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Le Polypore soufré




Étymologie :


  • POLYPORE, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1790 (J.-J. Paulet, Traité des champignons, I, 512 ds R. Ling. rom. t. 42, p. 452). Empr. au lat. sc. mod. polyporus « id. » 1729 (P. A. Micheli, Nova Plantarum Genera, 129 d'apr. NED Suppl. 2), formé de l'élém. gr. π ο λ υ-, de π ο λ υ ́ ς « nombreux » et du gr. π ο ́ ρ ο ς « pore, passage ».


  • SOUFRÉ, -ÉE, adj. et subst. masc.

Étymol. et Hist. V. soufrer.


  • SOUFRER, verbe trans.

Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1256 soufré « qui renferme du soufre (en parlant d'une eau) » (Aldebrandin de Sienne, Rég. du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, p. 25) ; b) 1784 soufré « qui est d'un jaune de soufre » (Bern. de St-P., Ét. nature, t. 3, p. 243) ; c) 1853 entomol. (Nerval, Chât. Bohême, p. 25) ; 2. a) 1636 soufrer « enduire de soufre (des allumettes, etc.) » (Monet) ; b) 1679 soufrer de la toile de soie (Rich.) ; c) 1690 soufrer le vin (Fur.) ; d) 1855 vitic. (Marès, Des Moyens de combattre la maladie de la vigne, emploi du soufre..., p. 16). Dér. de soufre*; d'abord suff. * puis dés. -er.


Lire également la définition du nom polypore et de l'adjectif soufré afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Laetiporus sulphureus - Mort-de-cerisiers - Polypore sulfuré - Poulet des bois -

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Mycologie :


Avant de décrire le Polypore soufré dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) Lyra Ceoltoir présente rapidement les Polypores lignicoles :


Ils montent, ils montent, ils montent, telles de petites marches imbriquées sur les troncs des arbres de la forêt. Les polypores lignicoles (qui poussent donc comme leur épithète l'indique, sur le bois) sont une vaste famille rassemblant plusieurs taxons distincts, parfois très différentes, qui ont en commun de présenter un hyménium parsemé de très nombreux pores (d'où leur nom, « poly » signifiant « plusieurs »). Nous ne pouvons naturellement pas aborder les quelques trois cents espèces présentes rien que sur le territoire français, nous nous restreindrons donc à trois des espèces emblématiques de cette famille, épousant la forme caractéristique d'une « console » poussant à la perpendiculaire des troncs d'arbres.


Vie de champignon : Le Polypore soufré (Laetiporus sulphureus, du latin laetus porus, « pores [de couleur] gai(e)s » et sulfur eus, « à couleur de soufre » ) se distingue des précédents [à savoir le polypore marginé et le polypore du bouleau], par sa pousse en vastes colonies groupées en touffes, souvent massives. Avec leur couleur jaune éclatante, évoquant le souffre qui leur a donné son nom, il est difficile de rater ces gros empilements en éventail de chapeaux mous et charnus qui se détachent nettement sur les troncs d'arbres. Chaque chapeau mesure de 10 à 40 centimètres de diamètre (certains dépassent les 50 centimètres) sur 10 à 15 centimètres d'épaisseur en moyenne, et préserve une consistance molle et aqueuse, qui tend à se rigidifier ainsi qu'à se dessécher avec l'âge. Les vieux spécimens deviennent ainsi blanchâtres et cassants.

Le polypore soufré n'est pas regardant sur la nature de son hôte et se plaît sur de nombreuses essences arboricoles, même s'il semble préférer les chênes et les arbres fruitiers, d'où son nom vernaculaire de « mort-aux-cerisiers ». De même, il ne se cantonne pas à la forêt, et ses spores, portées par le vent, s'exportent jusqu'en ville. Dans les années 1990, il fut ainsi une belle menace pour les vernis du Japon plantés... dans les rues de Paris !

