Autres noms : Canella winterana - Bwa kannèl - Cannelle à puces - Cannelle blanche - Kannèl a pis - Kannèl bata -
Botanique :
Selon Bernard Rollet, auteur d'un article intitulé "Intérêt de l'étude des écorces dans la détermination des arbres tropicaux sur pied (suite et fin)." (in : BOIS & FORETS DES TROPIQUES, 1982, vol. 195, pp. 31-50) :
Comme les coulèurs, les odeurs sont difficiles à définir. Elles se rattachent souvent mal à quelque chose d'universellement connu.
Si on dit que la feuille froissée de Canella winterana a une forte odeur de cassis, on risque de ne pas être compris des lecteurs de pays tropicaux. Pourtant, avec une écorce sentant le clou de girofle, cette espèce est parfaitement définie par ses odeurs. Aux Antilles, on l'appelle « bois-cannelle », ce qui montre en passant combien les odeurs sont différemment perçues.
On trouve souvent dans les flores la notation « aromatique », « parfumé », ou « odeur suave », ce qui est bien vague, et quand une odeur semble caractéristique mais indéfinissable autrement que par référence à l'espèce en question on dit qu'elle a une odeur « sui generis » ce qui n'avance pas beaucoup.
[...]
Ecorces ayant l'odeur de légumes, fruits et condiments familiers :
[...]
Girofle : Canella winterana (Canell.) Antilles.
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Jack Ed. Corzani, auteur d'un Dictionnaire encyclopédique des Antilles et de la Guyane : index-thésaurus. (Vol. 1. Éditions Desormeaux Books, 1992) propose une description détaillée du Bois-cannelle :

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Françoise Hatzenberger, dans un article intitulé "Paysage de la Guadeloupe à la fin du XVIIIe siècle d'après le poète créole Léonard." (In : Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 83, n°310, 1er trimestre 1996. pp. 61-82) s'intéresse au Bois-cannelle :
Les effluves indigènes
Lorsque Christophe Colomb et son équipage approchèrent de la Guadeloupe près de trois cents ans avant Léonard, à la recherche des épices orientales, « les fleurs des îles commencèrent à exhaler des senteurs qui les émerveillèrent tous. [. . .] Il s'est dit qu'ils avaient trouvé des arbres à mastic et du gingembre, de la cire et de l'encens, du santal et tant d'autres choses Mais [...], on n'a rien trouvé de tout cela, ni dans cette île, ni en aucune autre ». Hernando Colomb mentionne cependant une espèce à l'origine de ces parfums : « Ils y trouvèrent [...] certains arbres qui, par leur odeur et leur saveur, semblaient être des arbres à cannelle. . . »
Actuellement, deux espèces, originaires d'Amérique, portent le nom de bois cannelle ou de cannelier sauvage : Phoebe elongata (Vahl) Nées, espèce rare de l'horizon inférieur de la forêt hygrophytique et Canella winterana (L.) Gaertn. dont toutes les parties de la plante sont aromatiques, et particulièrement l'écorce. Cet arbuste, originaire des États-Unis, des Grandes et Petites Antilles, est caractéristique des zones sèches ; il est particulièrement commun au niveau du littoral et des mornes de Grande-Terre. Il se peut qu'il s'agisse de l'arbre odoriférant observé au XVIe siècle, mais rien ne permet de l'affirmer.
Léonard évoque ces arbres à cannelle : « On défrichait [...] [près de la rivière du Pérou], de vastes forêts [pour les] mettre en culture. [On fit] croître dans ses terres, le plus grand bois de canneliers qui fut dans l'île. » la cannelle dont l'écorce agrémente de sa pointe d'exotisme nos desserts est assez commune à la Guadeloupe, Cinnamomum zeylanicum Blume, est cultivée et naturalisée dans l'île. Cette espèce originaire de Ceylan n'est pas l'espèce cultivée à la fin du XVIIIe siècle. Jusqu'au milieu de ce siècle, la précieuse écorce des jeunes rameaux n'était récoltée que sur les arbres sauvages ceylanais car on croyait que la culture en diminuait la qualité. Un colon, le docteur Koke, soutenu par le gouverneur de l'île hollandaise, créa vers 1765 les premières plantations. Mais c'est dès 1752 que les canneliers arrivèrent à l'île de France et de la Réunion. Charpentier de Cossigny fut à l'origine de leur multiplication dans ces deux îles et probablement de son apparition à la Guyane.
