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Le Lait de tigresse





Autres noms : Lignosus rhinocerus - Polyporus sacer - Champignon de la tigresse - Champignon lait de tigre - Susu rimau (en malais/indonésien), ce qui signifie littéralement "lait de tigre" ou "lait d'or" -




Vertus médicinales :



Roger Heim, auteur d'un article intitulé "La nomenclature mycologique des Lissongo" (In : Cahiers de la Maboké, vol. 1, pp. 77-85, 1963) évoque les qualités médicinales de ce champignon :


Le Leucoporus Sacer (Fr.) Pat., fort utilisé en pharmacopée chinoise, retrouve son usage chez les Lissongos où tubercule, stipe, chapeau, sont pareillement employés contre les maux intestinaux ; c’est le tongôlô, qui est aussi le nom du bâton sur lequel les vieilles gens s'appuient pour marcher, comparaison que suggèrent la longueur et la régularité du pied de ce polypore.


 

Daniel Thoen, dans un article intitulé "Usages et légendes liés aux Polypores. Note d'ethnomycologie n° 1 -IV" (In : Bulletin trimestriel de la Société Mycologique Française. 98 (3) : pp. 289-318) relève les qualités liées aux traitement des maladies respiratoires déjà repérées par Roger Heim :


  Leucoporus sacer, connu en Extrême-Orient sous le nom de How-Gui-Kov, entre dans la préparation d'un médicament réputé efficace contre l'asthme en Chine, au Siam et en Thaïlande. En Malaisie, le même champignon est utilisé dans le traitement de la consomption [Amaigrissement et dépérissement progressifs dans certaines maladies, en particulier la tuberculose] et des refroidissements. 

(Roger HEIM, Le Champignon de la Tigresse. Revue de Mycologie, 24, 3, 1959, pp. 275-276, 1959).

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L'article intitulé "Utilisations ethnomédicinales, activités pharmacologiques et culture de Lignosus spp. (champignons de lait de tigre) en Malaisie - Une revue" (In : Journal d’ethnopharmacologie, Tome 169, 1er juillet 2015, pp. 441-458) de Lau Beng Fye et al. est disponible de manière partielle sur le Net :


Intérêt ethnopharmacologique : Plusieurs membres du genre Lignosus, connus collectivement sous le nom de cendawan susu rimau (en malais) ou tiger׳s milk mushrooms (TMM), sont considérés comme d'importants médicaments locaux, en particulier par les communautés indigènes de Malaisie. Les sclérotes des champignons sont censés être efficaces pour traiter le cancer, la toux, l'asthme, la fièvre et d'autres affections. Le Lignosus spp. le plus fréquemment rencontré en Malaisie a été authentifié comme étant le Lignosus rhinocerotis (Cooke) Ryvarden (synonyme : Polyporus rhinocerus), qui est également connu sous le nom de hurulingzhi en Chine et a été utilisé par les médecins chinois pour traiter le cancer du foie, les ulcères gastriques et l'hépatite chronique. Malgré l'intérêt croissant pour le potentiel thérapeutique des TMM, il n'existe pas de compilation de preuves scientifiques à l'appui des utilisations ethnomédicales de ces champignons. La présente étude a donc pour but (I) de fournir une vue d'ensemble complète et actualisée des utilisations ethnomédicales, des activités pharmacologiques et de la culture des TMM en général et de Lignosus rhinocerotis en particulier, (II) de montrer comment les découvertes scientifiques récentes ont validé certaines de leurs utilisations traditionnelles, et (III) d'identifier les possibilités de recherche future et les domaines à privilégier pour la bioprospection des TMM (tiger׳s milk mushrooms).


Résultat : Les connaissances ethnomycologiques sur le TMM, qui mettent l'accent sur les associations culturelles et l'utilisation en tant que médecine locale, ont été compilées de manière exhaustive et systématique pour la première fois. Certaines des propriétés médicinales rapportées du TMM ont été validées par des études scientifiques. Les activités anti-tumorales, immuno-modulatoires, anti-inflammatoires, anti-oxydantes, anti-microbiennes, la stimulation de la croissance neuritique et d'autres activités pharmacologiques des extraits sclérotiques de L. rhinocerotis ont été explorées. La nature des composants bioactifs des sclérotes, tels que les protéines, les polysaccharides et/ou les complexes polysaccharide-protéine, a été identifiée, tandis que les composants de faible poids moléculaire restent peu étudiés. La culture artificielle de L. rhinocerotis via un substrat solide et des fermentations liquides a permis de produire des fructifications, des sclérotes, des mycéliums et des bouillons de culture qui pourraient être exploités comme substituts des ressources sauvages. Le sclérotium et le mycélium cultivés se sont révélés sûrs d'un point de vue toxicologique. D'autres domaines de recherche, tels que les études chimiques, la génomique et la protéomique, ont été utilisés pour mieux comprendre les propriétés médicinales du TMM.


Conclusions : Cette étude a permis de clarifier les propriétés médicinales du TMM telles qu'elles sont décrites dans divers documents ethnomycologiques, tout en soulignant les efforts actuels visant à fournir des preuves scientifiques à l'aide de divers modèles in vitro et in vivo. Jusqu'à présent, seuls les effets antitumoraux et immunomodulateurs des extraits aqueux sclérotiques de L. rhinocerotis ont fait l'objet d'études approfondies, et d'autres propriétés médicinales liées à leurs utilisations traditionnelles, par exemple les propriétés antitussives et antipyrétiques, n'ont pas encore été validées. D'autres études axées sur (I) l'isolement et la caractérisation des composants actifs, (II) l'élucidation de leurs modes d'action et (III) l'évaluation de leur sécurité et de leur efficacité, par rapport aux préparations aqueuses brutes, sont justifiées pour accélérer la découverte potentielle de médicaments à partir du TMM.

