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La Levure




Étymologie :


  • LEVURE, subst. fém.

Étymol. et Hist. 1. Av. 1188 lieveure « élévation, éminence » (Partonopeus de Blois, éd. J. Gildea, Appendix I, 1732, t. 1, p. 469 [ms. 1remoitié xiiie s.]) 2. 1419 leveure « substance provoquant la fermentation » (Edits de police de Montreuil-sur-Mer, éd. G. de Lhomel, 7 ds Fonds Barbier) ; 1611 leveure de biere (Cotgr.) ; 3. 1642 leveure de lard (Oudin Fr.-Ital.) ; 4. av. 1680 chasse et pêche levure de filet ([F. Fortin], Les ruses innocentes c. 5 ds Rich. : faire la levure d'un filet). Dér. de lever1* ; suff. -ure*. Cf. lat. médiév. levatura « mélange d'herbes employé pour la fermentation de la bière » (1042 ds Nierm.) ; a. esp. levadura (1220-50, Berceo ds Cor.); a. prov. levadura « levain » (xive s., Hist. abrégée de la Bible, fo28 ds Rayn. t. 4, p. 64a).


Lire également la définition du nom levure afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Saccharomyces cerevisiae - Levure de bière -

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Mycologie :


Caroline Castan dans sa thèse de doctorat intitulée La levure de bière : un champignon aux multiples bienfaits pour la santé et la beauté. (Université de Montpellier, 2016) nous rappelle ce que sont les levures :


On appelle levures tous les champignons microscopiques unicellulaires de forme sphérique ou ovoïde se multipliant par bourgeonnement, quelles que soient leur place dans la classification et leurs propriétés fermentaires. Le terme de levure (du latin levare = rendre léger) rappelle ses capacités à « faire lever » les pâtes panifiables.

Parmi elles, la levure Saccharomyces cerevisiae est le premier eucaryote dont le génome ait été complètement séquencé (en 1996). Elle apparait comme l’un des organismes modèles parmi les plus utilisés en génétique grâce à sa rapidité de développement, ses populations importantes et son bas coût de propagation. [...]

Ils sont cependant caractérisés par un certain nombre de caractères fondamentaux :

  • Ce sont des organismes eucaryotes.

  • Ils ont un mode de vie hétérotrophe.

  • Ils ont un appareil végétatif ramifié, diffus et tubulaire.

  • Ils se reproduisent par des spores.

Cet ensemble comprend : les champignons-algues, les champignons-animaux ou champignons amiboïdes et les champignons « vrais » ou Eumycètes.

Les champignons « vrais » ou Eumycètes se caractérisent par trois caractères supplémentaires :

  • Ils se nourrissent par absorption.

  • Les spores sont non flagellées (ou exceptionnellement uni flagellées).

  • Ils ont une paroi cellulaire chitineuse.

Les Eumycètes représentent un groupe monophylétique formé de cinq taxons : les Chytridiomycètes, les Zygomycètes, les Gloméromycètes, les Ascomycètes et les Basidiomycètes.

[...] Les Hémiascomycètes [dans les Ascomycètes] constituent un ensemble artificiel qui regroupe les classes des Taphrinomycètes et des Saccharomycètes : ils se distinguent essentiellement par des caractères moléculaires.

Les Saccharomycètes, dont cent soixante espèces sont connues, se limitent principalement à la famille des Saccharomycétacées. Ainsi, la levure de bière, Saccharomyces cerevisiae, est un Ascomycète appartenant à la classe des Saccharomycètes et à la famille des Saccharomycétacées. [...]


La levure possède une grande valeur nutritive en raison de sa teneur élevée en protéines, en vitamines (plus particulièrement du groupe B), en sels minéraux et en oligo-éléments.