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Vertus médicinales :
M. Cabre, auteur de Notes de Phytothérapie - Allopathique et Homéopathique comparées (en ligne) propose la description suivante :
Canella Winterana (L.) Gaertn., Laurus Winterana L., Winterana canella L., C. alba Murr., C. laurifolia Lodd. ; cannelle blanche.
V. : bois cannelle.
Toutes les parties de cette plante sont aromatiques, antiscorbutiques. mais c'est surtout dans l'écorce que résident les propriétés toniques, stimulantes et hémosta-tiques qui lui ont valu sa réputation. Elle les doit à une huile essentielle, à saveur- chaude, brûlante et d'une âcreté très prononcée. L'essence contenue dans cette écorce est très irritante, mais peu toxique. Elle fait partie du groupe des essences excito-stupéfiantes. Elle est constituée par de. l'aldéhyde cinnamique de l'aldéhyde benzoïque, de l'eugénol. Elle renferme de la résine, un principe muer, de la mannite, du mucilage et de l'amidon. Elle a une odeur qui rappelle celle de la menthe et du cajeput. (E. H.)
Son action est d'abord stimulante et marquée par de l'agitation, de l'exagération de là puissance musculaire, de l'accélération des battements cardiaques et des mouvements respiratoires. Il se produit, en même temps, une exagération des sécrétions et une accélération des mouvements péristaltiques intestinaux. L'action secondaire se traduit, au contraire, par de la dépression et de la somnolence. De fortes doses, d'emblée, peuvent provoquer des accidents convulsifs. On utilise la cannelle comme stimulant du système nerveux central, dans les cas de collapsus et 'de tendance à la syncope et comme - 41 excitant des fonctions digestives. Elle est prescrite aussi comme hémostatique dans la métrorragie.
Posologie. — Poudre : 0 gr, 50 à 2 gr. ; teinture (codex) : 0 gr. 50 à 6 gr. en potion ; décoction : 3 à 4 gr. d'écorce pour une tasse à thé.
L'essence de cannelle possède encore des propriétés antiseptiques remarquables, et a été préconisée pour la désinfection des mains, en chirurgie. Son emploi comme antiseptique est limité, surtout en raison de son action irritante. (Pouchet.)
Aux lieu et place de la cannelle blanche, dans le commerce et, en pharmacie, on utilise, sous le nom d'écorce de Winter. une écorce sarmenteuse qui provient d'un arbre de la famille des Magnoliacées : la Drymis Winteri Forst, originaire du détroit de Magellan ; mais on emploie plus encore l'écorce d'une cannellacée : le Cinnamodendron corticosum Miers.
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Jacqueline Manicom, dans La graine : journal d'une sage-femme. (Éditions Presses de la Cité, 1974) évoque le quotidien d'une sage-femme à la Guadeloupe :
Man'an Loulouse était « chace-femme »... Il ne se passait pas de jour qu'elle ne fît des kilomètres à la ronde pour assister et délivrer les femmes des alentours de Vieux-Bourg-Morne-à-l'Eau. toutes faisaient appel à son savoir, les négresses les plus noires, les négresses rouges, les chabines, les femmes malabares et même les pauvres Blanches-Matignon pourtant beaucoup plus éloignées. Elle possédait la science des matrices, ce qui lui donnait le pouvoir de « tourner » un enfant mal placé tout comme d'administrer un mystérieux breuvage à base de feuilles de dragon, d'écorces d'ananas ou de bois-cannelle qui servait à « couler » une grossesse non souhaitée.
