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La Veilleuse des fées




Étymologie :


Étymol. et Hist. I. xives. [ms.] « femme qui veille un malade » veilleresse des mallades (cité ds E. Coyecque, L'Hôtel Dieu de Paris au Moyen Âge, Paris, t. 1, 1891, p. 93), attest. isolée ; à nouv. xviiie s. av. 1755 veilleuse (St-Sim., 180, 155 ds Littré). II. 1. a) 1762 « petite lampe qu'on laisse allumée pendant la nuit » (Musy ds Annonces, affiches et avis divers du 28 juillet 1762, no3, p. 119 ds Havard t. 4) ; en partic. 1948 automob. phares en veilleuse (Druon, Gdes fam., t. 1, p. 32) ; b) 1832 « petite mèche enduite de cire montée sur une rondelle de liège qui flottait sur l'huile de la lampe et que l'on allumait pour éclairer » (Raymond) ; 2. 1894 mise en veilleuse « fait de réduire le débit (ici du gaz) » (Bricka, Cours ch. de fer, t. 2, p. 309) ; cf. 1922 flamme en veilleuse (Giraudoux, Siegfried et Lim., p. 21) ; 1931 fig. rester... en veilleuse « (d'une activité) fonctionner au ralenti » (Joffre, Mém., t. 2, p. 34) ; 3. 1932 « petit bec d'un chauffe eau à gaz, d'un réchaud » (Catal. instrum. lab. (Prolabo), p. 52). II. xviiie s. « sorte de canapé » (d'apr. Havard t. 4). III. 1807 bot. (Michel (J.-F.) Expr. vic., p. 186) ; cf. 1828 (Chateaubr., Mél. et poés., Clarisse, imitation d'un poëte écossois, p. 340). Fém. de veilleur*.


Étymol. et Hist. Ca 1265 euue ... est un petit stitique (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, p. 122, ligne 28) ; 1314 stiptique (Henri de Mondeville, Chirurgie, éd. A. Bost, no1242) ; 1561 styptique (A. Paré, Anatomie, VIII, 14 ds Œuvres compl., éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 2, p. 35). Empr. au lat. d'époque impériale stypticus « id. », du gr. σ τ υ π τ ι κ ο ́ ς de même sens, dér. de σ τ υ ́ φ ε ι ν « resserrer, contracter ».


La définition de l'adjectif styptique nous oriente vers quelques possibles utilités médicinales. Lire également la définition du nom veilleuse.


Autres noms : Panellus stipticus - Huître amère - Panelle astringente - Panelle luminescent - Panelle styptique - Panus astringent -

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Mycologie :


Jules Bel, auteur de Les Champignons supérieurs du Tarn (Librairie J.-B. Baillière et fils, 1889) mentionne ce champignon comme dangereux :


PANUS STIPTIQUE Panus stipticus Fr. Agaricus stipticus. Bull.


Chapeau réniforme, blanc, jaunâtre, ocracé ou couleur cannelle, crevassé, à bord roulé en dessous, large de 2 à 4 centimètres. Lamelles visqueuses, étroites, pressées, réunies par un réseau de nervures, de même couleur que le chapeau. Pédicule latéral, court ou nul, plein, se continuant avec le chapeau, d'un fauve pâle.

Ce champignon est vénéneux. Il croit pendant presque toute l'année, sur les troncs pourrissants, dans tous les bois.

 

Dans Le monde caché - Comment les champignons façonnent le monde et influencent notre avenir : Comment les champignons façonnent le monde et influencent notre avenir. (Éditions First, 2021), Merlin Sheldrake nous explique comment fonctionne le mycélium à partir de recherches sur le panellus stipticus :


Comment une partie du réseau mycélien « sait »-elle ce qui se passe à l'autre extrémité du réseau ? Le mycélium s'étend de toutes parts, mais il doit bien pouvoir rester en contact... avec lui-même.

