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Le Poulpiquet

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    Anne
  • il y a 1 jour
  • 9 min de lecture




Symbolisme :


Hippolyte Violeau, dans un ouvrage intitulé Pèlerinages de Bretagne (Morbihan). (Éditions Bray, 1859) dévoile quelques particularités des Poulpiquets :


On assure, dans nos campagnes, qu'il suffit d'une goutte d'eau lustrale pour rendre à leur première forme les trésors que les nains de la terre, les Poulpiquets, déguisent sous l'apparence de cailloux ou de feuilles sèches. Les nains sont les matérialistes ; l'eau sainte, c'est l'idée de Dieu qui rompt l'enchantement funeste, et rend à la nature et aux arts tout leur éclat.

[...]

Nous reprîmes notre route pour nous égarer de nouveau. Assurément les Poulpiquets, logés sous les dolmens de la paroisse de Cléguérec, et notamment dans ce vallon de l'Enfer d'un aspect si étrange et si horrible, avaient pris plaisir à troubler notre mémoire et à nous promener dans tous les coins de la forêt. Les Poulpiquets, Cornandons ou Cornicanets, ces petits nains velus, noirs, hideux, que tant de braves campagnards, d'ailleurs incapables de mensonge, assurent avoir rencontrés au clair de lune dans les bois, les landes, autour des pierres druidiques ; les Poulpiquets ne sont point une superstition particulière à la Bretagne, car on les retrouve sous d'autres noms en Ecosse, en Irlande, dans le pays de Galles, la Suisse, l'Islande, la Suède, le Danemark, la Finlande, un peu partout enfin, si l'on admet quelque différence dans leur figure ou leurs habitudes. Waldron raconte que les habitants de l'île de Man croient à des esprits qu'ils nomment les Bonnes gens, et qui sortant la nuit des forêts ou des montagnes, se glissent dans les chaumières où la famille avant de se mettre au lit, a toujours soin de remplir d'eau un baquet pour que les nains puissent s'y baigner commodément. [...]

Tous ces esprits, qu'on les appellent Liéchis, Elfes, Brownie, Daoïne shie, Bergmaennleins ou Poulpiquets, même dans leurs bons moments, sont d'humeur malicieuse et de relations très-peu sûres. On profite, néanmoins, quelquefois de leurs bons offices. Par exemple, pour ne parler que des Poulpiquets, il en est qui tressent la queue des chevaux à l'écurie, balaient la maison quand la fermière sommeille, préparent la crême, vont même à la ville pour une commission pressée, sur une monture invisible, plus vite que le vent. « En Saint-Nolf, dit l'abbé Mahé, à un petit quart de lieue du bourg, près du moulin à foulon, j'ai vu sur une éminence un barrow entouré de douves. On dit qu'autrefois ce monticule servait de palais aux Poulpiquets, qui y pratiquaient des terriers comme les lapins. Ce petit peuple rendait service aux autres habitants du canton ; car, quand ils avaient perdu quelque chose, ils venaient au commencement de la nuit à la garenne des nains, et ils disaient : Poulpiquets, j'ai perdu tel objet. Cette prière étai exaucée, et, le lendemain matin, on trouvait à sa porte ce qu'on avait perdu. »

Vous ne demanderez pas comment l'existence de ces nains mystérieux obtient tant de créance sur des millions d'individus de toutes les nations ; car, en interrogeant la partie immatérielle de notre être, inclinée par son essence et ses destinées vers l'ordre surnaturel, vous avez compris, comme moi, combien la pente est facile du merveilleux réel que tout chrétien est obligé de croire, au merveilleux des légendes populaires, qu'elles soient ou non le caprice d'une poétique imagination. Sait-on bien, d'ailleurs, dans ce monde des esprits que la toute puissance de Dieu mène à son gré sans consulter notre sagesse ; sait-on où le surnaturel s'arrête, où l'impossible commence, où l'honnête homme a le droit de dire à l'honnête homme : Ce que vous assurez avoir vu et entendu est faux et n'existe pas ? - Une vérité incontestable, du moins pour moi qui l'éprouve comme je le dis, c'est l'intérêt singulier que nous inspire le fantastique, le plaisir qu'on trouve à le supposer au lieu où l'on passe, surtout quand ce lieu est le vaste dédale de Quénécan. Une nouvelle cabane se montra bien à propos au moment où nous allions nous croire enfermés, tout de bon, par les Poulpiquets dans un cercle magique. Cette fois, nous étions à la lisière de la forêt, et assez près d'un sentier, dans les prairies, qui nous conduisit à un chemin de traverse aboutissant enfin à Cléguérec. Nous avions rompu l'enchantement, le sort jeté sur nous par les nains ; et pourtant ce ne fut pas sans regret que nous laissâmes derrière nous, probablement pour ne jamais les revoir, les arbres de cette belle forêt dont nous cherchions encore des yeux les tranquilles ombrages.

