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L'Agami

  • Photo du rédacteur: Anne
    Anne
  • 13 déc. 2020
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 févr.




Étymologie :


  • AGAMI, subst. masc.

Étymol. ET HIST. − 1664 agamy (A. Biet, Voy. de la France équinoxiale, en l'Isle de Cayenne etc., avec un Dict. de la lang. du mesme pays, Paris, 1664, p. 343 ds König 1939, p. 8 : l'Agamy est un fort bel oyseau, il a le col assez long, les iambes de mesme, il n'a point de queue, il s'apprivoise et se rend domestique) ; 1731 agami (R.-P. Labat, Voy. du Chev. Des Marchais en Guinée, Isles Voisines et La Cayenne, fait en 1725, 1726 et 1727, Amsterdam, t. 3, p. 322, ibid. p. 9 : On trouve encore en très grand nombre des agamis). Mot galibi (Karib continental). Voir Fried. 1960 et König 1939.


Lire également la définition du nom agami afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Psophia crepitans - Agami trompette - Oiseau trompette -

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Zoologie :


Sur le site de l'Office français de la biodiversité Guyane on peut lire la description suivante, assortie d'un rappel de la réglementation :


Oiseau terrestre à l’allure générale rappelant la pintade. Le corps est sombre mais le dessus des ailes est couvert de plumes longues et fines, gris clair qui retombent légèrement. La base du cou et la poitrine ont des reflets métalliques verts et violets. Le bec et les pattes sont verdâtres.

Vivent en bandes d’une dizaine à une trentaine d’individus, se déplaçant au sol la plupart du temps, ou ils se nourrissent principalement de fruits. Souvent bruyants, ils se signalent par des gloussements et des cris perçants lorsqu’ils sont alertés, ce qui leur vaut leur nom d’agami trompette. La ponte de 3 œufs en général a lieu vers février-mars.

Répandu normalement dans l’ensemble du massif forestier, mais régresse dans les zones chassées.


L’agami est une espèce protégée : elle est chassable mais ne peut être commercialisée :

– Le commerce (achat, vente, mise en vente) de toute partie ou produit de cet animal est totalement interdit.

– Le prélèvement d’agami est réglementé : seuls 2 agamis peuvent être prélevés par chasseur et par sortie de chasse.

La détention de l’agami est libre jusqu’à 25 individus.

 

Article 4 de l’arrêté ministériel du 25/03/2015

fixant des mesures de protection des oiseaux représentés dans le département de la Guyane

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Usages traditionnels :


 L'ORSTOM - Musée Départemental de Cayenne dans Histoire de plume : l'homme et l'oiseau en Guyane : catalogue d'exposition (Cayenne - 1991) évoque la comestibilité de l'Agami :


C'est [l'oiseau en général] également un gibier très apprécié. La dextérité du chasseur et de la science du cuisinier sont alors combinés pour répondre à deux passe-temps favoris des créoles : la chasse et la cuisine. Préparés boucanés, en rôti ou en fricassés, après avoir été marinés, hocco, ibis, agami, ara ou perdrix redoublaient de saveur tant pour le broussard que pour agrémenter des repas de fête.

[...]

On peut aussi citer l'Agami, qui permet de beaux tableaux de chasse, car c'est un oiseau piéteur qui vit au sol en bandes bruyantes. Lorsqu'on marche en forêt et qu'on les entend soudain glousser, il suffit de s'approcher doucement, de se cacher derrière un arbre et de glousser à son tour pour en attirer quelques uns hors du gros de la troupe. Ils sont alors dune facilité déconcercante à tuer. On peut aussi, plus simplement se mettre à leur courir après, puisque l'on sait qu'ils volent mal, et en capturer un ou deux parmi les plus jeunes, sans les blesser, pour les domestiquer. Chaque oiseau capturé venant grossir la troupe, cela formera ensuite une caquetante et turbulente bande de volatiles aux reflets d'acier qui parcourra le village en gendarmant les poules, les faisant rentrer ponctuellement chaque soir au poulailler.

[...]

L’agami (kami en aluku), est aussi coté mais peut-être plus rare. Cependant comme il vit volontiers en bandes, quand on en voit, on a des chances d’en tuer plusieurs. Quand ils en rapportent un, peu atteint, ou un jeune, ils en font volontiers un oiseau domestique. Ainsi, on peut rencontrer dans un village un ou deux agamis en liberté. Ils deviennent plus familiers que les poules, vous suivent de près avec insistance et i l’occasion viennent picorer quelques graines d’herbes collées à votre pantalon. Leur présence égaie les abords des cases.

