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Le Colchique




Étymologie :


  • COLCHIQUE, subst. masc. et adj.

Étymol. et Hist. 1545 colchicum, colchicon (G. Guéroult, Hist. plantes, 249 et 310 ds Quem.) − 1616 (Dalechamps ds Fr. mod., t. 14, p. 283) ; 1628 colchique (d'apr. Bl.-W.5, sans réf.) ; 1680 (Rich. qui donne le mot fém.). Empr. au m. fr. colchicum empr. au gr. κ ο λ χ ι κ ο ́ ν proprement « herbe de Colchide », pays de l'empoisonneuse Médée, le colchique étant vénéneux. [La date 1611 (Cotgr.) pour la 1re attest. de la forme colchique fournie par Lar. Lang. fr. n'a pu être vérifiée, le mot n'y figure pas comme vedette autonome].


Lire également la définition du mot pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Colchicum automnale ; Doigt d'Hermès ; Doigt de Mercure ; Doigt des morts ; Narcisse d'automne ; Safran-bâtard ; Safran des prés ; Tue-chien ; Mort-chien ; Veillotte.

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Botanique :

Selon l'article de Pierre LIEUTAGHI, « COLCHIQUE », Encyclopædia Universalis, consulté le 27 janvier 2017. http://www.universalis.fr/encyclopedie/colchique/, le colchique est :

"L'une des plantes les plus redoutables de la flore d'Europe. Toutes les parties du colchique (Colchicum autumnale L., liliacées) renferment, parmi une dizaine de substances toxiques à des degrés divers, un alcaloïde particulièrement dangereux, la colchicine, qui représente le principe actif médicinal. La dessiccation n'altère pas le poison. La colchicine isolée est toxique pour l'homme à la dose de 1,25 mg par kilogramme de poids. Son élimination est très lente. Les empoisonnements, rares à l'époque actuelle, frappent pourtant encore les jeunes enfants trompés par les capsules sèches qui rappellent la noix (cas mortels dans l'est de la France, vers 1960). L'ingestion entraîne de graves irritations internes avec spasmes douloureux, brûlures viscérales intenses, des désordres nerveux, délire et convulsions. La mort survient par paralysie vasomotrice et respiratoire. Il n'existe pas d'antidote spécifique ; le traitement est celui des intoxications par les alcaloïdes en général, avec une attention particulière accordée à la réhydratation. Trop dangereuse pour tenter même les empiristes amateurs de drogues héroïques, la plante restera longtemps exclue de la matière médicale. Les observations de Stoerck (XVIIIe s.) et les travaux modernes, très nombreux, ont fait du colchique, paralysant des terminaisons nerveuses sensitives, agissant à faible dose comme analgésique et anti-inflammatoire, le remède classique de la goutte aiguë, quand l'état des reins en permet l'usage (sous surveillance médicale étroite). La colchicine a une action remarquable sur la division cellulaire : elle en bloque le processus à la métaphase, quand les chromosomes se sont scindés en deux chromatides. Chez l'animal, la cellule meurt ou arrive à reprendre et à terminer sa division. Chez les végétaux, il se reconstitue un noyau porteur d'un nombre double de chromosomes. En traitant les plantes à la colchicine, on obtient des lignées polyploïdes souvent caractérisées par le gigantisme, ce dont la recherche agronomique sait tirer parti. La colchicine, inhibitrice de la mitose, a été expérimentée comme anticancéreuse, non sans résultats, en particulier dans les tumeurs ganglionnaires.

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Dans "Confusion lors de cueillettes de plantes médicinales." (In :Bulletin du Cercle vaudois de botanique., 2003, vol. 32, p. 17-22) André Dolivo relève une confusion fréquente qui concerne le colchique :


Une récente méprise, survenue en Suisse en avril 2002, a entraîné la mort d’une personne qui avait pris des feuilles de colchique (Colchicum autumnale, liliacées) pour celles de l’ail des ours (Allium ursinum), autre liliacée. Ce fait a attiré notre attention sur les confusions possibles lors de cueillettes de plantes utilisées en automédication. Ces erreurs sont rarement mentionnées dans la littérature spécialisée qui se focalise plutôt sur les confusions avec des aliments ou dont l'objectif est de sensibiliser l'entourage des petits enfants, souvent victimes de leur curiosité.

[...]