Jacques Albin Simon Collin de Plancy, auteur de Légendes des ésprits et des démons qui circulent autour de nous (volume 12, Éditions Plon, 1863) rapporte plusieurs anecdotes concernant les Poulpiquets :


BOLÉGUÉANS OU POULPIQUETS. Ne soyez pas familier avec le premier venu. SADI. Les boléguéans ou poulpiquets sont des lutins familiers qui se montrent, dit-on, en Bretagne. Voici ce que M. Vérusmor écrivait sur les esprits, dans la Presse bretonne, il y a quelques années :


« Il existe dans la commune de Saint-Nolf un beau tumulus de quarante pieds d'élévation ; c'est un monticule d'un genre tout particulier ; non-seulement son escarpement est plus roide que celui des autres tombeaux celtiques découverts en basse Bretagne, mais il est ceint d'un fossé circulaire, ce qu'on a vu bien rarement ; une levée de terre, en forme de croissant et entourée de douves, se trouve quelques pas plus loin comme une redoute chargée de le défendre. C'est encore, dans les croyances du pays, une retraite de boléguéans, appelés aussi cornadons, corriquets et poulpiquets. On assure même que c'était autrefois leur capitale et qu'ils y vivaient par milliers ; mais le malheur des temps a tellement diminué la population de la tribu, que c'est à peine si l'on voit maintenant deux ou trois de ces nains par semaine : les impiétés que commit la révolution française et les guerres civiles de la Bretagne les firent émigrer avec la noblesse du pays, et l'on croit qu'une fois partis, ces petits esprits ne reviennent plus.

Cette désertion des boléguéans, me disait sérieusement un habitant de Saint-Nolf, est un malheur pour la commune. Du temps qu'ils vivaient ici, qu'ils nous parlaient (car ils parlent le langage du peuple chez lequel ils habitent), qu'ils nous conseillaient, nous étions heureux, tout nous prospérait. Avions-nous perdu quelque chose, un couteau, une pièce de monnaie, un bouton, il nous suffisait de dire : Boléguéan, j'ai perdu tel objet ; et le lendemain, au lever du jour, on était sûr de trouver l'objet sur le seuil de sa porte. Nous manquait-il un bœuf pour traîner notre charrue, les boléguéans, toujours bons et obligeants, se faisaient un plaisir de nous en prêter un ; seulement il fallait demander en détail les parties principales de l'animal ; si l'on oubliait soit la tête, soit les pieds, soit la queue, ils nous le prêtaient sans tête, sans pieds ou sans queue ; mais dans ce cas d'oubli, le bœuf, quoique incomplet, n'en travaillait pas avec moins de courage que les autres. » Mon cicerone avait une foi sincère en ces contes de vieilles femmes.

On raconte dans les campagnes des environs de Vannes, et surtout à Saint-Nolf, une foule d'anecdotes traditionnelles sur ces marmousets : « Un médecin allant, au milieu de la nuit, donner ses soins à un malade, trouva dans son chemin une bande de poulpiquets dansant autour d'un menhir : ils se saisirent de lui et le firent tourner avec une telle rapidité que bientôt, perdant la respiration, il tomba évanoui sur la place, où les malins esprits le laissèrent en poussant de longs éclats de rire. Un poulpiquet, employé comme domestique chez un laboureur de Saint-Nolf, rentrait à toutes les heures de la nuit ; ce qui obligeait la servante à se lever pour lui ouvrir la porte : celle-ci finit par s'impatienter et jeta un soir l'importun dans une marmite d'eau bouillante. Le lendemain le poulpiquet l'étrangla . »

Un autre cultivateur avait un boléguéan pour vacher ; ce pâtre, en revenant des champs, ne manquait jamais d'aller s'asseoir sur les cendres de l'âtre de son maître pour s'y chauffer ; mais un jour que ces cendres couvraient des charbons ardents, le malheureux nain se brûla le derrière, et dans sa colère cassa la vaisselle, étouffa la cuisinière et fit crouler la cheminée.

Enfin, on raconte l'anecdote d'une boléguéane qui substitua un jour son propre enfant à celui d'une paysanne de Saint-Nolf. La supercherie se fit si adroitement que tout le monde s'y méprit ; la mère elle-même ne se douta point de l'échange. Cependant, au bout de quelques années, cette pauvre femme se prit à se désoler de voir que son bambin restait toujours le même et ne grandissait point. Le petit boléguéan, qui savait tout, jouait fort bien son rôle pour qu'on ne pût le reconnaître. Mais un soir, frappé d'un spectacle nouveau, il s'écria, se croyant seul « J'ai cent ans, et je n'ai jamais vu pareille chose ! » Cette exclamation le trahit.

On fut outré de tant de fausseté ; le voisinage s'assembla, et l'on s'apprêtait à faire subir la mort à l'enfant supposé, lorsque la boléguéane, sa mère, vint réclamer son petit, s'offrant de rendre l'enfant qu'elle avait enlevé. L'échange se fit à l'instant même. La paysanne revit son véritable enfant, qui n'avait mangé que des racines et du charbon pendant quatre années d'absence, et qui pourtant était gros et gras.

