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La Morue

Dernière mise à jour : 24 mars




Étymologie :


  • CABILLAUD, subst. masc.

Étymol. et Hist. Ca 1250 ichtyol. cabellau (Arch. comm. Lille, AA 155 n°2858 dans IGLF Litt.) ; 1278 cabillau (Chirogr., A. Tournai dans Gdf. Compl.) ; 1762 cabillaud (Ac.) Empr. au m. néerl. cab(b)eliau [néerl. kabeljauw], De Vries, Nederl., attesté dans un doc. flam. sous la forme cabellauwus (1163, Charte de Philippe comte de Flandre, Chambre des Comptes de Lille, Cartulaire de Flandre, 1 ch. 325 dans Du Cange t. 2, p. 8a).


  • MORUE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. a) 1260 ichtyol. morue (Etienne Boileau, Métiers, 271 ds T.-L.) ; b) xve s. [éd.] mollue (Viandier Taillevent, éd. J. Pichon et G. Vicaire, p. 95) ; 2. 1849 « prostituée » (Esn.). Peut-être issu d'un type prélittér. *molus ou *morlus, composé du celt. mor « mer » et de l'a. fr. lus, luz « brochet », v. merlu (FEW t. 5, pp. 436-437). Cf. aussi moruel, dimin. de morue, att. dès le xiie s. (Glossaire de Tours, 328 ds T.-L.), muluel (ca 1140, Geffrei Gaimar, Hist. des Anglais, 443, ibid.). L'ex. de 1036 de moluel, dér. de molu(e), gén. avancé pour étayer cette étymol., est tiré du cartulaire de Saint-Vaast d'Arras, éd. Van Drival (cité ds Fagniez t. 1, p. 57), publié d'après une copie du xvie s. (v. H. Stein, Bbg. gén. des cartulaires fr., n°208 bis).


Lire également les définitions des mots cabillaud et morue afin d'amorcer la réflexion symbolique.

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Anecdotes historiques :


Selon Paul Sébillot, auteur de Légendes et curiosités des métiers (Ernest Flammarion Éditeur, 1894) :


Il était interdit aux bouchers de vendre en carême et le vendredi : ceux qui enfreignaient cette défense étaient condamnés à être fouettés par les rues. Comme les malades pouvaient avoir besoin de viande, on accordait le droit d'en vendre à quelques bouchers, moyennant une redevance. A Saint-Brieuc, ce droit fut adjugé, en 1791, à un boucher, moyennant 900 livres. En 1126 , un boucher de Laon, qui avait vendu de la viande un vendredi, fut condamné par Barthélémy de Vire, évêque de la ville, à porter publiquement à la procession « une morue, ou un saumon s'il ne peut se procurer une morue. »

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


On a longtemps cru que la morue ou cabillaud avait une tête d'homme : c'est la raison pour laquelle « les marchands la lui coup[ai]ent avant de la mettre en vente ». Une croyance voulait aussi que « celui qui a[vait] été baptisé avec de l'eau de morue n'aura[it] pas de chance dans son existence ».

Ce poisson a près des ouïes deux arêtes ressemblant à « des lames courbées », qui s'appellent « esprits de morue » ou plus généralement « os de vérité » en raison de leur utilisation dans la consultation suivante : on jette en l'air cet « os », sans le regarder et en formulant une question : la réponse dépend de la manière dont il retombe sur le sol. En Bretagne, s'il se présente les deux extrémités en l'air, la réponse est favorable alors qu'en Seine-Maritime, c'est exactement le contraire.

Les Anglo-Saxons recommandent de porter sur soi les os de tête de morue car ils portent chance.

On croit également qu'une morue séchée et salée, suspendue dans une maison, sert d'indicateur météorologique : dès qu'elle s'humidifie, c'est qu'il va pleuvoir bientôt.

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Maïa Guillot, dans un article intitulé « « Axé Ilê Portugal » : parcours migratoires et religions afro-brésiliennes au Portugal », (paru dans la revue Autrepart, vol. 56, n°4, 2010, pp. 57-74) s'interroge sur l'empreinte portugaise dans les religions du candomblé et de l'umbanda :


