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La Musaraigne

Dernière mise à jour : 14 mars



Étymologie :


  • MUSARAIGNE, subst. fém.

Étymol. et Hist. xve s. [ms. Bibl. nat. fr. 2003] merisengne (Traité de fauconnerie, éd. H. Martin-Dairvault, à la suite du Livre du roi Dancus, Paris, 1883, p. 90) ; 1547 mesiraigne (Haudent, Apologues d'Esope, I, 201 ds Hug.) ; 1552 musaraigne ou musette (Est., s.v. Mus-mus araneus). Empr. au lat. musaraneus, subst. masc. « musaraigne » (comp. du subst. masc. mus, muris « souris » et de l'adj. araneus « d'araignée » [la morsure de la musaraigne étant réputée venimeuse comme celle de l'araignée] ; Pline, Columelle, TLL, s.v. araneus), devenu *musaranea, subst. fém., prob. sous l'infl. du subst. fém. aranea « araignée », ce terme étant employé par Isidore, Orig., 12, 3, 4 (TLL, s.v. aranea 6) pour désigner la musaraigne, v. FEW t. 6, 3, p. 247b ; cf. musette*.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.

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Croyances populaires :

Selon Ignace Mariétan, auteur d'un article intitulé "Légendes et erreurs se rapportant aux animaux" paru dans le Bulletin de la Murithienne, 1940, n°58, pp. 27-62 :


A Monthey on croit que les Musaraignes piquent le pis des vaches.

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Symbolisme :


Selon Hildegarde de Bingen, dans Physica, Le Livre des subtilités des créatures divines (XIIème siècle ; traduction P. Monat, 2011) :


"La musaraigne a presque la même nature que la taupe, si ce n'est qu'elle peut rester moins sous la terre et plus dans l'air que la taupe. Ce qui est en elle ne vaut rien pour la médecine."

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Rose-Claire Schüle, auteure d'un article intitulé "Je l’ai vu de mes yeux." (ACTES DE LA CONFÉRENCE ANNUELLE SUR L’ACTIVITÉ SCIENTIFIQUE. 1995) établit un lien entre la créature mythique appelée Tatzelwurm dans les Alpes germanophones et la musaraigne :


[...] Un autre Nendard m’a dit avoir vu de ses yeux, en montant à l’alpage, un long serpent, gros comme un bras, poilu, avec une tête de chat qui avait disparu, à la vitesse d’un lézard, dans un pierrier.

J’ai noté ces récits et quelques autres similaires et pendant une dizaine d’années je n’y ai plus du tout pensé. En 1959, je lis par hasard un article intitulé ‘Les jeunes musaraignes à l’école’, avec un sous-titre ‘Le légendaire dragon des Alpes démasqué’, agrémenté de plusieurs photos montrant des caravanes de musaraignes. Le journaliste rapporte une histoire de chasseur fort proche de celle que j’avais notée, relative toutefois à une caravane formée de belettes. L’auteur de l’article mentionne le zoologue Walström qui a le premier, semble-t-il, observé en 1929 que les jeunes musaraignes forment parfois une longue caravane derrière leur mère lorsque celle-ci désire déplacer toute sa famille, chaque musaraigne s’attachant en mordant près de la base de la queue, dans la fourrure de la précédente.

Une telle caravane peut fort bien passer pour un serpent à poils et à pattes et bien sur, en cas de danger, au moindre dérangement se désagréger en un clin d’œil. Les photographies sont plus récentes, elles datent de 1957. Une zoologue, Zippellius, étudiait alors le comportement des musaraignes et elle a pu observer non seulement la formation de caravanes, mais toute l’éducation que la femelle musaraigne prodigue à ses petits pour leur apprendre à se mettre en ligne avant le déplacement de la famille. [...]

Pour en avoir le cœur net j’ai eu recours au directeur du Musée de Zoologie de Lausanne qui m’a immédiatement confirmé que les zoologues connaissent fort bien les caravanes de musaraignes et que son musée en possède de nombreux documents photographiques. En ce qui concerne le ‘gros’ serpent, il doute par contre qu’il puisse s’agir du déplacement à la queue leu leu d’autres mammifères plus grands. En revanche il n’exclut pas du tout qu’une femelle fouine ou belette, en chaleur, puisse être coursée par un ou plusieurs mâles, ce qui, de loin, pourrait faire penser à un long animal extrêmement rapide dans ses déplacements.

Pour le Valais, très spécifiquement, le directeur du Musée d’Histoire naturelle de Sion a lui aussi confirmé que des caravanes de musaraignes ont été observées en Valais et ailleurs et qu’elles figurent même sur la couverture d’un Manuel des Mammifères d’Europe.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Ce petit mammifère proche de la souris ne supporte pas la vue d'un homme : elle meurt aussitôt qu'elle en rencontre un sur son chemin, dit-on en Bretagne et dans l'Orléanais. L'homme lui rend bien cette aversion puisqu'il l'accuse de nombreux forfaits : si elle se promène sur le dos d'un animal (bétail, cheval, mouton, cochon), la musaraigne le paralyse (ou l'« emmuseraigne ») quand elle ne le fait pas mourir. Elle tète les lapines et empoisonne les chats qui la mangent. Si elle mord le pis d'une vache, elle provoque son durcissement (Eure-et-Loir) et, si elle mord la patte d'un cheval, celle-ci n'a aucune chance de guérir (Wallonie).

Sa morsure est mortelle aussi pour l'homme, disent les Anglo-saxons ; la musaraigne peut même le faire boiter en passant sur se pieds. En Angleterre, rencontrer cet animal quand on part en voyage porte malheur.

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque la musaraigne à travers son représentant étrusque :

10 janvier

(La Bastide)


La fenêtre des toilettes de la maison donne sur un jardin d'orangers. Rien n'est agréable comme de se vider les boyaux dans l'odeur des agrumes, en observant le manège des mésanges et des merles. Tout l'être, alors, participe du mouvement de la nature. Les contractions de l'intestin et le jeu des sphincters emplissent l'officiant d'un bonheur indicible.

Ce matin, j'ai ajouté les plaisirs de la connaissance à la satisfaction du tube digestif. Tandis que, concentré sur mon sujet, je crispais les muscles de mon abdomen, j'ai vu venir à mi le plus petit des mammifères : le pachyure étrusque.

Qu'on imagine une musaraigne grosse comme une phalange de petit doigt, avec une queue à touffe noire et un micro-groin de cochon : on aura une idée de la physionomie de ce candidat perpétuel au Livre des records.

J'ai capturé le pachyure. Il s'est vidé les boyaux de trouille. Ses crottes, de la grosseur des brins de tabac, ressemblaient par la couleur et par la forme aux miennes. J'ai compris, par les évidences de mon derrière, que cet animal est mon cousin. Il pèse un gramme et demi (on devrait en réunir cinquante mille pour balancer la masse d'un homme, et cent millions pour équilibrer celle d'une baleine bleue). Mais sa femelle fait téter ses petits, et les nourrit d'autant d'affection que de lait tiède.

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