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Les Champignons luminescents




Étymologie :


  • LUMINESCENCE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1902 (Turpain, Applic. prat. ondes électr., p. 221). Dér. sav. du lat. lumen, -inis, sur le modèle de phosphorescence*.


  • PHOSPHORESCENCE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1784 (Guyton de Morveau, s. réf. d'apr. Brunot t.6, p.637); 1786 (Buffon, Hist. nat. des minéraux, t. 4, p. 236). Dér. de phosphorescent* ; suff. -ence*.


  • FLUORESCENCE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1865 (Littré). Empr. à l'angl. fluorescence formé sur fluor nom de minéral (ici le spath fluor) sur le modèle de l'angl. opalescence (1852, Prof. Stokes in Phil. Trans., 479 note ds NED), v. opalescence et phosphorescence.


Lire également la définition des noms luminescence, phosphorescence et fluorescence afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Champignons fantômes - Champignons lumineux - Champignons féeriques - Champignons magiques - Feux de fée - Feux de chimpanzés - Foxfire -

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Explication du phénomène :


Séverine Martini, dans une thèse intitulée La bioluminescence: un proxy d'activité biologique en milieu profond ? Etude au laboratoire et in situ de la bioluminescence en relation avec les variables environnementales. (2013. Thèse de doctorat. Aix-Marseille) expose clairement le phénomène :


La luminescence décrit la production d’une lumière froide, par opposition à l’incandescence. Ce terme comprend la phosphorescence, la fluorescence ainsi que la bioluminescence. Les deux premiers phénomènes sont liés à une émission de lumière faisant suite à l’absorption de photons alors que la bioluminescence est le produit d’une réaction photochimique par des organismes vivants.

La bioluminescence est un phénomène connu et observé depuis l’antiquité. Aristote (348-322 avt. J.C.) signale, déjà, une émission de lumière par des poissons morts. Par la suite, dans l’Historia naturalis, Pline l’Ancien (23-79 ap. J.C.) décrit également divers organismes bioluminescents tels que les vers luisant, les "champignons", ou les Cnidaires.

[...]

Dans les environnements terrestres peu d’organismes sont décrits comme bioluminescents alors qu’à l’inverse, en milieu marin, près de 90% des organismes sont estimés capables de bioluminescence (Widder, 2010) et sont abondamment décrits dans la littérature.

[...]

Une réaction chimique productrice de lumière :

Réaction eucaryotique : Les premières expériences menées sur la bioluminescence sont associées à R. Boyle (1627-1691), un chimiste anglais, membre du "collège invisible", et R. Hooke (1635-1702). Ces scientifiques observent alors que la bioluminescence ne peut avoir lieu en absence d’air, la composition des différents gaz de l’air, et notamment la présence d’oxygène, n’étant pas encore connu à cette époque. Par la suite, en 1885, le biologiste français Raphaël Dubois utilise pour l’étude de la bioluminescence des coléoptères de la famille des Elateridae et du genre Pyrophorus (Illiger, 1809), en provenance d’Amérique centrale. Il prélève alors un des deux organes lumineux thoraciques d’un individu et le broie. Au bout d’un certain temps, sa lumière s’éteint. Le second organe est immergé dans l’eau bouillante et s’éteint subitement. Lorsque Raphaël Dubois broie ensemble les deux organes, la masse redevient lumineuse. Le phénomène est alors expliqué par la présence dans les organes prélevés d’une substance (qu’il nomme luciférine) émettant de la lumière, jusqu’à son oxydation complète, lorsque la réaction est activée par une enzyme diastase (la luciférase). La réaction luciférine-luciférase est une réaction de type substrat-enzyme. En présence d’oxygène, la luciférine va réagir avec l’enzyme luciférase produisant une molécule d’oxyluciférine et de la lumière (voir Figure 1. 3 ; Shimomura, 2012). La luciférine et la luciférase sont des termes génériques, dont la composition des molécules peut différer en fonction des espèces. Au sein de la diversité du vivant 5 systèmes luciférine-luciférase ont pu être différenciés (Haddock et al., 2010 ; Wiles et al., 2005).


