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Le Chevrotain





Étymologie :


Étymol. et Hist. 2e moitié du xviiie s. « mammifère d'Afrique ou d'Asie » (Buffon, Hist. nat., Quadrupèdes, t. 5, p. 353 ds IGLF). Issu de chevrotin* par substitution du suff. -ain* (peut-être pour éviter l'homon. avec ce mot).


Lire également la définition du nom chevrotain afin d'amorcer la réflexion symbolique


Autres noms : Hyemoschus aquaticus - Biche-cochon - Chevrotain aquatique -

Moschiola meminna - Chevrotain indien - Chevrotain tacheté -

Moschus moschiferus - Chevrotain Porte-musc - Porte-musc de Sibérie -

Tragulus javanicus - Cerf souris - Chevrotain malais - Kantjil - Mesclum - Petit kanchil de Java -

Tragulus napu - Grand cerf-souris - Grand chevrotain malais - Napu -

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Zoologie :


Selon Annick Guérer, autrice de "Le parfum et la chair". (Terrain. Anthropologie & sciences humaines, 2006, no 47, pp. 69-88) :


Quatre sécrétions animales odorantes ont joué un grand rôle en parfumerie : le musc, le castoréum, la civette et l’ambre. Le musc provient d’une sorte de chevreuil très primitif, le chevrotain porte-musc, vivant sur les hauts plateaux boisés de l’Himalaya, du Tibet, de l’Afghanistan, du Viêt-nam, du Népal, du sud de l’Inde, de la Mandchourie, de la Mongolie et de la Sibérie. Une glande abdominale, située sous la peau du mâle, entre le nombril et les organes sexuels, produit une sécrétion liquide qui, en décembre, pendant la période du rut, se transforme en grains ayant la texture du café moulu. L’odeur fécale et de sang est suffocante mais, après vieillissement du produit, elle s’affine, et prend une note animale légèrement aminée, très persistante.

[...]

Dans un tel contexte, l’abandon quasi total des matières naturelles semble programmé. Les conditions de leur production sont inadaptées à l’importance des lancements à l’échelle mondiale et à leur cadence (450 lancements en 2002, 492 en 2003). Même quand elles sont produites dans des pays en voie de développement, leur coût est très supérieur à celui des produits de synthèse. Lorsqu’il s’agit de très belles essences, il devient même prohibitif. Alors qu’un kilo d’hédione, une molécule synthétique à l’odeur jasminée, coûte 31 euros, il faut compter environ 23 000 euros pour se procurer un kilo d’absolue de jasmin de Grasse. Il en va de même de l’ambre qui peut valoir jusqu’à 13 000 euros le kilo, sans parler du musc, aujourd’hui pratiquement introuvable depuis que le chevrotain est sévèrement protégé et qui dépasse 40 000 euros.

 

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Symbolisme :


Pierre Le Roux, dans « L’Éléphant Blanc aux Défenses Noires des Jawi de Thaïlande du Sud : mythe fondateur et mouvement messianique » (chapitre 10, pp. 323-380) évoque la figure mythique du chevrotain blanc :


[...] En ce qui concerne le « cerf », il apparaît dans la forêt, c’est-à-dire dans les hautes terres, et disparaît sur la plage, c’est-à-dire là où vivent les gens ; les gens du littoral parlent en fait indifféremment d’un cerf blanc : γuso putéh (Ruso unicolor), d’un daim blanc : kejiè putéh (Cervulus muntjac) ou d’un chevrotain blanc : plano’ putéh (Tragulus javanicus). À Patani, le cervidé est assimilé à un fantôme et surtout étroitement associé à l’imagerie royale qu’il symbolise sur les pièces de monnaie.

[...] ce « culte » indirect du cerf se justifie par le fait que ces migrants venaient forcément de la région littorale, c’est-à-dire du Pays d’Aval où la figure du cerf (ou du chevrotain, voire du daim) prédomine.