Lui, en effet, est bien un parasite : il se développe du printemps à l'automne sur les troncs à partir d'une blessure du bois et vide littéralement l'arbre de l'intérieur, en se développant très rapidement. Une grappe peut ainsi atteindre plus de 10 kilogrammes par temps humide. Il est souvent fatal à son hôte, mais ne s'attaque pas aux arbres sains, colonisant les individus affaiblis, cassés par une tempête ou un choc, ou déjà malades. Disons que c'est une forme d'euthanasie végétale...

Néanmoins, si son aspect est particulier, son odeur, sa saveur et la texture de sa chair le sont bien plus encore puisqu'elles rappellent la viande de poulet ! Jeune, il est comestible, même si tous les estomacs ne le supportent pas : certains gourmands ont rapporté des désordres digestifs et des malaises tels que des vertiges à la suite de son ingestion, sans doute à cause d'une cuisson trop faible. Il est recommandé de le cuisiner à plus de 100°C pendant plusieurs minutes pour en améliorer la digestibilité. Attention aux personnes allergiques, il contient 0.19 % d'acide arachidique. Il est très prisé outre-Atlantique, surtout aux États-Unis, et en Angleterre, où on le surnomme « chicken of the woods » (« poulet des bois ») en raison de sa chair présentant la texture et la saveur de la viande de poulet une fois cuite. D'un point de vue nutritionnel, il possède d'intéressantes propriétés antioxydantes ainsi qu'antimicrobiennes, et les industries agroalimentaire et pharmaceutique emploient volontiers certain de ses composants comme antibiotiques et antifongique (ironique, pour un champignon, n'est-ce pas ?).

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Vertus médicinales :


Christelle Francia, Françoise Fons, Patrick Poucheret et Sylvie Rapior, auteurs d'un article intitulé "Activités biologiques des champignons : Utilisations en médecine traditionnelle." (In : Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, 2007, 147 (4), pp. 77-88.) recensent les usages traditionnels des champignons :

Usages traditionnels

​Espèces utilisées

​Lieux géographiques

​Posologie, formes galéniques, renseignements complémentaires

​Références

Astringent

​Laetiporus sulfureus (Polypore soufré)

​Europe

​Utilisé comme antidiarrhéique

​Birkfeld in Tyler (1977)

 

Dans L'univers des champignons. (Les Presses de l'Université de Montréal, 2012), Jean Després précise que :


Le champignon des dieux des Indiens Dakota, le Polypore soufré, (Laetiporus sulfureus), tient d'une lectine (protéine contenue dans sa chair) ses propriétés coagulantes du sang.

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Usages traditionnels :


François Simon Cordier, auteur de Les champignons : histoire, description, culture, usages des espèces comestibles, vénéneuses, suspectes, employées dans les arts. (J. Rothschild, 1876) évoque deux usages du Polypore soufré :


Sa chair est jaunâtre, pâteuse à la bouche et un peu aigrelette. Vieux et desséché, il devient friable et se décolore. Les teinturiers l'emploient pour teindre en jaune. Paulet dit en avoir mangé sans inconvénient et l'avoir trouvé bon. Sa chair même devenant promptement coriace, il ne serait comestible que dans le jeune âge.

Le Polyporus Ceratoniæ, Barla, t. 30, qui vient sur les vieilles souches du caroubier, n'est, selon toute vraisemblance, qu'une variété du Polyporus sulfureus. On le récolte aux environs de Nice, et on le fait servir comme aliment, quoiqu'il soit, dit M. Barla, d'une qualité assez médiocre.

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Symbolisme :


Selon François Simon Cordier, auteur de Les champignons : histoire, description, culture, usages des espèces comestibles, vénéneuses, suspectes, employées dans les arts. (J. Rothschild, 1876) :


Le Polypore soufré, Polyporus sulfureus, Fr., qui est très voisin du Polypore officinal, a été trouvé tout lumineux sur un vieux chêne du bois de Boulogne. Il ressemblait , dit Paulet, à des flammes de feu dans l'obscurité.