Lors d'une conférence tenue à Lausanne le 21 novembre 2002, le Professeur K. Hostettmann, rappelant l'accident fatal survenu avec des feuilles de colchique, a ajouté qu'un accident similaire s'était produit en Autriche, une personne ayant pris des feuilles d'une autre liliacée, le muguet (Convallaria majalis) pour celles de l’ail des ours utilisé comme dépuratif et antirhumatismal. La forte odeur dégagée par l'ail n'est pas un critère déterminant, car elle est si pénétrante qu'elle peut imprégner d'autre végétaux cueillis en même temps. Cette confusion entre ail des ours d'une part et colchique ou muguet d'autre part a déjà été mention née par JASPERSEN-SCHIB (1986 p. 517). Selon le même auteur, les empoisonnements dus au muguet ne revêtiraient cependant pas un caractère aussi grave que ceux provoqués par le colchique (JASPERSEN-SCHIB 1984 p. 625).

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Utilisations traditionnelles :


Pierre-Joseph Buchoz, médecin de Monsieur et auteur de Etrennes du printemps, aux habitans de la campagne, et aux herboristes, ou pharmacie champêtre, végétale & indigène, à l'usage des pauvres & des habitans de la campagne (Lamy libraire, Paris, 1781) recense les vertus médicinales des plantes :


Oignon de Colchique. M. Storck a donné la préparation d'un oxymel avec cet oignon, qu'il dit souverain dans les hydropisies.

 

Alfred Chabert dans De l'emploi populaire des plantes sauvages en Savoie (in Bulletin de l'Herbier Boissier, Vol. III, nʻ5-6-7, sous la direction de Eugène Autran, Genève, 1895) évoque différents poisons utilisés dans les campagnes alpines :


L'empoisonnement par une substance végétale doit toujours être soupçonné dans les campagnes, lorsque la personne malade est dire avoir reçu un sort. Cinq fois je l'ai constaté : la première et la seconde en Savoie, par la belladone et l'Aethusa cynapium, sur deux vieillards incapables de travailler ; la troisième dans l'Oysans en Dauphiné, par le Colchicum autumnale, sur un enfant ; la quatrième non loin de Courmayer, en Piémont, par l'Aconitum lyccotonum, sur un enfant dont la mort devait faciliter un mariage ; la cinquième, en Savoie, par le colchique administré à une belle-mère par sa bru. Dans ces différents cas, j'ai pu voir les plantes. Pour les cinq malades, les circonstances qui ont accompagné la maladie et le décès ont été les mêmes : le bruit avait d'abord été répandu qu'un passant avait jeté un sort sur l'individu ; puis celui-ci devint malade d'une manière continue ou irrégulièrement intermittente, en souffrant de l'estomac et des intestins, ce qu'il est facile d'expliquer par la nature âcre et irritante de la plupart de nos poisons végétaux, la substance toxique étant mélangée aux aliments ou aux boissons ; le malade succomba enfin tantôt par le seul effet du poison donné à des doses faibles et répétés, tantôt en partie par suite de sa débilitation qui devint extrême. Si la mort se fait trop attendre, une forte dose l'achève en peu d'heures, et personne ne s'en étonne, la victime étant souffrante depuis un temps plus ou moins long.

Une vieille femme très mal famée d'une montagne de la province de Coni (Piémont), dans la chaumière de laquelle un orage me força à m'arrêter quelques heures, me raconta, lorsque je lui parlai des morts causées par les poisons, que les gens habiles en employaient plusieurs successivement chez le même individu, pour dérouter les médecins qui n'y pouvaient rien comprendre. Et de fait, à moins de symptômes violents et subits, l'idée de poison ne vient pas à l'esprit du praticien qui n'est pas prévenu. Le plus souvent, il pense à une entérite, à la dysenterie.

Les plantes vénéneuses connues en Savoie comme telles sont : Atropa belladonna, Colchicum autumnale, Veratrum album, Aconitum paniculatum. Celles qui ne le sont que des initiés, sont : Actaea spicata, Hyoscyamus niger, Aethusa cynapium, Solanum nigrum, Digitalis grandiflora, Taxus baccata, Ranunculus thora, Juniperus sabina, Aconitum anthora et lycoctonum, Helleborus foetidus, Agrostemma githago, Lolium tenulentum, Euphorbia cyparissias et helioscopa, Fungi et l'ergot de seigle.

