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La Sirène




Étymologie :

  • SIRÈNE, subst. fém.

Étymol. et Hist. I. A. 1. Fin xie s. sereine (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, p. 130) ; 1121-34 serena (var. sereine) « être fabuleux de la mythologie grecque » (Philippe de Thaon, Bestiaire, 1361 ds T.-L.) ; 1377 syrene (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. A. D. Menut et A. J. Denomy, 126d, 5-6) ; 1461-62 a voix de seraine (Villon, Ballade des dames du temps jadis, éd. Rychner et Henry, Testament, p. 346) ; 1604 « femme douée d'un dangereux pouvoir de séduction » (Montchrestien, Les Lacenes, éd. Petit de Julleville, p. 163) ; 2. 1852 hérald. (Grandm.). B. 1. 1819 syrène « appareil destiné à produire un son de hauteur variable et permettant de mesurer cette hauteur » (Rapport du Jury central sur les produits de l'industr. fr., chap. XXIV, p. 231) ; 2. 1888 « puissant appareil sonore destiné à produire un signal utilisé d'abord sur les navires dans les ports » (Maupass., Pierre et Jean, p. 107). II. 1671 « sorte de mammifère marin » (Bouhours, Entretiens d'Ar. et d'Eug., 1 ds Littré) ; 1805 « reptile batracien de la famille des Sirénidés » (Cuvier, loc. cit.). I empr. au b. lat. sirena, lat. siren « être fabuleux de la mythologie grecque », fig. « qui chante agréablement », gr. Σ ε ι ρ η ́ ν « génies mi-oiseaux, mi-femmes qui dans l'Odyssée attirent par leurs chants les navigateurs et causent leur perte », fig. « femme habile à séduire ». II mot lat. zool. siren (Linné, Syst. Nat.).


Lire également la définition du nom sirène afin d'amorcer la réflexion symbolique.

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


La femelle de l'alcyon,

L'Amour, les volantes Sirènes,

Savent de mortelles chansons

Dangereuses et inhumaines.

N'oyez pas ces oiseaux maudits

Mais les Anges du paradis.

Guillaume Apollinaire, Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée.


Créature hybride mi-femme, mi-oiseau (tradition antique) ou à queue de poisson (tradition médiévale), la sirène est maléfique : son chant envoûte et fait périr celui qui l'écoute Dans L'Odyssée d'Homère, premier texte qui mentionne ces créatures la magicienne Circée met en garde Ulysse : « Il vous faudra d'abord passer près des Sirènes ! Elles charment tous les mortels qui les approchent. Mais bien fou qui relâche pour entendre leurs chants ! Jamais en son logis, sa femme et ses enfants ne fêtent son retour : car, de leurs fraîches voix, les Sirènes le charment, et le pré, leur séjour, est bordé d'un rivage tout blanchi d'ossements et de débris humains, dont les chairs se corrompent... »

A suivre

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Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire se symboles, des mythes et des légendes (Larousse Livre, 2000) :


"Lorsqu'une sirène surgit dans un rêve, c'est surtout à son chant et à ce qu'il symbolise qu'il faut être attentif : l'autosuggestion, l'envoûtement, l'hypnose. Dès lors, celle ou celui qui est en présence d'une sirène dans son rêve est souvent en proie à une fascination, à une idée fixe qui guide et fausse sa raison et tous ses actes. A l'instar de la sorcière, elle est un peu une sorcière des mers, elle détourne l'homme de lui-même.

Toutefois, la sirène possède aussi un autre aspect, ambigu toujours mais beaucoup plus bénéfique et enchanteur. En effet, elle est aussi une figure de la Déesse de la mer, incarnée par exemple par Aphrodite-Vénus, dont la légende mythique révèle qu'elle surgit des flots, née du sperme de son père Ouranos qui, avant d'être émasculé, éjacula une dernière fois à la surface des eaux. Morgane, la déesse-fée celtique, elle aussi a surgi des flots, son nom signifiant tout simplement "femme de la mer". De ce fait, la sirène doit aussi être associée aux charmes de l'amour, qui peuvent également détourner l'homme de lui-même, le plonger dans un état second, dans une espèce d'envoûtement. On dit ainsi d'un homme amoureux qu'il est sous le charme de la sirène, et d'une femme pourvue d'un grand pouvoir de séduction irrésistible que c'est une sirène. Cependant, l'âme et l'inconscient n'ayant aucun de nos préjugés sexistes, quel que soit son sexe, lorsqu'on rêve d'une sirène, on peut tout aussi bien être sous le charme de son propre pouvoir de séduction et d'autosuggestion, victime de ses propres illusions."

