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La Pierre d'aimant


Étymologie :

  • AIMANT, subst. masc.

Étymol. ET HIST. − 1. 1121-1135 « diamant » (Ph. de Thaün, Bestiaire, éd. E. Walberg, 2941 : Deus en guise d'aïmant fu Puis que en char fut aparu, Kar fers ne fus, aciers ne piere Ne li unt [des] fait sa maniere). − 1380, B. de Sebourg ds Gdf. Compl. ; 2. a) 1275 « minerai de fer oxydé qui a la propriété d'attirer le fer, (aimant naturel) » (G. de Lorris et J. de Meung, Roman de la Rose, éd. Fr. Michel, 20 273 ds T.-L. : Plus se vuet vers mes euvres traire Que ne fait fer vers äimant) ; b) 1751 « substance qui a reçu la propriété d'attirer le fer (aimant artificiel) » (Encyclop. t. 1, p. 218 b : L'aimant peut communiquer au fer les qualités directives et attractives, et l'on doit considérer celui qui les a reçues de cette manière comme un véritable aimant..., 220 a : [...] alors il ne differe en rien de l'aimant, quant aux effets : c'est pourquoi on le nomme aimant artificiel). Dér. du lat. pop. *adimas, -antis, forme dissimilée du lat. class. adamas, -antis, attesté dep. Virgile, Aen., 6, 552 ds TLL, s.v. 565, 60 au sens « fer très dur » ; dep. Manilius, 4, 926, ibid., 566, 7 au sens « pierre précieuse ». Le sens 2 développé seulement en gallo-roman (a. prov. aziman, xiie s., Rayn. p. 162 a) est prob. le résultat de l'emploi dans les lapidaires où pierre d'aimant et diamant étaient caractérisés par leur dureté. Cf. les formes adamas et adamant « diamant » Ph. de Thaün ds Gdf., s.v. adamant et la forme ayement (xiiie s. ds T.-L.) issue du croisement entre lat. adamas et diamas, diamant*. Forme fr. mod. aimant, dissyllabique, dep. xvie s., Hug.

  • MAGNÉTITE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1873 (Wurtz, Dict. chim., t. 2, 1er vol., p. 1641). Dér. de magnétique*; suff. -ite*. Déjà en all. en 1845 (v. NED).

  • SIDÉRITE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. 1430 [ms. du xve s.] « pierre d'aimant » (Chron. et hist. saint. et prof., ms. Arsenal, 3515 [et non 3516], f 51 v ods Gdf. Compl.) ; 2. 1803 « carbonate ferreux naturel » (Boiste) ; 3. 1904 « météorite dans laquelle il n'y a que du fer et du nickel » (Nouv. Lar. ill.). Empr. au gr. σ ι δ η ρ ι ́ τ η ς, σ ι δ η ρ ι ̃ τ ι ς « de fer » (σ ι δ η ρ ι ́ τ η ς λ ι ́ θ ο ς littéral. « pierre de fer », « aimant »), lat. sideritis, siderites « aimant », dér. de σ ι ́ δ η ρ ο ς « fer ».


Lire aussi les définitions de aimant, magnétite et sidérite pour amorcer la réflexion symbolique.

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Lithothérapie :


Dans sa revue du 13/11/21, Cristal Forest fait le point sur différentes vertus des aimants :


Les aimants comportent deux pôles : le pôle Nord et le pôle Sud. Bien qu'à ce jour les propriétés attribuées à chaque pôle soient un sujet de débats, voici les principales vertus qui leurs sont conférées : Pour le pôle Sud : contractant musculaire, sédatif mental et organique, vasoconstricteur, antalgique, cicatrisant, anti-inflammatoire, anti-oedémateux, anti-histaminique et dispersant du point de vue énergétique. Pour le pôle Nord : relaxant musculaire, excitant mental et organique, vasodilatateur, accélérateur de réactions biologiques et tonifiant du point de vue énergétique

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Symbolisme :


Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, on apprend que :


"C'est vers 578 avant notre ère que Thalès découvrit le magnétisme avec une pierre d'aimant, combinaison de fer et d'oxygène d'un noir brillant. L'aimant symbolise toute attraction magnétique, quasi irrésistible et mystérieuse. Il serait en rapport avec la chaux formée de poussière magnétique. L'homme est chargé de cette poussière, comme l'aimant. Tout l"univers en est saturé et lui doit sa cohésion, ainsi qu"au mouvement. L'aimant devient un symbole de l'attraction cosmique, affective, mystique.

La pierre d'aimant utilisée dans la magie servait de talisman pour provoquer l'amour, attraction-séduction.

