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La Carpe

Dernière mise à jour : 16 mars


Étymologie :


  • CARPE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. 1268-71 « gros poisson d'eau douce » (E. Boileau, Métiers, éd. R. de Lespinasse et Fr. Bonnardot, 1re part., titre XCIX, IV) ; 1611 saut de la carpe (Cotgr.) ; cf. 1828-29 saut de carpe (F. Vidocq, loc. cit.) ; 1846 muet comme une carpe (A. Dumas Père, loc. cit.). Du b. lat. carpa « sorte de poisson du Danube » attesté par un ex. de Cassiodore (Var., 12, 4, 1 ds TLL s.v., 488, 73) prob. empr. à une lang. de l'Europe orientale, peut-être par l'intermédiaire du got. (Walde-Hofm. ; FEW t. 2, p. 398b ; v. aussi Jud ds Bull. du gloss. des pat. de la Suisse rom., 1912, pp. 8-9) ; l'absence de palatisation du c(a) s'explique plutôt par la date tardive de la pénétration du mot ds la Romania (FEW, loc. cit.) que par un empr. au prov. (Brüch ds Einfluss germ., 8 ; EWFS2).


Lire aussi la définition. afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Expressions populaires :


Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expression populaires bien connues :


Faire des yeux de merlan frit, dit le Larousse dans son édition de 1898 : "Lever les yeux au ciel, d'une manière ridicule, de sorte qu'on n'en voit plus que le blanc."

C'est là une gestuelle de cinéma muet, qui, accompagnée des soupirs énamourés de rigueur, na guère plus cours chez les amants… L'expression est pourtant demeurée en usage depuis le dernier quart du XIXe siècle où elle est apparue, reprenant une notion d'œil blanc qui était jusque-là l'apanage de la carpe.

C'est en effet la carpe, poisson d'eau douce autrefois fort commun sur toutes les tables, qui a fourni le prototype de cette image culinaire de la pâmoison amoureuse, réelle ou rêvée.

Je suis allé pêcher dans une œuvre dormante du comte de Caylus où peu de gens laissent traîner leurs filets, la constatation irréfutable que la métaphore des yeux de poisson frit était déjà bien établie dès la première moitié du XVIIIe siècle : "Un jour, c'était pendant le grand chaud de l'été, s'étant retiré dans une grotte qui était au bord de ce canal, il vit une belle grande carpe, mais grande comme une personne ; ce qu'on remarquait davantage, c'était ses yeux ; jamais on n'en avait vu de si tendres. C'est de là qu'on a dit des amants qui regardent tendrement leur belle : qu'ils font des yeux de carpe frite." (Caylus, Recueil de ces Messieurs, 1745).


Le mariage de la carpe et du lapin : Le mariage de la carpe et du lapin, par l'absurdité de la proposition, symbolise une alliance impossible, une union vouée à l'échec, ou, au sens propre, un mariage outrageusement mal assorti. On ne se douterait guère que cette association contre nature a fait elle aussi autrefois l'objet d'une attraction de foire, devant des foules naïves haranguées par des bonimenteurs audacieux. c'est pourtant ce que nous révèle Alphonse Karr, faisant allusion aux procédés des charlatans pour capter l'attention des badauds : « On se rappelle ce charlatan qui disait : "J'ai guéri le roi du Maroc, à preuve voici sa peau". Et cet autre, qui annonçait l'exhibition du fruit des amours d'une carpe et d'un lapin, disant aux spectateurs : "Voici le lapin dans cette cage et la carpe dans ce baquet, le père et la mère ; quant à l'enfant, il est pour le moment au jardin des Plantes, où M. de Lacépède, grand animalier de France, m'a prié de le faire conduire". » (Bourdonnements, 1880)

Le naturaliste Lacépède étant mort en 1825, on peut penser que cette farce foraine remontait au moins à l'époque de la Restauration. Cependant la locution elle-même, sans doute détachée du spectacle qui l'a créée, ne paraît pas avoir circulé en tant que telle avant la fin du XIXe siècle.

