Le Champignon homard
- Anne
- il y a 3 jours
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Étymologie :
DERMATOSE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1845 (Besch.). Nom créé par le médecin français J.-L. Alibert [1766-1837] dans son ouvrage Traité complet des maladies de la peau.
Composé du grec ancien δέρμα, δέρματος, dérma, dérmatos (« peau ») avec le suffixe -ose.
Autres noms : Hypomyces lactifluorum - Champignon crabe - Dermatose des russules - Hypomyces couleur de homard -
Mycologie :
Josée Deslandes et Chantal Pic, autrices de "Mise en valeur du potentiel alimentaire, médicinal et horticole des plantes et champignons de sous-bois de la forêt feuillue outaouaise." (Institut Québécois d'Aménagement de la Forêt Feuillue, 2001) présentent le Champignon homard :
Hypomyces lactifluorum : La dermatose des russules (Hypomyces lactifluorum) est un champignon qui parasite la russule à pied court (Russula brevipes). Cette dernière prend alors un tout autre aspect et devient alors un bon comestible, sans cela la russule à pied court est un comestible de peu d'intérêt. La dermatose des russules suit donc l'habitat de la russule à pied court qui se retrouve communément en forêts feuillus ou de conifères, particulièrement dans les sapinières, les pessières et les pinèdes. Cette espèce croît de juillet à fin septembre.
Caroline Rochon, autrice d'une thèse intitulée Distribution et productivité de deux champignons ectomycorhiziens (Cantharellus cibarius var. roseocanus et Hypomyces lactifluorum/Russula brevipes) en peuplements de Pin gris de l'Est du Canada. (Université Laval, Québec, 2011) ajoute des informations sur le complexe de la dermatose et de son hôte :
Dermatose des russules : un champignon qui parasite un champignon : La dermatose des russules est un organisme complexe qui résulte de l’infection des basidiomycètes Russula sp. ou de Lactarius sp. par l’ascomycète Hypomyces lactifluorum (Schwein.) Tul. & C.Tul. Hypomyces lactifluorum est un champignon de couleur orangée à rouge qui appartient à la famille des Hypocreaceae. Ce genre regroupe des mycoparasites dont treize espèces s’attaquent aux champignons à lames (Rogerson and Samuels 1994). Ces mycoparasites ont tendance à s’attaquer de manière spécifique à une famille ou un genre d’hôte. L’espèce H. lactifluorum croît uniquement sur la surface des lactaires et des russules, ce qui hypertrophie le chapeau et déforme le pied et les lames de l’individu parasité (Bessette et al. 1997). En fait, H. lactifluorum transforme la surface du chapeau de son hôte en un hyménium d’ascomycète. Ce complexe basidiomycète-ascomycète restera solide durant la libération des ascopores puis il y aura dépérissement graduel de la fructification (Rogerson and Samuels 1994).
Jusqu’à ce jour, dans les grandes populations de H. lactifluorum, l’hôte avait pu être identifié comme étant Russula brevipes Peck. ou Lactarius piperatus (L.) Pers. (Rogerson and Samuels 1994). Plus récemment, Russula delica Fr. et Russula chloroides (Kromb.) Bres. ont aussi été identifiés par biologie moléculaire (marqueurs spécifiques) comme d’autres hôtes de H. lactifluorum (J. M. Moncalvo, conservateur en chef, Royal Ontario Museum, département d’histoire naturelle, Toronto, Canada, communication personnelle, 2006). Inconnu en Europe, des mentions du complexe Russula/Hypomyces ont été rapportées au Mexique, au Canada, au Guatemala et aux États-Unis (Rogerson and Samuels 1994). Ce parasite est connu pour revenir année après année dans la même population de lactaires ou de russules. Le mécanisme d’infection de ce parasite est encore mal connu. Le parasite pourrait provenir du sol, possiblement infecté, et intégrerait le mycélium du champignon hôte à un très jeune âge par un mécanisme encore méconnu (Hanlin 1963). Ainsi la phase sexuée (téléomorphe) du parasite a été observée dans le sol et sur le champignon parasité, alors que malgré les nombreux essais effectués pour tenter d’observer la germination de l’ascospore, aucun stade asexué (la phase anamorphe) n’est encore connu (Kuo 2011 ; Rogerson and Samuels 1994).
Les russules (Russula spp.), les principales espèces hôtes du parasite H. lactifluorum, sont des champignons ECM qui s’associent symbiotiquement avec de nombreuses espèces ligneuses. L’hôte le plus commun, R. brevipes, est retrouvés dans les peuplements matures de conifères ou d’espèces mixtes (Durall et al. 2006; Villeneuve et al. 1989). La dermatose des russules se trouve donc principalement dans ces peuplements matures, mais ses carpophores sont typiquement ensevelis sous les débris de conifères (Bessette et al. 1997). De plus, l’apparition de carpophores de cette espèce serait favorisée par le piétinement et la présence de remblais le long des chemins forestiers (Villeneuve 2000).

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Sommaire des résultats : Le chapitre 2 de cette thèse a montré que l’aménagement de sentiers n’a pas augmenté la production de carpophores de dermatose des russules, qui était en moyenne de 21.6 kg/ha, mais a permis de la maintenir durant les périodes de faibles précipitations. La productivité, définie comme la biomasse fraîche par unité de surface et la densité de carpophores par unité de surface, était supérieure en présence d’espèces de plantes intolérantes à l’ombre (Populus tremuloides Michx., Prunus pensylvanica L.f., Betula papyrifera Marsh), d’ammonium extractible (NH4 + ), et diminuait avec une augmentation du pH. De plus, les carpophores de cette espèce sont présents dans certains microhabitats alors qu’ils sont absents dans d’autres. Un pH faible, une disponibilité élevée en phosphore (P), une faible présence de Kalmia angustifolia L. et de petites trouées dans le couvert forestier occupées par des espèces intolérantes à l’ombre et par la plante fixatrice d’azote (N) Comptonia peregrina (L.) Coulter favoriseraient la présence de carpophores. Finalement, cette étude démontre que certains aménagements durables, et potentiellement rentables, pourraient être développés afin de favoriser la présence et une augmentation de la productivité d’espèces de champignons ECM généralistes.