Mickaël Welfringer, auteur d'une thèse intitulée La Thériaque : analyse d'un contrepoison de l'Antiquité et héritage dans la pharmacie d'officine d'aujourd'hui (Université de Lorraine, 2017) mentionne l'usage de la Feuille indienne dans la Thériaque :
La feuille indienne, Folium indicum, ou Malabathrum est une plante dont on pensait qu’elle flottait sur l’eau et n’avait pas de racine. Il n’en est rien car ces feuilles poussent sur un grand arbre d’Inde, Canella sylvestris malabarica, dont l’aspect se rapproche du cannelier de Ceylan. Les feuilles indiennes ont 3 nervures et de forme ovale avec une couleur vert pâle. Il ne reste aujourd’hui qu’une seule espèce dans le genre Canella, Canella winterana (L.) Gaertn.
Les feuilles indiennes sont utilisées dans la Thériaque pour leurs propriétés similaires au spica nard c’est-à-dire le pouvoir astringent et l’arôme agréable. (Charas, 1685) (Rigaud, Barthe, & Bouttes, 1689).
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Usages traditionnels :
Anthony Todd Thomson, auteur d'une Botanique du droguiste et du négociant en substances exotiques. (Librairie de Malher et Cie, 1827) distingue deux manières de conditionner l'écorce du Bois-cannelle :
On débarrasse l'écorce des branches de son épiderme et on la fait sécher à l'ombre. On nous l'apporte dans des barils ou dans des caisses, en longs morceaux, dont quelques-uns sont roulés en tuyaux de plumes et d'autres aplatis. La sorte roulée est beaucoup plus épaisse que la cannelle vraie (cinnamon), et la sorte plate est ordinairement d'un quart de pouce d'épaisseur.
Qualités. Les morceaux roulés de cannelle blanche sont d'un jaune blanchâtre des deux côtés, et rompent en offrant une cassure amylacée ; les morceaux plats, qui paraissent être l'écorce des plus grosses branches ou du tronc, sont jaunes à l'extérieur et d'un brun pâle intérieurement. L'odeur de l'une et de l'autre espèce, quand leur cassure est récente, est aromatique, et rappelle un mélange de gérofle et de cannelle vraie. La saveur est légèrement amère , extrêmement chaude et piquante. Quoique l'eau bouillante enlève près d'un quart du poids de cette écorce , l'infusion n'a qu'à un faible degré son piquant et sa chaleur : c'est dans ce cas l'amer qui prédomine. L'alcool en extrait à merveille les principes : la teinture est d'un jaune brillant, et devient laiteuse par l'addition d'eau. L'infusion ne change point par la noix de galle, ni par les sulfates de fer, de zinc, ni par le muriate de mercure, ni par l'antimoine tartrisé ; mais le nitrate d'argent et l'acétate de plomb la rendent laiteuse et y occasionnent des précipités. Par la distillation avec de l'eau , la cannelle blanche fournit une huile essentielle jaune, épaisse, lourde, très-piquante et suave, dont il paraît qu'avec un peu de matière résineuse amère ses vertus dépendent.
Dans l'Encyclopédie des plantes médicinales (Larousse, 2021) on peut lire la notice suivante :
HISTOIRE ET TRADITIONS. La cannelle a longtemps servi à parfumer le tabac (Nicofiana tahacum).
EFFETS ET USAGES MÉDICINAUX. La cannelle est toxique pour les cellules. Elle soigne les mycoses et éloigne les insectes. Stimulant et antiseptique, elle est souvent utilisée aux Antilles et en Amérique latine à la place de la cannelle de Ceyian (Cinnamomum verum). En infusion, on la consomme pour son arôme agréable et ses effets toniques. Elle soigne les maux d'estomac, les indigestions ainsi que la fièvre puerpérale, une infection qui se déclare après l'accouchement.
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