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D'après les travaux de Victoria Hammiche, Rachida Merad, Mohamed Azzouz, et al. consignés dans Plantes toxiques à usage médicinal du pourtour méditerranéen. (Springer Paris, 2013) :


Usages traditionnels : En Egypte, Ie bulbe était considéré comme tonique en usage interne alors qu'en usage externe, il était employé sous forme de décoction dans certaines maladies parasitaires. En Tunisie, on l'utilisait comme diurétique, purgatif, anti-goutteux et antirhumatismal. En Algérie, il soignait la goutte et les arthralgies liées à la goutte.


Utilisations thérapeutiques : C'est seulement à la fin du XVIIIème siècle qu'on entrevit la possibilité de l'employer en médecine. Stork, médecin autrichien, qui avait testé sur lui-même les propriétés diurétiques puissantes du bulbe, l'utilisa avec succès dans des cas désespérés de ce qu'on appelait alors hydropisie épanchements et infiltrations séreuses). La teinture de bulbe était utilisée contre les rhumatismes, les arthrites et les excès de goutte et en trait dans plusieurs préparations homéopathiques.

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


En Lorraine la fleur de la colchique d'automne, qui y est connue sous le nom de veilleuse, est écrasée sur la tête des enfants qui ont beaucoup de cheveux, parce que l'on prétend qu'elle détruit la vermine que le peigne ne saurait atteindre.




Symbolisme :


Dans le calendrier républicain, le Colchique était le nom donné au 4e jour du mois de vendémiaire.

 

Louise Cortambert et Louis-Aimé Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur


Automne -Octobre.

COLCHIQUE - MES BEAUX JOURS SONT PASSÉS.

Vers les derniers jours d'été on voit briller, sur la verdure des humides prairies, une fleur semblable au safran printanier : cette fleur est le colchique d'automne ; loin de nous inspirer, comme le safran, la joie et l'espérance, il annonce à toute la nature la perte des beaux jours. Les anciens croyaient que cette plante, venue des champs de la Colchide, devait sa naissance à quelques gouttes de la liqueur magique que Médée prépara pour rajeunir le vieil Éson. Cette origine fabuleuse a fait longtemps considérer le colchique comme un préservatif contre toutes sortes de maladies. Les Suisses attachent cette fleur au cou de leurs enfants, et les croient inaccessibles à tous les maux. La folle opinion des vertus merveilleuses de cette plante a même séduit les hommes les plus graves, et il a fallu toute l'expérience du célèbre Haller, pour faire disparaitre ces vaines superstitions de l'ignorance. Cependant le colchique intéressera toujours les vrais savants, par les phénomènes botaniques les plus singuliers. Sacorolle, à six découpures glacées de violet, n'a ni feuilles ni tige ; un long tube, blanc comme l'ivoire, qui n'est qu'un prolongement de la fleur, est son seul soutien ; c'est au fond de ce tube que la nature a placé la graine, qui ne doit mûrir qu'au printemps suivant. L'enveloppe qui la renferme, profondément ensevelie sous le gazon, brave les rigueurs de l'hiver ; mais, aux premiers beaux jours, cette espèce de berceau sort de terre, et vient se balancer aux rayons du soleil, environné d'une touffe de larges feuilles du plus beau vert. Ainsi, cette plante, renversant l'ordre accoutumé des saisons, mêle ses fruits aux fleurs du printemps et ses fleurs aux fruits de l'automne. Mais, dans tous les temps, les tendres agneaux fuient à son aspect ; la jeune bergère s'attriste à sa vue ; et si quelquefois la mélancolie tresse une couronne de ses fleurs d'un bleu mourant, elle la consacre aux jours heureux qui ont fui pour ne plus revenir.

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :

Colchique d’automne - Mes beaux jours sont passés.

Cette signification lui vient de l’époque même de sa floraison.

 

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


COLCHIQUE - MAUVAIS NATUREL.

Le colchique fleurit dans les prés humides à la fin et quelquefois au commencement de l'automne. On l'a introduite dans les jardins, en raison de la beauté de sa fleur. Sa tige est un tube blanc, un peu triangulaire, accompagné à sa base d'une légère feuille séminale, blanche aussi. Le tube, à son sommet, qui est fort peu élevé, se partage en six pétales, dont trois sont enfermés entre les trois autres. Ces pétales grandissent et s'étendent jusqu'à ce que la fleur, formant à peu près une étoile, n'ait plus qu'à se flétrir. Sa couleur, à peine rosée, devient, quand la fleur s'épanouit, d'un bleu rose et très tendre. Le colchique est un violent poison, surtout pour les chiens.