L'intéressant est que, dans ce cas également, l'association culinaire prend parfois le dessus, tant la force de la gastronomie est vive dans notre pays. « Mariage » est alors ressenti au sens où le goût de la sauge, par exemple, se "marie" bien avec le porc... Un écrivain, observateur aigu du langage, m'a signalé que dans sa jeunesse (les années 1930 je crois), le « mariage de la carpe et du lapin » était compris dans sa famille comme désignant la réunion impossible du jour maigre - le vendredi, jour de la "carpe" - et les jours gras de la semaine où l'on mangeait du lapin. La locution avait presque valeur en ce cas d'un interdit religieux, ce qui montre bien à quel degré de profondeur les locutions usuelles peuvent être implantées en nous.

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Zoologie :


Selon Simon Byl et Sarah Schouls, auteurs de "Quelques préjugés d'Aristote en ichtyologie et leur survivance chez certains de ses successeurs jusqu'au XVIIIe siècle." (Revue belge de Philologie et d'Histoire, 1990, vol. 68, no 2, pp. 305-314) :


Le Stagirite est aussi le premier, à notre connaissance, à avoir remarqué que la carpe ne possède pas une véritable langue : « Cependant, chez certains poissons, la voûte du palais est charnue, par exemple, parmi les poissons de rivière, chez les carpes, au point que si l'on n'y regarde pas de près on peut croire qu'il s'agit d'une langue » (1). Les descriptions de l'organe palatal de la carpe que font Rondelet au XVIe siècle et les Amstellodamois au XVIIe confirment la description d'Aristote (2).

[...] Le mythe de la génération spontanée ne disparaît évidemment pas avec Aristote. Pline (3) y croit toujours. Rondelet est toujours d'avis que l'anguille naît de la pourriture d'un cheval mort et d'autres bêtes (4) ; en ce qui concerne la carpe, il va même plus loin que le Stagirite, puisqu'il lui attribue une génération spontanée. Willughby répétera la même chose : ... Cyprinos nasci, sed etiam sponte, e sine ullo maris et faeminae semine : id quod experientia mihi confirmavit. Vidi enim in aquis in cava loca et montibus septa receptis et collectis sponte generatos Cyprinos ... (5). Au XIXe siècle, Lacépède n'adhère plus à cette croyance : « Les carpes fraient en avril, et même en mars, quand le printemps est chaud. Elles cherchent alors les places couvertes de verdure, pour y déposer leur laite ou leurs œufs » (6)


Notes : 1) H.A. IV, 8, 533a 28-30.

2) Cf. F. J. Cole, A History of comparative Anatomy from Aristotle to the 18th Century, Londres, 1944, p. 336 : la première description de l'organe palatin de la carpe a été faite par Rondelet en 1554 et la deuxième en 1667 par l'un des Amstellodamois, probablement Swammerdam.

3) Cf. Pline, H.N. IX, 57, 83.

4) G. Rondelet, op. cit., p. 144.

5) F. Willughby, op. cit., p. 246.

6) Lacépède, Histoire naturelle des poissons, Bruxelles (1833-1834), IV, p. 422.

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Croyances populaires :


Dans Croyances et remèdes populaire au pays de Liège (Éditions Vaillant, 1872, volume 3), Auguste Hock partage "les récits puisés dans les souvenirs de nos anciennes familles" à travers le dialogue entre des personnages fictifs :


- Pour la jaunisse, intervint le vieux batelier, voulez-vous savoir un bon remède ?

- Quoi ?

- Eh bien ! Appliquez sur la poitrine du malade une tanche ou une carpe vivante et laissez-la, tant qu'elle tombe en putréfaction.

 

On peut lire dans Le livre des guérisons et des protections magiques : Deux mille ans de croyances (Éditions Imago, 2016) de Claude Lecouteux que :


La pierre du cerveau d'une carpe mise contre le pli du petit doigt correspondant à la partie qui saigne arrête le flux de sang le plus impétueux qui puisse être (France, XVIIe siècle, Joubert).