Chez les Égyptiens : l'aimant naturel ou fer magnétique, qu'on supposait provenir d'Horus, paraît avoir été une substance sacrée ; mais le fer non magnétique était maudit comme une substance provenant du Seth ou Typhon. Cela explique très bien l'extrême rareté des objets en fer dans l'Antiquité égyptienne, car on n'aurait pu s'en servir qu'avec une grande répugnance ou même au mépris de la religion.

Mais l'aimant était pénétré des propriétés solaires d'Horus et, comme le dieu, participait la régulation des mouvements de l'univers."

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D'après Le Livre des superstitions, Mythes, légendes et croyances (Éditions Robert Laffont, 1995, 2019, proposé par Éloïse Mozzani,


Aimant : En Égypte, l'aimant naturel ou fer magnétique, était sacré, à l'inverse du fer non magnétique : il était censé provenir du dieu solaire Horus et "comme le dieu, [il] participait à la régulation des mouvements de l'univers". C'est toutefois le Grec Thalès qui, au VIè siècle avant notre ère, découvrit la vertu attractive de l'aimant dont la forme latine magnes a donné le nom de "magnétique".

"Symbole de toute attirance mystérieuse et irrésistible, affective ou mystique", l'aimant n'attire pas que le fer : il renforce le sentiment filial et l'affection paternelle, attire la chance, l'amitié et surtout l'amour. Il est recommandé, lorsqu'on est en présence de la personne aimée, de chuchoter "Aimant ! Fais-moi aimer de qui j'aime !" Porter sur soi un aimant, dans un sachet de tissu vert constitue le meilleur des talismans dans le domaine sentimental.

S'il assure l'union conjugale et la fidélité, le minéral permet également de mesurer la bonne conduite d'une femme, selon une croyance évoquée par Dioscoride et que l'on retrouve dans les Lithiaques, ouvrage attribué au mythique Orphée : « Veux-tu connaître si ta femme est fidèle, si elle conserve ton lit et ta maison chastes de tout homme ? [...] Prends cette pierre d'aimant et dépose-la en cachette sous ta couche ; puis, comme occupé d'autre chose, chante pendant ce temps-là une joyeuse chanson. Elle, s'abandonnant à un doux sommeil, étendra sa main en désirant l'embrasser. Mais si Vénus la tourmente de désirs illicites, elle tombera à terre du haut du lit. » Dans le même ordre d'idée, l'aimant placé sous l'oreiller d'une sorcière endormie la contraint à avouer ses méfaits et la fait même tomber de son lit.

Glissé dans le lit d'une femme, l'aimant « l'appelle sans relâche à l'amour » ; l'homme qui s'enduit d'une huile où a macéré de la magnétite renforce sa vitalité. Inversement, enchâssé dans un anneau d'argent, le minéral rend chaste.

Il faut savoir aussi que l'aimant accroît l'intelligence et le talent de persuasion, donne la puissance, fait réaliser les vœux et protège des fantômes. Au XVIIè siècle, il passait même pour rendre invisible.

Pour les Anciens, la pierre d'aimant, non seulement procurait force et courage mais aussi chassait la douleur du corps. AU XVIè siècle, Paracelse lui attribuait également un pouvoir curatif : « Moi, je dis que l'aimant est une pierre qui attire non seulement le fer et l'acier, mais encore les causes de toutes les maladies du corps. [...] L'expérience prouve que l'aimant attire à lui toutes les maladie matérielles, qu'il les change de place. Parmi les maladies matérielles, il faut citer : le flux des femmes et toute maladie qui, partant d'un point pour s'étendre autour, peut se replier sur ce point, comme la sève qui, partant des racines, monte dans les branches et peur redescendre dans la racine. Je vais dire comment il faut placer l'aimant : il faut le placer sur le point d'où sort la maladie. Voici un exemple : pour guérir une perte rouge ou blanche, il faut placer l'aimant au centre, c'est-à-dire sur le point d'où part le mal. De même pour la diarrhée. Grâce à l'attraction, le mal est entravé, les superfluités sont arrêtées au point de départ, d'où il est facile, ensuite, de les chasser par un émonctoire convenable. »

Toujours selon Paracelse, l'aimant peut guérir hydropisie, hernie, ulcère, tumeur, hémorroïdes, épilepsie, spasmes, jaunisse et tétanos.

La pierre remédiait également aux maux de tête et soulageait le goutteux qui la tenait dans la main. Collin de Plancy, dans son Dictionnaire infernal (1863), parle d'un roi de Ceylan qui avait pour habitude « de se faire servir dans des plats de pierre d'aimant ; il s'imagin[ait] par là conserver sa première vigueur ».