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Propriétés médicinales :


Marie Rampin, propose une synthèse des vertus thérapeutiques de la Levure de riz rouge dans Champignons "médicinaux" : de l'usage traditionnel aux compléments alimentaires. (Thèse d'exercice en Pharmacie, Université Toulouse lll - Paul Sabatier, 2017, pp. 66-68) :

































Et également de la Levure de bière :


























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Usages traditionnels :


Dans sa thèse de doctorat citée précédemment, Caroline Castan dresse un historique des usages humains de différentes levures :


Bien avant de découvrir le rôle des micro-organismes dans la transformation de la matière vers le milieu du 19ème siècle, l’homme a utilisé les propriétés des levures de façon purement empirique. En effet, c’est en Egypte que le premier pain aurait levé par fermentation naturelle d’un mélange de farine et d’eau abandonné pendant plusieurs jours. D’après les archéologues, les plus anciennes traces remontent à 7000 ans avant J-C en Chine et à 5500-5400 ans avant J-C en Mésopotamie [1].

Le « papyrus Ebers » est le traité de médecine le plus ancien qui nous soit parvenu ; il aurait été rédigé sous le règne du pharaon Amenhotep 1er entre 1500 et 1600 avant J-C. Le « papyrus Ebers » contient huit cent soixante-dix-sept paragraphes et décrit les formules des remèdes utilisés pour diverses pathologies. Il atteste déjà de la présence de la bière dans la pharmacopée égyptienne de l’époque, qui concerne plus de cinq cents substances provenant du règne végétal [2, 3].

En Egypte, la bière connait un grand rayonnement grâce aux immenses étendues de culture de l’orge : sa fabrication est alors dirigée par des brasseurs. A cette époque déjà, les femmes s’en servent pour son action bénéfique sur la peau et le teint. Les Babyloniens honoraient Nidaba, la déesse de la bière et de la levure, pour ses pouvoirs de guérison [2].

Quant aux Gaulois, ils préparaient le pain grâce à de l’écume de bière, c’est-à-dire de la levure remontée à la surface pendant la fermentation. La bière de la Gaule antique s’appelait cervisia (cervoise), nom dérivé du mot celte désignant la force (vis) et de la déesse des moissons Cérès. Les femmes avaient pour obligation, au sein du foyer, de préparer quotidiennement la cervoise et le pain pour leur famille [2].

Au Moyen-Age, la culture de l’orge et la fabrication de la bière ont été dirigées par les métairies royales puis par les monastères : une véritable industrie de la brasserie s’est alors développée jusqu’au 13ème siècle. Les moines, qui soignaient les lépreux, ingéraient de la levure de bière afin de ne pas être contaminés. On l’utilisait également pour guérir les personnes atteintes de scarlatine ou de rougeole [4, 2].

C’est en 1680 que le père de la microscopie scientifique, le naturaliste hollandais Antonie Van Leeuwenhoek observe pour la première fois des globules de levure de bière. Il explique dans un de ses mémoires, intitulé : De la fermentation de la Bière, que la levure de bière est formée d’une agglomération de globules vésiculeux qui en contiennent de plus petits [5].

En 1810, le physicien français Louis-Joseph Gay-Lussac énonce l’équation chimique de la réaction globale de la fermentation alcoolique [6].

En 1837, avec les progrès de la microscopie, le physicien français Charles Cagniard de Latour reconnait les levures comme des organismes vivants, responsables de la fermentation alcoolique et se divisant par bourgeonnement. La même année, le naturaliste allemand Theodor Schwann, un des inventeurs de la théorie cellulaire, confirme ces travaux [7].

L’année suivante, Franz Meyen nomme la levure de bière Saccharomyces cerevisiaesaccharo = sucre, myces = champignon, et cerevisiae = « qui vient de la bière » [8].


Références : 1. Sicard D, Legras J-L. Bread, beer and wine : Yeast domestication in the Saccharomyces sensu stricto complex. 2011 ; 334 : 229-236.

2. Maggiar A. La levure de bière. Escalquens : Dangles, 2014, 80 p.

3. Bonnemain H. "La thérapeutique dans l’ancienne Égypte : Thierry Bardinet, les Papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique." Revue d’histoire de la pharmacie. 1998 ; 86 (319) : 345- 351.

