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La Gazelle



Étymologie :


  • GAZELLE, subst. fém.

Étymol. et Hist. Ca 1195 gacele (Ambroise, Guerre sainte, 10548 ds T.-L.). Empr. à l'ar. class. ġazāl (fém. ġazāla), ar. maghrébin ġazēl « id. ». Lat. médiév. gazela (ca 1110, Albert d'Aix ds Du Cange). (FEW t. 19, p. 53a ; Lok., n°699 ; Dozy t. 2, p. 211 ; DEAF s.v. gazele).


Lire aussi la définition pour amorcer la réflexion symbolique.




Zoologie :


Selon Matt Pagett, auteur de Le petit livre de merde (titre originale What shat that ?, Quick Publishing, 2007 ; édition française Chiflet & Cie, 2008) :


"Grâce à son corps élancé et à ses pattes agiles la gazelle peut courir très vite (certaines espèces peuvent atteindre 80 km/h). Sa vue et son odorat sont aussi très développés. Elle peut couvrir de longues distances, et se déplace en troupeaux forts de milliers de bêtes en période de migration.


Description : De la famille des bovidés comme les vaches, les moutons et les cerfs, la gazelle a un estomac à quatre compartiments, qui lui permet d'extraire tous les bienfaits des plantes qu'elle mange.

Les gazelles ont besoin de très peu d'eau ; en fait certaines ne boivent jamais, les plantes dont elles se nourrissent leur apportant suffisamment de liquide ; c'est pourquoi leurs excréments sont secs et fibreux. On les trouve évidemment là où elles se nourrissent.


Un produit 100% naturel qui gagne à être connu : Dans l’Égypte Ancienne, la crotte de gazelle était très utilisée et dans un très vieux traité de médecine, le Papyrus Ebers (1550 avant J.C.), on trouve même une recette de tonifiant capillaire concocté avec du myrte (un végétal rouge)., du kohl, de l'huile, de la graisse d'hippopotame, et des crottes de gazelle. Les médecins se servaient également de ces excréments pour soigner infections et inflammations, et, une fois séchés, on les utilisait comme combustible. Dans d'autres pays, leurs gaz avaient la réputation d'éloigner les animaux indésirables, ce qui fait qu'on en tapissait les greniers à grains.


Merde en réunion : Très sociales, certaines espèces de gazelles comme la gazelle de Grant pratiquent la "défécation sélective" : le troupeau tout entier défèque dans un endroit spécifique. Il s'agit là sans doute d'une forme d'automédication, les gazelles concentrant ainsi toutes les bactéries et les parasites de leurs crottes dans un endroit qu'elles ont choisi.


Ce qu'il faut savoir : En été la gazelle de Mongolie se nourrit essentiellement d'oignons, et du fait, même si ses crottes sont inodores, son haleine pue."

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Symbolisme :


D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Vivacité, vélocité, beauté, acuité visuelle : telles sont les qualités qui ont de tout temps distingué ce gracieux animal et constitué les ingrédients de son utilisation symbolique.

Ainsi la tradition indienne l'associé à Vâyù, le régent de l'élément air, le vent, ainsi qu'à la yogini Vayunegâ (Rapide comme le vent). Elle est encore le symbole d'Ishvara (auquel se rapporte, dans la danse traditionnelle, le mudra mrigacîsha = tête de gazelle). Dans le tantrisme, elle correspond à l'élément air, qui est celui du centre du cœur (anâhatachakra).

L'iconographie bouddhique représente souvent, pour illustrer le premier serment du Bouddha, les gazelles agenouillées près du trône du dieu, ou de part et d'autre de la Roue de la Loi, dans le Parc aux Gazelles de Sarnath, près de Bénarès.

Les peuples sémites semblent, eux, plus spécifiquement touchés par la beauté, la grâce de l'animal, et surtout de ses yeux. Celles aux yeux de gazelle, sont les Hûri du Paradis musulman. Dans le Cantique des Cantiques on lui compare l’Époux : Mon bien-aimé est semblable à une gazelle (2, 8). Se fondant sur une approximation phonétique, Origène en fait le symbole de l'acuité visuelle, et, partant, de la vie contemplative.