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Symbolisme :


Dans Histoire de plume : l'homme et l'oiseau en Guyane : catalogue d'exposition (Cayenne - 1991) proposé par l'ORSTOM - Musée Départemental on trouve la fiche suivante :






Mythologie :


Sir James George Frazer, auteur de Le Folklore dans l'Ancient Testament (Édition abrégée avec Notes Traduction par E. Audra Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1924) propose le récit suivant :


Les Ackawoi de la Guyane anglaise racontent une légende diluvienne qui est enrichie de toutes sortes de détails. Au début du monde, disent-ils, le Grand Esprit Makonaima créa les oiseaux et les animaux, et fit régner sur eux son fils Sigu. En outre il fit sortir do la terre un grand P090 arbre tout à fait merveilleux, qui portait sur chacune de ses branches une espèce différente de fruit ; autour de son tronc poussaient à profusion bananiers, maniocs, maïs, cassaves et blés de toute espèce ; les ignames abondaient autour de ses racines ; bref toutes les plantes qui sont maintenant cultivées sur la terre, venaient à foison sur cet arbre merveilleux, autour de lui ou sous ses branches. Afin d’en propager les bienfaits dans le monde entier, Sigu résolut de l’abattre et d’en planter partout des boutures et des semences ; c’est ce qu’il fit avec le secours de tous les animaux et de tous les oiseaux ; sauf pourtant du singe brun, qui, étant aussi paresseux que malfaisant, refusa de donner son aide à ce grand travail de transplantation. Pour l’empêcher de mal faire, Sigu le chargea d’aller puiser au ruisseau de l’eau dans un panier à claire-voie, dans la pensée que cette tâche occuperait pendant quelque temps son énergie perverse. Cependant quand il eut abattu l’arbre miraculeux, il vit que le tronc était creux et plein d’eau, qu’il y nageait des alevins de toutes les espèces de poissons d’eau douce. Le bienfaisant Sigu décida de repeupler toutes les rivières et tous les lacs de la terre de telle façon que toutes les sortes de poissons abonderaient dans toutes les eaux. Mais il fut frustré dans cette généreuse intention d’une manière inattendue. En effet le creux de l’arbre était relié au grand réservoir qui se trouve quelque part à l’intérieur de la terre ; soudain l’eau qui s’y trouvait se mit à déborder, et pour arrêter l’inondation, Sigu recouvrit la souche avec un panier à mailles serrées. Ce moyen réussit. Mais malheureusement le singe brun, lassé de son vain labeur, revint en tapinois ; la vue du panier renversé excita sa curiosité, et il s’imagina qu’il devait y avoir là-dessous quelque chose à manger. Il souleva doucement le panier, risqua un œil et brusquement jaillit le déluge qui emporta le singe et inonda tout le pays. Ayant rassemblé les autres animaux, Sigu les conduisit sur le point le plus élevé du voisinage où poussaient de hauts cocotiers. Sur le plus haut de ces arbres, il plaça les oiseaux et les animaux grimpeurs ; quant aux animaux qui ne pouvaient pas grimper et qui n’étaient pas amphibies, il les enferma dans une caverne dont l’ouverture était très étroite ; il boucha l’entrée avec de la cire et il donna aux animaux qui étaient à l’intérieur une longue épine pour leur permettre de percer la cire, et de savoir ainsi quand l’eau aurait baissé. Après avoir pris ses mesures pour sauver les espèces sans défense, lui et les autres créatures grimpèrent dans le palmier et se blottirent dans les branches. Pendant les ténèbres et la tempête qui suivirent, ils souffraient intensément du froid et de la faim ; tous supportèrent leurs souffrances avec un courage stoïque, sauf le singe hurleur rouge qui exprima son angoisse par des cris si horribles, que sa gorge enfla et qu’elle est restée dilatée depuis lors, c’est également pourquoi il a encore aujourd’hui une espèce de tambour dans la gorge.