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Gillian Kemp, dans le livret de son jeu de cartes intitulé Sirènes & Dauphins et autres créatures fantastiques du royaume de Poséidon (édition originale, 2007 ; traduction français Éditions Contre-Dires, 2008) nous rappelle :

L'essentiel sur les Sirènes : Dans tout ruisseau, cascade, rivière, source, puits, lac, mare et mer vit un esprit aquatique doué du don de prophétie. Les sirènes, créatures surnaturelles dotées d'une beauté éblouissante, personnifient le charme et le mirage de la mer. La moitié supérieure de leur corps est celle d'une jeune femme, l'inférieure, celle d'un poisson. Ce sont des esprits bienveillants, qui soignent les malades. Nourries d'ambroisie, le miel spirituel de la vie, elles restent éternellement jeunes et belles.

Le torse dénudé de la sirène incarne la déesse-mère ou la déesse de l'amour, la sagesse dépassant le savoir, la gentillesse, l'éducation, l'abri, la croissance, la nourriture et la fertilité. Les sirènes symbolisent le domaine physique intérieur, la voix de l'intuition humaine et les pouvoirs vivifiants demeurant dans le subconscient de toute personne.

La queue de poisson de la sirène évoque les créatures à sang-froid, qui ne sont pas gouvernées par la chaleur de la passion. L'être mi-femme mi-poisson symbolise donc l'attrait et la confrontation de la peur de la voie foncièrement primitive, sans pitié, des débuts de la vie humaine. Revenir à la mer, c'est retourner à la mère - mourir, pas littéralement, mais découvrir la véritable source de vie et se détourner du comportement vil, exécrable, pas tout à fait humain, afin d'être toujours chaleureux et affectueux.

Mi-humaines mi-poissons, les sirènes représentent le sentiment d'unicité que peut éprouver toute personne assez hardie pour explorer la vibration spirituelle éternelle de grande sagesse qu'elles personnifient. Les mers, les fleuves, les lacs et les rivières où elles vivent signalent qu'il n'y a pas de frontières géographiques et symbolisent la cohésion de la conscience de l'amour, source universelle de toute création.

Dans de nombreux pays, les sirènes mentionnées par le folklore et la légende ont pullulé pendant des siècles dans les eaux douces plutôt que dans les mers. Le nom anglais de la sirène," mermaid " signifie "jeune fille du lac", de "mere", terme désignant le lac, et "molgs", jeune fille. Une "merewif ", femme ou épouse du lac, apparaît dans Beowulf, le texte littéraire en vieil anglais le plus notable; Chaucer parle lui aussi d'une "mere-maid ". Les contes populaires du monde entier abondent d'histoires de sirènes et de dames des eaux.

Comme il y a des sirènes, il y a des tritons, ainsi que leur progéniture, les enfants-poissons. L'apparence de ces derniers varie, la moitié supérieure ayant soit l'aspect d'un bébé de six mois, soit celui d'un enfant de trois ans,, une queue de poisson s'étirant au-dessous de la taille.

On raconte qu'il y a eu des mariages d'amour entre sirènes et tritons, et entre sirènes et humains, cependant quand une sirène assume une forme humaine, la liaison mortelle apporte ordinairement désastre et chagrin.

La plupart des légendes suivent l'un des trois schémas classiques. Le premier, une sirène tombe amoureuse d'un homme qu'elle convainc d'abandonner la terre pour vivre avec elle dans l'eau. Le deuxième, une sirène amoureuse d'un homme sacrifie la mer pour vivre avec lui sur la terre ferme. Le troisième, un triton tombe amoureux d'une femme et quitte la mer pour la terre. Le bonheur ne dure jamais et le triton retourne dans l'eau. Le mythe suggère symboliquement qu'il n'y a pas de bonheur durable sans retour au subconscient - dans ce cas, la mère, la mer.

Certains tritons sont très laids et rudes, d'autres, beaux. On les voir moins souvent, parce que, à la différence des sirènes, le genre humain les intéresse peu. Les tritons défendent les sirènes et, de par cette protection implacable, incarnent les tempêtes. Ils suscitent de grands vents et font sombrer les marins qui ont fait du mal à une sirène ou à un triton;

Les divers genres de sirènes et tritons vivent dans des lieux spécifiques. On dit que les femelles merrow et les mâles merrow vivent parmi les caissons à homard. Les femelles merrow ont la peau pâle, de beaux yeux sombres, une chevelure flottante, des doigts palmés et une queue de poisson. Les mâles merrow ont des yeux clairs, la peau et les dents verdâtres, et sont extrêmement laids. Leur nez rouge pointu s'accorde au bonnet qui leur permet de respirer sous l'eau. Comme pour les roanes et les selkies, les descendants d'une union avec un humain ont la peau écailleuse. On dit que les merrows gardent les âmes des pêcheurs morts dans les "cages d'âmes" en algues tressées. Joviaux, ils pensent que les âmes ont de la chance d'avoir un endroit où rester.