Stefan Olsson est un mycologue suédois qui a passé des décennies entières à essayer de comprendre comment les réseaux mycéliens se coordonnaient et se comportaient en tant qu'unités intégrées. Il y a quelques années, il commença à s'intéresser à l'une des différentes espèces de fungi qui sont luminescentes. La bioluminescence fait briller les champignons et le mycélium dans le noir, ce qui leur permet d'attirer les insectes qui dispersent leurs spores. Au XIXe siècle, en Angleterre, des mineurs de charbon relatèrent que des fungi bioluminescents présents sur le bois de soutènement émettaient assez de lumière pour pouvoir « voir ses mains ». Benjamin Franklin proposa d'utiliser des fungi bioluminescents connus sous le nom de foxfire (ou encore feux de fée) afin d'éclairer la boussole et la jauge de profondeur du premier sous-marin (le Turtle, développé en 1775, pendant la guerre d'indépendance américaine). L'espèce étudiée par Olsson était le panus astringent, Panellus stipticus. « En le faisant pousser dans des bocaux, il était possible de lire à la lumière qu'il dégageait, m'expliqua-t-il. C'était un peu comme une petite lampe posée sur une étagère à la maison. Mes gamins adoraient. »

Pour surveiller le comportement du mycélium de Panellus stipticus, Olsson en fit des cultures en laboratoire. Il plaça ensuite deux specimens brillants dans un carton à l'obscurité parfaite et sous conditions constantes. Il les y laissa une semaine, en compagnie d'un appareil photo assez sensible pour détecter leur bioluminescence et programmé pour prendre une photo toutes les quelques secondes. dans la vidéo en accéléré qui en résulte, on peut voir deux cultures de mycélium non connectées se propager vers l'extérieur et former chacune dans leur réceptacle un cercle irrégulier, plus brillant au centre qu'à la périphérie. Au bout de quelques jours à environ deux minutes de la vidéo) s'opère un changement brutal. Dans l'une des cultures, une vague de bioluminescence traverse le réseau de part en part. Le lendemain, une vague similaire parcourt le second réseau. A l'échelle de temps mycélienne, l'intensité dramatique est à son comble. En quelques temps (mycéliens), les deux réseaux ont changé d'état physiologique.


« Mais qu'est- ce que c'est que ce truc ? » s'exclama Olsson. Il suggéra en plaisantant que, abandonné, le fungus s'ennuyait peut-être et avait voulu jouer, ou alors qu'il était tombé en dépression. Bien qu'il ait laissé les cultures reposer dans le noir plusieurs semaines supplémentaires, la pulsation ne se manifesta plus jamais. Des années plus tard, il n'a toujours pas d'explication satisfaisante à ce qui avait pu la causer ni à la manière dont les mycéliums avaient pu coordonner leurs comportements en un laps de temps si court.

La coordination mycélium est difficile à comprendre, car il n'existe pas de centre de contrôle. Si on nous coupe la tête ou qu'on arrête notre cœur, nous mourrons. Un réseau mycélium n'a ni tête ni cerveau. Les fungi sont, à l'instar des plantes, des organismes décentralisés. il n'y a pas de centre opérationnel, de capitale ou de siège du gouvernement. Les fonctions de contrôle sont décentralisées : la coordination mycélienne a lieu en même temps partout et nulle part en particulier. En se régénérant, un fragment de mycélium peut redonner naissance à un réseau entier, ce qui signifie qu'un seul individu (si vous êtes assez courageux pour employer ce terme) est potentiel immortel.

Olsson était intrigué par les vagues de bioluminescence spontanées qu'il avait enregistrées et prépara un autre jeu de boîtes pour l'expérience suivante. Il essaya de piquer un côté de mycélium de Panellus à l'aide d'une pipette : la zone blessée s'illumina immédiatement. Ce qui le laissa perplexe, c'est qu'en l'espace de dix minutes, la lumière avait parcouru neuf centimètres dans toutes les directions du réseau. Il s'agissait d'une vitesse bien plus rapide que celle à laquelle un signal chimique pouvait parcourir le réseau d'un bout à l'autre en passant par le tissu du mycélium.

Il vint à l'esprit d'Olsson que les hyphes blessés pouvaient avoir libéré un signal chimique volatil dans l'air, qui se déplacerait sous forme de volute gazeuse, évitant ainsi de devoir traverser les filaments du réseau. Il testa son hypothèse en faisant pousser deux mycéliums génétiquement identiques côte à côte. Il n'existait pas de connexions directes entre eux, mais ils étaient suffisamment proches l'un de l'autre pour que des substances chimiques dérivant dans l'air puisse franchir l'écart entre eux. il piqua l'un des deux réseaux. La bioluminescence se propagea à travers le réseau blessé comme elle l'avait fait précédemment, mais le signal ne se transmit pas à son voisin. Il devait y avoir une sorte de système de communication rapide à l'œuvre au sein même du réseau. Olsson devint de plus en plus obnubilé par la question de savoir ce que cela pouvait bien être.