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Utilisations ethnomédicales : Dans "The Diary of John Evelyn", le jésuite avait consigné en 1664 le nom d'un champignon utilisé par les communautés locales sous le nom de Lac tygridis (tiger׳s milk), qui servait à traiter des maladies pour lesquelles les médecins européens ne trouvaient pas de remèdes. La partie décrite comme "lourde comme un métal, mais qui était une concrétion ou une coagulation d'une autre matière" (Bray, 1879) faisait très probablement référence au sclérotium. Si Lac tygridis se réfère effectivement à Lignosus spp. on peut en déduire que, sur la base des données historiques, le sclérotium a été identifié comme étant le sclérotique.

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Symbolisme :


F.S. Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) rend compte du caractère éminemment sacré de ce champignon dans certains pays d'Afrique :


Du reste, l'homme ne s'est pas contenté de s'enivrer du poison du champignon ; il a été, dans certaines régions de l'ouest de l'Afrique, jusqu'à faire un dieu d'une espèce de Bolet, que pour cette raison Afzelius a appelé sacré, Boletus sacer, Polyporus sacer, Fr. Les nègres de la Guinée rendent à ce champignon, remarquable toutefois par sa beauté, un véritable culte ; ils le vénèrent comme ils vénèrent divers autres objets naturels, qu'ils regardent comme des divinités tutélaires.


 

Daniel Thoen, dans un article intitulé "Usages et légendes liés aux Polypores. Note d'ethnomycologie n° 1 -IV" (In : Bulletin trimestriel de la Société Mycologique Française. 98 (3) : pp. 289-318) rappelle une légende récoltée par Roger Heim :


L'apparition des champignons est longtemps restée mystérieuse. Il n'est donc pas étonnant que leur croissance ait donné lieu à des légendes quant à leur apparition, jugée alors surnaturelle.

Une légende chinoise est associée à la croissance de Leucoporus sacer, un polypore des régions tropicales d'Asie et d'Afrique : « là où la tigresse laisse tomber une goutte de lait, et là seulement, le champignon pousse, ce qui explique, nous dit-on, sa rareté » (Heim, 1959).

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 Lau Beng Fye et al. auteurs de "Utilisations ethnomédicinales, activités pharmacologiques et culture de Lignosus spp. (champignons de lait de tigre) en Malaisie - Une revue" (In : Journal d’ethnopharmacologie, Tome 169, 1er juillet 2015, pp. 441-458) rendent compte de la place du Lignosus dans les croyances malaises :


Croyances et mythes traditionnels : Le folklore malais suggère que les sclérotes du TMM sont du lait de tigre figé. Barnes (2005) a également mentionné que le "tiger׳s milk" était une plante dérivée du lait des tigres "lorsqu'ils sont furieux et enragés par la poursuite des chasseurs". On sait peu de choses sur les associations culturelles du TMM ; cependant, les Orang Asli (peuple indigène de la Malaisie péninsulaire) possédaient certaines croyances traditionnelles sur le TMM. Par exemple, les Semai pensent que le TMM peut restaurer l'esprit de la rizière et ainsi assurer la survie de l'espèce.


 

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Mythologie :


Pierre Le Roux, dans un article intitulé "Mythes de l’origine du tigre et de ses rayures et de l’origine du taureau portant la terre chez les Jawi de Thaïlande du Sud et les anciens Malais péninsulaires : approche ethnoscientifique d’un symbole social central" (ANTHROPOZOOLOGICA • 2023 • 58 (4 © Publications scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, 2023) évoque le champignon qui nous intéresse à propos de la mythologie relative au tigre :


Dans les cosmogonies d’Asie du Sud-Est, notamment dans le monde austronésien, le tigre et l’homme ont souvent une origine commune. C’est-à-dire que dans de nombreux mythes, il est dit que le tigre provient du sperme d’un humain, par exemple chez les Gayo de Sumatra (Wessing 1986 : 11). Chez les Jawi, comme expliqué dans le mythe d’origine du tigre présenté plus loin, c’est une divinité ou plutôt un démon, anthropomorphe de toute façon, qui donne naissance au tigre.

Par sa puissance, le tigre est synonyme de vitalité, de fertilité. À ce sujet les Jawi ont certaines croyances qui rappellent, pour l’Occident et dans le même registre, la puissance attribuée aux pendus qui lâchent leur sperme supposé faire pousser une mandragore, plante réputée magique (Mandragora officinarum L.,1753) à l’endroit où il touche le sol, ou encore celle de l’ours ou homme primitif viril dénoncé par l’Église chrétienne au Moyen Âge, et remplacé comme roi symbolique des animaux par le lion, plus lointain donc potentiellement moins dangereux sexuellement, pour cette raison (Hoffmann-Schickel et al. 2017). Lorsque les femelles tigres ont leur portée, les Jawi disent ainsi que leur lait tombe parfois au sol et engendre alors un champignon nommé kula’ susu γima (« champignon lait de tigre », kulat susu harimau en malais). Chez les Jawi et les Malais, ce champignon blanchâtre, Lignosus rhinocerus (Cooke) Ryvarden (1972), évidemment rare, a la réputation d’être une médecine très puissante, ce que confirme une publication récente (Tan et al. 2021). Chez les Jawi et les Malais, on en frotte par exemple les seins des jeunes mères qui ne donnent pas de lait afin de les rendre nourricières.

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