On raconte que des sirènes et des tritons étaient parfois capturés et, menacés de mort, étaient obligés de prédire l'avenir et d'exaucer les vœux. Ce faisant, la sirène ou le triton ajoutait toujours une malédiction pour punir l'impudence humaine.

Si un enfant-poisson, un mermaele, était attrapé par un pêcheur, il était d'habitude rejeté immédiatement à l'eau. Parfois, on le conduisait sur la terre ferme et on lui offrait du lait, auquel il réagissait en roulant ses yeux pour mieux voir l'environnement inconnu où il se retrouvait. Ses ravisseurs voulaient avant tout connaître l'avenir. Après 24 heures, la créature était remise à la mer, à l'endroit précis où elle avait été capturée. Le non-respect de cette coutume était supposé attirer le désastre sur ses ravisseurs.

Bien que normalement bienveillantes, les sirènes peuvent devenir dangereuses, entraînant sous les eaux les mortels charmés par leur beauté. Les sirènes sont fières de leur voix douce, persuasive, enchanteresse, qui rend difficile de résister à leur invitation. On raconte que c'est grâce à son peigne, à son miroir et à son chant que la sirène, assise sur un rocher, séduit les marins et les conduit à leur mort.

On pensait jadis que les fleuves descendaient du Ciel pour balayer les erreurs humaines. A ce jour, cette croyance perdure en Inde, où le fleuve Gange consume les péchés des dévots hindous. Les pèlerinages vers des sources situées le long du fleuve sacré purifient les méfaits.

Les fleuves représentent le pouvoir créatif de la nature et du temps. Ils symbolisent la fertilité et l'irrigation progressive du sol, ainsi que le passage irréversible du temps et le sentiment de perte qui s'ensuit.

Beaucoup de cultures anciennes, dont la culture slave, priaient et offraient des sacrifices aux sources, aux puits, aux cascades, aux torrents et à l'océan. Les bains, les ablutions et les couronnes de fleurs jetées dans les eaux étaient partie intégrante du culte des esprits qui protégeaient les navigateurs et les marins, en plus d'offrir guérison, protection et réconfort aux enfants malades. La coutume de jeter une pièce de monnaie dans une fontaine ou un puits vient de la croyance que les dieux de l'eau vivent dans des châteaux magnifiques remplis de trésors qui doivent s'accroître.

Demander le pardon de l'eau : Pour se faire pardonner leurs péchés et pour soigner leurs maladies, les gens priaient la déesse de la mer, mère des sirènes et des esprits des eaux. A cette fin, ils jetaient dans l'eau un morceau de pain, saluaient celle-ci et récitaient trois fois un exorcisme :


"Je viens à toi, mère eau,

Tête baissée et repentant,

Pardonne-moi, pardonne-moi,

Et vous aussi, ancêtres et aïeux des eaux."


Jusque vers la fin du XIXè siècle, l'existence d'une race de créatures aquatiques mi-humaines mi-poissons faisait partie du savoir ancestral des marins et des habitants des côtes. Les rivages balayés par les tempêtes et les brumes fréquentes sont le théâtre de mystérieuses légendes de sirènes, de navires fantôme et d'esprits des noyés. Les histoires vont de l'imaginaire au semi-historique, remontant à des époques où les gens croyaient dur comme fer à la magie.

Des pièces de monnaie phéniciennes sont ornées des emblèmes d'hommes-poissons, du dieu poisson Oannes et de la déesse Aphrodite accompagnée de ses suivantes mi-humaines mi-poissons. Oannes, Seigneur des eaux, arbore une tête de poisson en guise de couvre-chef, le reste du poisson formant son manteau, avec la queue touchant ses chevilles.

Le Domesday Book (Livre du jugement dernier) islandais, englobe un compte rendu de la capture d'un triton au large de l'île de Grimsey.

Une sirène capturée en 1531 dans la mer Baltique avait été offerte au roi Sigismond de Pologne. elle n'avait vécu que trois jours, pendant lesquels l'ensemble de la cour était venu la voir.