Celle-ci est de toutes façon liée à l’ancienne royauté de Patani et vaut comme symbole représentatif : Talo’ Manoh se trouve au pied de buké’ Budô et ce massif montagneux toujours plus ou moins auréolé de nuages et à la végétation luxuriante est considéré par les gens d’Aval comme l’endroit où est apparu le fameux cerf blanc des traditions ilé, avant de disparaître sur la plage de Patani, de même que symétriquement il est vu par les gens d’Amont comme le lieu où l’Éléphant Blanc aux Défenses Noires des traditions daγa’ , apparu sur une plage près de Patani, s’est s’évanoui.

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Symbolisme astrologique :


Gabriel, le créateur du Site Zooastro.com propose de trouver son animal astral en fonction de la position du Soleil et de la Lune dans notre thème :


Le Chevrotain ou le Voyage Astral : L’Herbivore s’exprime dans des actions fusionnelles, englobantes, et fugitives. Elles le rendent indifférent à toute forme de différenciation, d’opposition ou de conflit individuel. Il tend vers une réceptivité perpétuelle et infinie, dans une volonté de communion avec l’univers. Il vit sous le règne absolu du sentiment et des émotions, éclipsant l’intellect et la raison séparative. Demandeur  de quitter ses repères et de dépasser ses frontières, l’Herbivore recherche une forme de marginalité. C’est pour mieux imaginer un monde nouveau, un ailleurs magnifique dont personne ne sait, de son vivant, s’il s’agit d’une intuition ou d’une illusion.

Parmi les herbivores, le Chevrotain se distingue par son introversion. Car il a un besoin vital de repli et de protection, afin de favoriser des créations personnelles. Il se nourrit d’une vie intérieure riche, autarcique, et peut puiser ses ressources dans une imagination très fertile. Il est de nature rêveuse, tournée vers la nostalgie, vers la mère, vers la famille. Tout en instinct, tout en défense de sa psychologie vis-à-vis de l’extérieur. Le Chevrotain a tendance à tisser des relations fusionnelles et indéfectibles avec les quelques rares personnes qui savent lui apporter une sécurité affective. Pour le reste du monde, il reste caché derrière des murs impénétrables.


Les particularités du Chevrotain : Cette nature imaginative, rêveuse et conceptuelle met ses qualités au service d’une volonté d’évasion. Le Chevrotain Aquatique a tout d’abord besoin de repli, de repos, de rêve. Sa sensibilité protectrice et timide lui demande de se tourner vers elle-même et de comprendre ce qui se passe, biologiquement dans son corps ainsi que spirituellement dans son âme.

Cette introspection est le fondement de la révolte et de l’évasion du Chevrotain. Elle lui ouvre intuitivement les yeux sur un monde plus vaste, inconnu, mais riche de tout un potentiel. Chez lui, l’infiniment soi est relié à l’infiniment loin, sans que l’entourage n’ait de prise sur cet état de conscience. Attiré par l’étrange et l’étranger, le Chevrotain développe un imaginaire éloigné des normes habituelles et des préoccupations présentes. Il a tendance à s’isoler et à s’éloigner de son groupe d’origine.

On ne le comprend pas très bien. Son ouverture d’esprit est ressentie comme de la passivité, du manque de réalisme, ou du fatalisme réducteur par ceux qui l’entourent. Secret, inaccessible et mystérieux, le Chevrotain vit réfugié dans la sombre forêt de ses rêves, aussi insaisissable que la Belle au bois dormant.

Souffrant d’un déficit de crédibilité, le Chevrotain est pourtant honnête et pur dans ses émotions. Il se projette corps et âme dans une grande cause qui le dépasse. Sa fuite (ou son rejet) du quotidien n’a pas besoin de concrétisation pour être vécue, car il lui importe de la ressentir intérieurement. Tout voyage a pour origine un idéal difficile à atteindre, une quête insaisissable, qui s’enfuit sitôt approchée. Qu’y a-t-il de plus difficile que de faire coïncider une vision intérieure avec une réalité inconnue ? Le Chevrotain pourra être amené à expérimenter des drogues, et devra faire attention à ne pas se noyer dans un verre d’eau !