4. Lefief-Delcourt A. La levure de bière c’est malin. Paris : LeducS Editions, 2011, 151 p.

5. Collectif. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences. 1838 ; 7 (55) : 396.

6. Coutouly G, Klein E, Barbieri E, Kriat M. Travaux dirigés de biochimie, biologie moléculaire et bioinformatique. 4ème édition. Rueil-Malmaison : Doin, 2006, 372 p.

7. Thuriaux P. Les organismes modèles, la levure. Paris : Belin, 2004, 282 p.

8. Silar P, Malagnac F. Les champignons redécouverts. Paris : Belin, 2013, 232 p.

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Symbolisme :


Galina Kabakova, dans un article intitulé "A propos de doux baisers et de larmes amères : notes sur la gastronomie du corps". (In : Cahiers slaves, n°9, 2008. Le corps dans la culture russe et au-delà. pp. 79-91) étudie la manière dont la langue traduit les préférences culinaires :


L'analyse du rite nuptial qui sanctionne les changements dans le statut physiologique et social des jeunes mariés montre la pertinence et l'ambiguïté de la fermentation qui sert de métaphore aux changements vécus par le corps. Les ethnologues ont déjà abordé le code culinaire dans la description du corps de la mariée en mettant en parallèle la fabrication du gâteau nuptial et celle de la jeune femme. Je voudrais relever les termes culinaires qui introduisent le thème de l'aigre ; mis en rapport avec les éléments essentiels du repas de noces, le pain et la pâtisserie, d'un côté, et la bière, de l'autre, il a des développements très différents.

11 est bien connu que pour faire le karavaj, on commence par la pâte. Mais la pâte n'est pas le gâteau, el les fiançailles ne sont pas encore le mariage. C'est pourquoi on dit des marieurs qui n'ont pas obtenu l'accord de la famille de la jeune fille, qu'ils prišli s oparoj « reviennent avec de la pâte » ; nalit ' opary v sapogi] « verser la pâte dans les bottes » signifie aussi 'refuser', et kvasiť nevestu 'ne pas donner en mariage la jeune fille' (Pskov, Jaroslav!', Tver').

Ainsi la situation est pleine de contradictions. A mon avis, il s'agit de deux types de fermentation. Dans le cas de la pâte, nous avons affaire à une fermentation rapide, tandis que la fermentation de la bière et du kvas est plus lente. « Préparer la bière ou le malt trempé » est le synonyme de la préparation du mariage en Russie (en Bulgarie, on disait zakvašivať svad'bu « fermenter le mariage »). Les récits ethnographiques expliquent que la fille ne souhaitant pas se marier s'introduisait dans une brasserie pour y éteindre le feu ou renverser la cuve, en espérant empêcher ainsi la cérémonie. Au contraire, celle qui voulait rapprocher le mariage préparait en cachette le moult de bière, le sortait dans la rue en espérant que le fiancé viendrait avant que la bière soit faite. Dans les régions de Vologda et de Kostroma, le cadeau du fiancé consistait en douceurs et en moult.

Au sujet de l'aigre, il faut également citer la terminologie des participants de noces : kislyj "membre de la suite du fiancé qui porte l'alcool qu'on offre aux invités et aux passants", kislica "une des demoiselles d'honneur, ou ailleurs, la marieuse qui accompagne la mariée à l'église" (Vladimir). On peut expliquer l'apparition de ces termes par le rôle que joue la bière : on ne la sert pas à boire aux invités tant que le mariage n'est pas consommé pour ne pas gâcher la vie aux jeunes. Par ailleurs, on juge de l'avenir du couple d'après la qualité de la bière.