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Usages de la Panelle astringente :


Erwan Lecomte, dans un article intitulé « Des plantes bioluminescentes pour éclairer les villes » (Sciences et Avenir, 22 mai 2013) évoque des recherches sur les plantes luminescentes :


Le projet "Glowing Plants" aux États-Unis vise à rendre artificiellement bioluminescentes des plantes. À terme, les chercheurs espèrent parvenir à rendre l'éclairage urbain obsolète.

UTOPIE. Et si, plutôt que d'être éclairées à la lumière électrique des ampoules des réverbères, les villes du futur ressemblaient au monde féerique de Pandora, dans le film Avatar ? C'est le projet fou de trois biohackers américains qui ont monté ensemble un projet appelé "Glowing Plants" (plantes bioluminescentes).

BIOHACKING. Leur idée consiste en effet à transférer une capacité biologique naturelle qu'ont certains animaux à émettre de la lumière (la luciole par exemple) à des végétaux qui n'en sont pas naturellement dotés (contrairement à Panellus stipticus, le champignon bioluminescent qui illustre cet article).

Et ça marche ! Dans un fab-lab (un espace de création collaborative en libre accès) de Californie, les trois biohackers sont parvenus à rendre bioluminescents un plant d'Arabidopsis, une petite plante de la famille des Brassicacées, comme le chou ou la moutarde.

Pour cela, l'équipe a utilisé un outil classique en génétique végétale : une bactérie appelée Agrobactérium. Cette dernière a en effet une propriété précieuse pour les biologistes : elle est capable de transférer une partie de son ADN à l'intérieur de la plante. Dans la nature, l'ADN bactérien qui entre ainsi dans la cellule végétale a pour effet de provoquer chez elle des tumeurs appelées galles.


Cette infographie explique comment, à l'état naturel, la bactérie Agrobactéruim infecte les plantes et provoque chez elle des tumeurs (haut de l'image). En laboratoire (partie inférieure de l'image), les chercheurs détournent ces propriétés pour insérer le gène de leur choix dans la plante.

Un mode opératoire classique en biologie


PLASMIDE. En laboratoire, cette bactérie est un outil de choix pour les généticiens qui savent exploiter cette compétence de transfert d'ADN à leur profit. En effet la séquence génétique responsable des tumeurs végétales est portée par un plasmide (un petit bout d'ADN circulaire). Les généticiens savent la repérer, la supprimer, et la remplacer par la séquence d'ADN de leur choix. En l'occurrence, le gène codant pour la bioluminescence. Un gène bien connu car identifié depuis 1989.

Mais le trio de biohackers ne dispose pas des moyens techniques nécessaires pour produire cette séquence génétique par leurs propres moyens. Qu'à cela ne tienne, ils la commandent donc auprès de la société Cambrian Genomics, un prestataire spécialisé dans la fabrication de telles séquences à destination des laboratoires.


IMMERSION. Il leur suffit ensuite de placer ce plasmide modifié dans la bactérie puis de la laisser tranquillement se multiplier. Les chercheurs obtiennent ainsi une solution contenant des centaines de milliers de clones de la bactérie, porteurs de ce plasmide génétiquement modifié.

Il ne reste plus alors qu'à mettre le végétal en contact avec les bactéries en l'immergeant quelques secondes dans le mélange. Ces dernières injectent alors leur plasmide génétiquement modifié dans la plante qui, quelques temps plus tard, exprimera le gène qui la rendra bioluminescente.


Bientôt une rose luira dans la nuit : Pour financer leur projet, l'équipe est passée par la plateforme de financement collaboratif kickstarter. Et le succès a été au rendez vous puisqu'au moment où nous écrivons ces lignes, près de 380 000 dollars ont déjà été collectés. Ainsi, la première phase de leur projet (les travaux préliminaires sur l'Arabidopsis) est largement financée, et la seconde (rendre une rose bioluminescente) est en passe de l'être.