[...] Bien plus, cet imaginaire transnational a des conséquences dans la pratique rituelle des religions afro-brésiliennes, dont la logique et la plasticité intrinsèques sont intelligemment révélées par l’analyse suivante de Pai Nando. S’étonnant qu’il n’y ait pas d’esprits portugais prenant possession du corps des médiums dans les terreiros au Portugal, il exposa pour son argumentation les réalités suivantes : « Les esprits présents dans le candomblé et l’umbanda ont un lien avec le Brésil, ils y sont nés et/ou y sont morts. Les pretos-velhos sont des esclaves en terre brésilienne ; les caboclos sont des Indiens brésiliens. Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir d’esprits portugais dans les terreiros du Portugal ? Chaque Portugais devrait avoir un guide spirituel qui soit de sa terre, un ancêtre. Par exemple, un homme de la région Alentejo (campagnard typiquement portugais selon lui) qui équivaudrait au boiadeiro brésilien (vacher, homme gardant les troupeaux de bêtes). D’ailleurs, les marinheiros (marins et navigateurs), ne pourraient-ils pas être portugais ? Et les pombas-giras (femmes manipulatrices des forces magiques divisées en « familles » dont l’une est tzigane), ne pourraient-elles pas être des Tziganes de l’Espagne limitrophe ou même du Portugal ? »

Cette plasticité et cette logique se sont trouvées réalisées dans les faits puisqu’Ismael Pordeus Jr. [2009, p. 141-145] a publié l’histoire de la « première » entité portugaise. Présente dans le terreiro de Pai Cláudio, cette entité symbolise pour l’auteur une « transnationalisation du panthéon luso-afro-brésilien » [ibid., p. 105]. Il s’agit du marinheiro Agostinho. Les marinheiros sont dans l’umbanda des esprits de marins, navigateurs, pêcheurs et hommes ayant découvert de nouvelles terres et eu une relation forte à la mer. Agostinho naquit au Portugal en 1874. Il travailla dans un premier temps comme pêcheur sur la côte portugaise puis s’en alla dans les mers du Nord pour pêcher la morue (bacalhau). La mention de ce poisson ne va pas sans rappeler sa consommation traditionnelle au Portugal. Enfin, Agostinho pécha sur la côte brésilienne et, transportant le poisson du Nord vers le Sudeste du Brésil, connut des terreiros. Il est mort en mer, « naufragé dans l’alcool ». Les marinheiros sont des esprits qui boivent beaucoup de whisky, vin ou cachaça brésilienne lors des rituels, et Agostinho n’échappe pas à la règle, à l’exception près que lui boit de la bagaceira, fameux spiritueux portugais. Ce qu’il faut donc retenir de ce récit, c’est qu’Agostinho est une production de l’imaginaire portugais : un marin aventurier, un « Portugais historique » [ibid., p. 144], un homme qui a voyagé, émigré et dont les artefacts, bacalhau et bagaceira, sont des symboles puissants de « portugalité ».

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Selon Bernard Saladin D’Anglure, auteur d'un article intitulé “Pijariurniq. Performances et rituels inuit de la première fois”. (publié dans la revue ÉTUDES/INUIT/STUDIES, 24, n°2, 2000, pp. 89-113, Québec : Département d'anthropologie de l'Université Laval) :


[...] La seconde période rituelle dans la vie de l'enfant allait des premiers petits services que garçonnets et fillettes pouvaient rendre à leurs proches, comme chercher de l'eau ou des broussailles pour le feu, ainsi que du tuage du premier petit animal, à la capture d'un animal de toutes les petites espèces d'oiseaux (bruant des neige, perdrix des neiges, etc.), de mammifères (lemming, marmotte de toundra, etc.) ou de poissons (chabot, morue, etc.).

[....]

Je voudrais souligner deux traits importants des rites de cette étape de vie : tout d'abord leur connotation sexuelle. C'est comme si les adultes, encouragés par l'accoucheuse, considéraient le petit garçon et la petite fille aptes au mariage et les poussaient à choisir un partenaire sexuel. Il s'agit en fait d'une préfiguration des rites de l'étape suivante, ceux qui ponctuent le passage du statut d'adolescent improductif à celui de producteur ou de reproductrice reconnus. Je reviendrai plus loin sur la distribution de cadeaux à la volée (parlaniq), qui dans la plupart des régions du Nunavik et du Nunavut est plutôt associée à la capture du premier gros gibier. Le second trait important est l'amplification d'une performance somme toute mineure, en faisant comme s'il s'agissait d'une performance majeure. Markusi Ijaittuq précise en effet :

Taima aqiggiriurmat, taitsumanialuk tuttuqarpatuviniummat [...] taima iqaluttuviniuppat taima ujuviniq, suurlu isumannguaq.

Ainsi lorsque quelqu'un avait tué une perdrix des neiges pour la première fois, autrefois, on disait qu'il avait tué un caribou [...] de la même façon s'il avait pêché un omble arctique pour la première fois, on disait qu'il avait attrapé un phoque barbu, on faisait semblant de penser cela.