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Symbolisme :


Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Lafffont, 1982),


"La carpe signifie pour nous ignorance et ... discrétion, les deux choses paraissant d'ailleurs liées.

En Extrême-Orient elle est un animal de bon augure : ainsi l'utilise-t-on fréquemment dans l'expression des souhaits. Sa longévité bien connue en fait, en outre, l'emblème d'un vœu du même ordre. La carpe est la monture et la messagère des Immortels : ils l'utilisent pour s'élever dans le Ciel (saut de carpe) et trouvent dans son ventre des messages ou des sceaux. Elle se transforme aisément en dragon ailé. Placée en effigie sur les toits, elle les protège de l'incendie. Au Viêt-Nam, c'est elle qui conduit au ciel le génie du Foyer, dans les jours qui précèdent le renouvellement de l'année. Mais c'est elle aussi qui, à la fête de la mi-automne, protège les maisons contre les méfaits de la Carpe d'or, esprit démoniaque, connu des légendes populaires.

En Chine, et surtout au Japon, la carpe symbolise le courage et la persévérance, car elle remonte le cours des rivières et, dit-on, les rapides. Symbole de virilité, elle est l'emblème des garçons. Aussi place-t-on, au jour de la fête qui leur est consacrée, ces carpes de papier au sommet d'un mât ou sur les toits des maisons. Elle est aussi le symbole de la suprématie intellectuelle. Offrir une carpe à un étudiant est un présage de succès aux examens.

Au Japon, l'on dit qu'au contraire des autres poissons qui cherchent à s'échapper, la carpe, lorsqu'elle se trouve sur la planche à découper, demeure désormais immobile et c'est ainsi que l'homme idéal doit faire en face de la mort inévitable.

Elle est un symbole de la vulve chez les Bambara ; les jeunes filles excisées chantent : Carpe, mère Carpe ; la mère Carpe est allée faire sa toilette ; une chose est apparue devant la mère Carpe ; si on la regarde on dirait que c'est un cordon rouge, c'est un pompon rouge, en faisant allusion au clitoris. La carpe est un présage de fécondité aux plans matériel et spirituel."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


"Il n'y a pas encore bien des années que vous auriez entendu dire à bon nombre d'honnêtes Parisiens que les carpes de Fontainebleau étaient contemporaines de François 1er", écrivait Gratien de Semur en 1843 pour montrer la longévité exceptionnelle attribuée à ce poisson. Il ajoute : "D'autres parlent des carpes merveilleuses et non moins âgées qui vivent sous la cathédrale de Strasbourg et qui sont devenues des monstres que personne n'a jamais vus". Ces croyances se retrouvent, avec quelques variantes, en Extrême-Orient où la carpe, de bon augure, est "la monture et la messagère des Immortels" et "se transforme aisément en dragon ailé". Son image placée sur les toits des maisons en détourne tout risque d'incendie. Au Viêt-nam, où "c'est elle qui conduit au ciel le génie du foyer, dans les jours qui précèdent le renouvellement de l'année", elle protège également, lors d'une fête au milieu de l'automne, d'un esprit démoniaque, la Carpe d'or, rendu populaire par les légendes. En outre, les Chinois et encore plus les Japonais offrent une carpe aux étudiants en gage de réussite aux examens car elle symbolise la "suprématie intellectuelle" et est un "présage de fécondité  aux plans matériel et spirituel". En Chine encore avant un examen, l'étudiant reçoit une carpe vivante qu'il doit remettre aussitôt à l'eau, pour ne pas subir de trous de mémoire et passer l'épreuve avec succès.

On trouve d'ailleurs mention dans quelques contes français de carpes échouées sur le rivage et qui remercient, de diverses manières, ceux qui ont la bonté de les remettre dans la rivière. La gratitude de la carpe ne l'empêche pas de présenter parfois un danger pour l'home qui plonge la main dans l'eau : en la frappant d'un coup de queue, elle le paralyse, selon une croyance d'Ille-et-Vilaine.