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M. A. Fée nous propose "Quelques Physionomies Végétales Françaises". (In : Bulletin de la Société Botanique de France, 1858, vol. 5, no 6, pp. 440-444) :


Il est des plantes charmantes qui attristent les yeux de quelques personnes, et qui les attristent à tort. L'une est la Chicorée, aux corolles d'un bleu si pur ; l'autre le Colchique d'automne, à la jolie fleur rose. Comme elles annoncent l'hiver, elles sont tombées en défaveur. Pourquoi cela ? Devrait-on regretter de voir venir l'arrière-saison, si l'on a joui des beaux jours, ou de toucher à l'automne de la vie, si l'on a profité de son printemps ? C'est, hélas, qu'on voudrait le voir durer toujours, et l'on ne saurait s'étonner d'entendre l'instinct parler plus haut que la sagesse.

Je vois ces !leurs d'un œil plus favorable, et je comprends leur muet langage ; c'est comme si elles me disaient que les granges sont pleines et que les celliers vont bientôt se remplir. Grâce à l'accomplissement des promesses tenues, la fourmi a fait ses provisions ; vienne maintenant l'hiver et elle recevra le prix de son active prévoyance. Ainsi donc décorez le bord de nos routes, Chicorée qui m'annoncez l'automne ; parez nos prairies, Colchique, précurseur de la gelée ; loin d'éveiller en moi des idées de tristesse, vous n'en faites naître que de joyeuses. Comment en serait-il autrement des présages qui nous avertissent de l'approche de l'hiver de la vie, et pourquoi nous affligerions-nous de la fuite des années, si, comme le cultivateur prudent, nous avons fait nos provisions ? Les rides et les cheveux blancs ont leur langage, sans doute ; mais qu'importe de voir apparaître à l'horizon ce fantôme, si mal à propos redouté, la mort, qui ne frape l'home que pour lui donner l'immortalité ? La vieillesse ne prélude-t-elle pas à l'éternelle jeunesse ? Laissons les craintes à ceux dont le cœur est fermé à l'espérance, et disons-nous que la vie humaine est une fleur en bouton, que la mort fait épanouir.

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Colchique - Mes beaux jours sont passés.

Cette plante est la dernière qui pare nos prairies de ses jolies fleurs lilas rosé. Avec le suc de ses bulles on fait des préparations médicales qui sont employées avec succès contre l'hydropisie, la goutte et les rhumatismes. On dit que les Suisses attachent un collier de graines de colchique autour du cou de leurs enfants pour les préserver de toutes les maladies.

 

Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


COLCHIQUE : Mes beaux jours sont passés.

Les Suisses attachent sa fleur au cou de leurs enfants et les croient à Fabri de tous les maux. Le colchique n'inspire point, comme le safran, la joie et l'espérance ; il annonce à toute la nature la perte des beaux jours.

 

D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


COLCHIQUE (Ephemeron, Colchicum autumnale L.), l’une des herbes privilégiées de la magicienne Médée. Nicandre de Colophon, qui écrivit en grec sur les poisons et sur les contrepoisons, affirme que le colchique produit sur le corps une rougeur et une chaleur excessives, et qu’il provoque des vomissements avec déchirements d’entrailles.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Colchique (Colchicum automnale) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Divinité : Ahriman (Angro Maïnyous, littéralement « le Destructeur, Celui qui tue, le Génie du mal ») opposé à Ormazd, le Génie du bien, dans la religion mazdéenne ; la magicienne Médée.

Pouvoirs : : Ensorcellement ; Attachement ; Vision.

Parties toxiques : Toute la plante, et plus particulièrement le bulbe, qui contient un suc mortel pour l'homme et les animaux. A la floraison, il ne faut surtout pas porter la fleur à sa bouche.


Utilisation rituelle : Colchique signifie « plante de la Colchide », cet ancien royaume d'Asie, en partie légendaire, sur le versant sud du Caucase (actuelle Géorgie russe). Les Anciens la vantaient comme un pays d'une fabuleuse richesse, et le mythe de la Toison d'or serait l'expression romanesque de cette tradition. Quand Jason arriva en Colchide, Médée tomba amoureuse du héros. Dès lors, elle ne cessa de protéger les Argonautes par ses sortilèges. Après de multiples aventures où prouesses héroïques et magie sont intimement mêlées, Jason revient dans son pays avec Médée qu'il a épousée. Plus tard, toutefois, Jason répudie la magicienne pour épouser Créuse, fille de Créon, roi de Corinthe. Médée offre alors à sa rivale une robe et une couronne empoisonnées avec une préparation virulente de Colchique, qui non seulement brûlent Créuse, mais incendient en même temps le palais du roi. Pas encore satisfaite, Médée parachève sa vengeance en égorgeant les deux fils qu'elle avait eus avec Jason. Puis elle disparaît dans les airs.