En 1717, un livre dédié au roi Georges 1er de Grande-Bretagne montre l'image d'une sirène, avec la légende : "Un monstre ressemblant à une sirène a été capturé près de l'île de Borne ou Boeren, dans le département d'Amboine. Il était long de 59 pouces (1.50 m) et avait les proportions d'une anguille. Il a vécu dans une cuve remplie d'eau pendant sept jours et sept heures. De temps à autre, il émettait de petits cris, comme ceux d'une souris. Il a refusé la nourriture, bien qu'on lui ait offert de petits poissons, des coquillages, des crabes, des homards, etc."

The Gentlemen's Magazine de janvier 1747 parle d'une sirène : "qui a la forme d'un corps humain depuis le tronc vers le haut et est un poisson au-dessous. Elle a été transportée à quelques kilomètres au sud en remontant le Devron."

Presque 60 ans plus tard, The Shipping Gazette parle de marins ayant vu une sirène : "Ressemblant une femme aux grands seins, au teint sombre, au beau visage."

Une chanson de marins parle d'un navire sombrant au fond de la mer :


"Un vendredi matin, quand nous levions la voile,

Et notre navire n'était pas loin de la terre,

Nous avons aperçu une très belle jeune fille,

Avec un peigne et un miroir dans sa main."

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Dans Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013) Michel Pastoureau s'attache à retracer l'histoire de la perception visuelle, sociale, culturelle de cette couleur en Occident, de l'Antiquité au XIXe siècle. C'est aussi l'occasion d'évoquer d'autres éléments de la symbolique liées à la couleur verte. Ainsi :


"Dans l'eau vivent d'autres créatures vertes tout aussi négatives [que le serpent et le dragon]. [...] La sirène l'est également. C'est une créature hybride, mi-femme mi animal. Dans l'Antiquité, elle était le plus souvent oiseau ; au Moyen Âge, elle est surtout poisson. Son corps, féminin et superbe dans la partie supérieure, se termine par une inquiétante que "empoisonnée" de couleur verte. Les sirènes sont hypocrites et cruelles : elles charment les marins par leur beauté et la douceur de leur chant, les attirent en haute mer et les endorment. Elles montent alors à bord des navires, abusent des dormeurs puis les précipitent dans les gouffres marins ; certaines dévorent même leurs cadavres."

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Symbolisme celte :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


SYRENES. Les Bretons croient à l'existence de ces êtres, moitié femme , moitié poisson, et il est peu de pêcheurs qui 'affirment en avoir vu ou entendu : ces monstres mêlent, disent-ils , leurs cris au bruit des flots. On sait aujourd'hui que l'erreur provient de la ressemblance qu'offre une espèce de lamantin avec la forme humaine. Les Bretons ont encore une autre syrène, de la classe des fées, qu'ils nomment Mary-Morgan.

Voici comment Cambry établit l'origine de la croyance des Bretons aux syrènes : « Il est peu de marins, dit- il, qui ne disent avoir entendu le sifflement le cri de la syrène. Ce mot, chez les anciens Bretons, indiquait cette faculté de la nature par laquelle l'air pressé rend un son. Elle existait dans le ciel, sur la terre, dans les mers ; elle produisait l'harmonie des sphères, le sifflement des vents, le bruit des mers sur le rivage. On nomme siren cette faculté, des mots si (sonitus , sibilus), et ren, conduite, direction : ouz-ren, sous le gouvernement, sous le règne ; ren ar bel, Dieu qui conduit le monde. Si n'est que l'expression du son pressé contre nos dents ; si-ren signifie conducteur du vent. Les druides désignaient donc par le mot si-ren, le son. Le peuple se représentait la faculté qui le dirige comme une espèce de divinité, à laquelle il appliqua la forme d'une femme, d'une cantatrice, habitante des airs, de la terre et des mers. »

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Oracle :

Selon Gillian Kemp, auteure d'un livret et d'un jeu de cartes intitulé Sirènes & Dauphins et autres créatures fantastiques du royaume de Poséidon (édition originale, 2007 ; traduction français Éditions Contre-Dires, 2008), la Sirène peut servir d'oracle :

La Sirène : Mot-clef = Décision

De même que la sirène charme par son chant doux, vos mots suscitent la réaction désirée. Une invitation à laquelle il est difficile de résister arrivera d'une personne qui vous est émotionnellement attachée. Vous devez accepter les gens qui viennent délibérément vers vous et laisser aller les autres. Une relation ne s'achèvera pas bien si elle a mal commencé. Des signes révélateurs peuvent vous pousser à questionner l'honnêteté d'autrui : il se peut que la honte soit secrète. L'homme imprudent qui s'approche d'une sirène ne reviendra jamais, car les sirènes étaient es déesses perfides, invoquées à l'instant de la mort. Comme la sirène, vous charmez en douceur - pas en jouant d'une lyre ou d'une flûte mais grâce à votre esprit observateur.

