Étymologie :
SARDINE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1. Ca 1380 sardine (Roques t. 2, 10826) ; 1952 (Queneau, loc. cit.) ; 2. 1817 « galons de caporal, brigadier, sous-officier » (Merle et Brazier, Préville et Taconnet, p. 19 ds Quem. DDL t. 19) ; 3. 1878 « doigts de la main » (Rigaud, loc. cit.). Empr. au lat. sardina « sardine », dér. de sarda « sardine, poisson abondant sur les côtes de Sardaigne ».
Lire également la définition du nom sardine afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Zoologie :
Dans Les Génies des mers, Quand les animaux marins défient les sciences (Éditions Flammarion, Paris, 2023) Bill François attire notre attention sur les merveilles révélées par l'ichtyologie :
Bancs : Quand mille poissons ne font qu'un seul
Pourquoi le banc ? Mettons-nous un instant dans la peau du thon [...]. Vous êtes un thonidé affamé. Vous avez parcouru des kilomètres, planant dans le vide du grand bleu, avant de trouver, enfin, un groupe de sardines. Les voilà, appétissantes, brillant par milliers, à portée de nageoires. Vous vous apprêtez à faire un bon repas. Mais, soudain, le générique de Thalassa se met à défiler devant nos yeux.
L'expérience est tout sauf alléchante. Cela tourbillonne de partout, en un tournis incompréhensible. Vous ne savez plus où donner de la tête. Capturer une seule sardine est une tâche aisée, mais se lancer à la poursuite d'une sorte de fantôme géant est un tout autre défi... Les sardines vous ont repéré. Et elles ont adopté, en un clin d'œil, la stratégie de groupe la plus efficace pour tenter de sauver leur peau.
Si de nombreux poissons - plus d'une espèce sur deux - vivent en banc, c'est avant tout une question de survie. Mais la nage groupée leur procure en fait des avantages dans tous les domaines de l'existence : échapper plus facilement aux prédateurs, mais aussi capturer plus facilement des proies, se reproduire, ou encore nager sans se fatiguer.
Et à plusieurs, on est avant tout plus vigilants. En accroissant le nombre de paires d'yeux et de narines, on multiplie les chances de détecter une information, et donc de survivre. Les poissons d'un banc se préviennent ainsi de manière extrêmement rapide dès que l'un d'eux perçoit quelque chose. Notamment lorsqu'il s'agit d'un prédateur. On ne sait même pas comment les individus parviennent à se transmettre l'information aussi vite et, tous en même temps, à réagir par un « effet cascade » qui intrigue les scientifiques.
La force du nombre : Souvent, le banc entier choisira de s'enfuir face à un danger. Mais, devant un thon très rapide, les sardines savent qu'elles doivent faire autrement. Elles devront lui faire face en s'auto-organisant. Il est rare d'observer un groupe de petits poissons se retourner contre son assaillant : le banc va plutôt tenter de dérouter l'ennemi, en dessinant dans l'eau des formes qui le perturbent. Il englobe son prédateur dans une bulle mouvante, qui le désoriente. De plus, la multiplicité des cibles rend très difficile la capture d'un individu - essayez de jouer au ping-pong avec plusieurs balles, qui partent chacune dans une direction différente... et vous saisirez le désarroi de notre thon !
Toutefois, le thon n'a pas dit son dernier mot. Car il sait bien que la force du banc est aussi ce qui fait sa faiblesse : regrouper un grand nombre d'individus, très serrés.... Comme des sardines. Il va donc jouer là-dessus, se parant d'éblouissantes rayures d'un « bleu électrique », une couleur qui effraie encore plus les proies. Les sardines se resserreront alors davantage, et le prédateur n'aura plus qu'à frapper dans le tas.
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Symbolisme :
La sardine a son propre musée : Le Musée imaginaire de la Sardine.
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Porter une sardine à la messe du vendredi puis la suspendre à une poutre de la maison éloigne les insectes (Anjou). On peut également chasser les mouches, pour toute l'année, en attachant ne sardine au plafond, le vendredi saint (Mayenne), ou en clouant à la porte d'entrée la tête de ce poisson, le 25 avril, jour de la Saint-Marc (Baugeois).
Appliquer une sardine sous le talon soulage une migraine.
En Castille, pour connaître le sexe du bébé encore dans le ventre de sa mère, on décharnait complètement une sardine et la chair était jetée au feu. Le futur père devait alors sortir dans la rue : le sexe de la première personne rencontrée lui indiquait celui de son enfant.
On dit parfois en France que, pour réussir une greffe d'arbre, il faut « éviter d'avoir mangé une sardine dans la matinée ».