 

Francis Martin dans son ouvrage intitulé Sous la forêt. Pour survivre il faut des alliés. (Éditions HumenSciences, 2019) qualifie le Polypore soufré de fossoyeur de la forêt :


Une fois la fondrière franchie, le sentier longe une frayère où des saumons Sockeye rougeâtres, épuisés, déformés, accomplissent un rituel ancestral. Les rives du cours d'eau sont colonisées par d'impénétrables forêts d'aulnes, de bouleaux et de trembles. Puis le chemin étroit disparaît dans les profondeurs ténébreuses de la forêt humide. en lisière, les pruches et les épinettes de Sitka ont payé un lourd tribut aux violentes tempêtes hivernales qui frappent durement la forêt côtière.

Les grands conifères gisants, couverts d'un linceul de mousse, évoquent la mort. Une forte odeur de décomposition émane des blessures que les géants affalés portent sur leurs flancs. C'est la vie qui exhale ainsi de la pourriture. La mort génère la vie ; je le sais. Ces longs fûts brisés grouillent d'une multitude d'agents microscopiques qui transmutent la matière organique inanimée en fluide énergétique. Les atomes de carbone entament une autre phase de leur cycle : puisés dans l'air; les feuilles les ont transformés en sucres. Ils ont circulé jusqu'aux plus petites ramilles et radicelles avides de ce fluide vital, permettant une croissance prodigieuse. D'autres ont généré les longues fibres torsadées de lignine et de lignine. Le bois, ainsi élaboré, a permis la formidable érection des arbres géants. Enserrés dans leur carcan ligneux, ils se sont lancés à l'assaut des nuages pendant des siècles - trait d'union entre les ténèbres telluriques et les cieux lumineux. Désormais, prisonniers du grand corps inerte couché sur le sol humide, ils se transforment à nouveau : cellulose et lignine sont dégradées, hydrolysées, consommées et leurs atomes passent dans d'autres corps. Une formidable transmutation accomplie par les alchimistes de la forêt : les champignons décomposeurs.

Là, sur une souche énorme, plantée dans un océan de mousses et fougères, se déploie l'un de ses décomposeurs : un flamboyant Polypore soufré (Laetiporus sulphureus). Vous l'avez forcément déjà aperçu, il est facilement reconnaissable avec ses chapeaux multiples, ourlés, étagés et imbriqués en éventail, reposant en console sur les souches pourries. Avec ses palmettes orangées, la fructification imposante mesure plus de cinquante centimètres - une véritable lanterne allumée dans l'obscurité du sous-bois. Le tronc qui la soutenait a été grandement digéré. Ce qui fut un arbre est désormais fragmenté en de multiples petits cubes, les stigmates de la pourriture brune. Un dense réseau de filaments mycéliens a colonisé la totalité de la souche et l'a digérée de l'intérieur pour permettre l'émergence de cette protubérance fongique, d'une dizaine de kilos. Le champignon a consommé les microfibres de cellulose, sans toucher à la lignine. Il n'est pas équipé pour dégrader ce polyphénol indigeste ; il se contente de l'altérer avant de l'écarter pour se frayer un chemin. En conséquence, le bois a perdu toute résistance mécanique et mes doigts l'écrasent en une masse pulvérulente brune.. Le polypore soufré est l'un des membres de al communauté des « mangeurs de bois » : les lignivores, ou xylophages.

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Dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) Lyra Ceoltoir rend compte de son expérience magique avec les champignons :


Vivre et laisser mourir : Charme d'abandon

Si vous souhaitez vous débarrasser de quelque chose devenu inutile, pesant ou toxique, écrivez-le sur une bandelette de papier que vous brûlerez à la flamme d'une bougie noire en énonçant votre intention à voix haute, ferme et résolue. Récoltez soigneusement les cendres et allez les répandre au pied d'un arbre mort colonisé par des polypores, ou directement sur un groupe de polypores soufrés. Confiez votre deuil au champignon par une petite incantation de votre cru, par exemple :


« Aujourd'hui et demain ne seront plus pareils,

De cette situation il faut que je m'éveille.

J'ai brûlé mon fardeau, à toi je le confie.

Fais-le dès à présent s'en aller de ma vie. »


Remerciez-le champignon en silence et partez sans vous retourner. Lâchez prise.

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