La tradition mystique chrétienne, quant à elle, s'en réfère autant au regard de la gazelle qu'à sa vivacité. Selon Origène l'animal tirerait son nom d'un mot grec qui signifie voir. Sa vue est en effet perçante. Guillaume de Saint-Thierry, après Bernard de Clairvaux, dit, dans son commentaire du Cantique des Cantiques, que la gazelle possède un regard pénétrant, c'est pourquoi l'âme-épouse demande à son Époux d'aiguiser la pointe de ses yeux intérieurs et d'avoir une grande rapidité d'esprit pour comprendre.

Enfin de très nombreuses œuvres d'art représentent une gazelle victime d'un fauve, un lion le plus souvent qui la couvre avant de l'égorger (biche). La psychanalyse voit volontiers dans ces images l'action autodestructrice de l'inconscient, symbolisé par le fauve, par rapport à l'idéal spirituel que représente la gazelle. Elle est comme écrasée par le poids de la bestialité ; son clair regard s'assombrit sous le déchaînement de la passion."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


La gazelle, dont la grâce, la beauté et le doux regard ont éré célébrés par de nombreuses civilisations - en Inde, par exemple, elle est le symbole d'Ishvara, divinité suprême, aux six pouvoirs (splendeur, perfection, gloire, beauté, connaissance, détachement des choses de ce monde) -, était utile aux mages arabes, es parchemins dont ils fasaient des talismans étant en peau de gazelle. En Algérie (région de Constantine), l'application de cendres de ses cornes sur une blessure de cheval faisait repousser les poils ; on dit aussi que les Algériennes ne devaient se servir que d'une corne de gazelle femelle pour passer du khôl sur leurs paupières.

Selon une croyance turque, si, au cours d'un combat, un homme portait une gazelle, la chance et la victoire étaient acquises.

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Pour David Carson, auteur de Communiquer avec les animaux totems, puisez dans les qualités animales une aide et une inspiration au quotidien (Watkins Publishing, 2011 ; traduction française Éditions Véga, 2011), la gazelle appartient à la famille de la Beauté intérieure, au même titre que la colombe, l'abeille, la baleine, le renard, le cygne, le cerf, le panda géant, la vache, l'oiseau-tonnerre, la cigogne, le colibri, la panthère, la licorne et le dauphin.


"Beauté intérieure : Certains animaux ont un lien évident à l'élégance - c'est le cas de la colombe et de la gazelle par exemple, qui ouvrent ce chapitre. La ruche d'abeilles est une image harmonieuse de coopération humaine, et le miel symbolise la substance spirituelle. Le chant des baleines, le vol majestueux du cygne, la nature insaisissable de la panthère des neiges, l'éclat du colibri, l'esprit joueur du dauphin - tous ces animaux se rangent harmonieusement aux côtés de la colombe et de la gazelle. D'autres créatures compensent leur manque de grâce par leur caractère et leur symbolisme. Le renard vous est présenté pour son esprit vif et astucieux ; la vache, pour sa pureté ordinaire et sa douceur, tandis que la panda est une incarnation graphique du yin et du yang. en nous aidant à développer notre potentiel, tous les animaux, même le plus roublard, le plus nonchalant, ou le plus comique d'apparence, peuvent contribuer à notre beauté intérieure.

[...]

Panique sur le veld - l'odeur de la présence d'un lion ! La gazelle relève la tête d'une touffe d'herbes, les oreilles frémissantes, aux aguets. Puis elle s'emballe... saute, court à grandes enjambées dans un rythme dénué de pensée et d'effort - elle trouve le silence et son propre chant silencieux. Elle coupe vers le nord, éprouvant la route devant elle - bondissant sur le sol incertain, comme si elle était le sol elle-même. Le lion à ses trousses, la gazelle ne s'arrête pas, ne se permet ni la moindre pause, ni le moindre coup d’œil en arrière. Ses mouvements sont précis et élégants.