RISQUES. Certes, les trois généticiens n'en sont pas encore au point de remplacer les ampoules par des plantes. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir, notamment en ce qui concerne l'intensité de la lumière émise par les végétaux. Mais pour eux, tous les espoirs sont permis "car il y a un énorme potentiel dans le mécanisme énergétique des plantes", explique, dans la vidéo ci-dessus, Antony Evans, le responsable de la coordination sur le projet. "Elles convertissent le sucre et les nutriments pratiquement sans perte, et produisent ainsi une lumière froide", poursuit-il.

De plus, en multipliant la surface végétale, les trois scientifiques espèrent produire à terme une quantité de lumière suffisante pour éclairer correctement une rue.


Un risque pour la nature ? Si l'on peut apprécier l'esthétique tout comme le coté pratique d'un tel éclairage végétal diffus, on peut en revanche s'interroger sur le risque que représente la dissémination d'une telle plante génétiquement modifiée dans l'environnement urbain. Un problème sur lequel se sont déjà penchés les trois collègues.

Aussi, sont-ils allés poser la question à George Church, un professeur de génétique à l'Université médicale de Harvard dans le Massachusetts.


  HANDICAP SÉLECTIF. "C’est une modification génétique mineure par rapport à celles couramment pratiquées pour doter des cultures de gènes de résistance aux herbicides par exemple, explique le professeur dans la vidéo ci-dessus. Cette modification génétique ne fait rien synthétiser de particulier hors de la plante. Aussi, si elle se dissémine, les conséquences pour l'environnement ne seront sans doute pas si graves que cela", précise-t-il.

Et pour cause, "pour produire de la lumière, les plantes consomment de l’énergie. La bioluminescence constitue donc plutôt un désavantage par rapport au plantes sauvages" renchérit le biologiste Omri Amirav-Drory, membre de l'équipe Glowing Plant. Il est donc peu probable que les plantes porteuses de ce gène aient un avantage sur leurs homologues sauvages si elles venaient à s'échapper dans la nature.

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Symbolisme :


Lauren Kamili, autrice d'un article intitulé « La lampe, la mouche et le champignon », (In : Techniques & Culture [En ligne], Suppléments au n°73, mis en ligne le 28 juin 2020) présente une œuvre biomimétique digne des plus beaux contes de fée :


Dans la lignée de ses expériences avec le papier de légumes et de ses travaux de biodesign, le projet d’Helena [Amalric] est dès le début orienté par la recherche d’une fonction utilitaire dans le vivant pour répondre à un problème technique humain : la défection d’une ampoule électrique et l’absence de lumière. Les champignons « lumineux » sont d’emblée saisis comme un potentiel objet technique, pensé à partir du modèle de la lampe. Une correspondance est alors établie entre les caractéristiques visuelles les plus évidentes de ces êtres vivants et un artefact technique qui agit de même, tous deux émettant de la lumière. Mais la veilleuse d’Helena ne procède pas uniquement d’une simple juxtaposition entre ces deux systèmes, vivant et technique. Dès lors, l’observation n’est plus celle du hasard de la première découverte mais laisse la place à un décryptage du vivant informé par un projet spécifique.

[...]

Il est étonnant et frappant qu’Helena utilise l’expression « affût en forêt » pour dire qu’elle est partie à la recherche de champignons bioluminescents. Elle les assimile donc à des êtres qu’il faut traquer, qui sont cachés : de la même façon qu’un pisteur traque les animaux de la forêt, Helena piste les champignons. Pour elle, la cueillette de champignons est une « chasse mais sans tuer ». L’affût, enfin, suppose d’avoir recours à un ensemble de « techniques du corps » (Mauss 1936) – voir, sentir, écouter, marcher en forêt, exercer le regard à repérer des êtres vivants – ici mobilisées pour mener à bien le projet de lampe. Pour « chasser » les champignons bioluminescents, Helena a commencé par repérer de jour, dans plusieurs endroits dans le Trièves et la chaîne de Belledonne, au nord du département de l’Isère, où elle savait qu’ils seraient peut-être présents, les champignons qui ressemblaient à P. stipticus. Elle est ensuite revenue de nuit pour les observer, car la bioluminescence du champignon est invisible pour l’œil humain en journée, régulièrement, jusqu’à ce qu’elle trouve la souche bioluminescente, une souche qu’on trouve généralement en Amérique du Nord mais pas dans le Vercors.

[...]