Les pouvoirs du Chevrotain : Le Chevrotain est hors norme. Sa capacité à faire sortir de lui un monde très éloigné des préoccupations de ses congénères est une énigme dont la lecture est réservée aux étrangers ou aux marginaux.

Le natif du Chevrotain aura tout intérêt à choisir une activité qui exalte son désir d’évasion et de recherche de l’inconnu, où il pourra assouvir cette soif de concevoir de nouvelles idées. Rejetant la société dans laquelle il vit, il pourra opter pour l’exil, les expériences de voyage astral, l’anthropologie, ou alors s’orienter vers une carrière artistique où il s’agit de toucher un public étranger avec ses inspirations personnelles, d’aller vers l’autre avec son cœur, son intime conviction… Quel que soit le domaine qu’il choisira, il cherchera à exporter ce qu’il a de plus intime.


Ex : Robert Wadlow, Oussama Ben Laden, Kurt Cobain.

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Mythologie :


Selon Michel Tardieu, auteur d'un article intitulé "Le Tibet de Samarcande et le pays de Kûsh : mythes et réalités d’Asie centrale chez Benjamin de Tudèle. (Cahiers d’Asie centrale, 1996, no 1/2, pp. 299-310) :


ṬWBWT est la transcription hébraïque du nom arabe du Tibet, Ṭubbat, pays par excellence du musc sécrété par les chevrotins des montagnes et des forêts. Le musc tibétain était d’une qualité fort prisée (1). Importé à Samarcande via le Wakhkhân et le Badakhshân par les marchands tibétains du Laddakh (Petit Tibet) (2), il était de là réexporté vers l’Iran et les pays méditerranéens. Le témoignage de Benjamin de Tudèle donne à penser que les Juifs de Samarcande devaient quelque chose de leur prospérité à ce commerce lucratif.

Ces renseignements exacts côtoient une donnée surprenante mais vérifiable : le Tibet est à « quatre jours » de Samarcande ! Benjamin de Tudèle se fait ici l’écho de la légende arabo-musulmane de la conquête du monde iranien par les souverains yéménites descendants de Himyar, fils de Qaḥṭân (ancêtre éponyme des Arabes du Sud), fils d’Ismaël, fils d’Abraham. Selon la version du mythe, rapportée par Ibn Qutayba (mort en 276 H. /889), l’un de ces rois himyarites, du nom de Shammir b. Ifrîqîsh (autres graphies : Ifrîqîs, Ifrîqus), dit aussi Shammir Yur’ish, avait, au début du IVe siècle de l’ère chrétienne, conquis une grande partie de l’Orient jusqu’à la Chine, en soumettant au passage le ‘Irâq (= Babylonie), le Fârs, le Sijistan et le Khurâsân. Arrivé en Transoxiane, « il détruisit la cité du Sughd, qui de ce fait fut appelée Shammir-kand, c’est-à-dire “détruite par Shammir”. Par la suite, le nom de la ville fut arabisé, et les gens dirent Samarqand »


Notes : 1)  D’après la tradition reprise par al-Mas’ûdî, Murûj, t.1, p. 353 = n. 391 Pellat, la supériorité du musc tibétain par rapport au musc chinois vient de ce que le chevrotin du Tibet broute des plantes aromatiques et de la lavande (sunbul), et que, d’autre part, à l’inverse des Chinois qui tuent l’animal, les Tibétains attendent que le musc arrive à maturité dans la vessie de l’animal jusqu’à ce que celui-ci dépose de lui-même cette sécrétion gênante. Sur l’usage du musc en médecine et en pharmacie, voir Maïmonide (mort en 1204), Sur les causes des symptômes, edd. Leibowitz et Marcus, pp. 97-99 et 143-145.