Utilisation rituelle : Dans l'Antiquité, Médée a été l'objet d'un culte, notamment en Thessalie et à Corinthe. Le Colchique et ses catalyseurs ou réactifs (nous allons en parler) y tenaient évidemment une grande place.

Les plantes et les herbes jouaient un rôle essentiel dans l'ancienne religion de Zoroastre (mazdéisme). Les divinités des deux camps connaissaient parfaitement leurs propriétés, et le combat manichéen que se livraient le Bien et le Mal consistait essentiellement en opérations de magie et de contre-magie. Haoma était le chef défile, des plantes bienfaisantes (1). Elle aidait par ses pouvoirs les férouers, génies lumineux et bons enrôlés sous la bannière d'Ormazd. Contre ces dieux du bien, Ahriman lançait ses sombres cohortes : les daêvas (démons), les drujes (séductrices) les péris (empoisonneuses), les yatus (enchanteurs), les karapans (corrupteurs et pervers), etc. Le Colchique venait au premier rang des herbes démoniaques qu'adoraient les péris. Il n'y avait guère de rite de magie noire mazdéenne où ce safran vénéneux ne figurât pas.


Utilisation magique : Le poison, concentré dans les sucs du bulbe, mais présent aussi dans la sève, a la particularité de réagir violemment aux astringents. Il est incompatible avec l'alun (réaction spectaculaire), les cachous, le quinquina, la bistorte, les feuilles de noyer, d'arbousier, d'alchémille, les racines de tormentille, de fraisier, de benoîte, etc. En revanche, les racines de mauve, de guimauve, le bouillon-blanc, le chèvrefeuille, le tilleul, sont des catalyseurs. Les magiciens ont naturellement connu ces propriétés de fort bonne heure, et s'en sont servis. Des préparations avec catalyseurs font de puissants charmes pour s'attacher la passion ou le dévouement d'une personne.

Dans certaines régions de Turquie et d'Iran, les populations, rurales restent attachées à une archaïque croyance assyro-chaldéenne : si l’on brûle des bulbes de Colchiques avec de l'alun sur des braises de pistachier térébinthe, on voit apparaître dans la fumée l'image du voleur qui vous a dépouillé. Ailleurs, avec une préparation légèrement différente, c'est l'amant de votre femme qui apparaît...


Note : 1) Il est impossible de cerner Haoma. Certains auteurs y voient le myrte, d'autres un iris ou le dictame de Crète. Angelo de Gubernatis a probablement raison quand il voit en Haoma une personnification de toutes les plantes et herbes bénéfiques regroupées en une seule divinité agreste.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


La colchique, dont le nom signifie "plante de la Colchide", était intimement liée au culte de la célèbre magicienne Médée, fille du roi de Colchide, qui aida Jason dans sa quête de la Toison d'Or. Ce sont d'ailleurs les mines de cet oiseau royaume d'Asie qui ont donné naissance à ce célèbre mythe.

Cette plante, qui contient un suc mortel, venait au premier rang des plantes maléfiques, dont se servaient les divinités du mal de la religion de Zoroastre ou mazdéisme.

Selon une croyance assyro-chaldéenne, dont on retrouve trace encore aujourd'hui dans certaines parties de Turquie et d'Iran, on peut voir l'image d'un voleur dans la fumée de bulbes de colchiques brûlés avec de l'alun sur des braises de pistachier térébinthe. "Ailleurs, avec une préparation légèrement différente, c'est l'amant de votre femme qui apparaît".

Autrefois, contre les maladies pestilentielles, on portait une colchique en guise d'amulette. Parce que le bulbe de la colchique, surnommé "doigt d'Hermès" ou "doigt de Mercure", ressemble à un orteil déformé par la goutte, la plante était utilisée également dans le traitement de cette affection.

Pour soigner un cor au pied, il faut, dans la chaussure correspondant au pied souffrant, mettre une feuille de colchique, et marcher le plus longtemps possible. En Belgique, suspendre au cou une racine de la plante guérit les "sueurs nocturnes".