Selon, la légende, les sardines ont déserté les côtes de Belle-Île-en-Mer (Morbihan) à la suite des circonstances suivantes : « Il existait jadis au bord de la mer une petite chapelle dédiée à saint Joseph. mais elle fut peu à peu désertée et remplacée dans la faveur populaire par une chapelle à saint Pierre, ce dont le premier des deux saints ne se consolas pas. Un jour, un pêcheur voulut s'abriter dans le bâtiment en ruine ; il vit, au milieu de la statue, le saint en personne, auprès de qui se tenait la Vierge, qui tentait de le consoler ; elle n'y réunissait pas et le pêcheur vit, sur la joue du saint, rouler une larme aussi grosse qu'un rocher. Elle était si amère que la mer tout autour en fut salée au point que les sardines quittèrent les parages de Belle-Île pour toujours ».
A la fin du XVIIIe siècle, les pêcheurs du Finistère « racontaient que les sardines avaient un roi, nommé le Maigre ; quand il trouvait un banc de ses sujets, il les mangeait tous, for- [erreur dans le livre] massent-ils un monceau supérieur au plus hautes montagnes ; dès qu'ils le voyaient s'élancer hors de l'eau, la pêche était terminée et les bateau rentraient ».
Si les sardines qui viennent d'être prises sont rangées alternativement têtes à queues et qu'elles semblent l'aire un bruit aigu, c'est un bon présage pour la pêche : on dit qu'elles appellent leurs compagnons et qu'on peut s'attendre à l'arrivée d'un autre banc (Angleterre).
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Symbolisme alimentaire :
Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :
Traditions et coutumes :
Selon le site http://www.tossainfo.eu/fr/sardine-tossa.html, il y a une tradition étonnante à Tossa de Mar :
L'enterrement de la sardine
D'enterrer la sardine le Mercredi des Cendres est une tradition qui est répandue non seulement en Catalogne, mais dans l'ensemble du territoire espagnol. Le jour de Cendres le carnaval, qui est symbolisé par une sardine, sera enterré ou plutôt mis en feu. Le rite originel qui menait vers l'enterrement de la sardine d'aujourd'hui remonte encore dans le temps avant l'ère chrétienne et fait partiellement partie de la mythologie. Déjà à cet époque, cet événement ne marquait pas seulement la fin du carnaval et le début du carême mais symbolisait surtout le réveil du printemps et donc la renaissance de la vie. La fête originelle tournait, comme de nombreux autres rites, surtout autour du feu et, seulement plus tard avec l'apparition des chrétiens, on commençait à enterrer de la viande (et cela non seulement symboliquement). L'enterrement de la sardine, par contre, remonte seulement jusqu'au 19ème siècle et était fêté pour la première fois à Madrid bien que le "enterrement de la sardine" soit aussi un symbole pour la mort de Franco en 1977. L'enterrement de la sardine "de Franco" et aussi la peinture de Goya sont dans nos jours probablement plus connue que l'origine de la fête réelle. Au 19ème siècle les étudiants de Madrid s'unissaient devant la Farmacia de San Antón et portaient à la tête d'un défilé une sardine qui symbolisait l'abstinence prochaine et le début du carême. Avec cet événement les étudiants voulaient fêter une dernière fois le carnaval. Ce jour lointain, personne ne pensait que ce défilé se répandrait sur l'Espagne entière et devenait un jour une tradition.
Mais pourquoi enterrer une sardine ? A l'origine on a enterré de la viande qui représentait le péché et symbolisait les débauches dans le carnaval. Si on parle aujourd'hui de la sardine, il s'agit probablement seulement d'une fausse transmission du mot au cours des siècles, car la viande venait de cerdo, qui, dans de nombreux endroits, était appelé "cerdina" (prononcé serdina) et de cerdina devenait, finalement sardina. L'enterrement de la sardine est célébré partout en Espagne. Cette tradition est devenue, par exemple à Murcia, une fête tellement importante que de milliers de visiteurs y participent et l'enterrement est aujourd'hui un événement culturel dominant de la ville. A Tossa de Mar, cette tradition est fêtée dans un cercle plus étroit et l'événement attire avant tout les participants du carnaval et surtout les enfants de Tossa. Dans Tossa de Mar, une sardine surdimensionnée est transporté à travers les rues de Tossa. Ce dernier défilé du carnaval commence au Casa de Cultura ou les enfants, déguisés en squelette, attendent leur tâche, à porter la sardine. Ce dernier défilé mène la sardine jusqu'au Passeg de Mossèn Cinto Verdaguer où, finalement, elle sera, au cours d'une fête, publiquement brûlé. Pour terminer le carnaval les participants du défilé sont invités au chocolat chaud, le Xocolatada, pour que le carême puisse commencer en douceur.
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Littérature :
La Sardine
Une sardine de Royan Nageait dans l’eau de la Gironde. Le ciel est grand, la terre est ronde, J’irai me baigner à Royan,
Avec la sardine, Avec la Gironde, Vive la marine ! Et salut au monde !
Robert Desnos, "La Sardine" in Chantefables et Chantefleurs, 1952.