Si certains prétendaient que les blessures faites avec des armes aimantées étaient plus sévères et difficiles à guérir, d'autres, comme Cardan (XVIè siècle), affirmaient qu'elles ne causaient aucune douleur.

Au XVIIIè siècle, certains tentèrent d'utiliser l'aimant contre les maux de dents. Après quelques expériences "ratées", on décida que le patient devait avoir la face tournée vers le nord et qu'il fallait toucher la dent malade avec le pôle sud de l'aimant. Cela permit, dit-on, quelques guérisons. En 1771, le médecin Mesmer, qui allait se rendre célèbre avec le magnétisme animal, reconnut aux aimants artificiels pour traiter les maladies (magnétisme minéral) : il appliqua des plaques aimantées sur la poitrine et les jambes d'une femme atteinte d'une maladie convulsive et la guérit spectaculairement en quelques séances. Signalons encore qu'au XIXème siècle, quelques médecins comme Hellé, Laënnec, Chomel, Trousseau, Récamier, employèrent l'aimant et que Charcot dirigea en 1879 à la Salpêtrière une étude sur l'influence de l'aimant. Certains médecins s'intéressent encore aujourd'hui au pouvoir de l'aimant.

On prétend même de nos jours que l'aimant peut être utilisé avec profit sur des brûlures superficielles : "Pour cela, il faut placer un aimant sur la partie atteinte de la peau en se concentrant profondément. Ôter ensuite l'amant avec lequel on mime un signe de croix au-dessus de la brûlure. Cette opération contribue à la régénérescence de la peau morte."

Pour finir, signalons une curieuse croyance selon laquelle l'aimant conservé dans du sel produit un petit poisson appelé "rémore" ("rémora"), censé, entre autres, attirer à lui l'or tombé dans un puits. Il est probable que la particularité de ce poisson - sa tête est dotée d'un disque adhésif lui permettant de s'accrocher à d'autres poissons - est à l'origine de son association avec l'aimant.


Magnétite : La magnétite, qui est un oxyde de fer magnétique, procure force et courage et attire la bienveillance. Elle est censée également protéger la chasteté ; parallèlement, chez les Assyriens, s'enduire d'huile dans laquelle avait trempé la pierre favorisait la virilité.

Pour empoisonner la lame d'un couteau, il suffit de la frotter contre de la magnétite.

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Véronique Dasen, dans un article intitulé "Sexe et sexualité des pierres dans l'Antiquité gréco-romaine." (In : Les savoirs magiques et leur transmission de l'Antiquité à la Renaissance. 2014. pp. 195-220) s'intéresse aux croyances des Anciens relatives aux minéraux :


Sexualité et fécondité : La sexualité et la fécondité constituent l’un des principaux domaines d’action des pratiques magiques 60 où les minéraux occupent aussi une place importante. De nombreuses variétés de pierres servent d’aphrodisiaque ou augmentent la séduction, [...] 1. D’autres, plus rares, la modèrent, comme la pierre ponce qui protège la chasteté des jeunes filles nubiles.

Ces pouvoirs sont associés à la croyance qui crédite les pierres d’une vie propre. Comme l’être humain, les pierres ont des penchants, des sympathies et des antipathies. Elles deviennent animées (empnous) quand on les frotte. . Certaines peuvent même parler : la sidérite possède des propriétés mantiques et répond aux questions avec une « voix de nouveau-né », puis rend son souffle, comme un être humain, à la fin de la procédure. Le Lapidaire orphique explique que cette « pierre parlante », aussi appelée « orite animée », fut offerte par Apollon au devin Hélénos : il faut la bercer comme un enfant jusqu’à ce qu’elle pousse « le cri d’un nouveau-né » ; une fois les réponses aux questions obtenues, « elle rend l’âme ».

Les propriétés de l’aimant, ou magnétite, synthétisent ces qualités : la pierre est jugée vivante car elle est animée d’un souffle, spiritus, qui attire irrésistiblement le fer.


La pierre magnétite a de grandes vertus. Elle est pleine de souffle, plenus enim spiritu, c’est-à-dire qu’elle attire le fer placé à proximité et le retient.


Sa particularité aurait retenu l’attention des présocratiques. Selon Aristote, Thalès de Milet en aurait conclu qu’il s’agit d’un ferrum uiuum, doté d’une âme :


Il semble que Thalès, lui aussi, d’après ce qu’on rapporte, considérait l’âme, comme un principe moteur : l’aimant, selon lui, possède une âme, psychè, puisqu’il met le fer en mouvement.