Cependant Sigu laissait tomber de temps en temps dans l’eau des semences du palmier pour juger de sa profondeur par le bruit de la chute. A mesure que l’eau baissait, l’intervalle écoulé entre le moment où la semence quittait sa main et celui où elle tombait dans l’eau, allait en s’allongeant ; enfin, au lieu du bruit de l’eau, Sigu entendit le choc sourd des semences sur la terre molle. Alors il sut que le déluge avait cessé et lui et ses animaux se préparèrent à descendre. L’oiseau trompette (agami) était tellement pressé qu’il alla donner en plein sur une fourmilière ; les bestioles affamées s’accrochèrent à ses jambes et le rongèrent jusqu’aux os. Voilà pourquoi l’oiseau trompette a encore des jambes de fuseau Les autres créatures profitèrent de cet affreux enseignement et descendirent de l’arbre prudemment et sans encombre. Sigu frotta alors deux morceaux de bois l’un contre l’autre pour faire du feu ; mais au moment où se produisait la première étincelle, il détourna par hasard les yeux, et le dindon sauvage, prenant l’étincelle pour une luciole, la goba et s’enfuit à tire-d’ailes. L’étincelle brûla le goulu, et cet pourquoi les dindons ont encore aujourd’hui des barbes rouges au gosier. Cependant l’alligator se tenait près de là, ne faisant de mal à personne ; mais comme il était impopulaire, je ne sais pour quelle raison, tous les autres animaux l’accusèrent d’avoir volé et avale l’étincelle. Afin de reprendre l’étincelle dans la gueule de l’alligator, Sigu lui arracha la langue, et c’est pourquoi de nos jours encore les alligators n’ont pour ainsi dire pas de langue.

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Emilio Frignati, auteur de « La fabrique d’un mythe : Maximiano José Roberto et la légende de Yuruparí », (In : L’Homme [En ligne], 242 | 2022) relate un récit qui fait de l'Agami un oiseau à l'origine de la création des humains :


Le mythe des Jacamy : un récit enchâssé : La deuxième partie de la légende est dédiée à l’épisode des Jacamy (Stradelli 1890b : 679-689, 798-800 ; Barbosa Rodrigues 1899 : 58-63), qui occupe une place centrale dans le récit. Il intervient à la suite de la mort de Ualri, brûlé vif pour avoir dévoré les fils des Nunuiba au cours de la cueillette des fruits uacù :


À l’occasion d’une nouvelle réunion secrète, les hommes Tenuiana se rendent dans la maison de Yuruparí, sur les berges de l’Aiary, où ce dernier leur raconte l’histoire de l’origine du monde. Celle-ci met en scène Dinari, une femme de la tribu des Bianacas qui, contrainte au célibat et à l’enfermement par les coutumes de son peuple, décide de s’enfuir et finit par épouser le tuxaua de la tribu des Jacamy. Ce dernier s’avère être un oiseau-trompette (agami, Psophia crepitans) et, de cette alliance, naissent deux enfants humains, Pinon et Seucy (aussi nommée Meenspuin), qui, incommodés par les cris des oiseaux-trompettes et ignorant les liens de parenté qui les unissent, ne tardent pas à les massacrer. Dinari et ses enfants retournent alors parmi les Bianacas, chez qui Pinon réforme les coutumes avant d’emmener sa sœur au ciel, où elle devient les Pléiades. De retour sur terre, il se lance, assisté des Bianacas, à la recherche de sa mère qui a entre-temps disparu, emportée par la Mère des poissons. Cette quête conduit au peuplement du monde par les enfants que les femmes Bianacas ont eu avec Pinon et se termine par la découverte de Dinari, avec laquelle Pinon se rend une nouvelle fois au ciel. Yuruparí conclut son récit en annonçant qu’il est le fils de Pinon.


Cet épisode est tout à fait absent des mythologies de l’aire du Vaupés : nul ethnographe ne l’a collecté, nul recueil n’en fait état. En dehors de la Leggenda de Stradelli et de A Lenda de Barbosa Rodrigues, il n’est nulle part rattaché au mythe de Yuruparí. Et pour cause, il ne provient pas du Vaupés, mais du rio Branco. Il s’agit du récit intitulé A Maloca das mulheres, publié lui aussi par Barbosa Rodrigues dans son recueil de mythes amazoniens Poranduba amazonense (1890 : 119-127). De la même façon que pour le récit tariana de 1890, il a fait l’objet d’un collage intégral dans la légende de la part de Maximiano José Roberto, après qu’il l’eut un peu réécrit.

Le fait d’inclure ce mythe dans la légende engendre une forme particulière de mise en abyme : le principal protagoniste du récit – Yuruparí lui-même – raconte à son tour une histoire en assumant le rôle d’instance narrative. C’est cet enchâssement des narrations qui a pu justifier que l’on ait qualifié cet épisode de « véritable “récit du Graal” avant la lettre » (Lévi-Strauss 1966 : 232), et la structure de la légende de « chaotique » (Bolte 2019 : 225).

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Contes et légendes :

Michel Lohier, auteur de Légendes et Contes folkloriques de Guyane (1987, p. 223) propose le conte suivant :


L‘Agami et le Pian

Cric... Crac...