La carpe aurait aussi certains pouvoirs curatifs : au XVIe siècle, on attribuait à une pierre se trouvant dans son cerveau le pouvoir d'arrêter les saignements les plus vifs à condition de la placer contre le pli du petit doigt correspondant au côté hémorragique. Dans les Vosges, on soufflait cette pierre réduite en poudre dans le nez de celui qui saignait pour enrayer le flux de sang. En outre, une carpe vivante appliquée sur la poitrine jusqu'à ce qu'elle pourrisse fait guérir de la jaunisse (superstition des bateliers de la Meuse).

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Pour Melissa Alvarez, auteure de A la Rencontre de votre Animal énergétique (LLewellyn Publications, 2017 ; traduction française Éditions Véga, 2017), la Carpe est définie par les caractéristiques suivantes :


Traits : La Carpe symbolise le voyage, la reproduction et la croissance. Elle a tendance à devenir énorme en se développant. La plus grande jamais pêchée faisait plus de 94 kilos. La carpe n'a pas d'estomac, aussi sa nourriture est-elle digérée par ses intestins. A cause de cela, elle est toujours en train de manger (jusqu'à 40% du poids de son corps chaque jour), ce qui la fait grandir rapidement en lui évitant de devenir elle-même une proie, mais cela fait des dégâts dans l'habitat aquatique. La carpe femelle peut pondre jusqu'à un million d’œufs par année. Elle suit également les cours d'eau jusqu'aux lacs, où elle est considérée comme une sorte de fléau du fait de sa présence en grand nombre et de la destruction qu'elle cause. La carpe signifie que vous êtes dans une période de croissance, et que tout ce que vous poursuivez actuellement va se développer dans des proportions énormes. Attendez-ou à voyager au fil de ce que vous tentez d'atteindre.


Talents : Adaptable ; Courage ; Endurance ; Chance ; Travailleur ; Acharné ; Robuste ; Harmonie ; Conscience supérieure ; Longévité ; Présence ; Rayonnement Autodéfense ; Connexions spirituelles ; Tenace ; Souple ; Volontaire.


Défis : Agitation ; Impartial ; Indécis ; Bouge et se délace beaucoup ; Suscite des problèmes ; Incertain ; Vague.


Élément : Eau.


Couleurs primaires : Brun ; Argent ; Jaune.


Apparitions : Lorsque la Carpe apparaît, cela veut dire que vous devez vous assurer que vous n'êtes pas en train d'embrouiller les choses, de créer des problèmes ou d'être irritant pour ceux qui vous entourent. Si vos plans démarrent et que vous déménagiez vers un nouveau lieu, essayez de vous construire des amitiés au lieu de faire que ceux qui sont déjà installés dans l'endroit se sentent menacés par votre présence. La carpe est considérée comme la créature au monde qui a le plus grand nombre d'arêtes : on en compte 4 386. Cela veut dire que votre structure interne est forte, qu'elle a plusieurs niveaux et que vous vous appuyez souvent sur votre propre construction au lieu de demande l'aide des autres. Cela peut mettre les autres à l'écart lorsque vous vous engagez dans un nouveau projet, aussi veillez à agir avec finesse. L'apparition de la carpe indique que vous ne cessez de vous développer, que vous savez vous adapter à toutes les conditions dan lesquelles vous pouvez vous trouver et que, même si vous pouvez être désordonnée et inorganisé parfois, vous faites ce qu'il faut pour réussir.? Relever vos manches et aller au cambouis ne vous ennuie pas le moins du monde.