Ces changements d'échelle pouvaient varier d'un groupe à l'autre, d'une région à l'autre. Ainsi pour Dalasi Taqqiapik, de Kangirsuk, c'était pour un lemming qu'on parlait de caribou ; à Igloolik, la prise d'un chabot de mer était considérée comme la capture d'un morse. Pour Davidialuk Alasuaq, de Povungnituk, la prise d'une morue était considérée comme celle d'un béluga. Et l'on partageait alors le petit animal comme on aurait partagé le gros animal. En fait, ces équivalences entre animaux de tailles différentes faisaient partie de l'univers ludique de l'enfant.

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


Le Cabillaud est activement à la recherche de lui-même ; lentement mais sûrement il détruit l'anonyme, l'informe, la nullité... pour aire place à un peu plus de "je". Il s'applique à chercher, il œuvre assidûment à se donner corps et forme. Au besoin, il fouette de la queue à gauche et à droite si quelqu'un, venant trop près de lui, s'avance pour taquiner ou capturer notre Cabillaud. Sans peine, sans sentiments de culpabilité, il chasse ceux qui voudraient se coller à sa peau. « Laisse-moi donc tranquille », dit-il avec l'aisance nécessaire, sans se demander si l'autre se sent blessé ou non. Il sait quoi faire, comment s'y prendre pour se trouver de plus en plus, pour se donner une chance de progresser, de grandir...

Celui qui a envie de ce type de poisson a besoin de se frayer un chemin plus "librement", de foncer avec plus de détermination sur son but à lui, au lieu de toujours devoir tenir compte d'autrui. Parfois, il est obligé de semer les autres pour pouvoir aller son chemin plus directement, plus sincèrement. Point n'est besoin pour lui de toujours se sentir obligé, pas plus qu'il ne doit se pendre aux basques de l'autre par sentiment d'incertitude. Il doit commencer par se rendre "libre". A partir de cette liberté, il pourra alors aider autrui de son plein gré, lorsqu'il sent que c'est juste pour lui. Il ne doit tolérer aucune intrusion de parasite ni parasiter lui-même. Il doit avant tout s'affirmer davantage, se donner davantage corps à lui-même. Il devra s'occuper de lui-même et non sempiternellement des autres....

C'est seulement lorsqu'il se sera trouvé dans sa solidité, lorsqu'il se sera donné la forme nécessaire pour lui, lorsqu'il se rendra Pleinement Compte que « JE suis ici, je suis on, je vais mon chemin, je suis un être qui existe vraiment sur cette Terre, ans dépendre de qui ni de quoi que ce soit... », c'est alors seulement qu'il pourra aller vers les autres en toute liberté, de sa propre initiative. Il doit d'abord s'affranchir, se dégager d'un tissu de toutes sortes de règles, d'institutions et de personnes qui lui collent à la peau du fait qu'il les a tolérées depuis si longtemps. Il va d'abord se tracer la voie, seul, indépendamment des autres. Il sentira sa "peau" s'épanouir, briller. Il pourra respirer librement. Il sentira ses poumons se dilater. Il cessera de se sentir angoissé, suffoqué, oppressé... il ne sentira plus ses énergies lui monter à la tête par flambées compulsives, lorsqu'il cessera de s'emprisonner dans toutes sortes de mécanismes gluants... : ses énergies seront bien utilisée d'une façon régulière, pourvu qu'il cherche et aille SON chemin dans un esprit de liberté et d'indépendance. La peau se libère enfin... on se sent bien, avec beaucoup d'oxygène dans le corps... On pourra désormais se mouvoir sans contrainte dans la vie.

Le Cabillaud est par nature calme, réfléchi, sûr de lui. Il prend le temps de "mastiquer" tranquillement les choses, sans se laisser forcer par personne à agir ou à décider plus vite qu'il n'est bon ou sain pour sa nature. Il ose prendre son temps pour goûter certaines choses, pour les ressentir à fond, pour bien y réfléchir.

A suivre

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Littérature :


Dans La Citrouille a besoin de vous (Anatolia Editions, 1994 pour la traduction française) P. G. Wodehouse dépeint un Lord anglais dont le sentiment paternel est quelque peu étrange :


Un brusque froncement de sourcils vint plisser le front serein de Lord Emsworth. Il en était généralement ainsi chaque fois qu'il apercevait Freddie, car au fil des années le jouvenceau en question était devenu un fardeau de plus en plus lourd à porter pour un père que tenaillait l'angoisse.

A la différence du cabillaud qui, lorsqu'il se trouve à la tête d'une belle famille de trois millions cinq cent mille petits cabillauds, prend joyeusement la résolution de les chérir tous, l'aristocratie britannique a tendance à regarder ses fils cadets d'un œil plutôt torve. Et Freddie était de ces fils cadets qui semblent inviter tout particulièrement les regards réprobateurs.

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