" Combien sont-ils donc avançant en zigzaguant les marchands de sardine ? "
Ryokan (1758 - 1931)
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Sardines à l'huile
Sardines à l'huile fine sans têtes et sans arêtes
(Réclames des sardiniers, passim.)
Dans leur cercueil de fer-blanc plein d’huile au puant relent marinent décapités ces petits corps argentés pareils aux guillotinés
là-bas au champ des navets ! Elles ont vu les mers, les côtes grises de Thulé, sous les brumes argentées la Mer du Nord enchantée... Maintenant dans le fer-blanc et l’huile au puant relent de toxiques restaurants les servent à leurs clients ! Mais loin derrière la nue leur pauvre âmette ingénue dit sa muette chanson au Paradis-des-poissons, une mer fraîche et lunaire pâle comme un poitrinaire, la Mer de Sérénité aux longs reflets argentés où durant l’éternité, sans plus craindre jamais les cormorans et les filets, après leur mort nageront tous les bons petits poissons !...
Sans voix, sans mains, sans genoux* sardines, priez pour nous !...
*Tout ce qu'il faut pour prier. (Note de l'Auteur)
Georges Fourest, "Sardines à l'huile" in La Négresse blonde, 1909.
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Dans son roman L"Inspecteur Ali et la C.I.A. (Éditions Denoël, 1997), Driss Chraïbi utilise la sardine comme marqueur culturel qui permettra à son héros d'endormir la méfiance du suspect :
"Une barcasse déchargeait à même le quai une cargaison de sardines bleu argent, toutes frétillantes encore, yeux rouges. Réunies en coupe, des mains les ramassaient, les litaient dans des cageots tapissés de goémon et de varech. Les plus grosses étaient le lot d'Omar, le gargotier en plein air : des planches posées sur des tréteaux, deux banc raboteux, braises incandescentes de charbon de bois dans le brasero. A l'aide de son canif tous usages, il vidait les sardines, leur coupait la tête, les saupoudrait de poivre blanc et de curcuma, en garnissait l'intérieur de feuilles de sauge.
- Je t'en grille combien ? demanda-t-il.
- Comme pour toi, répondit Ali.
Il était dans son élément, le foie gorgé d'émotions. [...]
L'inspecteur écrasa son mégot. Du pouce, il fendit le pain rond en deux dans le sens de l'épaisseur. Il en garnit l'intérieur d'une douzaine de sardines. Il dit "Bismillah !" et il se mit à manger, bouche ouverte. A la troisième ou quatrième bouchée, il leva les yeux sur Daishes. Daishes était comme posé sur son banc et il semblait rêver.
- Servez-vous, compagnon, lui dit l'inspecteur Ali. Faites comme chez vous.
- Non, merci. Je n'ai pas faim.
- Pas faim ? Qu'ouïs-je là ? C'est bon, le pain d'orge. L'orge est la nourriture des chevaux et regardez comme ils sont forts. Ils gagnent même des courses hippiques, ce que ne ferait jamais un enquêteur comme vous ou moi en dépit de notre intelligence. Vous voulez un peu de thé à la menthe ? Ça ne se refuse pas dans ce pays.
- Je veux bien.
Ali souleva la théière, remplit les verres de très haut afin d'aérer le breuvage. Aucune goutte de thé ne tomba sur la table. Puis il reprit son jeu de mâchoires avec la plus grande délectation. Cela dura une trentaine de secondes, peut-être bien. Ensuite de quoi, il vida d'un trait son verre pour faire descendre la nourriture. Il dit : "Merci, Seigneur des mondes !" Il se frotta le ventre du plat de la main.
- Les sardines sont énergétiques. Vous devriez essayer, ça ne se mange pas qu'en boîte, savez-vous ? Quand on les met en conserve, elles deviennent aussi spongieuses qu'une serpillière, la couleur en plus. Elles prennent le goût des émulsifiants, des conservateurs et autre gomme Xanthane, beurk de beurk ! Prenez des sardines fraîches, videz-les, nettoyez-les, mettez-les dans le haut d'un couscoussier pour qu'elles cuisent à la vapeur. Pendant ce temps, pilez dans un mortier en cuivre de l'ail rose, quelques grains de poivre gris, de la coriandre, du persil plat et deux ou trois cheveux de safran. Pas le safran en poudre, c'est nul. Mélangez cette pâte avec la chair des sardines, pétrissez. Formez des boulettes de a grosseur d'un œuf de pigeon. Roulez-les dans de la farine de blé dur. Il ne vous restera plus qu'à les mettre au four à température moyenne. Dix à quinze minutes, pas plus. C'est succulent, croustillant et juteux à la fois. C'est cette recette qui m'a donné comme qui dirait un sens divinatoire.
- Oui ? demanda David Daishes poliment. IL buvait son thé à l'aide d'une petite cuiller.
- Xactement, répondit Ali avec un large sourire."
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