Le mot "gazelle" dérive d'un terme plus ancien qui signifie "puissant dieu flamboyant". Parente de l'antilope, du gnou - à l'apparence étrange - et de l'impala, la gazelle fait partie des animaux terrestres les plus rapides et les plus gracieux. Préférant les vastes savanes, elle passe l'essentiel de son temps à brouter arbustes et herbe. Mâles et femelles arborent de longues cornes creuses spiralées, incurvées en arrière et se terminant par un petit crochet. Il existe quatorze espèces de gazelles, réparties sur toute l'Afrique et l'Asie du Sud-Ouest.

S'il s'agit de votre animal spirituel, vous êtes rapide et agile de vos pieds. Vous êtes capable d'écouter les sons changeants du vent soufflant en rafales dans les herbes. Vous êtes sensible à la moindre odeur nouvelle. Le pouvoir de la gazelle vous donne cette capacité de sécurité, vous permettant de détecter les menaces qui pèsent sur votre bien-être. Vous y répondez instantanément par une action imprévisible et une rapidité bondissante. Vous pouvez brouiller une situation par des revirements en zigzags, qui laissent les autres pantois.

Grâce au soutien de votre totem gazelle, vous triompherez toujours de la bassesse et de la vulgarité. Cette créature hautement sensitive transmet le pouvoir de communiquer silencieusement avec autrui à des niveaux plus profonds. Votre présence et votre vulnérabilité sont d'importantes forces. Le chant de votre vie est un chant guérisseur. Une relation intime avec votre totem gazelle aiguisera vos instincts et améliorera votre capacité d'écoute. Vous serez plus déterminé et apte à vivre dans le moment présent.


Mot-clé : Chant silencieux.

La gazelle dans la poésie soufie

Les cornes des gazelles sont incurvées en arrière comme une lyre, instrument des poètes. L'animal était associé au Grand Prophète et à la splendeur elle-même, ainsi qu'à la beauté insaisissable de Dieu. Dans la poésie et le chant soufi antiques, l'animal était le symbole du dieu lune. D'après Rumi, mystique soufi du XIIe siècle et un des plus grands poètes mondiaux, le poète est simplement un interprète du mot de dieu. Lui et d'autres poètes soufis ont écrit sous forme de ghazal (gazelle), composé de couplets et de refrains rimés. Le ghazal est réputé pour la pureté de son contenu spirituel.

Plusieurs poètes soufis ont comparé l'âme à de l'eau qui s'écoule et le monde matériel à de la glace. Nos âmes sont prisonnières de la glace, qui fondra dans les feux de la vie ; alors la force de notre âme sera à nouveau délivrée. Dans un autre poème soufi instructif, l'âme est enfermée dans un cercueil, amené un jour à s'ouvrir. Si nous ne parvenons pas à nous réaliser dans cette vie, comment pouvons-nous espérer le faire dans la suivante ? On dit que la danse du derviche tourneur fut inspirée par Rumi- danse qui mène en soi jusqu'au silence parfait du souffle silencieux de l'éternité."

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Mythologie :


Igor de Garine, auteur de "Les relations symboliques entre les animaux et les hommes chez les Masa et les Musey (nord du Cameroun et sud-ouest du Tchad) (© IRD, 2007, pp. 607-628) rend compte d'un mythe relatif à un type de gazelle bien précis :


Ful Dangi, génie protecteur du clan muzey de Holom, a pour symbole la gazelle à front roux. La naissance de ce génie remonte au plus à trois générations.