2) Cette route du musc tibétain est celle qu’attestent pour les IXe-XIe siècles tous les littérateurs arabes, voir W. Barthold, Turkestan down to the Mongol Invasion 3, Londres, 1968, pp. 65-66 et surtout C. I. Becwith, « Tibet and Early Medieval Florissance in Eurasia. A Preliminary Note of the Economic History of the Tibetan Empire », Central Asiatic Journal, 21 (1977), pp. 100-101. [...]

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Contes et légendes :


Darren Maung, auteur d'un article intitulé "Clever Kanchil, le cerf-souris qui a captivé la Malaisie et l’Indonésie" (Publié le 26 mai 2023 sur le site Vision Times) :


Le petit chevrotain, tragulus kanchil, est communément appelé kanchil dans sa région d’origine, l’Asie du Sud-Est. Bien qu’il ressemble à un cerf miniature, le cerf-souris asiatique n’est ni un cerf ni une souris, mais une famille singulière de bovidés plus étroitement liée aux antilopes. En Malaisie et en Indonésie, cette curieuse créature jouit d’une grande réputation. Surnommé Sang Kanchil, il est le héros d’un folklore coloré et est réputé courageux, intelligent et sage.

[...]

La légende de Sang Kanchil : À la fin du XIVe siècle, le prince Parameswara de Palembang est vaincu lors d’une bataille pour prendre le trône du royaume de Majapahit. Lui et ses partisans se réfugièrent à Temasik, mais furent expulsés par des envahisseurs venus du Siam. Ils se retirèrent alors à Muar, puis à Sungai Ujong, pour finalement s’arrêter à Bertam, près d’un estuaire de la rivière Melaka.

Alors qu’ils se reposaient sous un arbre, leurs chiens de chasse trouvèrent un cerf-souris blanc. Avant que les chiens ne puissent attaquer, le cerf-souris donna un bon coup de pied à l’un d’eux et s’échappa. Parameswara a ensuite créé l’État, en lui donnant le nom de l’arbre sous lequel il s’était reposé : l’arbre de Malacca.

À partir de ce moment, le cerf-souris jouit d’une grande renommée dans la culture de Malacca. Il reçut le titre honorifique de Sang, un terme honorifique en vieux malais signifiant « vénéré », et de nombreuses nouvelles fables virent le jour avec Sang Kanchil comme héros. Il est généralement dépeint comme intelligent et sage, comme le montre le conte suivant :

Par une journée très chaude, un crocodile se reposait à l’ombre d’un arbre. Il s’y sentait bien et s’endormit, jusqu’à ce qu’un vent violent fasse tomber l’arbre. Douloureusement coincé sous l’arbre, le crocodile appela à l’aide. Un buffle d’eau qui passait par là eut pitié du crocodile et souleva l’arbre pour le sauver.

Au lieu d’exprimer sa gratitude, le crocodile voulut être transporté de l’autre côté de la rivière. Le buffle d’eau fut d’accord pour l’aider et traversa la rivière avec le crocodile sur son dos. Soudain, il ressentit la douleur aiguë des dents du crocodile. Cette fois, le buffle d’eau appela à l’aide. L’habile cerf-souris Kanchil arriva et demanda à assister à une reconstitution.

Le crocodile fut ramené de l’autre côté de la rivière et l’arbre tombé fut replacé sur le crocodile. Le crocodile se plaignit du poids de l’arbre, mais le cerf-souris refusa que le buffle d’eau l’aide à nouveau. Le crocodile fut écrasé pour ses manigances et son incapacité à être reconnaissant envers son sauveur.

Au-delà des histoires, le cerf-souris a trouvé sa place dans l’iconographie moderne. Il est reconnu comme l’animal de l’État de Malacca, et les armoiries de l’État présentent deux cerfs-souris soutenant l’emblème, célébrant le courageux cerf qui a affronté le chien de Parameswara.

Rédacteur Albert Thyme

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