Pline l’anthropomorphise : il l’imagine avec un véritable corps, doté de mains, de pieds, de sens et de volontés. Il en distingue aussi deux variétés dont la force dépend du sexe, mâle ou féminin :


Ces catégories diffèrent d’abord selon le caractère mâle ou femelle, ensuite par la couleur. Car les magnétites qu’on trouve en Magnésie de Macédoine sont rousses et noires, en Béotie il y en a plus de rousses que de noires ; celle qu’on trouve en Troade est noire, de sexe féminin, et, par conséquent, sans forces.


Le pouvoir d’attraction de la pierre explique son rôle dans la magie amoureuse. Comme le fer, l’amant sera captivé. Sur plusieurs gemmes magiques en magnétite ou en hématite, Eros torture Psyché avec sa torche ou s’enlace avec Psyché (Fig. 2). Le motif se rapporte sans doute à l’effet espéré de la pierre, aussi utile aux hommes qu’aux femmes. L’image correspond très exactement au texte intitulé Le glaive de Dardanos, conservé sur un papyrus magique du IVe siècle apr. J.-C., qui précise que cette pierre respire :


L’épée de Dardanos. Opération magique qui est appelée « épée », car rien ne l’égale en efficacité. Elle fait plier et attire sur-le-champ la psyché de qui tu veux, quand tu dis le charme et les mots suivants : « Je plie la psyché d’Un tel. »

Prends une pierre magnétique qui respire, et grave dessus Aphrodite chevauchant Psyché, la dominant de la main gauche, avec ses boucles liées, et au-dessus de sa tête écris : achmagé rharpepséi ; sous Aphrodite et Psyché, grave Eros debout sur le ciel, brandissant une torche enflammée et brûlant Psyché ; sous Eros écris les mots suivants : achapa Adonaïe basma charako Iacob Iao ê : pharpharêi ; de l’autre côté de la pierre grave Psyché et enlacés ; sous les pieds d’Éros inscris : s s s s s s s s ; sous Psyché : ê ê ê ê ê ê ê ê. La pierre une fois gravée et consacrée, sers-t’en de la manière suivante : place-la sous ta langue, tourne toi vers ce que tu désires avoir et dis la formule suivante […].


Par la suite, et pour des siècles, la pierre d’aimant va être utilisée comme gardienne de la sexualité, pour tester la fidélité d’un conjoint, c’est-à-dire de l’épouse. Au souffle s’ajoute une odeur pestilentielle qui jette l’épouse infidèle hors du lit.


Quand l’épouse dort, ils placent la pierre sous sa tête en secret. Si elle était pure de rapport avec tout autre homme, elle se roulait vers son mari dans son sommeil, et elle l’embrassait comme poussée par quelqu’un. Si au contraire elle avait eu des rapports avec un autre homme, la pierre émettait comme une force d’un puissant esprit à l’odeur repoussante de sorte que la femme, touchée, tombait du lit sur le pavement […]. Mais elle a aussi rendu des maris à leurs épouses.


Relevons que l’aimant est aussi appelé « pierre d’Héraclès ». Le choix du héros n’est pas fortuit. Amant infatigable, père de nombreux enfants, capable d’inverser de rôle avec Omphale, Héraclès est étroitement associé à la sexualité féminine et protège le ventre des femmes. L’usage de la pierre ne concerne en effet pas que la séduction. L’aimant a aussi des qualités thérapeutiques gynécologiques. Il peut favoriser la conception, car il aide à attirer et retenir la semence masculine en cas de stérilité. A l’inverse, on peut l’utiliser comme contraceptif, enveloppé dans un papyrus inscrit d’une formule magique liée avec les poils d’une mule. La trouvaille récente en Israël d’un tube phylactère en argent contenant de la poudre d’hématite pourrait correspondre à ce genre de pratique.

Rémy Belleau commente les vertus de cette « pierre animée » qui peut aider l’accouchement, peut-être en attirant au-dehors l’enfant: « l’Aymant est propice pour les accouchemens attaché sur la cuisse ». Le traité de Socrate et Denys semble attribuer des propriétés similaires à la calcédoine, « capable d’attirer la matière à proximité, happant les fétus comme la magnétite attire le fer ».

Le débat sur l’âme des pierres se poursuit jusque dans les traités de minéralogie du XVIIe siècle. Certains ne parviennent pas à trancher, tel Daniel Hartnaccus, qui affirme que les minéraux ne sont ni vivants ni morts, mineralia nec viva nec mortua sunt. D’autres auteurs leur reconnaissent une âme végétative.

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