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Le Dahu de mer



Légende :


Dans la revue La Houille blanche de juin 1954, un article intitulé "DU DUGONG AU SERPENT DE MER (Problème n° 64)", consultable en ligne à l'adresse suivante : http://www.shf-lhb.org or http://dx.doi.org/10.1051/lhb/1954040 attire notre attention sur un nouvel animal mythique dont nous n'avions pas encore entendu parler !


Bien chers amis, Qui d'entre vous connaît la pêche au dahu de mer? J'avoue, pour ma part, n'être pas très informé de ce genre de sport qui, si l'on en croit notre correspondant MALOCRAN — il faut lire entre les lignes tant il est discret — se pratiquerait assez mystérieusement, bien qu'avec de puissants moyens, dans les mers des régions arctiques ou antarctiques. Cette pêche rappellerait assez, lisons-nous, la chasse au daim alpin. Ceux qui, comme leur vieux professeur, ont eu l'occasion de participer à une chasse au dahu en montagne, connaissent bien toutes les émotions qu'elle réserve an néophyte et les joies incomparables et mémorables qu'elle recèle pour le chasseur tant soit peu expérimenté.

Si notre ami MALOCRAN - dont je n'ai évidemment pas les coordonnées — voulait bien se manifester et nous renseigner sur les ports mystérieux d'où partent ces expéditions lointaines et périlleuses, je ne crois pas me risquer beaucoup en lui promettant, pour sa prochaine campagne, un fameux équipage d'hydranliciens, avides de vacances en mer. impitoyables aux dahus, et bien entendu passionnément attentifs aux extraordinaires soubresauts du navire.

Un reporter de la « Houille Blanche pourrait peut-être accompagner l'expédition et nous ramener quelques images, même fugitives, de cet étrange mammifère marin, avant qu'il n'ait complètement disparu !

Cyprien Leborgne.

Monsieur et cher Professeur,


Mes recherches théoriques sur la turbulence différée dans le cas d'une pseudo-viscosité avec corrélation réitérée non nulle, qui ont absorbé toute mon activité depuis plus de deux ans, n'ont malheureusement pas encore abouti à un résultat positif. Par contre , elles m'ont amené à un tel état de fatigue intellectuelle, que je me suis vu ordonner un repos quasi total et un changement d'air.

Pour me remettre rapidement, j'acceptai l'invitation d'un armateur de mes amis à participer avec lui à une campagne de pêche au dahu de mer. Comme vous le savez sans doute, le dahu de mer (dahus mithicus) est pourchassé pour sa fourrure et pour sa graisse. Comme il est en voie de disparition, les armateurs se gardent bien de révéler les lieux de pêche connus des seuls initiés. Le dahu de mer est un halicoridé, proche parent des Dugongidés ; comme son cousin le dugong, c'est un herbivore broutant essentiellement les algues des pâturages abyssaux. Il diffère toutefois assez nettement du dugong et, par certains côtés, n'est pas sans rappeler le béluga (delphinapterus lencas), le susu des Indes (susu gangetica), et diverses espèces de lamantins (trichechus manalus, trichechus inungis, trichechus senegalousis).

Très rusé , le dahu de mer est loin d'être aussi facile à capturer que les vaches de mer de Steller (hydrodamalis gigas) maintenant complètement disparues et qui pullulaient encore en 1741 quand Behring fit sa fameuse exploration et donna son nom au détroit où ces vache s abondaient. Sans doute le dahu des mers a été ainsi appelé du fait que sa capture se fait par une technique qui rappelle la chasse au dahu alpin (dahus alpinus), son homonyme terrestre . Certains auteurs, pourtant, font dériver son nom d'une racine sanscrite qui désigne le serpent de mer, prétendant que les dahus de mer, quand ils voyagent en file de cinq ou six en jouant sur les vagues, donnent quelquefois l'impression d'un long serpent. A l'appui de cette thèse, on peut citer le serpent légendaire de la tradition persane , ancêtre mystique du héros Rustan et qui s'appelait Dahak. Sans m'étendre davantage sur ces connaissances fraîchement acquises, je vais vous dire maintenant le problème curieux que ces rusés dahus posent aux marins qui les pourchassent.

Le bateau-usine , qui accompagne les vedettes rapides de chasse, reste quelques jours dans un fjord, puis dans un autre ; ces fjords, longs de 3 à 20 km, sont alimentés par des torrents de fonte de neige et par des glaciers, si bien qu'on s'installe généralement au fond du fjord pour avoir de l'eau douce en abondance , celle-ci étant nécessaire au bon fonctionnement de l'usine. Or, il arrive souvent, quand on navigue dans le fjord, que le bateau subisse un véritable choc qui fait trembler toutes ses membrures comme si on venait de toucher u n haut fond et ceci dans des lieux où la sonde donne des fonds de 50 à 100 mètres ! Les marins disent alors qu'ils viennent de « heurter un dahu de mer ». Pour ma part, je ne vois pas comment un dahu de 500 à 1.500 kg heurté par un bateau de 12.000 tonnes filant à 8 nœuds pourrait provoquer un tel choc. En supputant l'importance du choc, j'ai cherché à calculer à quelle vitesse un dahu devrait se précipiter sur le bateau pour provoquer un tel effet. Je n'oserai vous donner le résultat de ce calcul tant il me semble dépasser les limites du vraisemblable ; si un dahu était capable de se lancer à une pareille vitesse, il se tuerait sûrement sous le choc. Or, jamais on n'a trouvé trace d'un cadavre de dahu après un de ces fameux chocs.

Malgré l'invraisemblance d'une action concertée et parfaitement synchronisée d'un groupe de ces rusés mammifères marins, j'ai cherché, en supputant maintenant une vitesse raisonnable des animaux , combien il en faudrait simultanément pour expliquer le phénomène. Là encore, je trouve un nombre tellement grand que je n'oserai vous le communiquer. Ne s'agirait-il pas plutôt de quelque autre monstre marin ayant aussi bon dos que celui du Loch Ness, ... quelque descendant de Dahak, le serpent de la vieille légende aryenne.

Pour ma part, je ne vois pas d'explication hydrodynamique à ce problème , car le phénomène a été constaté aussi bien quand il y a du vent et de la houle que par calme plat. En m'excusant de venir vous importuner par une histoire de dugong, je vous prie , Monsieur et Cher Professeur, de croire à toute ma respectueuse considération.


G. MALOCRANN .

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