Ainsi, aux noces, la fermentation correcte nécessaire pour la fabrication de la pâtisserie et de la bière - et métaphoriquement pour préparer le jeune couple à son nouveau rôle - est tout à fait positive et inévitable. Plus le karavaj ou la bière monte, mieux c'est pour les jeunes. Dans ce cas-là, la fermentation équivaut à une transformation correcte. L'homme qui ne l'a pas subie est considéré comme immature, inachevé, ce qui peut s'exprimer par le biais de l'image de la nourriture insipide ou faite sans levain : presnoe moloko (« lait frais ») en parlant d'un très jeune homme (Perm'), presnuha "une jeune fille ou une femme grosse" (Jaroslavl'), presnoj "faible" (Novosibirsk), presnec "un homme rondelet et maladif' (Arhangel' sk).

Ces références à la fermentation dans le discours sur le corps humain apparaissent également en dehors du contexte des noces. En parlant des aliments, le verbe kisnuť "devenir aigre" est synonyme d'altération. Et l'homme « aigri » est associé de façon explicite ou implicite à quelques substances sujettes à la transformation. Le verbe kisnuť acquiert une connotation positive ou négative en fonction de la comparaison établie entre l'homme et le champignon, le miel ou la pâte. La comparaison avec la transformation de la pâte implique l'idée de la croissance, de l'augmentation de la force physique : kisnuť kak na opare (« fermenter comme avec du levain ») "devenir plus fort, plus viril" ; "grandir vite (en parlant des enfants), grossir" (Sibérie) et même "se la couler douce" (Arhangel' sk).

Certains procédés de la médecine populaire se réfèrent à l'analogie entre la pâte qui monte et l'enfant qui grandit. On place un enfant malade ou celui qui accuse un retard dans son développement sous le pétrin et prononçant ces paroles : « Comme mes pains ont fermenté, il faut que toi, mon bébé, tu fermentes (grossisses) ; comme mes pains montaient, il faut que toi, mon bébé, tu marches ; comme moi je parle, il faut que tu parles » (Tula). Rappelons également le rituel d'enfourner un enfant chétif dans le four tiède afin de le « recuire ».

Dans la plupart des cas, kisnuť signifie "se détériorer, devenir aigre, suppurer" ou "se tremper" (cf. kislodušij "l'homme qui a une mauvaise haleine" (Kargopoľ), kislogubyj "aux lèvres charnues, pendantes" (Onega, Novosibirsk), ukr. kislookij "aux yeux chassieux".

Kisnuť c'est aussi "être mou, perdre la force, vieillir", et même "mourir" (« Mon mari n'a pas vécu longtemps, il a aigri, kisljak », kisljak signifiant "homme faible et malade" (Carélie) ou "abattu, déprimé, apathique" (Rjazan', Novgorod). Le verbe kisnuť suggère la présence sans mouvement dans un endroit, souvent dans un espace fermé, l'inaction. Il entre en corrélation avec le verbe transitif kvasit' qui, dans certains parlers, signifie "laisser se détériorer, par exemple, ne pas donner en mariage une jeune fille" (Pskov, Jaroslav!', Tver') ou encore "garder dans la maison, ne pas laisser sortir un enfant" (Moscou). Les deux verbes impliquent la comparaison ; en fonction de l'objet de comparaison, la sémantique de l'aigre et de la fermentation peut changer radicalement. Kisnuť comme un champignon signifie toujours "se détériorer physiquement et spirituellement, suer, perdre l'assurance, la vigueur, devenir triste, indifférent, vieillir, s'approcher de la fin", vykisliťsja, vykisnuť "atteindre la vieillesse" (cf. « Je suis née ici, « devenue aigre » (vykislilas'), vieille, je vais mourir ici » - Carélie). Dans le Nord, le verbe ogribeť "décliner" peut acquérir les mêmes significations que kisnuť . « Cette année, je suis devenue comme un champignon, je tombe malade plus souvent » ; tandis qu'à l'aube de la vie l'analogie avec les champignons est plutôt positive : « les enfants poussent comme les champignons (lycoperdons).

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