« C'est avec ces histoires de poulpiquets ou boléguéans, dit M. Vérusmor, que les bas Bretons alimentent leurs conversations dans les soirées d'hiver. »

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Selon Salomon Reinach, auteur de "Les Monuments de pierre brute dans le langage et les croyances populaires" Suite). (In : Revue Archéologique, 1893, vol. 21, pp. 329-367) :

IV. - Relations des pierres avec les nains et les fées : Nains et fées bâtissent des mégalithes (a), y habitent, danse et chantent alentour pendant la nuit ; d'autres personnes viennent s'y asseoir.

Les nains des deux sexes portent en Bretagne un grand nombre de noms : bolbignéandets, boudighets, corighets, crions, gorics, guerrionets, hoséguéandets, poulpiquants, poulpiquets analogues, par l'idée qu'on s'en fait, aux nutons belges, trolls scandinaves, aux small people du pays de Cornouailles. Les relations que la légende établit entre les dolmens et eux s'expliquent sans peine. Comme l'imagination populaire a été frappée d'une part par le peu de hauteur des chambres dolméniques, de l'autre par le poids des pierres dont elles sont formées, naturellement amené à concevoir les « génies des dolmen » sous la forme de nains aussi forts que des géants. Dans le Caucase et en Crimée, les dolmens passent aussi pour être les demeures de nains, demeures construites autrefois par des géants, leurs voisins. De même encore, les paysans de l'Inde, voyant les dolmens percés d'un trou, en concluent qu'ils servaient de maisons à une race de pygmées et en appellent la réunion « cité des nains ». Ces pygmées auraient été de petits êtres très intelligents, capables d'exécuter de grands travaux, mais que Dieu finit par punir de leur insolence. Ici encore, la légende a tenu compte de la contradiction que présente, dans les dolmens, l'exiguïté de la hauteur et l'énormité des matériaux.

Saint Augustin [La Cité de Dieu] copié par Isidore de Séville, nous a transmis le nom de nains celtiques, Dusii pilosi, présentant quelque analogie avec les Silvains et les Faunes du paganisme gréco-romain. Il est probable, comme on l'a conjecturé depuis longtemps, que les poulpiquets sont proches parents de ces Dusii.

a) Une légende fait des alignements de Carnac l'ouvrage des crions. Les corighets aiment à transporter de lourdes pierres pour essayer leurs forces. [...]

ß) Les dolmens sont, en Bretagne et ailleurs, les maisons des nains et des naines, qui les balayent pendant la nuit avec grand soin. D'autres habitent sous les menhirs ou simplement sous de grosses pierres plates.

Parlant d'un montissel ou tumulus à Saint-Nolf, Mahé dit qu'il passe pour servir de galais aux poulpiquets, qui y pratiquent des terriers comme les lapins. « Ce petit peuple, rendait service aux autres habitants du canton, avaient perdu quelque chose, ils venaient, au commencement de la nuit, à la garenne des nains, et ils disaient : « j'ai perdu tel objet. » Cette prière était exaucée et le lendemain matin on trouvait à sa porte ce qu'on avait perdu.

Cette croyance à des nains aussi artificieux qu'obligeants ne se trouve pas seulement en Bretagne. [...] Ce qu'il y a de particulièrement curieux, c'est que Pythéas avait recueilli la même tradition aux îles Lipari : « Si, dit-il, l'on plaçait du fer non travaillé, avec une pièce d'argent, sur le bord du cratère du volcan de l'île, on retrouvait le lendemain à la même place une épée, ou tout autre article dont on avait besoin. » Il est bon d'ajouter que Mahé, en racontant quelque chose de semblable sur les Poulpiquets, n'institue aucune comparaison avec la tradition antique correspondante, circonstance qui suffirait pour garantir sa sincérité.

Paul Sébillot, auteur de Légendes locales de la Haute-Bretagne.. (Société des bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne, 1899) ajoute les informations suivantes :


D'après Verusmor, les Poulpiquets de Questembert étaient très petits, leur tête n'avait guère que la grosseur d'une orange, plusieurs étaient velus, et ils étaient très débauchés. Ils ne quittaient leur maison que la nuit pour aller danser autour des monuments mégalithiques et jouer des tours aux paysans. Celui auquel ils se divertissaient le plus consistait à exposer dans des lieux apparents, sous prétexte de les sécher au soleil, de beaux écus neufs. Celui qui y touchait était frappé immédiatement de mort. Un jour un paysan saisit un vieux matou et le jeta de loin sur le tas de monnaie ; l'animal tomba raide ; mais aussitôt les écus perdirent leur éblouissante lumière et reprirent l'éclat ordinaire de l'argent ; il s'en approcha, et ne ressentant aucun mal, il les emporta chez lui.

A Roz-sur-Couësnon, de petits hommes pas plus gros que le pouce, vivaient sous terre, dans un lieu dit la Maison des Feins, où M. Bézier suppose, avec assez de vraisemblance, qu'il y avait autrefois un dolmen, comme à Tressé, où un de ces monuments, celui-là habité par des fées , est connu sous ce même nom.

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