau qui tombe du ciel et la rosée principalement, s'accumulent à la base de ces feuilles comme dans une coupe naturelle, et s'y conservent très fraîches ; si on perce cette base avec une lame un peu effilée, le liquide s'écoule en un petit filet qu'il est facile de recevoir dans la bouche.

Le vénérable vieillard ouvrit une de ces veines végétales pour me donner l'exemple, et bientôt un grand nombre de ces arbres providentiels furent saignés par moi, et me rafraîchirent de leur sang limpide.

Nous continuâmes notre promenade, mais le lendemain de cette visite je fus curieux de démolir un des arbres du voyageur; il m'inonda de son onde fraîche ; cependant je faillis être puni de cette espèce de profanation de la nature : au moment où je m'y attendais le moins, un cent-pieds des plus redoutables s'échappa des éclats que je faisais voler, et il ne s'en fallut que très peu que je le reçusse en plein visage. M. Desbassayns en fut étonné, car, me dit-il, on croit généralement que ces insectes venimeux fuient ces arbres bienfaisants.

Je suis surpris que Mme Ida Pfeiffer., qui a fait plusieurs fois le tour du monde, n'ait pas trouvé l'occasion de s'assurer de la précieuse propriété que possède l'arbre du voyageur, de conserver une eau douce et limpide, et que les naturels des pays qu'elle a parcourus n'aient pu éclaircir les doutes qu'elle émet à cet égard. Il n'est plus nécessaire de faire le tour du monde pour étudier cet arbre providentiel, car on l'élève maintenant dans nos serres, dans nos jardins de Paris.

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Usages traditionnels :


Claude Marcel Hladik, Patrick Blanc, Annette Hladik. proposent une monographie intitulée "L’arbre du voyageur : Des usages et de la diffusion horticole du ravenala" (2002) =>






 

J.-L. Razanamparany, R.-H. Razafindraoelina, Annette Hladik, Claude Marcel Hladik. auteurs de "Peut-on manger le cœur du ravenala ? Aspects écologiques et nutritionnels." (In : Revue d’Ecologie, Terre et Vie, Société nationale de protection de la nature, 2005, n°60, pp. 279-282) nous apprennent que :


LE RAVENALA EN TANT QUE RESSOURCE ALIMENTAIRE : Pour l’alimentation humaine, seul le méristème terminal, appelé ovitra (ou cœur de ravenala) dans la région Betsimisaraka, est utilisé, cuit à la manière des brèdes, pour accompagner le traditionnel plat de riz (Jeannoda et al., 1996). Toutefois, le goût est très différent selon qu’il s’agit du cœur d’un ‘bemavo’, doux, ou de celui d’un ‘horonorona’, amer et dont l’amertume, n’est pas sensiblement atténuée après cuisson à plusieurs eaux.

Le cœur du ravenala peut être prélevé sur un stipe ne dépassant pas un mètre de hauteur. Il l’est aussi sur des ravenalas de plus grande taille dont le tronc est alors utilisé comme matériau de construction.

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Symbolisme :


Philippe Beaujard, auteur de ”La place et les pratiques des devins-guérisseurs dans le Sud-Est de Madagascar”. (D. Nativel et F. V. Rajaonah. Madagascar revisitée. En voyage avec Françoise Raison-Jourde, Karthala, pp. 259-285, 2009) raconte :


Devins-guérisseurs et katibo utilisent leurs manuscrits dans la plupart des cérémonies collectives et pour les « soins » individuels. Pour la fabrication des charmes appropriés à chaque situation, ils écrivent les prières, formules, signes et carrés magiques que mentionnent les livres sur différents supports : papier (ainsi pour les charmes portés en collier hirizy), feuilles de plantes, si le charme doit être lavé ou mangé, tesson de poterie, etc. Lors de rituels comme le « traitement du village » taha tanàna (ou faminaritra, « [rituel] qui apporte la santé »), ou la cérémonie du sorabary, « écrits [pour les semences] du riz », les scribes écrivent sur les parties droites (le côté gauche est inauspicieux) de feuilles de ravenale. Ces écrits sont lavés dans l’eau d’un mortier à riz, d’une pirogue ou d’un van en bois, eau contenant des plantes, adjuvants de l’écrit, qui agissent en synergie avec lui. On y ajoute parfois des « robes de figures géomantiques » (volo sikidy), poudre d'argile blanche (tany ravo, « terre joyeuse ») dont on a saupoudré certaines figures (comme en Afrique de l’Est, l’argile blanche est mise en rapport avec les esprits du sol et les ancêtres). En fonction du but à atteindre, les devins-guérisseurs jouent sur les supports et sur les encres, qui possèdent leurs propres forces se conjuguant à l'action de l’écrit.

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