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Pertinence de l’étude : Le dispositif expérimental utilisé pour l’étude sur la dermatose des russules (chapitre 2) était unique. En effet, des sentiers avaient été aménagés par les propriétaires du domaine où l’étude s’effectuait afin de favoriser la croissance de ce champignon. Cet aménagement original nous a permis de comparer la productivité de la dermatose des russules dans trois environnements différents (i.e. une forêt non aménagée, des sentiers et des bandes de forêt entre les sentiers) et de vérifier l’impact de cet aménagement forestier sur la fructification de ce champignon. Ainsi, nous avons montré que les carpophores étaient plus gros, mais moins nombreux dans les bandes de forêt entre les sentiers et plus petits, mais plus nombreux dans les sentiers, mais que la productivité du peuplement ne variait pas malgré ces différences. Le chapitre 2 de cette thèse a aussi mis en évidence pour la première fois les paramètres environnementaux qui influencent la productivité et la présence/absence de ce champignon en milieu naturel. Villeneuve (2000) suggérait que les carpophores de la dermatose des russules sont fréquemment trouvés ensevelis sous les débris de conifères et Bessette et al. (1997) affirmaient que les chemins forestiers favoriseraient leur présence ce que nos résultats ont confirmé en peuplements de pin gris. Finalement, nos observations ont indiqué que cette espèce généraliste possédait la capacité de fructifier à des endroits légèrement différents chaque année, ce qui lui faciliterait l’accès à des nouvelles sources de nutriments dans le sol.
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Philippe Plourde, auteur de Valorisation des champignons forestiers nordiques par l’étude de leur activité biologique pour des applications pharmaceutiques et cosméceutiques. (Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Chicoutimi, 2016) apporte quelques précisions :
Cependant, il y a un manque important de connaissances quant aux propriétés pharmacologiques et cosméceutiques de la majorité des champignons répertoriés au Québec. Plusieurs espèces comme le bolet des épinettes (Leccinum piceinum), la dermatose des russules, la trompette de la mort et la verpe de bohème (Ptychoverpa bohemica) n’ont jamais fait l’objet d’étude.
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La dermatose des russules (Hypomyces lactifluorum) est également appelée le « champignon homard » pour sa couleur orange vif. Il s’agit d’un ascomycète de la famille des Hypocreaceae résultant du parasitage d’un champignon du genre Russula ou Lactarius par Hypomyces lactifluorum. Cette espèce comestible peut être retrouvée dans toutes les provinces du Canada à travers la forêt boréale, ainsi qu’à plusieurs endroits aux États-Unis, au Mexique et au Guatemala (Rochon et al. 2009).
Son apparence déformée et irrégulière ainsi que sa couleur la rend particulièrement facile à identifier en milieu naturel (Kuo 2003 ; Umene et al. 2008). Sa taille est relativement importante, comparée aux autres espèces, pouvant aller de 15 à 35 cm de hauteur ainsi que de largeur pour le chapeau. On la retrouve généralement sur le bord des chemins de sables dans les forêts de pins gris et de sapins baumiers. Sa récolte s’effectue entre le mois de juillet et septembre (Gévry, Simard et Roy 2009). Jusqu’à présent, la littérature ne rapporte pas d’activité biologique pour ce champignon.
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Usages traditionnels :
Marie-France Gévry, Dany Simard et Guillaume Roy, auteurs de Champignons comestibles du Lac Saint-Jean (Édition Forêt modèle du Lac-Saint-Jean, 2009) classe sans hésiter la dermatose des russules dans les champignons « à haut potentiel gastronomique » :
En plus de la chanterelle commune et de la dermatose des russules, plusieurs espèces identifiées « à haut potentiel gastronomique » sont présentes dans la région du nord du Lac-Saint-Jean. Ces espèces se succèdent au fil des saisons en suivant les variations du climat.
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Au départ, le mycologue amateur devrait se concentrer sur les espèces faciles à identifier, pour éviter de s’intoxiquer malencontreusement. Les champignons à haute valeur gastronomique les plus facilement identifiables sont : la chanterelle commune, les bolets, la morille, le pied-de-mouton, la dermatose des russules, le pleurote et le coprin chevelu.
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Coquilles à la dermatose des russules :
Couper en morceaux différentes sortes de fruits de mer et poissons que vous préférez ;
Couper une dermatose des russules en tranches ;
Faire cuire les fruits de mer et le poisson dans du beurre, réserver le jus de cuisson ;
Faire cuire la dermatose dans du beurre avec un oignon haché jusqu’à ce que le champignon s’attendrisse. Faire dorer le champignon. Ajouter le persil haché.
Faire une béchamel avec 25 ml beurre et de la farine, ajouter l’eau de cuisson des fruits de mer et compléter avec du lait ;
Mélanger la béchamel, les fruits de mer et les champignons ;
Déposer dans les coquilles vides ;
Recouvrir le tout avec un excellent fromage de la région.
Dr Lucien Giacomoni, auteur d'un article intitulé "Hypomyces lactifluorum, le Champignon homard, un délice pour le palais." (In : Bulletin de l'Association Entrevalaise de Mycologie et de Botanique appliquée, n°60, 2015) assure la comestibilité de ce parasite :
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