Le Sac de la Sirène : Mot-clef = Naissance

Attendez un éveil fertile de la nature et le début d'une nouvelle vie extraordinaire. Ce qui semble non-existant existe parce que la croissance du poisson commence à l'intérieur de la coquille de son œuf. Dépositaire de la nouvelle vie, le sac de la sirène (en fait, oreiller de mer) représente l'énergie vitale et la guérison mystique dans tous les domaines de la vie quotidienne. C'est un emblème d'immortalité et d'espoir dans la vie future.Un désir de longue date sera satisfait. Le temps vous aide à exploiter au maximum les possibilités. Surfez sur les vagues du destin, car la marée tourne avec régularité.

NB. Oreille-de-mer = ormeau.

Le Rocher de la Sirène : Mot-clef = Union.

Votre prière sera exaucée. Vous découvrirez ce qui est infiniment bon pour vous et recevrez la pierre ouvrée que que vous désiriez. Le rocher de la sirène annonce vos capacités latentes : l'éducation et une diversité d'affinements éveilleront en vus l'aspect sacré et l'aspect mystérieux qui engendrent la solidité et la cohésion. Il représente une extension du divin qui est immuable, solide et éternel. La victoire dépend de la force inhérente et la fondation immuable de votre foi. Le rocher de la sirène symbolise la demeure sublime des âmes des ancêtres disparus, qui, en faisant partie de vous, offrent bénédictions et aide. Le lien d'amour est éternel, sauf si votre cœur a été transformé en pierre.

Le Gant de la Sirène : Mot-clef = Confident.

Grande éponge avec des branches ressemblant à des doigts, le gant de la sirène (la chaline) prédit que quelqu'un vous jurera une foi éternelle. Un compagnon deviendra aussi proche qu'un gant l'est de la main. Deviner un secret qui surprendra le partenaire présente un défi à affronter. Certain de ne pas perdre, vous acceptez la compétition amicale, car il n'y a pas d'autre moyen de régler un problème. Vous serez récompensé pour avoir montré un peu de gentillesse. Vous obtiendrez une position élevée en délaissant la réalité quotidienne et en exécutant ce que l'ordre exige. Vous n'avez aucun mal à faire une chose que vous connaissez. Vous êtes un gagnant prêt à tout affrontement.

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Contes et légendes :


Charles-Marie Garnier, auteur de Contes et légendes du pays d'Irlande (Fernand Nathan Éditeur, 1963) transmet la légende suivante :


L'histoire de Libane la sirène


Au temps jadis, le roi de Munster avait deux fils, Ecca et Rib. Ecca était agité, indiscipliné et ne plaisait guère au roi. Rib avait plus de tranquillité et de douceur, mais était faible de caractère. Ecca s'ouvrit à lui de son projet d'aller au loin conquérir des terres où il serait son maître. Rib essaya de lui faire prendre patience, mais en vain. Ecca, poussé sournoisement par sa marâtre Emère, dont la montagne de Tipperary a gardé le nom, fit au roi son père une grave injure et dut, sur-le-champ, quitter le royaume avec tous ses gens et ses dépendants : sa marâtre et son frère le suivirent. Ils étaient mille hommes, sans compter les femmes et les enfants : ils tournèrent leur face vers le Nord. Au bout de quelques journées de marche, leurs druides leur dirent qu'ils n'étaient point destinés à s'établir dans le même canton et, qu'arrivés au Col des Deux Piliers, ils auraient à se séparer. Rib et ses gens se dirigèrent vers l'Ouest et poussèrent droit devant eux jusqu'à la plaine d'Arbthenn. Aussitôt une puissante source en jaillit, qui submergea les terres et les noya tous, formant un lac qui, au jour d'aujourd'hui, s'appelle encore Lac Rib. Ecca et ses gens poursuivirent leur voyage vers le Nord. Lentement ils parvinrent à Bruga, sur les bords de la Boyne. Ils auraient bien voulu se reposer en la demeure de Mac Indoc. Mais ils n'eurent pas plus tôt fait halte, qu'un grand guerrier sortit du palais et leur donna l'ordre de déguerpir. Sourds à ces paroles, recrus de fatigue, ils plantèrent leurs tentes en vue même du palais. Courroucé de voir ses ordres méprisés, Angus, pendant la nuit, fit tuer tous leurs chevaux. Le lendemain, il s'avança vers eux et leur dit : — Hommes du Sud, j'ai cette nuit égorgé vos chevaux. Si vous ne partez pas d'ici aujourd'hui même, j'égorgerai la nuit prochaine toute votre bande. Ecca lui répondit : — Angus, tu nous as causé un tort immense : et comment veux-tu que nous partions, maintenant que nous sommes sans chevaux ? Alors Angus leur amena un cheval gigantesque, tout harnaché, sur lequel ils purent mettre tout leur bagage. Quand il les vit prêts à partir, il ajouta : — Ayez soin de tenir ce coursier toujours en mouvement : si jamais vous le laissiez s'arrêter une seconde, il sera la cause de votre mort. Ils repartirent donc un jour d'automne et marchèrent sans s'arrêter, qu'ils n'aient atteint la Plaine du Bosquet Gris, où ils voulaient s'installer. Ils entourèrent le cheval géant pour le débarrasser de leur bagage et tous de s'affairer au point d'oublier les paroles d'Angus. Le coursier s'arrêta et à l'instant même, une source magique entre ses pattes se prit à jaillir.