Un roi avait confié la surveillance de son poulailler au vigilant Agami. Aucune bête malfaisante n’osait s’y hasarder, dans la crainte d’avoir les deux yeux crevés par le terrible bec du gardien. Serpents et couleuvres se tenaient prudemment à l’écart, car ils ne sortaient pas seulement aveugles, mais le plus souvent, ils étaient déchiquetés puis avalés par l’oiseau serpent qui ne leur faisait pas de quartier. Aussi, la basse-cour du roi était-elle prospère et son effectif augmentait-il à vue d’œil.

Un soir cependant, Pian, la Sarigue, essaya de tromper la vigilance du cerbère ailé. I1 creusa un trou et pénétra clandestinement dans le poulailler. Agami, qui faisait semblant de dormir, l’aperçut et le laissa entrer. Avant que notre voleur eût pu avoir le temps de saisir la première poule qui ronflait la tête sous l’aile, Agami fondit sur l’ennemi. Tel un épervier, il le harcela de coups de becs et d’ailes. Pian se traînant demi-mort, parvint i peine à trouver le trou par où il était entré. I1 s’y glissa, jurant de se venger sur toute la famille d’Agami.

- Je vous mangerai tous , dit-il, l’un après l’autre.


Cric... Crac..


Au première lueurs de l’aube, Agami qui connaissait le grand arbre aux multiples branches, lequel servait de dortoir à sa famille, alla les prévenir.

- Mes chers parents leur communiqua-t-il, ce soir vous recevrez la visite de notre ennemi Pian. I1 a juré d’exterminer notre race. Voici ce que je vous propose. Cette nuit, vous choisirez pour dormir l’extrémité des branches. L’odeur qui se dégage de sa personne vous révélera sa présence. Tous, mettez-vous sur une patte et ne bougez pas. Je serai li et vous dirai ce que vous devez faire par la suite.

La nuit arriva, Agami et sa famille prirent la position indiquée. Pian silencieusement grimpa dans l’arbre. Arrivé près du premier Agami, il tâta et ne sentit qu’une patte.

- Non se dit-il, 1’Agami a deux pattes, c’est une liane que j’ai tenue et cette liane a un nœud, (la patte de 1’Agami a aussi un nœud au genou). Pian tâta ainsi, l’une après l’autre, l’unique patte des Agamis qui se trouvaient sur l’arbre. I1 les prit toutes pour des lianes, l’achita grosse tête qu’il connaissait bien. Lorsqu’il arriva à l'extrémité de la branche où se tenait le dernier Agami, tous les autres vinrent se poser à côté de lui. Sous le poids, la branche se cassa et notre infortuné Pian alla choir avec elle. Les Agamis s’y attendaient. Ils poussèrent ensemble leur cri. de guerre. guièpe ! guièpe ! houm ! houm ! Les deux yeux de Pian furent crevés en un moment.

Depuis ce triste événement, les pians ne sortent que la nuit pour chercher leur nourriture.

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Littérature :


La Mygale et l'Agami


Cette fable a sans doute une moralité ;

A vous d'y réfléchir, mais d'abord écoutez :


La mygale ayant fleurté

Tout l'été

Se trouva fort démunie

Au fond de l'Amazonie.

Elle alla crier sa faim

Chez l'agami son voisin,

Bel oiseau dont le plumage

N'a d'égal que le ramage,

Et le trouva dans son nid

Du coté du Maroni.

Humblement notre mygale

Lui fait part de sa fringale,

Le priant de lui prêter

De quoi se ravigoter.


L'agami je le regrette,

N'est pas un oiseau qui prête :

"Que faisais-tu, lui dit-il,

Cet été dans ton Brésil ?

- Je fleurtais, j'en suis confuse...

- Tu fleurtais ! La belle excuse !

Et du coup, dit l'agami,

Tu viens taper les amis.

Vraiment c'est un peu facile,

Trouve ailleurs un imbécile !

Te nourrir ,

Alors là, tu peux courir !"


La mygale est plutôt brave,

Mais ce discours est blessant.

Elle a si faim qu'elle en bave,

Et l'autre est appétissant.

A terme, c'est la mort sûre

Pour l'oiseau malavisé :

Il suffit d'une morsure,

Le voilà paralysé...


... Alors la pauvre mygale

Se résigne, et se régale

De son ami l'agami

(Qui par chance est endormi).


Jean-Luc Moreau, "La Mygale et l'Agami" in Poèmes à saute-mouton, 1992.

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