Il y a cinquante ans, Maraffa, une femme du clan de Holom, perdit son époux alors qu’elle était déjà âgée. Trop vieille pour être une épouse rentable, elle fut négligée par les frères de son mari et survivait difficilement en cultivant un petit champ. Un jour qu’elle avait semé de l’éleusine rouge, elle découvrit un beau matin une multitude d’antilopes d’espèces différentes qui ravageaient sa récolte. Indignée de tant d’infortune, elle s’écria :

— « Si c’est une chose (un prodige) qui me mange mon éleusine, que cette chose me tue aussi toutes ces bêtes ! »

Le lendemain matin elle trouva dans son champ toutes les antilopes mortes à l’exception d’une seule, la gazelle à front roux. Elle retourna chez ses propres parents, fut possédée par la puissance surnaturelle qu’elle avait évoquée et qui est abstraite – le génie Ful mi ka lana “si-c’est-quelque-chose” – et devint grande prêtresse de son culte. Vinrent s’y joindre par la suite deux autres puissances tutélaires rappelant le “prodige” buna (mu), “les bêtes de chasse” par référence aux animaux morts dans le champ, et “éventail” vetta par allusion au va-et-vient rapide qu’effectuent les antilopes avec leur queue pour chasser les mouches et qui se poursuit durant l’agonie de l’animal.

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Littérature :

On peut lire dans Terre des hommes (1938) d'Antoine de Saint-Exupéry, l'extrait suivant :


J'ai élevé des gazelles à Juby. Nous avons tous, là-bas, élevé des gazelles. Nous les enfermions dans une maison de treillage, en plein air, car il faut aux gazelles l'eau courante des vents, et rien, autant qu'elles, n'est fragile. Capturées jeunes, elles vivent cependant et broutent dans votre main. Elles se laissent caresser et plongent leur museau humide dans le creux de la paume. Et on les croit apprivoisées. On croit les avoir abritées du chagrin inconnu qui éteint sans bruit les gazelles et leur fait la mort la plus tendre... Mais vient le jour où vous les retrouvez, pesant de leurs petites cornes, contre l'enclos, dans la direction du désert. Elles sont aimantées. Elles ne savent pas qu'elles vous fuient. Le lait que vous leur apportez, elles viennent le boire. Elles se laissent encore caresser, elles enfoncent plus tendrement encore leur museau dans votre paume... Mais à peine les lâchez-vous, vous découvrez qu'après un semblant de galop heureux, elles sont ramenées contre le treillage. Et si vous n'intervenez plus, elles demeurent là, n'essayant même pas de lutter contre la barrière, mais pesant simplement contre elle, la nuque basse, de leurs petites cornes, jusqu'à mourir.

Est-ce la saison des amours, ou le simple besoin d'un grand galop à perdre haleine ? Elles l'ignorent. Leurs yeux ne s'étaient pas ouverts encore, quand on vous les a capturées. Elles ignorent tout de la liberté dans les sables, comme de l'odeur du mâle. Mais vous êtes bien plus intelligents qu'elles. Ce qu'elles cherchent vous le savez, c'est l'étendue qui les accomplira. Elles veulent devenir gazelles et danser leur danse. A cent trente kilomètres à l'heure, elles veulent connaître la fuite rectiligne, coupée de brusques jaillissements, comme si, ça et là, des flammes s'échappaient du sable.

Peu importent les chacals, si la vérité des gazelles est de goûter la peur, qui les contraint seule à se surpasser et tire d'elles les plus hautes voltiges! Qu'importe le lion si la vérité des gazelles est d'être ouvertes d'un coup de griffe dans le soleil ! Vous les regardez et vous songez: les voila prises de nostalgie. La nostalgie, c'est le désir d'on ne sait quoi... Il existe, l'objet du désir, mais il n'est point de mot pour le dire.

Et à nous, que nous manque-t-il ?

 

Sylvain Tesson entreprend grâce à Vincent Munier une véritable quête initiatique qu'il relate dans un récit de voyage qu'il a intitulé La Panthère des neiges, (Éditions Gallimard, 2019). Ce faisant, il rencontre également d'autres animaux :


"Je lisais mes aphorisme à mes compagnons et récoltais un sourire gêné ou une approbation polie :


Gazelle : la femme pressée fuse, pensée dans l'esprit du lieu."

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