Ecca, comprenant le danger, fit aussitôt bâtir une tour ronde tout autour et il chargea une femme prudente de veiller sur la source, et de n'ouvrir la porte bien scellée que quand les gens de sa demeure, qu'il élèverait tout près de là, viendraient chercher de l'eau. Le roi d'Ulster, rameau de la Branche Rouge, accourut pour chasser Ecca de ses terres ; mais Ecca l'emporta sur lui et resta maître de la moitié du royaume. Ses gens et lui purent ainsi rester sur la Plaine du Bosquet Gris. Or, Ecca avait deux filles, Arie et Libane. Arie avait pour mari un homme simplet, un innocent du nom de Curnam. Un beau jour, il alla de tous côtés, chantant chanson nouvelle :


Arrivez, accourez, bûcherons et guerriers ! En vitesse, abattez chênes et châtaigniers ! Je vois la Source irrésistiblement s'épandre Et submerger le Chef et ses puissants héros. Las ! je ne puis sauver mon épouse si tendre ! Mais Libane, sa sœur, saura fendre les flots. Parcourir l'océan aux mystiques rivages Et dans l'antre vitreux vivre pendant des âges, Toujours femme et pourtant poisson. Belle sirène et beau saumon !


Des jours et des jours, il chanta sa chanson d'alarme : mais personne ne prêta l'oreille aux fredons de l'innocent. Et tôt après, il arriva que la femme, qui était la geôlière de la Source, oublia sa prudence et laissa la porte sans la resceller. Alors le mauvais charme fut libre d'opérer. L'eau bouillonna, grossit, déborda, partout se répandit, noyant tout sur son passage. Ecca, sa famille et tous ses gens furent submergés. Seuls échappèrent Libane et Curnam l'innocent. L'eau forma l'immense lac Neagn, qui s'ouvrit couloir jusqu'à la mer. Sur ses bords, Libane et Curnam enterrèrent Arie et lui élevèrent un monticule funéraire, encore aujourd'hui appelé Cairn-Arie. Curnam se coucha sur les pierres du cairn et, du chagrin d'avoir perdu sa femme, se laissa mourir. De là le Cairn-Curnam que vous voyez tout près. Après avoir rendu à sa sœur les derniers devoirs, Libane plongea dans l'eau avec son petit chien favori. Elle atteignit une grotte merveilleuse à sec au fond du lac et elle y resta toute une année. Elle allait y périr d'ennui, quand elle aperçut un saumon tacheté qui s'ébattait au seuil de sa caverne. Elle fit alors cette prière : — O Seigneur ! accorde-moi d'être un saumon, que je puisse avoir des compagnons et, avec eux, m'ébattre dans la mer transparente ! ô Seigneur ! Elle prit aussitôt la forme d'un saumon ; mais comme le nom du Seigneur était encore sur ses lèvres, son visage resta celui d'une femme en prière, son visage et sa gorge. Son petit chien favori fut mué en loutre, nageant et jouant autour d'elle, et toujours aux petits soins pour elle. Ainsi Libane, pendant trois cents ans, vécut en se jouant dans toutes les mers qui baignent l'Ulster, depuis les jours du roi Ecca jusqu'aux jours du roi Comgal. Une fois, ce grand chef envoya son conseiller Béoc à Rome pour consulter Grégoire, — le pape Grégoire — sur matières d'importance. Le troisième jour de leur navigation, Béoc et ses matelots entendirent s'élever de la mer un doux chant angélique. Se penchant sur les lisses du navire, Béoc demanda qui chantait si suave chanson. Libane répondit : — Je suis Libane, la fille d'Ecca, l'ancien roi d'Ulster, pays d'où tu viens. Et c'est moi qui te salue de mon chant. — Comment te trouves-tu là ? demanda Béoc. — Vois ! c'est la trois centième année que je vis sous les flots. Je viens prendre avec toi rendez-vous. Va ton chemin, accomplis ta mission, mais reviens jour pour jour, dans un an, à la bouche de la rivière Allarba. Avises-en ton roi, apporte tes filets et tu me tireras des eaux mi-douces mi-amères. — Je t'accorderai volontiers cette faveur, répondit Béoc ; mais pas sans que tu me promettes récompense. — Soit, répondit Libane ; quel guerdon