Aide : Vous avez besoin de vous harmoniser. Si vous êtes dans une situation ou un environnement nouveaux où vous vous sentez déplacé, la carpe peut vous aider à vous faire des amis et à vous adapter. Elle vous aide aussi lorsque vous avez besoin de surmonter quelque chose qui vous enferme. La carpe st connue pour sauter à trois mètres de hauteur au-dessus de l'eau et se retrouver souvent sur des bateaux, effrayée par le bruit des moteurs. Elle saute aussi pour ajuster la quantité de gaz dans sa vessie natatoire (qui l'aide à s'adapter la profondeur de l'eau). Lorsque le carpe touche la surface de l'eau, le gaz est expulsé par l’œsophage. Cela veut dire que la carpe peut vous aider à ajuster votre capacité à flotte si vous vous êtes trouvé trop profondément impliqué dans une situation, en vous aidant à sauter franchement et à prendre de la distance. La carpe vient vous dire que vous allez réussir, en en cessant d'expérimenter une croissance personnelle et spirituelle par la persévérance dans vos efforts, et que vous pourrez atteindre une grande profondeur de conscience à travers votre intuition et votre spiritualité. faites attention à ses messages tout au long de votre avancée.


Fréquence : L'énergie de la carpe donne une sensation sombre et un peu visqueuse. C'est comme si vous plongiez la main dans un seau rempli de vase alors que vous avez les yeux bandés. Vous n'avez aucune idée de ce que vous êtes en train de toucher. Mais, même avec ce facteur de saisissement, la sensation est forte, courageuse et déterminée. sa sonorité est semblable au brut de succion que fait la boue lorsque votre pied se décolle de la gadoue.


Imaginez...

C'est le moment de coupure pour le déjeuner. Le temps est agréable, aussi sortez-vous vous installer à une table de pique-nique qui donne sur la rivière. Un petit bateau à moteur vient vers vous. La rivière semble soudain en éruption sur son passage. Voilà que de grosses carpes jaillissent hors de l'eau et retombent à sa surface avec un bruit sonore. Leurs écailles étincellent au soleil. Le bateau ralentit en arrivant à hauteur des poissons, qui après quelques instants, cessent de bondir. Alors le bateau repart à toute allure. Vous ressentez l'énergie des carpes comme une belle déclaration qu'il est bon de vous stabiliser, si vous vous trouvez actuellement dans une situation qu vous perturbe.

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


La Carpe elle-même est un charmant poisson joueur qui aime s'amuser dans la vie. Elle a le sens de l'humour et rit volontiers. Elle se sent heureuse, aussi libre qu'un poisson peut l'être dans l'eau. Elle vire et tourne sur elle-même de manière ludique. Elle est tellement enthousiaste et convaincue de son savoir-faire... ; elle se fixe un objectif pour ensuite foncer sur celui-ci à toute vapeur, avec une intense concentration. Sans hésitation aucune, elle décrit alors une trajectoire rectiligne exempte de toute déviation. L'effort, la concentration et l'intention alternent avec une joyeuse culbute, un lâcher-prise, un abandon aux délices de l'instant présent. La nature de la Carpe est calme quand il le faut, mais elle enclenche le turbo lorsque c'est nécessaire. Elle aime la variation, se meut avec aisance d'un extrême à l'autre. Elle s'adapte aisément. Il y a l'alternance repose et silence d'une part, activité et dégagement de puissance de l'autre.

L'homme qui désire se nourrir de ce poisson a besoin de cette sphère psychique de la Carpe. La Carpe attire son attention sur la nécessité d' "aller de l'avant", de ne jamais rester sans bouger... sur la voie de l'évolution. Il ne doit pas s'enliser dans les sables de l'immobilité. Il devra "écarquiller" son esprit et porter son regard beaucoup plus loin qu'il ne l'a fait jusqu'ici. Il devra se débarrasser de toute forme de conservatisme, de fixité ou d'étroitesse d'esprit pour faire place à une sorte de vision éloignée, de largeur d'esprit. Il devra sans cesse s'ouvrir à la nouveauté, plutôt que de s'attarder dans les anciennes sphères... qui excluent tout progrès. Il a besoin de changement, de progression, de transformation. Il doit s'ouvrir aux visions et philosophies nouvelles... et fera bien de réfléchir plus profondément, plus amplement qu'il ne l'a fait jusqu'à présent, sans angoisses et sans préjugés. Il ne devra laisser passer aucun instant pour apprendre quelque chose, cueillir quelque chose, élargir son monde.