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Pour approfondir le sujet :


Bioluminescence
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Lire l'article de Jean-Pierre Henry, intitulé "L’émission de lumière par le vivant, curiosité biologique et mine biotechnologique". (In : Reflets de la physique, 2016, no 47-48, pp. 66-70.) : =>

 

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Mycologie :


Selon Jean-Jacques Guillaumin, auteur de L'armillaire et le pourridié-agaric des végétaux ligneux. (Editions Quae, 2005) :


Chez les champignons la bioluminescence a été mise en évidence presque exclusivement dans la classe des Basidiomycètes puisqu'un seul exemple existe chez les Ascomycètes (genre Xylaria). Chez les Basidiomycètes, 42 espèces appartenant à 9 genres ont été répertoriées (Herring, 1994). Ces champignons incluent notamment les genre Pleurotus, Mycena, Clitocybe, Panellus et Armillaria.

Chez quelques champignons, la bioluminescence se produit à la fois au niveau du mycélium et des carpophores (Mycena citricolor - synonyme Omphalia flavida) ; chez d'autres, comme Omphalotus illudens, elle ne concerne que les carpophores. A l'inverse, chez les armillaires, l'émission de lumière est restreinte au mycélium et parfois (notamment chez Armillaria ectypa) aux jeunes rhizomorphes. Lorsque l'armillaire est cultivée en boîte de Pétri, la luminescence est observée à la périphérie du thalle avec un maximum au niveau de la zone subapicale des hyphes et de l'apex des rhizomorphes jeunes. Le centre du thalle, métaboliquement moins actif, perd graduellement cette propriété.

[...]

L'étude des enzymes du pouvoir pathogène et du métabolisme glucidique chez les armillaires montre qu'il existe de grandes similarités avec ce qui est trouvé chez d'autres champignons. Des particularités physiologiques existent cependant en ce qui concerne la bioluminescence, retrouvée jusqu'à présent seulement chez un petit nombre d'espèces fongiques. Du point de vue fondamental, l'étude de ce phénomène n'est peut-être pas anodin, car chez les champignons, la bioluminescence a la particularité d'être à la fois une soupape de sécurité qui utilise l'énergie en excès et limite en même temps l'effet nuisible des radicaux superoxydes. Toutefois, l'effet d'un tel système est sans doute plus complexe car il n'est présent que chez un nombre limité d'espèces. Son rôle chez l'armillaire n'est pas complètement compris. On a supposé qu'il pourrait jouer un rôle dans la dispersion des spores par les invertébrés attirés paer la lumière. Il est possible aussi qu'il s'agisse d'un vestige de réactions qui protégeaient les champignons des concentrations toxiques de l'oxygène.

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Dans un article intitulé "Lucioles, algues ou champignons : la bioluminescence est-elle l’avenir de l’éclairage urbain ?" (publié le 15/05/2021 sur le site de France Info) Ariane Schwab fait le point sur certaines applications possibles de la bioluminescence :


Imiter la nature pour ne plus dépenser d’énergies non renouvelables est le Graal des chercheurs. Certains s’appliquent depuis une dizaine d’années à reproduire les facultés bioluminescentes de nombreux organismes naturels pour révolutionner la ville de demain. Rêve ou réalité ?

Depuis 3,8 milliards d’années, la Nature produit sa propre lumière. Elle l’a développée chez certains insectes comme les lucioles, dans des champignons ou encore chez plus de 80% des animaux marins connus.

[...]

En 2016, une équipe de chercheurs de l’Institut russe de chimie bio-organique perce les secrets de la bioluminescence des champignons. "Contrairement aux autres luciférines [molécules dont l'oxydation aboutit à l'émission de photons], la luciférine fongique est compatible avec la biochimie végétale, et j'espère que cela permettra à terme la création d'une plante luminescente autonome, une plante qui serait capable de se biosynthétiser par elle-même", déclarait au Guardian le scientifique russe Ilia Yampolsky. Quatre ans plus tard, la Dr Karen Sarkisyan, PDG de Planta, une start-up qui a dirigé des travaux de recherches sur le sujet à l'Imperial College de Londres, et une équipe de collègues basés en Russie et en Autriche, rapportent comment ils ont inséré quatre gènes d'un champignon bioluminescent appelé Neonothopanus nambi dans l'ADN des plants de tabac. Résultat : des plantes qui brillent avec une teinte verdâtre visible à l'œil nu, "à la fois dans l'obscurité et à la lumière du jour", précise Karen Sarkisyan.