voudrais-tu ? — Je voudrais, répondit Béoc, ému de ce miracle et touché de sa beauté, que tu acceptes d'être enterrée avec moi, dans la même tombe, en mon propre monastère. — Je te l'accorde de grand cœur, dit Libane. Béoc fit le voyage de Rome. A son retour, il confia l'histoire de la sirène au roi Comgal et aux saints du monastère de Bangor. L'année révolue, ils allèrent en barque à la bouche de l'Allarba. Libane fut prise au filet de Fergus ; sa tête et ses épaules étaient celles d'une jeune fille et son corps, celui d'un saumon. On l'amena au rivage dans une barque mi-remplie d'eau, où elle continua d'évoluer, heureuse et gracieuse. Nombreux furent ceux qui vinrent voir la merveille. Et parmi eux survint un jeune chef de clan, drapé d'un manteau de pourpre. Libane suivait des yeux le moindre de ses mouvements. Ce que remarquant, le jeune chef lui dit : — Désires-tu ce manteau ? Si oui, je te l'offre de bon cœur. — Non, vraiment, merci, répondit Libane. Mais il me rappelle mon père Ecca. Le jour où la Source le noya, il portait un manteau de pourpre comme le tien. Pour ta courtoisie et ta gentillesse, puisse le bon sort te suivre en tous lieux, toi et celui qui viendra après toi. La loutre, qui avait été son petit chien favori, l'avait suivie dans la barque mi-remplie d'eau et continuait de la servir et de la distraire. Un grand soldat brûlé par le hâle, s'amusa, le traître, à tuer la petite loutre. Libane en conçut grand chagrin et prédit que la gloire militaire de son clan serait souillée par sa vilenie, à moins que lui et tous ses compagnons d'armes ne fissent jeûne et pénitence. Le soldat, contrit, fit amende honorable humblement. Alors s'éleva grand débat sur la question de savoir à qui devait appartenir la sirène. Le roi Comgal prétendit qu'elle était sienne, car elle avait été capturée sur ses terres. Fergus avança qu'elle lui appartenait, car c'était dans son filet qu'elle avait été prise. Enfin, Béoc soutint que, des trois, il possédait le meilleur titre en vertu de la promesse solennelle que lui avait faite la sirène. Personne ne pouvant résoudre le débat, les trois saints hommes se prirent à jeûner pour faire appel au jugement de Dieu. Quand ils furent en état de grâce, un ange vint leur déclarer : — Demain, deux bœufs sauvages viendront ici de Cairn-Arie, le tumulus de la sœur de Libane. Vous leur imposerez le joug. Dans le chariot, vous placerez la sirène et leur direz : Allez ! Ils se dirigeront vers l'un de vos trois domaines : le maître du domaine sera le maître de la sirène. Ainsi fut fait et les bœufs sauvages portèrent Libane droit à Tec-Da-Béoc, le monastère de Béoc. Alors, les trois saints donnèrent à Libane le choix : soit de vivre encore trois cents ans à tous risques, soit de mourir tout de suite, après avoir été baptisée. Libane choisit de mourir aussitôt. Comgal la baptisa et lui donna le nom de Murgène, Née-de-la-Mer, et Murgène au ciel compte parmi les vierges saintes et continue d'opérer merveilles et miracles au tombeau qu'elle occupe avec saint Béoc, en leur commun monastère de l'Irlande, l'île des Saints.

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Littérature :

Les Sirènes


Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les îlots, Une harpe d'amour soupirait, infinie ; Les flots voluptueux ruisselaient d'harmonie Et des larmes montaient aux yeux des matelots.


Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les rochers, Une haleine de fleurs alanguissait les voiles ; Et le ciel reflété dans les flots pleins d'étoiles Versait tout son azur en l'âme des nochers,

Les Sirènes chantaient... Plus tendres à présent, Leurs voix d'amour pleuraient des larmes dans la brise, Et c'était une extase où le cœur plein se brise, Comme un fruit mûr qui s'ouvre au soir d'un jour pesant !