Il devra rester vigilant et garder les yeux ouverts dans cette direction qu'il sent devoir suivre pour progresser d'un nouveau pas dans sa vie. Son "orientation vers le but" dit être très "ample", non point étroite, retreinte, réservée. Il ne doit pas rester assis sans bouger, au sens propre comme au sens figuré. Il ne doit pas s'agripper aux choses matérielles car il perdra alors plutôt que de recevoir. Il doit oser explorer, parois oser faire un saut dans le nouveau... Il ne devra pas s'accrocher anxieusement aux expériences du passé, car cela ne le fera pas avancer d'une semelle.

"Largue les amarres et en avant, toutes voiles dehors ! N'hésite pas !" Dès lors, il poursuit sa course intuitivement ; il ressent simplement à quel moment il doit être à tel ou tel endroit. Il fera mieux alors d'essayer de ne pas "penser", se refrénant par là...

Celui qui a très envie de Carpe a tendance à trop vouloir se pourvoir de choses qui ne sont pas "nécessaires", par précaution, par méfiance. Il devra faire davantage confiance, lâcher prise... Il n'est pas nécessaire de vouloir saisir ni figer l'avenir à l'avance dans un sens ou dans l'autre, en portant sur lui un regard tendu dans une anticipation anxieuse. Il fera bien de se ramener davantage dans le moment PRÉSENT, et de jouir de la vie d'une façon plus ludique et insouciante... à partir de la conviction sous-jacente que "Tout s'arrangera !"

Il se fie plus désormais à son ressenti intuitif, à ses inspirations subites, à son dynamisme dans le moment présent. Il n'a plus besoin de trop prévoir par la pensée, ni, avec anxiété, de repousser certaines choses ou de freiner ses élans. Plein de confiance à présent, il avance d'un pas vaillant ! Il a acquis le courage, l'optimisme et l'enjouement de la Carpe : ayant foi en une issue favorable, il sait se détendre intérieurement. Il s'élance tout de suite, la joie au cœur, dès qu'il sent devoir passer à l'action. Il fait preuve d'une grande souplesse d'adaptation maintenant. Au lieu d'hésiter, il sait et ressent intuitivement : c'est par là que je dois avancer ! En effet, il sait d'un savoir empreint de la plus grande confiance que c'est lui qui crée sa vie : toute angoisse, toute inquiétude, toute méfiance ont disparu.

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Contes et légendes :


Sur le site Carpe frite, on trouve la légende suivante :


Le Sundgau est un pays de légende et la carpe frite est directement liée à l'une d'entre elles !

"En ce temps là, le fils du Comte de Ferrette aimait à se promener du côté de Liebsdorf.

Un jour, il rencontra une jeune bergère dont la beauté l'éblouit. Éperdument amoureux de la belle et n'osant lui déclarer sa flamme, il exprima son amour en un poème qu'il grava sur la pierre où elle aimait se reposer. Séduite par ce doux message, la bergère accepta aussitôt d'épouser le chevalier.

Hélas, fallait-il encore convaincre le Comte de Ferrette qui s'opposa à de telles épousailles. Croyant l'exploit impossible, le Comte exigea de la bergère qu'elle accomplisse quelque action extraordinaire qui la rende digne de ce mariage.

Confiante, la jeune fille lui proposa de goûter à ses mystérieux Poissons d'Or. Intrigué, celui-ci accepta. Elle alla alors pêcher des carpes qu'elle prépara à sa façon et fit dorer à l'huile.

Conquis par les délices qui lui étaient proposés, le Comte accepta bien volontiers l'union de son fils et de la bergère. Il leur fit même construire un château sur la pierre témoin de leur idylle, endroit désormais connu sous le nom de Liebenstein qui signifie « pierre de l'Amour ».

C'est ainsi que la Carpe Frite devint un mets si prisé dans le Sundgau."