 

Selon Pierre Dubois et René Hausman qui ont écrit et illustré L'Elféméride, Le grand légendaire des saisons - Automne-Hiver (2013),


"On dit que les colchiques sont les dernières ombres des crocus. On les appelle également veilleuses, veillottes, tue-chiens et doigts des morts. Autrefois, si on en écrasait dans les cheveux, les poux et autres vermines ne s'y mettaient pas. Parce que le bulbe ressemble à un gros "tortu" d'orteil déformé, on l'utilisait en emplâtres contre la goutte et les cors au pied.

En sorcellerie, le suc mortel de la colchique entrait dans la composition des "philtres mauvais". Les filles de Médée en brûlant ses racines sur des pierres d'alun faisaient apparaître d'horribles silhouettes et visages de démons.

Dans les Chroniques elfiques, on représente les colchiques "ainsi les ailes d'or des elfes et fays que l'on voit de terre jaillir au printemps de Mars sous la forme aimable des crocus et qui s'en retournent au moment de septembre s'enterrer, les ailes usées et fanées de trop d'excès de gaies et folles danseries."

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Comptines :


Qui ne connaît pas cette comptine célèbre que nombre d'entre nous ont chanté en automne ?


Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent, Colchiques dans les prés : c'est la fin de l'été. La feuille d'automne emportée par le vent En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

Châtaignes dans les bois se fendent, se fendent, Châtaignes dans les bois se fendent sous les pas.

La feuille d'automne emportée par le vent

En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

Nuages dans le ciel s'étirent, s'étirent,

Nuages dans le ciel s'étirent comme une aile.

La feuille d'automne emportée par le vent

En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

Et ce chant dans mon cœur murmure, murmure,

Et ce chant dans mon cœur appelle le bonheur.

La feuille d'automne emportée par le vent

En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992, tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; le Colchique raconte la sienne dans un conte venu de Slovaquie et intitulé


"Le Diable et le raccommodeur de faïence" :

Il y a très longtemps de cela, une puissante magicienne nommée Médée préparait un élixir de jouvence. Quelques gouttes tombèrent alors par terre, donnant naissance à une fleur, belle mais vénéneuse. Et c'est ainsi que je suis venue au monde", dit la Colchique, une jolie jeune fille, coiffée d'une longue clochette violacée. "Mais ne craignez rien, je ne vous ferai pas de mal", rassurait-elle les autres fleurs affolées. "D'ailleurs, je vous raconterai une tout autre histoire dont je suis la protagoniste."


Autrefois, un jeune raccommodeur de faïence voyageait de par le monde, passant de village en village et s'époumonant sous les fenêtres des gens :

"Je voyage sans cesse pour raccommoder et réparer vos pots et vos cruches !"

Le travail ne manquait pas, car dans chaque maison traîne toujours quantité de pots fêlés et de cruches cassées. Ainsi, le jeune homme gagnait bien sa vie.

Un jour, il arriva, au cours de ses pérégrinations, au bord d'un ruisseau. Sur la rive opposée s'étendait une clairière, au milieu de laquelle se trouvait une maison. Autour de la maison, de tendres clochettes de colchiques s'épanouissaient à perte de vue. Une vieille herboriste aux cheveux blancs sortit sur le pas de la porte.

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Mythologie :


D'après les travaux de Victoria Hammiche, Rachida Merad, Mohamed Azzouz, et al. consignés dans Plantes toxiques à usage médicinal du pourtour méditerranéen. (Springer Paris, 2013) :


Le nom de cette espèce fait référence à la Colchide et est tiré d'une légende. Médée, fille du roi et experte en poisons, tomba follement amoureuse de Jason, venu de Grèce pour conquérir la Toison d'or, Ie trésor mythique de ce petit pays transcaucasien qui correspond, de nos jours, à la Géorgie. Pour Ie rendre invulnérable, elle lui prépara un baume magique à base d'herbes où aurait figure Ie colchique.




Littérature :


Pour en savoir davantage sur la manière dont Apollinaire imagine le colchique, rendez-vous sur un site fait par des élèves de 1ère qui traite du poison dans la littérature.


Les Colchiques


Le pré est vénéneux mais joli en automne

Les vaches y paissant

Lentement s'empoisonnent

Le colchique couleur de cerne et de lilas

Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là

Violâtres comme leur cerne et comme cet automne

Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne


Les enfants de l'école viennent avec fracas

Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica

Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères

Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières


Qui battent comme les fleurs battent au vent dément


Le gardien du troupeau chante tout doucement

Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent

Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne


Guillaume Apollinaire, "Les Colchiques", Alcools, 1913.

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