Vers les lointains, fleuris de jardins vaporeux, Le vaisseau s'en allait, enveloppé de rêves ; Et là-bas — visions — sur l'or pâle des grèves Ondulaient vaguement des torses amoureux.


Diaphanes blancheurs dans la nuit émergeant, Les Sirènes venaient, lentes, tordant leurs queues Souples, et sous la lune, au long des vagues bleues, Roulaient et déroulaient leurs volutes d'argent.


Les nacres de leurs chairs sous un liquide émail Chatoyaient, ruisselant de perles cristallines, Et leurs seins nus, cambrant leurs rondeurs opalines, Tendaient lascivement des pointes de corail.


Leurs bras nus suppliants s'ouvraient, immaculés ; Leurs cheveux blonds flottaient, emmêlés d'algues [vertes, Et, le col renversé, les narines ouvertes, Elles offraient le ciel dans leurs yeux étoilés !...


Des lyres se mouraient dans l'air harmonieux ; Suprême, une langueur s'exhalait des calices, Et les marins pâmés sentaient, lentes délices, Des velours de baisers se poser sur leurs yeux...


Jusqu'au bout, aux mortels condamnés par le sort, Chœur fatal et divin, elles faisaient cortège ; Et, doucement captif entre leurs bras de neige, Le vaisseau descendait, radieux, dans la mort !


La nuit tiède embaumait...Là-bas, vers les îlots, Une harpe d'amour soupirait, infinie ; Et la mer, déroulant ses vagues d'harmonie, Étendait son linceul bleu sur les matelots.


Les Sirènes chantaient... Mais le temps est passé Des beaux trépas cueillis en les Syrtes sereines, Où l'on pouvait mourir aux lèvres des Sirènes, Et pour jamais dormir sur son rêve enlacé.

Albert Samain, "Les Sirènes" in Au jardin de l'infante, 1893.

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Les Sirènes

Saché-je d’où provient, Sirènes, votre ennui Quand vous vous lamentez, au large, dans la nuit ? Mer, je suis comme toi, plein de voix machinées Et mes vaisseaux chantants se nomment les années.

Guillaume Apollinaire, "Les Sirènes" in Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée, 1911

 

Jean Teulé raconte l'histoire de Fleur de tonnerre (Éditions Julliard, 2013), une empoisonneuse bretonne du XIXème siècle, pétrie de légendes celtiques :


- Viens...

Il ne peut résister à l'appel de la nymphe gracieusement assise, jambes croisées sur un côté. Le long des chevilles, mollets, serrés dans la mer jusqu'au-dessus des genoux, les jeux de l'eau avec le miroitement de la lumière dessinent des écailles et les pieds, aux orteils écartés mais talons joints, ressemblent à une queue de poisson.

- Tiens, une chirène ! montre du doigt le ventru perruquier au bras traçant un 5 au-dessus de la falaise.

- Une sirène ? Mon pauvre vieux, tu devines de plus en plus breton depuis que t'as reçu un coup de sabot dans la tête, regrette le borgne, se tournant vers la mer.

En bas sur son récif, entourée par les miroirs et les lustres des vagues, Fleur de Tonnerre tend la main à son amant en chantant d'un timbre irréel : « Viens... ». Dans sa voix claire et lente un serpent avance telle la corde que la Morbihannaise, sans dote par jeu, enroule autour du cou de Yann puis elle pousse, derrière elle, l'ancre marine qu'elle lui a chipée. Viltansoù bascule : « Ah ! » et file droit, tête tractée la première, vers le fond de la fosse tellement profonde. De grosses bulles éclatent à la surface de l'eau et le grand perruquier en reste bouche bée. Pensant avoir la berlue, il frotte son œil valide : « Mais ce n'est pas possible, ce n'est pas possible, ça ! »

- Ah, monseur Viltansoù n'aimait pas la confiture...

Fleur de tonnerre, sur le rocher, repdnre sa pose de femme-poisson habitant les mers. Ses beaux yeux de rêve languissent - ses beaux yeux tristes et fin de race - tandis qu'elle glisse ses doigts comme les dents d'un peigne le long de sa chevelure de soleil.

- Non ! Non, ce n'est pas possible...

Le borgne refuse d'admettre l'évidence :

- Les sirènes n'existent pas !

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Arts visuels :


Jacques Bousquet et Jacqueline Leclercq-Marx. — La sirène dans la pensée et dans l'art de l'Antiquité et du moyen âge. Du mythe païen au symbole chrétien. Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1997.. (In : Cahiers de civilisation médiévale, 42e année (n°167), Juillet-septembre 1999. pp. 297-301) :

La sirène dans la pensée et dans l'art de l'Antiquité et du moyen âge.
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