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Littérature :


La carpe et les carpillons


Prenez garde, mes fils, côtoyez moins le bord,

Suivez le fond de la rivière ;

Craignez la ligne meurtrière,

Ou l’épervier plus dangereux encor.

C’est ainsi que parlait une carpe de Seine

A de jeunes poissons qui l’écoutaient à peine.

C’était au mois d’avril : les neiges, les glaçons,

Fondus par les zéphyrs, descendaient des montagnes.

Le fleuve, enflé par eux, s’élève à gros bouillons,

Et déborde dans les campagnes.

Ah ! ah ! criaient les carpillons,

Qu’en dis-tu, carpe radoteuse ?

Crains-tu pour nous les hameçons ?

Nous voilà citoyens de la mer orageuse ;

Regarde : on ne voit plus que les eaux et le ciel,

Les arbres sont cachés sous l’onde,

Nous sommes les maîtres du monde,

C’est le déluge universel.

Ne croyez pas cela, répond la vieille mère ;

Pour que l’eau se retire il ne faut qu’un instant :

Ne vous éloignez point, et, de peur d’accident,

Suivez, suivez toujours le fond de la rivière.

Bah ! disent les poissons, tu répètes toujours

Mêmes discours.

Adieu, nous allons voir notre nouveau domaine.

Parlant ainsi, nos étourdis

Sortent tous du lit de la Seine,

Et s’en vont dans les eaux qui couvrent le pays.

Qu’arriva-t-il ? Les eaux se retirèrent,

Et les carpillons demeurèrent ;

Bientôt ils furent pris,

Et frits.

Pourquoi quittaient-ils la rivière ?

Pourquoi ? je le sais trop, hélas !

C’est qu’on se croit toujours plus sage que sa mère

C’est qu’on veut sortir de sa sphère,

C’est, que… c’est que… je ne finirai pas.


Jean-Pierre Claris de Florian (1755- 1794), "La carpe et les carpillons" in Fables.

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La carpe


Dans vos viviers, dans vos étangs, Carpes, que vous vivez longtemps ! Est-ce que la mort vous oublie, Poissons de la mélancolie.

Guillaume Apollinaire, "La Carpe" in Le Bestiaire, ou Cortège d’Orphée, 1911.

 

Dans Un peu plus loin sur la droite (Éditions Viviane Hamy, 1996) de Fred Vargas, on retrouve le héros Louis Keilweiler, en prise avec certains démons liés à sa naissance :


"Louis entraîna le maire, c'était l'apéritif, dans l'arrière-salle et se colla le dos au feu. Le maire écoutait l'exposé de Louis, ça bougeait un peu dans l'étang, il y avait un mouvement dans les ondoiements des carpes qui l'habitaient.

- "Divers", ça veut dire quoi, au juste ? demanda Louis.

Chevalier dansa d'un pied sur l'autre, retournant ses doigts à l'envers.

[...] - ... Quoi, Chevalier ? Tu ne crois pas à ma parole ?

Chevalier cessa d'ondoyer et regarda Louis.

- Si, dit-il.

Louis posa une grosse chemise sanglée dans la main tendue du maire. Le bras s'abaissa un peu.

- C'est lourd, hein ? dit Chevalier en souriant.

Il le feuilleta et les carpes se cognèrent au fond de l'étang. Elles étaient emmerdées, les carpes, et ça se voyait. Un peu de lisibilité revenait à la surface des eaux."

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Marion Boudier, dans un article intitulé "Entre deux eaux. Bords de scène quitte momentanément la région

Rhône-Alpes pour musarder sur les bords de la Seine…." (in : Agôn. Revue des arts de la scène, 2008) analyse deux spectacles mettant en scène une carpe :

 

Dans le numéro Hors série de Causette (été 2018), on peut lire cette nouvelle de Lauren Malka, intitulée "Le Saut de carpe" :

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Arts visuels :


Six carpes nageant sous la glycine (1889) de Tsukioka Yoshitoshi :



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