[...]

Alors, est-ce que cette lumière vivante remplacera nos lampadaires ? Évidemment pas tous, conviennent Woodlight et Glowee. La lumière produite par ces organismes reste très douce, d’un bleu-vert couleur lagon et n’est donc pas opportune pour éclairer un carrefour routier, par exemple. En revanche, elle convient pour résoudre la question de la pollution lumineuse et remplacer les enseignes lumineuses, les éclairages de façades ou les bornes de signalisation par un éclairage 100% renouvelable et moins nocif pour la biodiversité. "L’idée c’est de repenser la manière dont on éclaire nos villes", résume Sandra Rey.

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Dans l'émission Moteur de Recherche du 8 octobre 2021, présentée par Matthieu Dugal sur Radio Canada, le professeur Mohamed Hijri amène de nouvelle précisions :


Le phénomène de bioluminescence est plutôt commun chez les algues marines, mais reste très exceptionnel chez les champignons. « C'est un phénomène qui demeure assez rare. On dénombre environ 80 espèces à travers le monde qui sont capables de faire ce phénomène », souligne Mohamed Hijri, professeur titulaire au Département de sciences biologiques de l'Université de Montréal.

Ce dernier explique comment une réaction par oxydation permet à certains champignons de devenir bioluminescent.

Mohamed Hijiri précise d’ailleurs que la bioluminescence a des avantages positifs pour les champignons, mais aussi pour les insectes, qui bénéficieraient de cette lumière pour mieux évoluer dans leur environnement :

  • la défense contre les prédateurs

  • la dispersion des spores (en attirant les insectes susceptibles de les diffuser)

  • la reproduction (en attirant le partenaire).

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Symbolisme :


Lu sur le site ovni-expert.com : un article intitulé "Les champignons luminescents et leurs surprenantes manifestations" :


[...] D’autres espèces de champignons produisent une lumière fantomatique. En 1992, l’observation suivante fut rapportée sur un forum de discussion sur l’Internet : Le témoin principal, M. Damouth, ainsi que sa famille décidèrent d’effectuer une randonnée nocturne en forêt après avoir fait un feu de camp. Le ciel était couvert et sans lune. La famille s’était suffisamment éloignée du feu de camp pour que celui-ci ne soit plus visible. L’obscurité était alors complète. Les enfants avaient commencé à s’amuser quand l’un d’entre eux remarqua un phénomène bizarre : « Regardez là-bas dans les bois ». Ils ont alors réalisé qu’ils venaient d’observer leur premier « vrai » fantôme : une forme lumineuse de couleur bleu-vert qui luisait doucement dans la forêt. Les témoins décidèrent d’aller voir de plus près cette apparition : il s’agissait d’une souche énorme en train de pourrir couverte de champignons luminescents. M. Damouth brisa un morceau de bois lumineux et le ramena à sa famille. Le morceau émettait suffisamment de lumière pour que chacun puisse voir, dans l’obscurité, le visage de l’autre. Les enfants s’amusèrent avec le bois lumineux un moment puis la famille rentra au camp. La suite de l’histoire aurait pu être bien différente si les observateurs s’étaient enfuis au lieu de vérifier la nature de la source lumineuse : c’eut été une observation de fantôme ou de phénomène lumineux de plus dans les fichiers.

Il ne s’agit pas ici d’un phénomène nouveau : on retrouve ainsi dans les légendes anciennes des descriptions de lumières étranges, de spectres ou de fantômes de couleur verte observés la nuit en forêt, causant une grande frayeur chez les passants témoins de ces mystérieux phénomènes. Mais on a vite fait de découvrir la source de cette luminosité : elle provenait soit de champignons, soit du tronc d’arbres malades ou de bois mort en décomposition. Déjà, il y a plus de 2000 ans, Aristote en faisait mention dans ses écrits. Les anciens explorateurs de même que certaines tribus autochtones ont aussi utilisé les champignons ou le bois lumineux comme source d’éclairage pour mieux s’orienter ou même écrire la nuit. Au XIXe siècle, la source de la luminescence du bois fut finalement identifiée: la lumière était produite par certains champignons de carie du bois. [...]