Au fil du temps, le Dr Blaha et Helena ont accumulé les observations, appris de mieux en mieux à cultiver et connaître P. stipticus, et ont remarqué qu’il poussait sur de nombreux types de bois mais ne faisait de la lumière que sur le chêne.

[...]

Didier Blaha a fini par remarquer la présence de petits moucherons autour de ses cultures de champignons sur chêne, et en a conclu qu’elles étaient contaminées et qu’il fallait tout nettoyer. Helena de son côté a observé le même phénomène, y compris dans les veilleuses qu’elle avait déjà commencé à vendre lors de salons ou foires locales : ses clients lui rapportaient la présence de ces mêmes moucherons à l’intérieur même des lampes. Helena a rejeté l’hypothèse de la contamination, « fait le lien », et estimé que si tous ces moucherons étaient présents autour des champignons qui font de la lumière, et pas des autres, « c’est que ça [devait] être pour une bonne raison ». Didier Blaha s’est chargé de comprendre pourquoi exactement et, puisant dans la littérature scientifique consacrée à P. stipticus, a envisagé que le champignon « appelât » les drosophiles en émettant une lumière qui leur est spécifiquement destinée, et a finalement découvert quelles relations écologiques il entretient avec la mouche et le chêne. Les moucherons attirés par la lumière pondent sur le bois, mangé par les larves qui décomposent la matière, rendant beaucoup plus facilement accessibles au champignon les nutriments qu’elle contient. Les champignons et les drosophiles travaillent donc ensemble, en symbiose, à la décomposition du bois.

[...]

Dans le cas de la veilleuse, P. stipticus est parfaitement capable de croître et survivre sans la drosophile, mais leur alliance symbiotique permet à chacun d’améliorer ses conditions de vie, voire d’augmenter la longévité du champignon.

[...]

Pour Lévi-Strauss, « l’artiste tient à la fois du savant et du bricoleur : avec des moyens artisanaux, il confectionne un objet matériel qui est en même temps objet de connaissance » (1962 : 37). Mais, précise-t-il, « le modèle réduit possède un attribut supplémentaire, il est “man made”, et, qui plus est, “fait à la main” » (ibid. : 38). Au plaisir intellectuel de la saisie d’une totalité s’ajoute donc celui de fabriquer, « à la main » un artefact. La miniaturisation qu’est la lampe d’Helena – qui, en tant que designeuse, tient bien à la fois de l’ingénieur et du bricoleur – renvoie effectivement à cette double dimension esthétique et pragmatique. La bulle de la veilleuse invite à l’observation et à la manipulation de son écosystème miniature, elle donne lieu aussi à la monstration, voire la mise en spectacle, un peu à la façon d’un aquarium, autour duquel se pressent les participants au Forum Mycélium.

[...]

La lumière produite par les champignons est présentée comme étant « avataresque » sur la boutique en ligne d’Helena, en référence au film de James Cameron (2009) et à son décor de forêt bioluminescente. Elle raconte également qu’en découvrant la veilleuse, certains clients s’exclament : « Waouh ! C’est Matrix », réflexion inspirée de la lumière verte diffusée par le champignon. C’est donc à un univers de science-fiction, à un autre monde et à d’autres formes de vie que renvoient les images produites par la lampe d’Helena qui agit, de même qu’un aquarium, comme « révélateur de toute vie cachée et inconnue » (ibid. : 264) : ici celle des champignons bioluminescents qu’Helena est allée traquer en forêt.

L’émerveillement que suscite cet objet est au cœur du projet biomimétique d’Helena, de même qu’il structure les discours et les représentations les plus courants. À la croisée entre le projet scientifique et le programme esthétique 9 , la veilleuse s’inscrit dans une lignée qui remonte aux cabinets de curiosités qui essaiment à partir du XVIe siècle. En particulier, le modèle de la Wunderkammer ou « chambre des merveilles » – distingué de la Kunstkammer destinée à collectionner des œuvres d’art – consiste à acccumuler des objets extraordinaires, insolites ou rares qui doivent susciter l’étonnement et l’admiration chez les visiteurs des cabinets (Rivallain 2001). La curiositas qui guide les collectionneurs, nourrit un engouement pour les « merveilles de la nature » similaire à celui qui imprègne fortement le biomimétisme d’aujourd’hui.


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