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Littérature :


Dans Les premiers hommes dans la lune (1901) Herbert George Wells invente un monde étonnant dans lequel poussent des champignons "phosphorescents" :


« C’est renversant ! remarquai-je. Tout le monde pourrait être alpiniste dans la lune. »

Sans plus tarder, je commençai vivement l’escalade. Pendant quelques minutes je gravis la pente avec entrain, puis je levai de nouveau la tête. La fissure s’agrandissait d’une façon continue et la clarté devenait plus brillante. Seulement... ce n’était pas la lumière du jour.

Au bout d’un moment je pus m’en rendre compte, et, à cette vue, mon désappointement fut tel que je me serais bien cogné la tête contre le roc. J’apercevais seulement un espace ouvert, descendant en pente irrégulière, sur lequel croissait une forêt de petits champignons en forme de massue dont chacun rayonnait cette lumière argentée et rosâtre. Un instant je restai les yeux fixés sur leur éclat adouci, puis je m’élançai sur la plate-forme. J’en arrachai une demi-douzaine et les lançai contre la paroi ; enfin je m’assis, éclatant d’un rire amer, et à ce moment la tête rousse de Cavor émergeait.

« C’est encore cette maudite phosphorescence ! dis-je. Pas besoin de tant se presser. Prenez un siège et faites comme chez vous. »

Tandis qu’il se mettait à bredouiller sa désillusion, je m’amusais à faire tomber dans la fissure des poignées de ces végétaux.

« J’avais cru que c’était la clarté du soleil ! dit-il piteusement.

– La clarté du soleil ! m’écriai-je. L’aurore, le couchant, les nuages et les cieux orageux ! Les reverrons-nous jamais ? »

Tandis que je parlais, tout un tableau de notre monde semblait s’élever devant mes yeux, brillant, minuscule et clair comme l’arrière-plan de certaines peintures italiennes.

« Le ciel qui change, la mer qui bouge, les collines et les arbres verts, les villes et les cités resplendissant sous le soleil... Pensez, Cavor, pensez à des toits humides sous les feux du couchant !... Pensez aux fenêtres qui scintillent en reflétant l’incendie du ciel !... »

Il ne me répondit rien.

[...]

Je me remis à jeter dans la crevasse de nouvelles poignées de champignons lumineux. [...]

Soudain, je me dressai d’un seul bond.

« Bonté du ciel ! m’écriai-je, ils vont nous découvrir ! Ils verront les poignées de végétaux que j’ai jetés en bas. Ils vont... »

Je ne terminai pas ma phrase. Faisant demi-tour et sautant par-dessus les champignons, je gagnai l’extrémité supérieure de la cavité. Je vis alors que l’espace libre remontait et se prolongeait de nouveau en une fente que suivait le courant d’air et qui se perdait dans les ténèbres impénétrables. J’étais sur le point de recommencer mon escalade quand une heureuse inspiration me fit revenir sur mes pas.

« Qu’est-ce que vous faites ? demanda Cavor.

– En avant ! en avant ! » répondis-je.

Je pris deux champignons phosphorescents et, plaçant l’un d’eux dans la poche de côté de mon veston de flanelle, de façon à éclairer notre fuite, je donnai l’autre à Cavor. [...]

Il semblait presque qu’ils n’avaient pu, après tout, découvrir notre trace, malgré le tas de champignons révélateurs qui devait se trouver sous l’orifice de la crevasse. [...]

. Je retirai alors de ma poche le champignon lumineux et le laissai dégringoler dans la fissure.

« Pas d’acte inconsidéré ! » murmura Cavor, tandis que je me faufilais par l’ouverture que j’avais élargie.

[...]

La lumière provenait d’une tumultueuse végétation de formes fongoïdes livides – dont quelques-unes, à vrai dire, ressemblaient singulièrement à nos champignons, mais dépassaient la taille d’un homme.

« – Les lunaires mangent ceci ? demandai-je à Phi-ou.

– Oui, nourriture. »

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